The apology I owe you - ft. Talya
The Red Viper
a fu**ing Dragon – Part 1
Cinq ans. Oberyn avait quitté Lancehélion sans un bruit, sans un mot cinq ans auparavant pour rejoindre Ellaria à Lys. Il avait simplement adressé une lettre à la princesse Talya lui expliquant les raisons de son départ. Ils s’étaient rapidement vus lorsque le prince avait ramené sa désormais ex-amante et leurs filles à la capitale maintenant que tout était hors de danger et que Dorne était indépendante. Puis, il avait fui à nouveau Dorne sans donner de nouvelles, sans annoncer son retour, sans un bruit, sans un mot. Lui avait-elle pardonné depuis tout ce temps ? Oberyn s’était posé la question de nombreuses fois lors de ses aventures orientales et plus encore aujourd’hui alors qu’il reprenait ses quartiers au Palais Vieux après une escapade dans une maison de plaisir. Ce bon vieux Oberyn Martell faisait toujours passer le plaisir avant le devoir. Bien sûr, son retour était un événement à Lancehélion. Il faisait le bonheur de ses filles qui avaient toutes grandi, ce qui ne le rajeunissait pas du coup. Ellaria était également présente, lui qui pensait qu’elle serait retournée à Denfert auprès de son père. Doran avait bon cœur et avait toujours apprécié la bâtarde mais surtout ses nièces. Elles demeuraient toutes ici, chacune dans leurs appartements attitrés. Deziel lui avait annoncé qu’Elia avait pris possession de ses anciens appartements. Cela fit sourire le prince. Le voilà parti plusieurs années et tout ce qui lui appartient a trouvé un nouveau propriétaire. Il n’en tient aucunement rigueur à sa fille, bien moins qu’au prince Fer-né en tout cas. Les retrouvailles furent agréables et le prince était heureux d’être rentré. Tout le monde put constater qu’il avait grandement changé. Comme tout le monde, il avait vieilli lui aussi mais tenait la forme malgré tout. Il n’arborait plus la tignasse et la barbe mal peignée qu’il se traînait depuis son départ d’Essos. Il avait fait en sorte d’être présentable pour son retour parmi les Martell. Le lendemain de son retour, ils l’avaient tous accueilli pour partager un moment ensemble et qu’il raconte ses aventures en Essos. Après quelques échanges peu détaillés, il s’adressa à Quentyn. Il avait effectivement remarqué l’absence de la princesse Talya.
- Mon cher neveu, dis-moi. Ton épouse n’est pas présente ?
Les regards se tournèrent vers le jeune prince qui répondit à son oncle qu’elle se levait souvent tôt pour aller s’occuper de sa dragonne. Une vague de souvenirs frappa la Vipère qui se rappela en effet que la princesse avait reçu un œuf qui avait éclos. Le dragon avait hanté ses nuits à Port-Réal, cherchant dans les archives toute information qui aurait pu s’avérer utile. Il se souvenait également des lettres qu’ils s’étaient échangés et des discussions qu’il avait eues avec Sarella et Talya. Il porta un regard vers sa fille. Elle lui sourit et vint lui murmurer à l’oreille l’endroit où se trouvait la princesse et sa dragonne. Terminant le petit-déjeuner aux côtés de ses filles, sa nièce et ses neveux, Oberyn se mit ensuite en route pour retrouver Talya. La princesse ne nichait pas bien loin mais le prince avait bien eu du mal à la retrouver. Il put néanmoins compter sur la piètre discrétion du dragon qui faisait un boucan audible depuis la sortie de la cité. Il marcha bien plusieurs minutes avant d’arriver à un endroit un peu reculé. Il était évident que Nümia ne pourrait loger dans une villa en plein cœur de la ville. Pauvre animal, elle se sentirait à l’étroit. Sentant qu’il se rapprochait, Oberyn avait pu l’entendre mais ne voyait pas la créature. Il avança prudemment, ne voulant pas brusquer la dragonne. Il espérait voir Talya et s’annoncer mais il poursuivait son chemin, s’avançant plus encore jusqu’à arriver non loin d’une silhouette qui se tenait là, dos à lui. Il voulut l’interpeler mais une ombre s’abattit sur lui. Le vent soufflait d’une force que le prince recula de plusieurs pas. Oberyn n’en croyait pas ses yeux et tentait de ne pas céder à une panique issue d’un réflexe face à la créature immense qui se posa entre la princesse, qu’il venait d’identifier, et lui-même. Il jeta un œil derrière les immenses pattes de la dragonne mais la princesse ne semblait pas l’avoir vu ni entendu arriver. Il posa ensuite son regard sur la créature et, tout en affichant un sourire grimacé, il lui adressa quelques mots.
- Nümia, je présume ?
#FC7F3C : Oberyn Martell
♛ by wiise
Le Soleil de Tyrosh
Talya souriait béatement.
Malgré les années, elle était toujours subjuguée par sa dragonne. Et dire que dans ses premiers instants, elle l’avait tenue serrée contre elle, comme elle l’aurait fait avec un petit chat. A présent, Nümia faisait honneur aux créatures de son sang. Sa stature lui aurait permis de porter de plusieurs personnes, Talya en était intimement convaincue. Elle n’en faisait rien cependant. Son dos et ses ailes, l’auguste créature les lui offrait à elle et à elle-seule. C’était un présent et non une obligation. Nümia l’avait choisie elle et elle-seule parmi tous les êtres humains qui avaient pu tenir son œuf entre leurs mains au fil des siècles. Et cette confiance, la Tyroshie le gardait farouchement pour elle.
Nümia volait, ses larges ailes lui masquant parfois les rayons du soleil encore livide alors qu’elle se trouvait au-dessus d’elle. Une pirouette ici, une autre là. Talya riait depuis le sol, s’imaginant sur le dos de la dragonne. Bientôt. La créature ne manquait jamais une occasion de voler avec elle. Depuis le commencement, le vol avait été une évidence pour elles-deux. Leur lien en était sortit renforcé et la princesse s’était surprise à se sentir pleinement à son aise dans les cieux. A croire qu’il n’y avait pas tant de différences entre le dos d’un dragon et le pont d’un navire. Qui plus est, rien ne lui arriverait sur le dos de Nümia. Si monter à cru sur le dos d’un cheval était un exercice quelque peu périlleux, la dragonne était la plus sûre des montures et ne l’aurait laissée chuter pour rien au monde.
