Renouer avec le passé

Date d'inscription : 24/01/2023

# Lun 26 Fév - 18:19

An 310, lune 3, semaine 2
de Forchant vers Goëville,

À l’intention de @Gerold Grafton, Seigneur de Goëville et Main du Roi,

Bonjour Seigneur Gerold,

Cela fait quelque temps que nous avons discuté au tournoi, j’espère que vous vous êtes bien remis de votre blessure. J’ai entendu dire que vous avez essayé de nouvelles méthodes de médecine. Je tiens à dire que j’ai été surprise d’apprendre que vous avez décidé d’être cobaye pour cela.

J’ai quitté Victorial, enfin après cinq années, pour retourner quelque temps à Forchant. Mère est particulièrement fatiguée ces temps-ci. Je pense que vous devriez le savoir. Après tout, elle reste de votre famille elle aussi. Les enfants sont avec moi, je crois qu’ils aiment beaucoup Forchant et ils s’y sentent bien, j’espère pouvoir y rester longtemps, cela me fait le plus grand bien. J’ai amené avec moi ma jument et je redécouvre avec grand plaisir les terres de mon enfance et je les fais découvrir à mes enfants.

C’est la première fois depuis cinq ans que le temps recommence à s’écouler pour moi, c’est comme se réveiller après un mauvais rêve. Je vous demande à nouveau ce que tu voulais me dire au tournoi. Qu’attends-tu de moi Gérold ? Que puis-je faire pour t’aider ?

Puissent les sept veiller sur toi,
Ta Tante

Arwen Wydman.

Date d'inscription : 03/03/2022

# Ven 8 Mar - 16:53

An 310, lune 4, semaine 2
Roche-aux-Runes.

Lady Arwen,

Votre missive m’a surpris peu avant mon départ pour Roche-aux-Runes, aussi j’accuse une réponse tardive. Fait bien peu exceptionnel malheureusement, car mes obligations ne me laissent que peu de temps pour une correspondance personnelle, et encore moins pour les loisirs.

Je suis gré de constater que les prouesses des savants de Goëville vous aient atteinte. C’est le résultat promoteur d’un long et dur labeur qui aura duré plusieurs années avant d’aboutir à sa phase expérimentale, et qui de mieux que l’entrepreneur pour éprouver l’examen final ? J’ai eu l’occasion de suivre de près tous les efforts entrepris pour aboutir à une médecine moins létale et j’avais suffisamment confiance dans le travail de mes gens pour en devenir le principal promoteur. Du reste, ma guérison fut plus rapide et moins douloureuse. J’ai espoir que dans les lunes et années à venir, ces nouvelles méthodes constitueront un pilier de la médecine du Val et contribueront à faciliter la vie de nombreux patients. Et si je ne me plie pas à l’exercice en guise d’exemple, qui le fera ?

Je gage que quitter Vitorial n’a pu vous apporter que du réconfort et, si ma compréhension est exacte, ne plus jamais y retourner vous en apporterait tout autant, voir même plus.
Votre sœur, et ma propre mère accessoirement, se tient effectivement informée de la vie de sa famille à Forchant ; elle le fait pour moi car, encore une fois, le temps me manque et je ne saurai dire quand a été la dernière fois que j’ai eu l’occasion de visiter les Belmore. J’aurais bien dit en 305, mais il me semble que ce fut mon frère qui eut le privilège de franchir les portes de Forchant, et peut-on vraiment parler d’une visite de courtoisie ? Une intrusion que beaucoup préféreraient oublier chez les Belmore, j’imagine. Là encore, je crains de ne pas recevoir d’invitation, ou seulement de celles qui sont formelles. Parfois, les liens familiaux consistent à respecter la volonté de vos proches à ne pas vous voir.

Je n’ai que peu de souvenirs de cet endroit, ou seulement ceux déformés par la nostalgie d’une époque révolue aujourd’hui, mais j’entends que pour vous, retrouver votre lieu de naissance est comme pour moi retrouver Goëville après un long voyage : une forme de réconfort. Puissiez-vous y demeurer autant que cela faire ce peut.

