[FB] Chroniques de la Grand-Tour (solo)

Chroniques de la Grand-Tour

An 309, Lune 8. Grand-Tour de Villevieille --  Solo

Point de faste ce jour où il avait de nouveau passé les portes de la cité qui serait un jour sienne. Les rues portaient encore les traces du deuil qui avait frappé la ville. Pour éviter la foule et les regards insistants, l'héritier de Villevieille avait même fait en sorte d'arriver de nuit avec son escorte. Revenu au galop de Hautjardin pour y voir la justice être rendue, Dorian n'en avait retiré qu'un sentiment d'inachevé. Mobilisé pendant une année entière pour mater les rebelles dans le Bief, il avait subi au plus profond de lui le contrecoup de cet engagement comme sa maison toute entière. Le meurtre lâche de Daena par un Florent revanchard resterait dans les mémoires de tous comme un acte d'infamie de la pire espèce. Pour son jumeau, se fut une blessure qu'il doutait de voir guérir un jour. La preuve que cette guerre était loin d'être terminée, que les rancunes viendraient un jour mettre le feu aux poudres à nouveau. Jeune garçon des plus éveillé et réfléchi, plus à même d'apprécier l'art des lettres que celui du maniement de l'épée en dépit d'un certain talent, Dorian n'aurait peut-être pas fait preuve d'autant de retenue que son père s'il se trouvait déjà à la tête des Hightower.

Meurtri par le chagrin et un besoin viscéral d'administrer sa propre version d'une justice expéditive et partiale, il aurait volontiers fait brûler le fanal de la Grand-Tour d'un vert qui appelle à la guerre. A ses yeux, Rubriant ne méritait pas de rester debout. Les Florent devaient s'éteindre. Pour leur traitrise. Pour avoir retourné contre eux leurs propres vassaux. Pour cet énième acte vile qui laissait ses neveux sans mère, son cousin sans épouse, son père meurtri d'une fille qu'il avait pourtant presque renié avant son mariage, lui d'une part de lui-même dont il n'avait compris que trop tard le caractère précieux. S'il avait été seigneur de Villevieille, il aurait montré au royaume tout entier ce qu'il en coûte de défier la Grand-Tour. Ou du moins aimait il s'en convaincre. Car s'il avait montré que tirer l'épée ne l'effrayait guère au cours de plusieurs batailles, son expérience du commandement restait limitée. Il faudrait encore longtemps pour qu'on le considère comme un homme d'une certaine stature. De ceux qu'il ne fallait pas contrarier. Il lui fallait encore sortir de l'ombre d'autres, qu'il s'agisse de Garlan Le Preux Tyrell ou de son oncle Aigre Acier.

- « Doit-on annoncer votre retour, Ser ? », demanda l'un des cavaliers de son escorte à voix basse alors qu'ils approchaient du phare monumental. Les rues étaient pour la plupart désertes, les gens honnêtes dormant depuis plusieurs heures déjà. Seules les torches du guet de la ville trahissaient une activité nocturne dans les ruelles traversée. Du moins dans cette partie de la cité, parmi les mieux famés. - « Non, c'est inutile. Mon père sait que je dois arriver. Je le verrais à l'aube. Je veux que mon arrivée soit aussi discrète que possible. », assura t-il la mine morose au chevalier portant la livrée de sa maison.

Il avait beaucoup à faire, à réfléchir, décider. Ses options restaient limitées. Pour beaucoup, tout ceci ne serait bientôt que de l'histoire ancienne. Il n'appartenait qu'à lui d'œuvrer pour que ce soit bien plus. Qu'importe le temps que cela prendrait.

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