C’est alors que la pâle créature replia ses ailes sur ses flancs, se laissant tomber vers le sol. Talya la suivit du regard. Les dragons semblaient tenir à la fois des reptiles, des chauve-souris et des oiseaux de proie. Alors que Nümia s’élançait vers le sol, on aurait pu y voir l’un de ces faucons en quête d’une proie. La princesse fronça les sourcils, sortie de son rêve éveillé. Ce n’était pas vers elle que sa dragonne était venue se poser, non. C’était dans son dos. D’un mouvement vif, la Tyroshie se retourna en quête de la raison de ce comportement des plus étonnants. Elle entreprit de contourner la créature presque immédiatement. Un animal n’aurait pas provoqué une telle réaction de la part de Nümia. Elle était un prédateur bien trop grand et trop puissant pour craindre la faune de Dorne.
Un humain. Il ne pouvait s’agir que d’un autre humain.
Se glissant finalement sous les ailes de sa dragonne, apparaissant à sa droite, Talya leva la tête en direction de celle de sa créature. Nümia avait redressé son cou, paraissant plus grande qu’elle ne l’était déjà. Un premier claquement de mâchoires lui vint, suivi d’un second mais pas de fumée. C’était une bonne chose, la dragonne semblait plus hésitante qu’autre chose aux yeux de sa dragonnière. Alors que ses prunelles sombres se posaient sur la raison de la réaction de la créature, le sang de la princesse se glaça.
« Oberyn ? »
Instinctivement, Talya posa sa main contre les écailles de sa dragonne. De par leur proximité directe, leur lien était au beau fixe. Il n’en restait pas moins que ce contact était rassurant pour elle-deux. Nümia claqua à nouveau des mâchoires, avec moins de détermination, d’agitation selon la jeune femme. Elle esquissa un sourire, aussi bien pour elle-même que pour la Vipère, et caressa à nouveau les écailles de sa dragonne, appréciant leur tiédeur. Tout irait bien pour eux-trois. Telles étaient les images que Talya s’empressait de marteler dans son esprit, espérant que Nümia y serait réceptive. Que ces esquisses seraient plus fortes que l’amertume qui rongeait son cœur et son âme concernant le Prince Fuyard. Si son ressentiment était réel, sa curiosité était plus forte encore.
« Nuha mandia ziry iksos ñuha ānogar iā bē. Ziry iksos iā raqiros. Iā ojūdan raqiros. Ziry iksos olvie. » chuchota Talya, posant son front contre les écailles de la créature, les yeux désormais clos.
La Tyroshie rouvrit les yeux, alors qu’elle sentait les muscles de Nümia se tendre sous ses mains, sous sa propre chair. Sa dragonne l’observait de ses yeux sombres comme deux obsidiennes, claquant une nouvelle, et dernière, fois des mâchoires. On aurait dit qu’elle s’adressait à elle, presque qu’elle l’interrogeait. Une douce quiétude envahit alors la jeune femme. Elle avait réussi. Elle en avait l’intime conviction. Elle s’écarta doucement, quittant les écailles de la créature avant que cette dernière ne se recule, non sans jeter un dernier regard en direction de la Vipère Rouge et d’émettre un léger sifflement. Talya n’en souffla mot, observant la magnifique créature s’éloigner d’un pas lent. Si la tempête avait été évitée, le Prince ne le devait qu’à sa présence. Car personne n’entrait sur le territoire d’un dragon sans risquer son ire.
« Mon Oncle, vous prenez des risques bien inconsidérés. tança Talya, en lieu et place de réelles salutations, les bras désormais croisés, la mine lugubre. Estimez-vous heureux, Nümia semble accepter votre présence. »
A moins que tolérer ne soit le terme le plus juste. Avec une pointe de dédain, Talya cessa de dévisager la Vipère Rouge, jetant un regard dans la direction de Nümia. Sa dragonne s’était installée non loin, lui rendant son regard. Voler. Nümia voulait voler, la jeune femme le sentait dans son esprit et dans ses chairs. Talya haussa les épaules, affichant un air attristé. Si cette idée lui déplaisait, il leur fallait remettre leur vol à plus tard. Alors, la créature poussa un rugissement fantastique, déployant ses larges ailes avant de s’élancer dans les cieux. La jeune femme ne put retenir un frémissement à ce spectacle, à la fois émerveillée et presque terrifiée.
« Vous me devez une séance de vol, mon Oncle. fit remarquer la Tyroshie, d’un ton égal, bien qu’une pointe d’amusement perçait dans ses mots. J’ose espérer que le jeu en valait la chandelle. Je doute que vous ayez songé à affronter un dragon en vain. Puis-je savoir qui vous a indiqué ce lieu ? »
Ce devait être Sarella. Ou son époux. Talya ne leur en tenait pas rigueur. Et pourtant, une colère sourde s'était glissée dans son sang comme un poison insidieux. Pourquoi fallait-il que les choses se passent ainsi ? Cet endroit était devenu son refuge.
Et tout comme Nümia, l'y déranger ne se faisait pas sans conséquences.
- Dé Nümia:
- Traduction:
« Nuha mandia ziry iksos ñuha ānogar iā bē. Ziry iksos iā raqiros. Iā ojūdan raqiros. Ziry iksos olvie. » = « Ma sœur, c’est mon sang ou presque. C’est un ami. Un ami que j’ai perdu. Tout ira bien. »
The Red Viper
Oberyn ne s’était jamais retrouvé devant un dragon, pas de la sorte en tout cas. Bien sûr depuis la révélation de leurs retours, il en avait vu voler dans le ciel de Port-Réal par exemple. Mais jamais il n’avait eu de confrontation directe. Il ne savait pas lui-même si c’était de l’inconscience ou de l’audace de se présenter ainsi dans le repaire de la jeune dragonnière et de sa dragonne. En tout cas, son entrée avait fait impression et se retrouvait ainsi face à Nümia. Il grimaçait quelque peu mais tenait la position face à ce mastodonte qui aurait pu le dévorer tout cru, sans sommation si Talya ne s’était pas manifestée. Le haut valyrien d’Oberyn était quelque peu rouillé mais il lui semblait bien que la princesse tentait d’apaiser sa dragonne qui, après quelques échanges, finit par s’envoler dans les airs. Le regard d’Oberyn ne quitta pas des yeux la créature ailée, ne daignant pas porter son attention à sa nièce qui lui adressait quelques mots. Ce furent quelques secondes plus tard que le prince se décida enfin à baisser son regard vers une Talya quelque peu agacée. Était-ce à cause de sa présence dans un endroit qui aurait clairement du rester secret ou bien à cause d’Oberyn lui-même et de ce retour soudain après tant d’années d’absence ? Ou alors… les deux ?