Je n’ai pas vraiment eu le temps de l’observer, mais je le fais maintenant : comme vous l’avez si bien remarqué, après tant d’années, je ne m’attendais pas à recevoir quoi que ce soit de votre part, et encore moins, après trois paragraphes de vouvoiement, le bourgeon d’un tutoiement familier. J’hésite à y céder à mon tour aujourd’hui, car la familiarité engage l’espoir et s’il est vain, je n’en veux pas. Je n’ai pas besoin d’aide, Arwen. Peut-être que j’attendais simplement une lettre comme celle-ci, mais bien plus tôt, pour m’indiquer je que je m’étais pas soudain retrouvé seul, car ce sont bien vos silences qui m’ont fait comprendre que je l’étais depuis ce que certains considèrent comme une trahison. Peu importe ; j’aurais préféré un désaveu honnête de la part de ma tante plutôt que du vide. Je me souviens de votre regard au tournoi, et j’y ai deviné de l’indifférence, mais aussi de la haine. Dois-je me dire que si nous ne nous étions pas revus pendant ce tournoi, tout aurait continué dans l’ignorance ? Cette lettre m’étonne… pourquoi aujourd’hui, et pourquoi après le tournoi ?

Pourquoi m’écrivez-vous maintenant ?

G.

Date d'inscription : 24/01/2023

# Ven 8 Mar - 18:02

An 310, lune 4, semaine 4
Forchant,

Seigneur Gerold,

Je n’attendais pas une réponse en réalité à cette lettre que je vous ai adressé. Je vous remercie de prendre le temps de m’écrire et de me répondre.

Je suis fort aise d’apprendre que votre état est bien meilleur et que vous n’avez point souffert. Je suis curieuse de connaître le principe et comment ces tests se sont déroulés. Mais ce n’est que par pure curiosité. J’ignore qui pourrait le faire à votre place. C’était un acte de foi malgré tout.

Je ne peux que vous confirmer que quitter Victorial a été plus qu’un soulagement et je crois que je ne souhaite pas y retourner à moins d’y être obligée. Mais je crois que mon beau-père n’a aucune raison de me faire revenir, n’est-ce pas ? Le voyage en bateau a été court heureusement, mais cela m’a fait du bien.

Je sais fort bien ce qu’il s’est passé à Forchant et comment les portes se sont ouvertes. Et… quelque part je suis soulagée qu’il n’y ait eu aucun dégât ni mort supplémentaire dans notre arbre généalogique. Je ne pourrais dire quels sont les sentiments de mes frères et sœurs, qui sont présents à Forchant, à votre sujet. Ils semblent surtout occupés à s’occuper de leur domaine et de leurs affaires. J’imagine que vous êtes au courant, mais ils vont bien également. Tout comme ma sœur. J’ignore si cela vous intéresse, mais mes enfants s’entendent merveilleusement bien avec leurs cousins et cousines. Ils ont découvert également le bonheur de chevaucher avec moi.

J’espère pouvoir y demeurer de longues lunes encore. Tout le monde se sent mieux là-bas.

J’entends bien ce que vous souhaitez me dire. Et je crois qu’il n’y a pas d’excuses. Oui, il y avait de l’indifférence, mais à nouveau, cette haine ne vous a jamais été destinée. Ni à vous ni même à personne autour de vous. Pourquoi maintenant ? Peut-être parce que grâce à vous le temps à recommencer à s’écouler autour de moi, peut-être que parce que grâce à vous j’ai sans doute retrouvé quelque chose que j’avais perdu. Pourquoi maintenant ? Et pas avant ? Parce que sans doute je n’en avais pas la force. Aussi étrange que cela puisse paraître, n’est-ce pas ? Si nous nous étions pas revu, non, peut-être que je n’aurais pas écrit, sans doute parce que je n’aurais pas eu ce réveil que vous avez forcé. Je ne vous ai pas écrit lorsque vous avez fait vos choix, il est vrai. Je ne comprenais pas vos choix et même si je ne les comprends sans doute pas toujours totalement, j’ai fini par les accepter. Sans doute est-ce le mieux… Pourquoi aussi aujourd’hui ? Parce qu’à Forchant je me sens en sécurité.

Pourquoi maintenant ? Parce que le temps à recommencer enfin à s’écouler, même si cela ne veut pas dire grand-chose pour vous. J’espère que l’espoir ne sera pas vain, car je ne souhaite pas qu’il le soit. Cependant, il n’est pas de mon ressort de décider cela, mais bien à vous.

Puissent les sept veiller sur vous,
Arwen Wydman

« I turn at last to paths that lead home »

~I saw the light fade from the sky. On the wind I heard a sigh. As the snowflakes cover my fallen brothers. I will sing this last goodbye Endlesslove. The Last Goodbye.

Date d'inscription : 03/03/2022

# Jeu 28 Mar - 14:32

An 310, lune 5, semaine 1
Goëville.

