Smoke and mirrors | ft Theon

Un rayon de soleil avait sorti Waldon d’un sommeil lourd, enivré par la soirée de la veille. Les draps étaient froids à ses côtés, signe que Kella était déjà levée, probablement réveillé par ses ronflements dû à un abus d’alcool la veille. Il s’extirpa du lit en grognant, sa tête tournant violemment si bien qu’il faillit retomber dans les draps tels une étoile de mer échouée. Il avait l’impression que son crâne était transpercé par du fer chauffé à blanc. Il tituba tant bien que mal à une bassine d’eau posé sur une commode et y plongea la tête la première. Le contact de l’eau froide sur sa peau l’électrifia, le réveillant totalement sans pour autant lui enlever son mal de crâne et son envie de vomir ses tripes sur le sol. Il se redressa en inspirant profondément, les gouttelettes d’eau ruisselant le long de son cou et de son torse imbibant le tissu qui le recouvrait et qui dégageait une forte odeur de transpiration nauséabonde. Il grimaça et retira la chemise souillée qu’il envoya en boule dans un coin. Il tira sa carcasse vers la malle où était censé être rangé ses affaires propres mais quand il l’ouvrit : rien. Du moins, il n’y avait pas de chemise propre. Un grognement s’échappa de sa gorge.
« KELLA ! »

Il se laissa retomber dans la couche, assis. Il était un déchet et était complètement pitoyable.
« KELLA ! » rugit-il pour la seconde fois.

La porte s’ouvrit et la chevelure rousse de son épouse apparue.
« Où sont mes chemises ? » demanda-t-il

Il leva ses yeux vers elle.
« Dans la malle. » répondit-elle en la désignant avant de croiser les bras sous sa poitrine.
« Si je t’appelle, femme, c’est QU’ELLES N’Y SONT PAS ! » rugit-il de frustration et de colère.

Quelques années plus tôt, la née Orquebois se serait ratatinée. Mais elle resta plantée devant la porte à le regarder. Il dodelinait d’avant en arrière à cause de son mal de crâne et ses vertiges causés par l’abus d’alcool de la veille.
« Et ? Je suis pas ta p’tain de servante Waldon ! débrouille toi ! »

Heureusement pour elle, le Wynch n’était pas suffisamment maître de ses gestes et de sa tête, car il l’aurait probablement assassiné du regard et attrapé à la gorge pour lui rappeler sa place. Mais il ne fit que lui jeter un regard noir.
« Trouve m’en une ! TOUT DE SUITE ! »

Elle soupira avant de tourner les talons, il n’avait à ce moment-là rien d’un seigneur fer-née mais plutôt d’un charlatan ivrogne. Il se laissa retomber complètement dans les draps et s’endormit quasiment aussitôt, il n’entendit pas Kella revenir avec une chemise propre probablement emprunté à Baelon ou Sygon.

Quand il se réveilla, le soleil était eau dans le ciel des îles. Il secoua la tête en se frottant les yeux. Ses idées étaient plus limpides et son mal de crâne moins fort. Il vit le vêtement qu’il avait demandé, proprement plié à côté de la bassine d’eau. Il se leva sans difficulté cette fois ci et l’enfila. Il finit de s’habiller, cherchant ses affaires à droite et à gauche. Il cacha ses cheveux rebelles et gras sous un tricorne ne trouvant pas de lanière de cuir pour les attachés. Il sortit de la chambre et attrapa un matelot qui passe par là.
« Apporte-moi un repas d’ma cabine ! »

Le marin acquiesça et disparut rapidement. Son estomac criait famine et gargouillait viollement. Il alla dans la cabine du capitaine de son navire et il y trouva Kella mais également son oncle. Surpris, Waldon resta un moment immobile sur le pas de la porte. Il jeta un regard à son épouse qui signifiait « pourquoi tu ne m’as pas réveillée ?!! » mais celle-ci inspectait ses ongles comme si de rien était. Maudite bonne femme.
« Mon oncle, que me vaut l’honneur de ta visite sur mon bâtiment ? »  Demanda-t-il d’un ton mielleux.