- Ma nièce...
Le prince s’interrompit. Évidemment, il n’y avait pas beaucoup de choix quant aux détenteurs de l’information qu’il détenait désormais. Talya devait bien se douter qu’il devait s’agir de son époux ou de sa cousine. Après tant d’années d’absence, Oberyn savait qu’il ne pouvait pas trop jouer avec le feu d’autant que maintenant Talya pouvait répliquer avec du vrai feu. Le prince ne pouvait faire attendre la princesse plus longtemps. Faisant quelques pas dans sa direction, il lui répondit ainsi.
- J’ai bien peur que ma fille Sarella ait eu pitié de moi lorsque j’ai demandé où vous vous trouviez ce matin. Ne lui en tenez pas rigueur, je vous en prie.
Il marqua une courte pause avant de poursuivre, le regard quelque peu fuyant.
- Vous devez sûrement m’en vouloir et je ne peux que le comprendre. Laissez-moi peut-être une chance de vous expliquer pourquoi j’ai du partir aussi longtemps.
Cela aurait sans doute pu attendre que la princesse revienne au Palais Vieux mais Oberyn ne souhaitait pas attendre. Il était revenu depuis peu et savait qu’il devait présenter ses excuses à bon nombre de personnes ici. Il n’était plus lui-même il y a cinq ans et la fuite semblait être la chose la plus logique à ses yeux. Sûrement pas aux yeux des autres. Il avait abandonné famille, amis, ennemis même pour retourner sur ce continent qui l’avait, de nombreuses fois, accueilli. Essos était sa deuxième maison, sa deuxième famille et durant quatre longues années, il en avait vécu des aventures, bien plus que dans sa jeunesse. Il revenait déterminé, prêt à faire amende honorable auprès de celles et ceux qu’il avait déçu, abandonné, trahi. Oberyn était fin prêt à accepter leur jugement, quel qu’il soit.
#FC7F3C : Oberyn Martell
♛ by wiise
Le Soleil de Tyrosh
Dire que Talya se réjouissait peu de la situation aurait été un euphémisme. Au soulagement d’avoir évité un accident avaient succédé des sentiments bien moins enviables. Agacée, toujours quelque peu attristée et amère, la jeune femme était parvenue à faire bonne figure lorsque le retour de la Vipère Rouge leur avait été annoncé. Elle s’était même sincèrement réjouie, la surprise passée. Puis étaient venus les regrets, la colère. Une colère sourde que la Tyroshie avait glissé sous un masque de fantaisie, coutumier pour elle. Un masque qu’elle n’avait pas recomposé. A quoi bon ? Elle s’était éclipsée pour venir voir Nümia. Ici, son rang n’avait aucun sens. Les masques non plus, de fait.
Et pourtant, un certain apaisement envahit la jeune femme lorsqu’il fut fait mention de Sarella. Nümia n’était plus une petite mouette qu’elle devait garder à l’œil afin que personne ne puisse lui faire du mal. A dire vrai, cela faisait bien longtemps qu’elle était devenue l’un des plus grands prédateurs des environs. Le secret de leur lieu de rendez-vous ne persistait pas pour la dragonne mais pour les habitants des environs. Talya voulait éviter un accident qu’importe le prix. Dès lors, cet endroit n’était connu que d’elle-même, de Sarella et de son époux. Et d’Oberyn, bien malgré elle. En d’autres circonstances, cela n’aurait été qu’un détail. La Vipère Rouge avait eu connaissance de l’existence de Nümia depuis l’époque où elle n’était qu’un œuf. Sa disparition avait rebattu les cartes et la Princesse ne savait si elle lui aurait confié cette information, bien que sa cousine par alliance, et amie précieuse, ait jugé cela acceptable.
« J’ai toujours eu beaucoup de respect et d’affection pour Sarella. La jeune femme s’était adoucie. Je ne lui tiens pas rigueur de sa décision. Il est vrai que vous connaissez Nümia depuis bien avant qu’elle ne brise sa coquille, après tout. »
L’accalmie n’avait duré qu’un temps. Talya se rembrunit alors que le prince s’avança vers elle, lui servant quelques vagues excuses. Oui, elle lui en voulait. Elle lui en avait voulu de ne pas avoir été là pour prendre ses responsabilités, de l’avoir laissée annoncer son départ à leur famille, de ne pas avoir été là pour voir grandir Aliandra. Égoïstement, elle aurait aimé l’avoir à ses côtés lorsqu’elle avait perdu son petit Lewyn. Ou lorsqu’elle avait volé pour la première fois sur le dos de Nümia. Ou encore lorsqu’elle avait été brûlée, au point d’en garder des marques que Sarella avait eu toutes les peines du monde à estomper. La douleur n’en avait été que plus vive car la Vipère Rouge avait toujours été là pour elle, même depuis Port-Réal. La jeune femme en était parfois arrivée à se maudire d’avoir accordée sa confiance de la sorte.
« Soit. »
Talya se força à sourire. Sa curiosité avait été piquée, elle ne pouvait pas le nier. Qui plus est, elle avait toujours été bon public lorsqu’il était question d’histoires et de récits d’aventures. Ceux du Prince Oberyn seraient d’une grande qualité et ne manqueraient pas de lui rappeler cet Essos qu’elle aimait tant. Voilà une bonne raison de l’écouter sans lui assurer que tout était immédiatement pardonné. La Princesse ne le ferait qu’à l’aune des révélations qui lui seraient faites.
« Mais à une seule condition. Talya avait retrouvé de sa malice. J’affectionne grandement les histoires et plus encore lorsqu’elles reflètent la vérité. Venez avec moi, ne restons pas debout. Le confort sera spartiate mais cela suffira. »
Ce n’était pas la première fois que Talya venait ici. Si elle ne laissait jamais rien derrière elle, afin de ne pas indiquer l’endroit où Nümia venait la rejoindre, la jeune femme emmenait toujours quelques effets avec elle. Dans une zone ombragée, la jeune femme avait pris l’habitude de dérouler une nasse sur laquelle elle appréciait prendre un peu de repos avant de s’en retourner à Lancehélion. Ce fut à cet endroit qu’elle vint s’asseoir, ramenant un sac contre elle.