Arwen,

C'est mal me connaitre que de m'imaginer ne pas répondre à une lettre. Vous, plus que quiconque, devriez le savoir, pourtant.
L'acte de foi a été néanmoins calculé, car je n'aurais jamais laissé une quelconque partie de mon corps entre les mains d'un charlatan, comme la Citadelle en regorge. La foi, elle, a les branches d'une étoile de mer : immobile et récalcitrante à tout changement.
J'ai suivi de près le déroulement des expériences, qui ont été inspirées par un livre rapporté de l'Est ; il s'agit d'un mélange d'alchimiste capable de produire un gaz anesthésiant, bien plus efficace que n'importe quel pavot, réduisant une horrible douleur à un pincement à peine perceptible... Mais trouver le bon mélange entre les éléments a pris un temps que seul l'empirisme pouvait résoudre. Les expérimentations se sont déroulées sur différents types d'animaux, jusqu'à garantir un étourdissement sans danger pour l'homme, quoi qu'il y ait toujours un danger, car toute théorie a ses limites.
Si Lord Wydman souhaite oublier les mésaventures de son fils et le malheur que sa conduite aura apporté dans sa maison, il serait peut-être effectivement enclin à vous laisser à Forchant. Loin des yeux, loin du coeur, comme le dit l'adage. A l'époque, il était de sa responsabilité de veiller à limiter les dégâts. Aujourd'hui, cinq ans plus tard, les contraintes ne sont plus les mêmes. Cependant, si vous souhaitez vous libérer de son joug définitivement, vous pouvez toujours opter pour l'annulation de votre mariage. Je me doute que l'affection persiste, car l'amour est un lierre tenace, mais à part pour l'héritage des Wydman, j'ose croire que cette union n'a plus d'avenir, à moins que vous ne cultiviez le projet d'un jour franchir la frontière... Ce qui ne manquera pas de déverser le déshonneur tant sur les Belmore que sur les Wydman.
J'ai fini par m'accommoder de l'opinion des gens à mon sujet. Seuls les sots cherchent à être aimés de tous, car à vouloir satisfaire tout le monde, l'on ne satisfait en définitive personne. J'aurais aimé que ma réputation soit neutre à défaut d'être bonne, surtout au sein de ma famille, mais je me contente de ne pas être dérangé et je tends à rendre la pareille à cette réserve. Tant que l'on ne m'est ouvertement pas hostile, je m'en contente. Après tout, certaines choses finissent par nous dépasser et les velléités personnelles face à la prospérité d'une maison entière en font partie. J'espère seulement que personne ne vous tiendra rigueur que vous m'écriviez, et qu'on ne vous prendra pas pour une espionne ! Que les Belmore demeurent unis soit une bonne chose et un jour ce sera à vos enfants de prolonger cette tradition.
Je reste perplexe, quoi que flatté, par la dernière partie de votre lettre. J'entends que vous retrouver au coeur de la déroute ayant frappé les Wydman et en subir les conséquences a dû vous apparaitre comme la racine de tout mal. Ces cicatrices-là mettent du temps à guérir... Mais j'aimerai être certain que cette lettre est le fruit de la volonté et non pas de la résignation. Si vous étiez parvenue à vous enfuir, m'auriez-vous écrit depuis les terres de la Couronne en me tenant des propos semblables ? Comme vous semblez l'entendre quant à notre rencontre au tournoi. Si je n'aime pas être haï, je n'aime pas non plus recevoir une amitié par défaut. D'aucun diraient que l'or brille même dans la boue, et même si je suis satisfait de vous savoir enfin en paix, j'aimerai ne pas être un compromis. Vous savez que je n'ai jamais aimé l'être ; pas dans les relations que j'entretiens avec les gens. Loin du Val, m'auriez-vous donc oublié ?

P.S. : qu'est devenu le petit salon à Forchant, empli de meubles recouverts de draps, dans laquelle nous avions l'habitude de jouer comme dans un camp militaire dressé au milieu d'un champ de bataille ?

G.

Date d'inscription : 24/01/2023

# Jeu 28 Mar - 18:13

An 310, lune 5, semaine 3
Forchant

Gerold,

En effet, vous répondez aux lettres depuis toujours, cependant, au vu de notre dernière rencontre et de votre charge de travail… Je ne pensais pas que la réponse serait faite et encore moins si rapide.

