[FB] La danse des anciens dieux Ft Bran

Voilà quelques jours que Brandon errait dans les couloirs de Corneilla, ayant abandonné l'intimité de Castel-Bois pour la frénésie de la cité mère des Nerbosc. Le jeune loup se sentait mal à l'aise ici, il n'avait pas encore tous ses repères. Un chamboulement que ressentait également Eté qui ne le quittait que rarement, alors qu'il ne le voyait pas des jours luttant lorsqu'il était aux côtés de Lucas. Ce dernier avait été outré à l'idée qu'un Accord ne se noue entre le Val et le Conflans. Quittant le continent pour Essos avec sa famille, Brandon se retrouvait dans les pattes du Suzerain du Conflans, Brynden Nerbosc. Bien que sympathique et compréhensif, il n'avait pas autant de temps à lui accorder que son cadet dont le départ avait attristé Bran. Après tout, il avait été son écuyer des années durant : l'ayant vu agrandir sa famille, tout comme Lucas avait entrevu la maturité du garçon devenu homme. Il était éloigné de la politique, son avis n'étant pas nécessaire ni demandé, pour autant, il était favorable à un accord, afin de maintenir la paix, aussi fragile peut-elle être. Cependant, sa position était nuancée : son coeur de nordien n'oubliait pas l'affront de Viserys à l'égard du Nord en empoisonnant la douce Wylla Manderly.

Après s'être occupé de l'armure de son mentor et de préparer sa monture, l'écuyer à la santé fragile se contenta de tirer quelques flèches, loin d'avoir un niveau satisfaisant, il reposa l'arme dans un soupir.  Alors qu'il s'apprêtait à s'enfermer dans sa chambre, un corbeau blanc l'interpella et le brun ténébreux sentit une étrange connexion. Une étrange réminiscence de sa vervoyance qu'il maîtrisait plus ou moins. Le jeune Stark contrôlait son loup de temps en temps, se rappelant des mots de Mestre Luwin quand il se trouvait encore à Winterfell : les vervoyants étaient rares et chaque utilisation les éloignait un peu plus de leur humanité. Evidemment, les mots du corbeau ne manquèrent pas d'éveiller sa curiosité. Il n'y avait qu'une personne qui possédait un corbeau de cette couleur : Delya Nerbosc. Il l'avait rencontré à de nombreuses fois, elle aussi dotée du don de rêves-vert. Son loup dans ses pieds, le jeune homme prenait le chemin du barral de la cité de Corneilla. Sur place, il aperçut la silhouette de la Nerbosc, Noblecoeur sur son épaule. "Lady Delya." La salua-t-il un peu maladroitement, surpris par ce lien qu'ils partageaient mais qui semblait avoir changé, était-ce possible qu'elle aussi soit devenue une vervoyante ? Tant d'années s'étaient écoulées. Delya avait pu le voir grandir au rythme de leurs rencontres sporadiques.

Il fit quelques pas en sa direction, Eté venant s'asseoir non loin, gardant une bonne distance avec la conflannaise. Bran était soulagé de voir un visage familier, mais surtout curieux. "Noblecoeur m'a parlé...était-ce vous ?" Demandait-il sans attendre, l'impatience au bord des lèvres.

Il avait rencontré Delya des années plus tôt, alors qu'il n'était qu'un pauvre enfant découvrant tout juste ses dons de rêves-verts. Elle avait été la seule à le comprendre, malgré toutes les bonnes volontés des autres, il n'y avait qu'elle qui pouvait appréhender ce qu'il vivait, le conflit intérieur, la sensation d'en être indigne et pire encore, la sensation de voir son corps affaibli au point de ne plus pouvoir se lever. Brandon Stark avait longtemps jugé ce don comme une malédiction, celle qui l'obligeait à rester alitée alors qu'il devrait suivre des cours martiaux, parfaire sa posture. A la place, il se retrouvait trop faible pour prétendre à quoi que ce soit. Son rêve de chevalerie lui semblait loin à présent que la vervoyance lui était donné. A chaque fois, Delya s'était imposée à lui, son repère dans ce méandre d'émotions contradictoires. Son sourire s'agrandissait alors qu'elle demandait de ne pas user de tant de protocole, Bran avait sincèrement besoin de simplicité et l'en remercia d'un signe de tête. Corneilla n'était pas Castel-Bois et ici, il se devait de se plier à l'étiquette. Ici, il avait perdu ses repères : Lucas et Marianne. Mais il en avait retrouvé un autre à présent, la vie était parfois bien faite.

S'il montra un visage étonné à sa son aveu de vervoyance, il avouait qu'en son fort intérieur, cela ne le surprenait guère. Il avait cette connexion avec elle comme il n'avait avec personne d'autre - outre Lyanna, mais elle était d'une autre nature, évidemment. Celle-ci était inexplicable, en lien avec leurs dons, comme s'ils étaient liés par cela depuis toujours. Comme s'ils se connaissaient depuis toujours, depuis des temps immémoriaux. Cependant, il fronça les sourcils en l'entendant dire que certains pouvaient la craindre. Ce n'était que l'ignorance qui les faisait agir ainsi, mais il était vrai que Bran récoltait des regards suspicieux à son encontre lorsqu'il revenait à l'entraînement après quelques jours de disparition. "Je n'aurais pas pu vous ignorer." Dit-il sincèrement, ses opales se posant sur Noblecoeur. Eté, non loin s'approchait doucement, intrigué. "Qui vous craint ici ? Moi je ne vois qu'une dame qui veut bien faire, qui a été choisie par les Anciens, vous ne faites rien de mal." Tout comme lui, mais il ne savait pas vraiment s'il en était digne. Tout ceci était encore nouveau et il n'y trouvait pas de sens, pas encore. Tandis qu'il s'installait à ses côtés, le dos contre le barral, il se sentit apaisé, plus calme. Son loup continuait de s'approcher, venant s'asseoir face à eux, à une distance raisonnable.

Le jeune Stark n'avait plus rien de l'enfant et elle l'avait aisément remarqué. Il avait grandi, les traits de son visage s'étaient affinés, balayant les rondeurs de l'enfance. Son physique purement nordien était frêle, rien de bien étonnant. "Et vous, vous n'avez pas changé !" Petit rire avant de reprendre un tant soit peu de sérieux, il acquiesçait, ses opales se détournant pour regarder dans le vide, avec un peu de tristesse. "Oui, j'ai pris le contrôle d'Eté quelques semaines plus tôt. Cela m'a terrifié et m'a surtout encore plus affaibli que les rêves. Comment pourrais-je devenir chevalier avec une santé aussi fragile ? Je...Je n'arrive pas encore à voir ses nouveaux dons autrement que comme une malédiction." Avouait-il sans embage, avec la Nerbosc, il se sentait à son aise pour extérioriser les tourments, car jamais il ne s'était plaint auprès de Ser Lucas ou de Lord Brynden. Jamais. Sans qu'il ne puisse contrôler, des larmes coulaient sur ses joues. "Je voulais être le bras armé dont mon frère a besoin, mais plus le temps passe et plus je prends conscience que je n'y parviendrais pas." Il était destiné à un destin militaire, ce pourquoi il était devenu écuyer. Mais que restait-il de ce rêve ? Rien. Un rêve d'enfant, voilà tout.