« Je ne m’attendais pas à avoir un invité mais nous devrions être à notre aise ici. Je dois avoir de quoi boire mais nous devrons partager. Talya avait plongé ses mains dans sa besace, afin d’en sortir une outre. Je crains de ne pas avoir de gobelets, cependant. Mais je vous en prie, dites-moi tout. »
Délicatement, la Tyroshie porta l’outre à ses lèvres, buvant quelques gorgées de son contenu avant de la refermer et de la déposer à côté d’elle. Son oncle pourrait se servir s’il le souhaitait. A lui de défendre sa cause, désormais. Elle ne pouvait rien faire de plus, si ce n’est lui offrir une oreille attentive et un peu de sa patience.
The Red Viper
Talya de Tyrosh était une femme extraordinaire. Oberyn l’avait vu de son mariage avec son neveu jusqu’à son départ il y a plusieurs années. La Tyroshi s’était rapidement bien acclimatée et intégrée à la maison Martell, s’imposant comme un membre à part entière de la famille. Le prince lui-même avait tissé un lien avec sa nièce par alliance qui avait grandement évolué dans les derniers temps où il était présent à Lancehélion. La découverte d’un œuf de dragon, les mystères entourant leur engeance, les archives retrouvées sur le temps des dragons. Westeros vivait là les heures d’une nouvelle ère qui voyait le ciel à nouveau peuplé de créatures ailées comme du temps des premiers Targaryen. Cela avait été à la fois fascinant et à la fois effrayant. La première fois qu’Oberyn avait vu un dragon, il s’agissait de Hura, la dragonne de sa nièce, lors de son retour à Port-Réal quelques lunes avant son renvoi. Il avait également aperçu Jaelyx, le dragon de son neveu. Les deux dragons survolaient régulièrement Port-Réal et montraient à qui voulait bien le voir que l’ère des dragons était revenue. Seulement, ils n’étaient plus exclusivement possédés par des Targaryen. Les dragons peuplaient les familles seigneuriales et/ou suzeraines. Oberyn en savait peu sur les propriétaires de dragon mais il semblerait que la princesse Daenerys en possède un. L’exemple le plus parfait était évidemment sa nièce elle-même. Talya avait commencé des recherches parce qu’elle s’était retrouvée en possession d’un œuf qui, au retour d’un voyage à Tyrosh, était devenu un dragon. Nümia. C’était donc elle qui avait fait face à Oberyn quelques minutes plus tôt lorsque le prince était arrivé à cet endroit indiqué par Sarella.
- Comme il vous plaira, princesse.
Oberyn s’inclina et suivit la jeune femme jusqu’à un endroit caché du soleil. Il faisait chaud, comme souvent à Dorne, mais cela ne déplaisait nullement au prince. Il s’assied à son tour, dans une position qui lui était confortable. Il déclina poliment l’offre de sa nièce, lorsque celle-ci l’autorisa, s’il le souhaitait, à partager l’eau qu’elle avait apporté. Oberyn avait ce qu’il fallait et avait bu quelques secondes avant son entrée fracassante. Talya attendait donc le récit de son oncle et elle semblait prête à l’écouter, à écouter la vérité. Oberyn venait simplement d’arriver à Lancehélion et on lui demandait déjà des comptes. Il s’y attendait, évidemment. Il était parti depuis quatre longues années. Il n’allait pas revenir juste comme ça, comme si de rien n’était. Il avait laissé derrière lui ses filles qu’il chérissait, son amante qui n’en était plus une, sa famille, sa maison, son sang. Il espérait néanmoins qu’ils n’étaient pas tous comme Talya, rancunier et en attente d’explication.
- Bien… Ce furent quatre longues années donc j’espère que vous aurez assez d’eau dans votre outre pour tenir ce récit.
Oberyn retrouvait son humour habituel tout en affichant un grand sourire charmeur. Évidemment, il avait vécu un nombre incalculable d’aventures durant ces dernières années et toutes n’étaient pas forcément à raconter, encore moins à la princesse. Mais, elle était courroucée de son départ alors il lui devait au moins cette explication là pour aujourd’hui.
- Plus sérieusement, je suis parti pour mon bien et pour celui de notre maison. Après la mort d’Ysolde, je n’étais plus le même. Je ne m’attendais pas à ce que ma réaction soit celle que j’ai eu. Il a fallu que je fasse face à mes choix, mes erreurs. Je suis parti pour Lys dans l’espoir de me racheter une conduite auprès d’Ellaria. J’ai échoué. J’ai tout perdu. Tout. Mes responsabilités à la Couronne. L’amour de ma vie. Mon meilleur ami. Ma meilleure amie. Je me suis même perdu moi-même en chemin. Je ne suis pas du genre à revenir auprès de ma famille et les laisser me consoler. Je n’arrivais à me faire à la vie au Palais Vieux après tout cela. Il fallait que je parte et il fallait que je parte rapidement, ne vous laissant pas le temps de m’en dissuader. Je suis donc parti pour Pentos où j’ai encore quelques contacts. Je ne pensais pas partir aussi longtemps pour tout vous avouer mais quand on part pour Essos, nous savons quand nous y partons mais jamais quand nous pouvons en revenir.
Si Bokkoko ne l’avait pas retrouvé à Pentos, peut-être qu’Oberyn aurait pu revenir bien plus tôt. S’il n’avait pas croisé Ilaena près de Norvos, sans doute qu’il aurait repris la route des côtes occidentales d’Essos. S’il ne s’était pas retrouvé impliqué dans quelques affaires çà et là, peut-être aurait-il pu rentrer plus tôt. Mais c’était ainsi. Quatre années s’étaient déroulées, quatre longues années pendant lesquelles Dorne avait vécu d’un côté et le prince de l’autre.
#C82605 : Oberyn Martell
Le Soleil de Tyrosh
Talya aurait préféré ne pas contribuer au malheur de la Vipère Rouge. Elle se doutait que le voyage avait du être éprouvant, de même que les retrouvailles avec leur famille. Elle-même s’était déjà retrouvée dans cette horrible situation. Sans doute aurait-il préféré trouver le repos auprès de ses filles, de la petite Aliandra qu’il n’avait que peu connue. De retrouver ses racines, en somme. Hélas, le temps des pardons devrait attendre encore un peu. Car ma Tyroshie avait payé le prix fort des interrogations plus souvent qu’elle ne l’aurait souhaité. Elle ne demandait que justice, qu’une réparation pour ces longues palabres qui avaient été siennes lorsqu’il avait été question de défendre son oncle. L’ardeur qu’elle avait mise dans cette tâche l’avait épuisée. Cet épuisement s’était mué en colère d’autant qu’elle n’avait jamais su si elle avait bien fait d’agir de la sorte, malgré toute l’affection qu’elle portait au Prince.