Voici qui est proprement fascinant ! Je ne m’attendais pas à un tel processus. Il est vrai que l’utilisation du pavot… est proprement traître. Si elle soulage sur le coup, cette plante est parfaitement addictive et avec des effets secondaires parfois horribles. On ne peut évoluer dans une société qui, comme vous le dites, est aussi immobile qu’une étoile de mer. Nous sommes humains et nous avons besoin d’évoluer Comptez-vous partager ces informations avec la citadelle ? Je vous avoue que j’ai du mal à concevoir l’application par gaz, je serais presque curieuse d’en voir son utilisation… C’est proprement fascinant.

J’entends bien que Lord Wydman a souhaité effacer les erreurs de Maegor, je pense que nous pouvons le nommer. Sans doute aurait-il préféré le ramener plus mort que vif, il n’y avait pas beaucoup d’affection entre eux. Mais si cela peut vous rassurer. Il était en effet de son devoir de punir et je l’affirmais hier et je continue de le dire aujourd’hui, Maegor est responsable de son malheur et de ses fautes. J’ai en effet déjà réfléchi à cette idée de cette annulation de mariage. Cependant, mes enfants deviendraient par extension des bâtards alors qu’ils sont nés dans les liens du mariage, et je n’ai pas envie de déverser en plus cette marque sur eux. Même s’ils sont jeunes, je doute que sa majesté Viserys accepterait de maintenir leur nom de famille, ils ne sont plus vraiment dans la lignée de succession après tout et ils n’ont aucun impact politique.

Concernant ce lierre de l’amour accroché à mon cœur… Maegor est parti depuis cinq années. Je n’ai plus de contact avec lui. Je crois que les racines des souvenirs me touchent encore beaucoup. Mais sans doute parce que j’étais seule. Ma vie est ici, pas dans les autres royaumes Gerold. Le Val est dans mes veines après tout. Je ne me vois pas vivre ailleurs. Je ne serais sans doute pas à ma place.

Personne ne peut être aimé de tous, même les sept ne trouvent pas grâces à tous les yeux. N’est-ce pas ? Si même les dieux ne peuvent être aimés de tous, qu’en est-il des humains ? La famille est d’or, Gerold, je dirais que les relations sont neutres, maintenant que j’ai passé quelques semaines ici. Non, personne ici ne me tient rigueur de vous écrire. Quant à espionner, je serais une charlatant si je me prenais pour une espionne. Les espions doivent être aimables et pouvoir être apprécié de tous, ou presque. N’est-ce pas ? Je crois que c’est impossible pour moi. Mes enfants sont heureux, c’est la première fois que je vois Nestor et Corwin accepter de partager leurs histoires et leurs dessins avec d’autres enfants. Ils se sont fait des amis ici, J’entends même Rose rire aux éclats avec ses cousines. Quant à moi, j’ai enfin quitté mes émotions grises pour enfin les revoir se teinter d’un beau violet, celui du blason des Belmore. Peut-être n’ai-je jamais réellement été une Wydman.

Si j’avais réussi à fuir, j’ignore si j’aurais réellement pu vous écrire. Vous êtes de ma famille, j’aurais sans aucun doute voulu vous écrire. Vous restez de ma famille, n’est-ce pas ? Alors j’aurais sans doute vous aurais-je écrit en souvenir de toutes ces années et pour comprendre, vous comprendre. Je ne vous aurais pas oublié, nous avions été amis à une époque. On n’oublie pas ce genre de chose, je crois.

Ce petit salon existe toujours, il est devenu le terrain de jeux des plus jeunes, ils se cachent sous les draps pour jouer. Ou comme nous à cette époque, jouer dans un faux camps militaire. Rose est souvent une des capitaines, peut-être devrais-je réfléchir à la laisser apprendre à se battre.

Prenez soin de vous.
Arwen Wydman

PS : Nestor et Corwyn m’ont vu vous écrire et ils ont insisté pour que je vous transmette un dessin du salon comme ils le voient ainsi qu’une histoire qu’ils ont écrite là-bas. Ils ont découvert la joie du partage de leur création et ils veulent tout montrer à tout le monde.

« I turn at last to paths that lead home »

~I saw the light fade from the sky. On the wind I heard a sigh. As the snowflakes cover my fallen brothers. I will sing this last goodbye Endlesslove. The Last Goodbye.

Date d'inscription : 03/03/2022

# Lun 22 Avr - 15:46

An 310, lune 5, semaine 4
Goëville.