Il alla s’assoir derrière son bureau, attrapant au passage un pichet d’eau dont il se servit un gobelet. Il avala le liquide clair rapidement, soulageant son organisme.
« Je voulais savoir quand tu rentrais à Holt de Fer ?
- Quand j’le voudrais. Pourquoi ? »

Waldon plissa les yeux suspicieux de la demande de Deoron, capitaine du fer du Roi. Avant que son oncle ne réponde, le matelot qu’il avait attrapé quelques minutes plus tôt entra avec une assiette et du pain. Il sembla gêné d’interrompre la conversation mais le seigneur Wynch lui fit signe de venir lui donner son repas avant de disparaître.
« Un message de ta sœur. Elle veut te voir, elle dit que c’est au sujet du prince. Mais elle n’a pas précisé lequel. »

Waldon eut un sourire en coin amusé tout en mangeant le contenu de son assiette, bien moins appétissant que ce qu’il y avait au banquet de la veille mais qui colmaterait son estomac.
« J’y pass’rai avant d’partir. Kella raccompagne m’oncle. »

Deoron leva les yeux au ciel et prit la direction de la sortie suivit par Kella qui cacha son expression aux yeux de son époux. Waldon se retrouva seule et profita de cet instant de calme et de silence pour finir de se restaurer. Alyssa s’était montré futée encore une fois, elle offrait une opportunité à Waldon de rencontrer le prince au cœur même du château de Pyk sans que cela soit suspect. Brillant.

Il régla quelques affaires qui l’attendait depuis la veille avant de prendre la direction de Pyk. Il était désormais plus réveillé, avec un crâne qui tambourinait moins violemment. Il pénétra dans l’enceinte du château qui prenait racine dans les falaises de l’île. Le climat abrupte empêchait même le lierre de pousser le long des parois humides. Il déambula jusqu’à tomber sur le prince Theon en personne. Le fer-né s’inclina légèrement face au fils du Roi.
« Votre Altesse » salua-t-il avec toujours autant de miel dans sa voix « J’espère que les festivités vous ont plus, bien que je doute que cela devait être moins exotique par rapport à ce que vous avez en Essos. »

Waldon connaissait un peu le continent de l’Est, il avait rencontré Mysaria là-bas, à Lys, tombant sous le charme de cette belle muse dans un salon gorgée d’or d’un riche marchand. Waldon l’avait récupéré par le fer-prix, l’homme refusant de céder la belle lysienne. La lysienne avait gagné son affection en un seul clin d’œil. Et malheur à celui qui oserait poser sa main sur elle. Il déverserait sa haine et sa rage contre le pauvre bougre, le moment serait horrible à n’en point douté mais Waldon exalterait de cette situation.

Il revoyait les flocons de neige tombant sur Winterfell, la cour intérieur du château recouverte d'un tapis blanc qui ne manquerait pas de fondre dès le début du ballet quotidien de la maisonnée. Dans un monde idéal, et pendant plusieurs années, il avait imaginé qu'il demeurerait la-bas, à Winterfell. Qu'après plusieurs années à leurs côtés, les Stark finiraient par l'adopter pleinement en lui offrant la main de Sansa. Lorsqu'au plus noire de la nuit, les souvenirs de Pyk ne suffisait plus à le réchauffer, il imaginait son existence en tant que membre de la famille et non plus en tant qu'otage, il imaginait le regard plus fraternels des enfants Stark, les blagues peut être trop cruelles qu'il pourrait faire à Jon et la vie qu'il aurait eu avoir auprès de l'aînée de Lord Eddard. Bien sur, il n'était pas question de la ramener à Pyk, pas tout de suite du moins : ils seraient restés à Winterfell où elle lui aurait donné un fils, qu'ils auraient probablement appelé Eddard. Puis, lorsque son père aurait remarqué combien son absence était lourde, ils serait rentré dans les Iles. Elle aurait eut le mal du pays, il lui aurait promis des allers-retours réguliers dans le Nord, il lui aurait promis de faire d'elle une reine et, lorsqu'enfin l'indépendance obtenue aurait rendu aux Iles leur statut de royaume, il aurait été adulé pour l'existence de cette alliance avec la puissante région du Nord. C'était généralement dans ces instants là qu'il finissait par se réveiller, son regard d'encre se posant sur le manteau blanc de la cour enneigée, le ramenant à une réalité où Lady Catelyn l'évitait tout au plus et où il finirait par aller chaparder de la bière au cuisine, entrainant Jon dans ses aventures. Cela faisait longtemps que Theon n'avait plus pensé à ce vieux rêve. Depuis le mariage de Sansa à l'un des innombrables rejetons Nerbosc dont il ignorait ce que les Stark avait bien pu lui trouver mais qui, s'il en croyait le monologue enragé d'un Maron Volmark toujours aussi agacé par son séjour conflanais de la dernière décennie, lui valait désormais le titre de Dame de Vivesaigues. Grand bien lui fasse, s'était dit le Greyjoy tandis que, noyant la légère amertume de l'adolescent qu'il avait été dans sa choppe, il pouvait au moins se vanter d'avoir obtenu le titre de prince là où Humfrey, Harrold, Howard ou il ne savait de quel nom ridicule le Nerbosc se voyait affublé ne resterait tout au plus qu'un petit seigneur d'un fin fond de foret, loin de toute civilisation, de toute fortune et de tout intérêt. Theon avait totalement cessé d'écouter le discours de son beau-frère, lequel rebouclait sur la nouvelle grossesse de son épouse et sa jubilation à l'idée de prendre Nerbosc seigneur à son propre jeu, entamant définitivement son humeur.