« Mon modeste salon est fort confortable, ne vous en faites donc pas. Talya avait retrouvé toute sa malice. Contez-moi toutes ces merveilles ! »
La jeune femme replia ses coudes, les posant sur ses genoux alors que ses mains se retrouvaient sous son menton. Une habitude que la Princesse avait gardé de son enfance, lorsque son oncle de sang lui contait ses aventures ou les récits qu’il avait pu glaner durant ses errances. Il était alors question de dames aux cheveux de lierre aux grands pouvoirs, de pirates cherchant des coffres remplis d’or en dépit des dangers ! Ou lorsque sa mère la prenait à ses côtés, lui glissant à l’oreille ces histoires de héros aux chars décorés d’étoiles de mer et tirés par des dauphins. Ses préférées, à n’en pas douter ! Sa défunte mère avait toujours eu une imagination débordante qui l’avait faite rêver. Oberyn parviendrait peut-être à faire de même, dans un tout autre domaine.
Alors, Talya pencha légèrement la tête sur un côté, se laissant porter par le récit. Cette fois-ci, il ne serait pas question de héros mythiques, de coffres remplis de richesses au point d’en déverser en tous lieux. Il serait question d’aventures peut-être un peu plus terre-à-terres, où les charlatans croisaient des Princes, où les douceurs d’Essos se mêlaient aux pires méfaits. Une histoire dont le début n’était que peine, douleur et chagrin. A Dorne comme en Essos, la réalité était toujours des plus cruelle et l’amusement de Talya s’était évanoui aussi rapidement que la mort d’Ysolde avait été sous-entendue. Les années passaient et le deuil persistait. Tout juste était-il plus doux à supporter, après avoir été si lourd sur son cœur et ses paupières.
« Essos est une terre magique pour bien des raisons. Talya jeta un regard en direction de l’horizon, espérant y voir Nümia, sans grands résultats. Le temps semble s’y écouler tout autrement. Au fond, nous n’y sommes jamais perdus, nous finissons toujours par nous y retrouver. La jeune femme reposa ses prunelles sur son oncle. Pentos, alors ? Êtes-vous resté longtemps sous ses hautes murailles ? »
Talya se doutait que ce séjour avait été de courte durée. La présence d’un Dornien esseulé, tout Prince fut-il, n’aurait pas manqué d’attirer l’attention, voire quelques convoitises. D’un autre côté, la jeune femme ressentait une forme d’apaisement. Oberyn avait été loin d’eux, réellement. Il n’avait jamais été sous le regard, à Lys, Myr ou même Tyrosh. Pas au commencement du moins. Il avait voulu se ressourcer, non pas se dissimuler totalement à leurs regards en restant sous leur nez malgré tout.
The Red Viper
L’histoire d’Oberyn à Essos était longue et périlleuse. Toute aventure ne serait pas bonne à raconter mais il y avait des éléments que le prince souhaitait partager avec Talya. Il lui devait bien cela. Il l’avait laissé, quatre ans plus tôt, avec un lourd fardeau, profitant de leur lien, de leur affinité, de la confiance qu’elle avait en lui. Certaines choses devaient néanmoins demeurer secrètes et Oberyn jouerait de son verbe habituel pour ne pas trop en dire. Il acquiesça aux affirmations de sa nièce. Essos était effectivement bien différent de Westeros. Le temps y était différent, le climat, l’atmosphère, la géographie surtout. Cet immense continent qui s’étend à perte de vue vers l’Est regorgeait de monts et merveilles mais aussi de sombres et obscurs endroits. Les aventures qu’Oberyn vécut là-bas ne furent pas toutes joyeuses et n’ont pas toutes bien finies. Cela pouvait se deviner par les quelques cicatrices visibles sur sa peau qui n’était pas recouverte par le tissu de ses vêtements. La plus marquante de ses cicatrices était celle qu’il arborait sur son visage au niveau de son œil gauche. Nul doute que si la princesse Talya la remarquait, il devrait s’attendre à ce qu’elle lui demande une explication. Mais pour l’heure, ses premières aventures étaient attendues d’être écoutées.
- Pentos. Pourquoi Pentos me direz-vous ?
En effet, pourquoi Pentos alors que Lys semblait bien plus proche. Oberyn n’avait pas souhaité quitter sa famille et Lancehélion juste pour retourner à Lys où il était susceptible d’être rejoint par un ou plusieurs membres de sa famille. Lys était à part, faisait partie des amis de Dorne depuis bon nombre d’années maintenant. De plus, avec le duel qui se déroula près de la demeure de l’archonte il y a quelques années, le prince n’osait pas imposer à nouveau sa présence. C’était donc plus au nord qu’il avait décidé de se rendre puisque Pentos se situait bien plus au nord que Tyrosh et Myr même, des destinations qu’il aurait pu choisir mais sa volonté, à l’époque, était de s’éloigner le plus possible. Tyrosh lui rappellerait indubitablement la princesse Talya et c’était la dernière personne à qui il souhaitait penser à ce moment-là. Déjà rongé par la culpabilité de laisser sa famille, celle envers sa nièce était encore pire. Il lui avait laissé une lettre, rapidement écrite à la main, porteuse de la nouvelle de son départ. C’est un lourd fardeau qu’il posa sur les épaules de Talya et dont il payait les conséquences aujourd’hui.
- Quelque temps. Je dois avouer que les durées ne me sont pas restées à l’esprit. J’ai même parfois perdu le fil du temps au cours de mes errances. Mais c’est par Pentos que je commençai ce long voyage sans savoir jusqu’où il me mènerait. Pour cause, je rencontrai là-bas un ancien camarade du temps où je faisais partie des Puînés.
Oberyn n’en était effectivement pas à sa première visite d’Essos. Ce périple de quatre ans serait, sans nul doute, le plus long séjour qu’il effectua sur le continent oriental mais pas le premier. C’est probablement dans le courant des années 270 qu’il intègre la compagnie des Puînés, rappelant alors ce fait à sa nièce. Après un différend avec lord Edgar Ferboys, le prince Oberyn est plus ou moins forcé de s’éloigner de la cour princière, se rendant alors dans un premier temps à Villevieille. Là, il y forge six maillons en un temps assez incroyable. Puis, après une escale à Lys, déjà lieu emblématique présent dans le cœur du Dornien, il s’enfonce dans les terres orientales où il rejoint les Puînés pendant quelque temps avant de fonder sa propre Compagnie, aujourd’hui démantelée. Le prince s’est ainsi fait énormément de contact via le mercenariat. C’est pourquoi, quelques jours à peine après son arrivée à Pentos, il fut accosté par une ancienne connaissance.
