It is not titles that honour men, but men that honour titles.

Aladore n’aimait définitivement pas les tournois. Jamais il n’avait pas participé. Jamais son père ne l’aurait autorisé de toute manière. Aladore était un chevalier bien maladroit qui n’aurait aucune chance face aux chevaliers aguerris qui participaient régulièrement. Il se contentait donc d’observer, d’admirer, de supporter. Car même s’il n’aimait pas cela, il ne pouvait échapper au jeu de se demander qui l’emporterait dans telle ou telle épreuve. Il n’était véritablement pas un homme comme les autres et aujourd’hui, il assumait pleinement les facettes de sa personne. C’était en parti et principalement grâce à son épouse qui lui donnait la force nécessaire de survivre dans la société impitoyable ouestrienne. Tandis que Melior devait sûrement se trouver en charmante compagnie féminine, Aladore s’occupait des jumelles. Pour cette occasion également, le père de famille retrouvait sa petite Melessa, toujours pupille de lady Alyce. Elles avaient bien grandi et en les voyant, Aladore repensait à leur petite Delena. Ils ne l’avaient pas connu mais depuis cet événement tragique, Aladore lui avait fait malgré tout une place dans son cœur. Il était fier de ce que devenaient ses enfants. Bertram était un beau jeune homme, écuyer du seigneur de Solfoyer, et amené à devenir le successeur de Melior. Rhea et Melessa apprenaient les rudiments de la vie des dames du Bief, l’étiquette, et deviendraient de magnifiques dames. Gillian, quant à lui, allait sur ses six ans. Son avenir n’était pas encore décidé mais nul doute que Melior y pensait déjà.

- Pourquoi c’est tout le temps moi ? Vas-y toi !

- Non toi, vas-y…

- Non toi !

- Rhea ! Allez…

- Je peux savoir pourquoi vous semblez vous chamailler, mesdemoiselles.

Aladore n’y avait sur le moment pas prêté attention mais le ton montant entre les deux jeunes filles, le père qu’il était devait intervenir. Les jumelles étaient inséparables mais étaient aussi parfois promptes à se chamailler, plus que deux sœurs en temps normal. Les deux filles se turent soudainement et rougirent par la même occasion, ce qui amusa légèrement leur père. Mais il souhaitait savoir pourquoi elles se disputaient et elles connaissaient la chanson. Aladore n’était pas le parent le plus strict ni le plus autoritaire mais il pouvait se targuer de l’obéissance de ses filles. C’est quelque chose avec laquelle il taquinait souvent Melior même si les filles n’en menaient parfois pas large face à leur mère. Le regard appuyé d’Aladore et son silence en disaient long. Aussi, les deux jeunes filles finirent par dévoiler l’origine de ce léger grief.

- Rhea veut féliciter ser Durran mais n’ose pas y aller…

- Menteuse ! C’est toi qui…

- Assez !

Voilà donc l’origine de tout ce tintamarre. Les joutes du jour venaient de se terminer et les dernières n’auraient lieu que le lendemain. Les filles voulaient apparemment féliciter ser Durran Cressey mais n’osait pas l’aborder alors que le hasard voulait qu’il se trouve à quelques pas devant devant. Sans rien dire de plus, Aladore alla à sa rencontre, se mit à son niveau, saluant au passage les courtisans et autres nobles présents.

- Ser Durran. Pardonnez-moi cette interpellation. J’ose, si vous le permettez, de vous déranger malgré la journée éprouvante que vous venez de faire. Mes filles aimeraient vous féliciter pour votre parcours jusqu’ici mais elles sont trop timides pour se présenter à vous. Remarquez, c’est quelque chose qu’elles tiennent de moi.

Aladore lâcha un rire et se tourna vers ses filles comme pour les désigner à son comparse chevalier. Les jumelles rougissaient, cela se voyait à distance. Subtilement, Aladore leur fit signe de venir. L’idée n’était pas non plus de déranger le chevalier trop longtemps. Les filles n’osèrent bouger et le chevalier Bieffois reprit alors, comme si de rien n’était.

- J’espère que nous ne vous dérangeons pas, au moins.

Aladore rougissait à son tour. Il avait peut-être maladroit car l’homme ne semblait pas trop réagir puis voyant que le Bieffois n’abandonnerait pas, il lui répondit sèchement.

- Vous devez me confondre avec quelqu’un, messire.

- Ser !

- Peu importe. Le chevalier que vous cherchez est là-bas.