Arwen,

J'ai en horreur de remettre les choses à plus tard, car on les oublie alors et effectivement, elles prennent du temps, et s'empilent sur nos épaules pour rendre le poids des obligations encore plus lourd. Au vu de notre dernière rencontre, si vous craigniez que je ne vous réponde pas, j'aurais répondu pour vous en faire la requête, plutôt que de ne pas vous répondre du tout.
On peut se demander ce qu'un gaz est capable de faire, mais croyez-moi, quoi qu'on ne le touche pas, c'est bien plus efficace que de s'enfoncer les pics d'un peigne dans la paume pour supporter le mal. L'éther est comme un parfum que l'on respire en humant une fleur, mais au lieu d'éprouver le plaisir du miel ou le sucre d'une rose, l'on subit sa forte essence, qui, comme le bonheur, finir par rendre euphorique. Qu'il soit l'antidote à la douleur fait alors encore plus sens, je crois.
En ce qui concerne la Citadelle, je ne sais pas s'ils seront capables de prendre assez de hauteur pour se défaire de l'antipathie que le Val suscite de la part de certaines régions du continent pour accepter notre contribution. Le stratège en moi me dit que c'est une corde supplémentaire à mon arc, mais je ne sais pas à quel point cette défiance est pérenne, et s'il ne vaut pas mieux faire le premier pas, mais je crains qu'ils nous ostracisent que parce que nous sommes qui nous sommes.
Si pour vos enfants, vous êtes prête à rester engagée aux Wydman, alors agissez effectivement en conséquence, mais de leur part ça laissera sur vous le pouvoir qu'ils ont depuis que votre époux a fui ; un pouvoir qui, il me semble, a été néfaste jusqu'à maintenant. Lord Wydman pourrait vous laisser séjourner indéfiniment chez les Belmore, pour votre propre paix et la sienne, mais consistera-t-il seulement à le faire ? L'orgueil est lent à guérir, et l'espace que le fils a mis avec son père pourrait ne pas suffire à le consoler de l'affront qui lui a été fait. D'un point de vue parfaitement pragmatique, il vaudrait mieux pour vous et pour Lord Wydman que Maegor soit déclaré mort. J'entends déjà la protestation, mais vous pourriez vous remarier et commencer une autre vie sans le joug d'un homme rancunier, mais sans déshonorer vos enfants non plus. J'espère que mes cousins n'auront effectivement aucun impact politique, mais qui sait ce que l'avenir nous réserve.
Je ne vous cache pas éprouver une forme de soulagement à savoir que votre coeur appartienne au Val avant tout. C'est peut-être en cela aussi que vous êtes de moins en moins poupée de cire, et de plus en plus celle que je connaissais avant. Peut-être votre époux éprouve-t-il la même chose, comme tous les exilés, car l'endroit où l'on est né persiste dans la mémoire comme un foyer.
Je vous souhaite donc que rien ne vous sépare de Forchant, tant que mes cousins sont heureux, j'imagine que c'est la seule chose qui importe. Quoi que certain de n'avoir jamais eu d'attache autre que celle du devoir, depuis que je suis devenu père, je crois comprendre la nécessité d'un lieu protégé, où l'on se sent bien. Paradoxalement et malgré son agitation, Goëville est ce lieu-là pour les Grafton : leur ville refuge. Peut-être que pour le coeur de ma mère, votre soeur, il s'agira toujours de Forchant ; je ne lui ai jamais demandé et je ne crois pas qu'elle me le dise, mais vu toutes les averses qu'elle aura essuyées ici, cela ne m'étonnerait guère qu'elle rêve en secret de son enfance heureuse. Je n'irai néanmoins pas jusqu'à dire quelle n'a jamais été une Grafton.
Merci beaucoup pour les offrandes de mes cousins, qui ne manquent pas d'imagination, et que je n'ai pas eu le temps de beaucoup connaitre. Comme quoi, les enfants ont le coeur léger et pardonnent plus facilement que les adultes, si tant est qu'ils aient eu du grief sur le coeur. Vous pourrez leur dire que leur illustration était assez fidèle pour faire écho à mes souvenirs, et pour qu'ils puissent parfaire leur art, je leur joins quelques pigments rares venus de l'est : du rouge cochenille, du bleu lapis-lazuli et du vert d'émeraude. Je laisse le soin à mes autres cousins de fabriquer une épée en bois pour Rose cependant, je suis sûr que cet art ne s'est pas perdu...
Cela m'a donné envie d'emmener mes filles dans les bois, près d'un ruisseau, comme jadis, leur apprendre à fabriquer des arcs et des harpons en bois pour chasser et pêcher. Qui sait, un jour les Belmore viendront-ils visiter les Grafton et nos enfants retrouveront les jeux que nous avons eu avant, quand tout était encore simple.

G.

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