- J’ai connu Bokkoko pendant ma jeunesse en Essos. Cela faisait bien des années que je ne l’avais pas vu. Lui ne m’avait pas oublié puisqu’il était à ma recherche. C’est comme ça que je me suis retrouvé empêtré dans une première aventure. Celle-ci en amena une autre puis une autre puis une autre. Si certaines étaient volontaires – il fallait bien que je m’occupe l’esprit – d’autres furent totalement indépendants de ma volonté.
Comme celle qui le mena jusqu’à Qarth mais il n’en dirait rien aujourd’hui ni un autre jour d’ailleurs. Parfois, certaines choses doivent demeurer cachées, secrètes, enfouies pour le bien de tous. Essos était un continent immense et complexe. Si les guerres intestines et les conflits à répétition rythmaient la vie de Westeros, il y avait bien plus de choses et d’événements qui rythmaient celle d’Essos.
- Mais pour conclure sur cette première aventure, il m’a fallu me confronter à un ancien ennemi. Rassurez-vous, tout cela a bien fini, heureusement, sinon je ne serai pas là pour en parler.
Il afficha son sourire charmeur, prenant alors un ton plus léger mais il reprit bien vite une voix plus neutre pour poursuivre son récit.
- Bokkoko m’emmena jusqu’à Norvos qui fut probablement un moment des plus marquants de ces quatre années. J’ai retrouvé la mère de Nymeria.
L’information avait été lâchée. Oberyn s’était laissé aller à cette confidence soudaine et sincère. Avec Talya, il n’avait aucun mal à se confier même si elle demeurait simplement sa nièce. Seulement, pour lui, au fil des années, la princesse était devenue une membre à part entière de la maison Martell, une femme en qui il avait une confiance totale. Ils avaient ensemble mené des recherches sur les dragons. Talya s’était confiée à lui, de nombreuses fois. Si cette relation de confiance avait été mise à mal par le prince, elle perdurait cependant encore et il ferait tout pour la regagner pleinement.
♛ by wiise
Le Soleil de Tyrosh
Des cicatrices, ils en avaient de nouvelles tous les deux. Talya ne manqua pas de faire cette remarque, alors que ses prunelles scrutait ce visage pourtant connu. A croire qu’elle craignait de ne pas reconnaître ce Dornien, ce Prince, cet Oncle, qui avait prit une telle place dans sa vie. La Tyroshie avait souvent eu l’attachement facile. Elle aimait le genre Humain au sens large et ne se lassait jamais de la compagnie de ses semblables. Aussi, il avait été aisé de chérir la présence, la personnalité et la personne qu’était la Vipère Rouge. Aussi était-elle soulagée de le reconnaître, de voir qu’Essos n’avait pas prit tout ce qu’elle avait connu dans l’âme de son Oncle. Quant aux cicatrices… Peut-être pourraient-ils en parler ensemble, prochainement ? Sans pouvoir le formuler, il aurait été malvenu d’interrompre un tel conteur durant son récit, Talya souhaitait lui partager l’histoire de cette brûlure qui avait manqué de lui coûter son bras. Ou lui faire découvrir cette blessure à peine refermée qui lésait toujours son cœur depuis le jour où Sarella lui avait annoncé que Lewyn ne vivrait, qu’il ne vivrait jamais, qu’il n’aurait jamais pu vivre.
Alors, Talya tira sur sa manche gauche, masquant ce qui pouvait bien transparaître de sa cicatrice. Une bande de peau plus claire, moins sensible, un rappel cuisant que même elle pouvait être blessée par Nümia. A défaut de pouvoir masquer l’autre marque qu’elle portait au creux de son cœur, au moins pouvait-elle cacher encore un peu celle-ci. Il fallait qu’elle se concentre, qu’elle suive cette histoire que le Prince tissait sous ses yeux. Elle voulait savoir. Elle avait toujours souhaité frôler du bout des doigts cette existence qu’il avait mené loin d’eux. A présent qu’elle en avait l’opportunité, il ne fallait pas la laisser s’échapper.
« Mais oui, je vous le demande, mon Oncle ! Cessez donc de me tourmenter ! »
La jeune femme se fendit d’un sourire, à défaut de pouvoir rire. Son âme s’y refusait pour cette fois. Les Puînés avaient donc été un facteur déterminant pour la suite de cette épopée. Bien, elle n’était pas contre un récit mêlant plusieurs trames ! Après tout, les meilleurs récits épiques concernent le plus souvent une foule de héros. Qu’ils soient mercenaires n’était pas le plus surprenant. Ils faisaient partie de la vie d’Essos au sens large, de Westeros dans une mesure plus discrète.
« La rumeur vous dit capable de charmer les pires serpents. Quel danger serait pour vous un ennemi bien humain ? rétorqua Talya, une étincelle d’amusement dans le regard. Je me laisse le temps d’en juger en temps voulu. »
La mère de Nymeria ? Talya n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer celle qui se faisait appeler Lady Nym. Son amant l’avait emportée dans les Abysses bien trop tôt pour cela, pour ce qu’elle avait pu apprendre à ce sujet. Il lui semblait que sa mère était une noble Volantaine. A moins qu’elle ne soit plutôt Myrienne ? La Princesse ne parvenait pas à s’en souvenir. Toujours est-il que le hasard, à moins que ce ne soit une œuvre pleine et entière du Destin, avait permis aux anciens amants de se retrouver.
« … Essos est décidément une terre de miracles. reprit plus doucement Talya, sa main droite quittant son genou pour venir serrer celle de son oncle. Je vous en prie, poursuivez. Il me tarde de rencontrer cette auguste femme par vos mots. »
Cette femme avait compté pour Oberyn à plus d’un titre. C’était ce sentiment qui poussait Talya à désirer en apprendre davantage, au-delà de sa curiosité somme toute naturelle. Son Oncle avait déjà vécu tant de choses… Assez pour que sa mémoire traverse les siècles, lui semblait-il. Il lui faudrait redoubler d’ingéniosité pour parvenir à un but semblable et ce défi lui plaisait.