Le rouge de ses joues s’intensifia et Aladore repartit bredouille tandis que le chevalier poursuivit sa route. Le maladroit aurait juré entendre une insulte murmurée du chevalier qu’il avait pris pour Durran Cressey. Voilà donc pourquoi les filles n’osaient pas venir et semblaient faire des signes. En effet, ser Durran ne se trouvait finalement pas devant eux mais derrière. S’il avait vu la scène, il devait bien se marrer. Aladore était devenu plus fort avec les années mais n’était pas moins sensible aux moqueries. La tête baissée il rejoignit ses filles et ne savait plus où se mettre. Cela sembla donner courage eux jumelles qui saluèrent alors toutes les deux en cœur le chevalier, époux de la princesse, qui arrivait à leur niveau.

- Ser Durran.

- Ser Durran.

Son premier duel face à Ser Hereward Graceford s’était bien passé, une entrée en matière plutôt formelle, jugeait Durran, en mettant pied à terre et en retirant son heaume. Non pas que Ser Hereward ne soit pas un adversaire à sa hauteur, loin de là, mais Durran avait déjà affronté des adversaires bien plus coriaces que lui. Il félicita néanmoins son premier adversaire comme il était coutume de le faire entre chevaliers de leur rang, lui souhaita bonne chance pour la suite puis resta près de sa tente et de Bucéphale, que l’impatience et la tension du tournoi gagnait au poing que le fier étalon noir en vienne à exprimer son impatience en grattant avec vigueur le sol du sabot de son antérieur droit. « Fais-le marcher », conseilla Durran au jeune garçon qui le tenait par la bride. « Il finira par se calmer tout seul, bien plus vite que s’il reste statique ».

- Bien Messire, et le jeune garçon d’écurie obtempéra et entreprit de faire le tour de la grande cour où se préparaient les jouteurs. Durran l’observa de loin avant de se détourner et de vider d’un trait une grande gourde d’eau fraîche. Pas d’alcool, jamais, lorsqu’il se trouvait au beau milieu d’un tournoi. Le chevalier voulait garder la tête froide et les idées claires, d’autant plus qu’il joutait pour la première fois pour sa bien-aimée, dont il portait sur lui si fièrement les couleurs noir et rouge de la Maison Targaryen. Il tendit sa gourde vite au jeune serviteur qui lui avait été assigné, comme il n’avait pas d’écuyer, et patienta la fin du premier tour et l’annonce des duels du deuxième. Au loin lui parvenaient les exclamations et les applaudissements du public mais c’est un tout autre spectacle, bien plus drôle, qui attira son attention.

A une faible distance devant lui, il avait cru entendre son nom être prononcé et il vit qu’un homme qui devait approcher la quarantaine d’année à en juger son physique, discutant avec un potentiel adversaire de Durran. Ce dernier ne connaissait aucun de ces deux hommes mais devait bien reconnaître que celui qui s’était vu apostropher par son nom lui ressemblait assez. C’est du moins ce qu’il vit lorsqu’il finit par se retourner pour désigner le véritable Durran Cressey d’un regard avant de s’éloigner, non sans secouer la tête et en ayant un ricanement moqueur. Durran devait reconnaître que la situation était cocasse mais il effaça de son visage le sourire face à cette scène et joignit ses mains dans son dos, tandis que deux jeunes filles approchaient, les joues rouges. « Mes Dames », les salua-t-il en retour en s’inclinant plus bas que d’habitude. « Ser Durran Cressey, pour vous servir. A qui ai-je l’honneur de m’adresser? »

Ils furent rejoint à cet instant par le maladroit qui devait être leur père, estima Durran. Le regard sombre de l’époux de la Princesse Rhaenys glissa des deux demoiselles à leur père. « Si cela peut vous consoler, je ne sais pas moi-même à qui vous venez de parler, Ser. Néanmoins, je note que, visiblement, un homme en ces lieux me ressemble beaucoup. » A nouveau, il s’inclina - inclinaison moins prononcée que la précédente devant les deux demoiselles - devant le chevalier inconnu, non sans remarquer quelques couleurs sur sa tenue qui n’étaient pas sans rappeler celles des maisons bieffoises. « Le Bief, si je ne m’abuse ? A l’instar de celui que je viens d’envoyer au sol pour se régaler du sable de la lice ? » Là-dessus, le chevalier lança un de ses sourires charmeurs accompagné d’un clin d’oeil plein de malice à son petit auditoire.

@Aladore Costayne   | dialogue : gras | pensées : italique