Comme à chaque fois qu'il était contrarié, Theon finissait inlassablement par revenir à Ygg. Compagnon d'une route bien longue, la créature semblait, par moment, bien le comprendre mieux que les humains et partageait, avec son dragonnier, le même sale caractère. D'un noir de nuit, il avait survolé Pyk quelques heures avant que le navire n'accoste à Lordsport et Theon ne l'avait plus revu depuis. Il était dans la cour, admirant les travaux que sa mère lui avait tant vanté. Ces derniers incluaient un renfort des structures désormais capables de supporter un nouveau siècle d'éléments déchaînés et, bien que cela n'ait pas été prouvé, le poids d'un dragon. Le prince doutait quelque peu de cette dernière affirmation mais Alannys avait été tellement heureuse de lui conter les promesses de ce renouveau qu'il n'avait pas eut à coeur de la contredire. Elle avait finit par le laisser, appelée à d'autre occupation tandis que Theon réfléchissait aux endroit où Ygg était susceptible d'aller faire son nid. La grotte de ses jeunes années était désormais sans doute trop petite pour le volume que plus de quatre années de plein air lui avait fait gagner et le climat d'Essos était bien plus clément que l'humidité ambiante des grottes de Pyk. Allons, songea le prince avec lassitude, cette bestiole n'en faisait qu'à sa tête. Conscient qu'Ygg finirait par revenir lorsqu'il aurait saccagé un ou deux bancs de phoques, et probablement chipé un mouton sur Harloi, il songea à la manière d'amener le nouveau régime alimentaire que le dragon ne manquerait pas de couter à sa famille et à son peuple. Les insulaires n'étaient pas, par nature, de grands cultivateurs ou éleveurs de bestiaux. La devise des Greyjoy s'appliquait à la majorité des vieilles familles des iles et il n'était pas dans leurs habitudes de semer, d'éléver ou de faire quoi que ce soit qui leur aurait permit d'être auto suffisant. Les richesses des pillages qui ne permettait de subvenir aux besoin des hommes finissaient en général par être revendues, permettant l'achat de vivre, de tissus ou de tout ce qu'ils ne pouvaient, savaient, produire par eux même. Ainsi, si le dragon s'amusait à décimer le peu de bêtes qui vivaient sur les iles de l'archipel, la maison Greyjoy souffrirait sans doute du mécontentement de ses sujets et Theon ne voulait pas voir se mécontentement lui revenir en pleine tête lorsque Balon Greyjoy chercherait le coupable. Il soupira tandis qu'une main passa dans ses cheveux courts - face à la rudesse du voyage et à la chaleur des contrées de l'été, il avait rapidement abandonné l'idée de les garder longs- il avait fort à faire maintenant qu'il était de retour. Contre toute attente, Pyk n'était pas la seule entité à avoir connu des bouleversements en son absence et il était indispensable qu'il se familiarise avec tous les changements qui avaient eut lieu durant son long voyage. En tête de liste de ses priorités se trouvait également l'inévitable discussion avec Alana qui le plongeait déjà dans une épuisante lassitude.