The Red Viper
Essos lui avait réservé bien de mauvaises surprises si bien que lorsqu’il fut contacté par Bokkoko à Pentos, il avait grandement hésité à faire machine arrière. Revenir à Lancehélion, se faire pardonner auprès d’Ellaria, retrouver ses filles, redevenir le prince de Dorne qu’il était. Mais le goût de l’aventure était également présent. La Compagnie des Puînés avait été sa famille pendant plusieurs lunes. Il ne pouvait nier que la scission qu’il y avait eu au sein du groupe le chagrinait quelque peu. Mais les années s’étaient écoulées bien rapidement depuis la dernière fois qu’il les avait côtoyés. Il savait bien comment certains membres se comportaient et agissaient. Il n’était pas anodin que les mercenaires aient fini par se séparer, se scinder. Mais ce qui retint l’attention de Talya, à juste titre, était la mention d’Ileana, la mère de Nymeria, un prénom qu’il n’avait pas entendu depuis bien des années, si bien qu’il l’avait pensé morte tout ce temps. Après les mauvaises surprises, il semblerait que les Dieux, anciens comme nouveaux, aient changé d’avis et de donner au prince une aventure des plus bénéfiques pour lui. Quittant le tumulte des disputes entre Puînés, pour probablement les retrouver plus tard, le prince resta plusieurs jours à Norvos en compagnie d’Ileana, rattrapant le temps perdu. La Volantaine demeurait encore bien charmante aux yeux du prince dont elle demeurait toujours sous le charme. Les deux ex-amants se retrouvèrent avec plaisir et intimité comme s’ils ne s’étaient jamais quittés. Bien sûr, la nostalgie de leurs jours perdus revenait à eux, la pensée de leur fille, morte depuis dix ans maintenant, était bien présente.
- J’ai rencontré Ileana alors que je n’avais pas encore dix-huit ans. Elle en avait quinze. Nous avons conçu Nymeria dans l’amour, je pense pouvoir le dire. Et pourtant, je ne suis pas homme à tomber amoureux facilement. Je ne peux pas dire que j’étais amoureux d’Ileana d’ailleurs mais il y avait quelque chose entre nous, c’était certain.
Oberyn poursuivait son récit à destination de sa nièce qui semblait boire ses mots. Les aventures de son oncle devaient à la fois la réconcilier quelque peu avec lui et à la fois l’émerveiller car c’est un continent dont elle est issue. Tyrosh faisait partie des alliés naturels de Dorne et elle en était la digne représentatrice. Il poursuivit alors, appréciant la main de la princesse sur sa main qu’elle serra dans la sienne. Il était encore là, bien présent, indestructible. Le lien que le prince et la jeune femme avait tissé aurait pu être mis à mal avec la disparition soudaine d’Oberyn cinq ans plus tôt mais il n’en était rien. Si le prince avait du chemin à faire avec la princesse, ses filles et sa famille en général, il sentait que l’affection qu’on lui portait était belle et bien là.
- Nous sommes donc retrouvés, soudainement, par un coup du destin sans aucun doute. Je ne vois pas comment cela serait possible autrement. Cela mit mes réflexions en pause pendant quelques jours mais je dois dire que l’avoir revu après tout ce temps m’a fait quelque chose.
Il poursuivit son récit en précisant qu’elle avait été en contact avec Bokkoko et que ce-dernier avait promis à la Volantaine qu’il mènerait le prince jusqu’à elle. Elle avait une chose importante à lui dire. Quel ne fut pas son étonnement d’apprendre qu’Ileana avait été à la recherche de l’assassin de sa fille pendant tout ce temps. Oberyn l’avait empressé de lui dire si elle l’avait retrouvé, ce qu’il faisait, où il était. Ileana le lui confia, en sachant pertinemment que si la Vipère Rouge le retrouvait, il n’en ferait qu’une bouchée. Mais là encore, ce fut une aventure qui n’eut pas la fin escompter. L’homme leur échappa et disparut de nouveau. Il ne devait la vie qu’à l’intervention d’anciens détracteurs du prince qui se vit alors devoir protéger la mère de Nym face à des mercenaires, bien moins sympathiques que Bokkoko. Terminant son récit par les adieux qu’il fit à Ileana, le prince avait le regard vers les cieux, presque imbibés de larmes. Il pensait à sa fille qu’il aurait pu venger. Le destin en avait décidé autrement et c’est une chose à laquelle le prince dut réfléchir également. Quittant Norvos, et donc Ileana, il se dirigea vers l’immensité de l’est, sa route le menant vers le Vaes Dothrak mais également Volantis, la Baie des Serfs et le plus qu’il eut été : Qarth.
- Mais toutes mes aventures ne sont pas forcément bonnes à raconter. Vous m’en voyez navré, ma très chère nièce, mais peut-être qu’un jour, je vous dirai tout. Du début jusqu’à la fin. En attendant, il vous faudra vous contenter de ce que je vous ai déjà donné et de ceci.
Prenant une légère gorgée d’eau, il hydrata sa bouche et sa gorge. Parler, parler, parler. Cela demandait de l’énergie et beaucoup d’eau. Il reprit en éclipsant pas mal d’années dans ses aventures, précisant que sa route l’avait mené à Lys pour une dernière étape tout aussi importante. Il n’avait jusqu’alors pas mentionner Nym. Peut-être était-il temps pour lui d’introduire ce nouveau personnage dans son récit déjà long bien qu’il manque quand même pas mal d’épisodes.
♛ by wiise
Le Soleil de Tyrosh
Ainsi, le récit s’arrêtait là. Talya mentirait en disant qu’elle ne restait pas sur sa faim. Elle hocha la tête, pouvant comprendre malgré tout que ces aveux étaient déjà fort lourds à formuler. D’une certaine manière, tout cela serait leur secret aussi longtemps que nécessaire. Tout juste se permit-elle de tendre son mouchoir au Prince son oncle, un sourire compréhensif se glissant sur ses lèvres. Elle se montrerait patiente. Vivre avec un dragon dans l’âme lui avait au moins appris cela. Qui plus est, elle aussi avait bien des choses à raconter. Son tour viendrait, il n’y avait pas de meilleur accord où les deux partis recevaient une chose semblable.
« Je vous remercie pour toutes ces confidences. Je les garderai bien précieusement ici et là. »
Talya avait indiqué sa tête puis son cœur, laissant quelques instants sa main à cet endroit avant de la laisser retomber sur son genou. Le récit reprenait, les portant jusqu’à Lys. L’une des dernières étapes du périple du prince. Et dire qu’il avait été si proche sans qu’aucun d’entre eux ne puisse en avoir conscience. Il aurait suffit de bien peu de choses pour croiser la Vipère par mégarde. Il semblait pourtant que les dieux en avaient décidé autrement. Pour le mieux, sans doute. La Tyroshie n’était pas certaine d’avoir pu retenir son amertume si c’était un simple hasard qui avait mené à leurs retrouvailles.