Il se demandait encore comme réussir à coincer son épouse dans une pièce du château sans qu'elle ne soit entourée de ses dames qui ne la quittaient jamais lorsque dans le paysage gris se détacha la silhouette du seigneur de Holt de Fer. Theon se souvenait vaguement l'avoir vu tourner dans le grand hall mais la fête avait amené tellement de monde qu'il n'était pas certain d'avoir eut l'occasion de lui adresser un mot durant le banquet. Entre deux tentatives d'échapper à Maron Volmark ou à la mauvaise humeur de son épouse, Theon avait tenté d'approcher le Maisonpierre mais lorsqu'il avait été sur le point de lui adresser la parole, Alannys Greyjoy s'était dressé entre lui et le père de Volka. La reine n'avait jamais été d'un naturel autoritaire. Brin de femme éprouvé par la vie, elle portait sur elle les drames qui avaient ponctué son existence et quoi que trois ans la cadette de son époux, elle en paraissait pourtant dix ans de plus. Aimante, bienveillante, protectrice, Theon n'avait jamais particulièrement redouté sa mère bien qu'il lui reconnaissait un certain talent lorsqu'il s'agissait d'imposer sa façon de voir les choses, généralement auprès de ses enfants. Mais la colère qui animait Alannys lorsqu'il avait voulu s'adresser au Maisonpierre avait dissuadé Theon de faire le moindre geste en leur direction. Trop tôt, avait-il songé, pour cette famille qui avait perdu leur fille sans avoir pu lui faire leurs adieux, par sa seule et unique faute. C'était l'idée avec laquelle il avait fini par s'endormir, passablement aviné, hanté par le visage de Volka avant que les traits de l'insulaire ne prennent la forme de ceux de Sansa. Au petit matin, une toute autre raison était venue le frapper : parler aux Maisonpierre reviendrait alors même qu'Alana lui témoignait son mécontentement serait un signe terrible envoyé à l'égard de leur mariage. Theon songea également qu'une conversation avec la famille de sa défunte maitresse mènerait à évoquer Veron et ce n'était pas un sujet qu'il pouvait se permettre d'aborder tant que la situation avec sa princesse n'était pas réglé.  « Seigneur Wynch. » salua le prince d'un signe de tête. Cela lui rappelait une vieille conversation, des années plus tôt, brusquement interrompu par un cheval. « Certainement ! Mais il n'en d'meure pas moins agréable de r'trouver l'chemin d'chez soi. » dit-il, presque un écho à ce qu'il avait passé la soirée à répéter. C'était un Theon nouveau qui était revenu sur les Iles, un Theon qui avait prit gout aux journées en mer autant qu'aux escapades aériennes sur le dos d'Ygg, survolant les mers herbeuses du continent sans trop s'enfoncer pour autant dans les terres. Un tout nouveau point de vue s'était offert à son regard tandis que, laissant son équipage contourner les ruines toujours fumantes de Valyria, il avait prit la voie du ciel, s'imaginant le nombre d'empire qui s'étaient élevés et avaient chuté sur ces terres que l'ombre d'Ygg recouvrait, filant à travers le vent.  « J'espère qu'vous avez vous même pu prof'ter du banquet ? Mes r'merciements pour vo't présence. » ajouta-t-il tandis qu'il se souvenait l'avoir vu s'éclipser avec l'une des femmes qui entouraient Alana au début de la soirée. Il n'avait pas souvenir d'avoir jamais vu celle ci et ignorait s'il s'agissait d'une parente, d'une maitresse ou d'une simple connaissance mais le Wynch avait, de toute évidence, passé une très bonne soirée et, comme de nombreux autres convives -dont il faisait parti quoi qu'il ne l'admettrait jamais - le payait au petit matin.