« Ainsi, il semblerait que vous ayez ramené un petit souvenir de votre dernière escale. Je ne suis pas la seule à avoir cette manie. Il ne faudrait pas en faire une tradition familiale pour autant. » commenta la princesse, tout sourire.
Nümia aussi avait été ramené dans ses malles, ou peu s’en faut. Un souvenir qui, s’il lui inspirait auparavant une profonde douleur, revêtait une autre couleur désormais. Elle avait payé sa part du marché. Elle aimerait toujours Darna du plus profond de son âme, son époux ne manquerait pas de le lui rappeler si cette idée venait à s’étioler. Nümia était la preuve de sa repentance, d’un avenir qui serait bien différent du passé. Car elle s’améliorerait. Avec un tel phare, Talya ne pouvait plus imaginer se perdre. Si son Oncle n’avait pas ramené un dragon avec lui, du moins sa nièce en doutait, peut-être que cette créature aurait un effet proche sur lui malgré tout ?
« Nümia est aussi le fruit d’un voyage. Peut-être pourrais-je vous le raconter, un jour prochain. Ou même de l’épopée qui fut la nôtre durant votre absence. Ma dragonne n’est pas devenue la créature que vous avez croisée en une seule nuit. Elle tenait encore au creux de mes bras, le jour de votre départ. »
Comme elle avait grandi, sa petite mouette. Elle était devenu goéland puis albatros, petit à petit, avant de se tenir à ses côtés plus grande encore que n’importe quelle autre monture de ce monde. Six années pour en arriver là. Six années qui n’étaient pourtant que le début de son existence, celle d’un des premiers dragons que Dorne comptait de son côté. Jamais Talya ne verrait la fin de son œuvre, de ce miracle qui était né entre ses mains. Tout juste pouvait-elle espérer que ce lien, au-delà de serrer doucement son âme, se transmette aussi par son sang. Qu’un jour quelqu’un pourrait se revendiquer d’elle pour faire de même avec Nümia. Lewyn aurait pu avoir cette chance. Hélas, quelque chose en avait décidé autrement. Quelque chose d’invisible, d’insidieux, l’avait arraché à ses bras.
« J’aurais aimé vous présenter quelqu’un d’autre, aussi. Je ne doute pas qu’il vous aurait fait meilleur accueil que Nümia. Veuillez lui pardonner, par ailleurs. Nous découvrons la profondeur de notre lien à chaque jour qui passe et il y a tant de choses que je ne pourrais jamais vous expliquer, bien que l’envie ne m’en manque pas. Talya s’esclaffa. Reprenez donc, nous aurons tout le temps pour cela, vous couper la parole ne reviendrait à rien. »
Son rire s’acheva en une petite fêlure. Celle du souvenir d’un être qu’elle n’avait même pas pu connaître, au fond. Sarella avait eu toutes les peines du monde à lui retirer l’enfant. Il n’y avait pourtant rien à faire, Talya le savait déjà au fond d’elle. Peut-être espérait-elle un autre miracle ? Si elle avait pu faire éclore un œuf de pierre, était-il impossible de rendre la vie à un si petit être ? A croire qu’elle n’avait droit qu’à un seul vœu. Un vœu qui ne pouvait être délié, désormais. La discussion se poursuivit alors, le temps s’écoulant encore et toujours. Le moment du retour approchait. Qui plus est, la Tyroshie doutait de revoir Nümia aujourd’hui. Mieux valait prendre la route du retour, les bonnes histoires pouvaient aussi se conter en marchant, après tout.
The Red Viper
En cet instant si agréable, Oberyn ne cessait de passer à sa maison, sa famille, ses filles, ses nièces. Il avait abandonné tout ce monde-là par nécessité et en partie par choix. Il n’était plus lui-même, avait tout perdu, s’était même fourvoyé. Comment aurait-il pu continuer ainsi alors que tout allait mal ? Ce retrait était nécessaire mais il convenait, et conviendrait plus encore à mesure que les lunes avançaient, que sa façon de quitter Dorne n’avait pas été des plus courtoise. Seule la princesse Talya avait été mise au courant et sur elle, il chargea le lourd fardeau d’annoncer au reste de la famille sa décision de partir, pour le bien de tous mais surtout et avant tout pour le sien. Le voilà aujourd’hui, quatre ans plus tard, faisant son retour à Lancehélion, ramenant avec lui bon nombre de souvenirs, bon nombre d’idées, bon nombre d’envies. Il était à la fois l’ancien Oberyn et le nouveau Oberyn. Il avait surmonté l’épreuve du deuil, avait renoué avec d’anciennes connaissances, avait croisé le chemin de nouvelles, avait vécu maintes aventures qui, malgré son âge avancé, l’avait fait encore plus grandir. Seulement, de retour chez lui, la plus grande des aventures l’attendait de pied ferme. Renouer avec ses filles était son souhait le plus cher, se faire pardonner de tout acte qu’il avait pu commis était sa volonté première. Seulement, il s’en rendrait compte bien assez vite, cette quête serait bien plus difficile qu’il ne le pensait.
Les confidences se poursuivaient et la princesse Talya semblait apprécier cette confiance. Le prince Oberyn avait beaucoup d’efforts à faire mais il était prêt à tout. Si le cœur de sa nièce semblait être de nouveau atteint en quelque sorte, il savait d’ores et déjà que celui de ses filles serait bien plus complexe à reconquérir. Mais une chose à la fois. Il était certain que le prince était bel et bien de retour sans aucune envie de repartir ni d’abandonner de nouveau tout ce qui lui était cher. Tout sourire face à la princesse, Oberyn mentionna brièvement Nym, le hrakkar femelle qu’il avait eu en cadeau et qu’il avait ramené avec lui. Il songeait déjà au bazar qu’elle avait pu mettre dans ses appartements et à la tête que devait faire Deziel, son fidèle ami et serviteur. Le parallèle était ainsi tout trouvé avec Nümia, la dragonne de Talya, qui avait bien grandi, comme il avait pu s’en rendre compte quelques minutes plus tôt. Tout, ici, en cet instant, lui rappelait ses quatre années d’absence. La dragonne était bien plus grande qu’à son départ où elle ne tenait encore que dans le creux du bras de la princesse. Même les traits de cette-dernière avait changé alors que la trentaine s’installait en elle. Si le prince avait beaucoup de choses à raconter, il était clair que sa famille en avait tout autant à dire. Il ne put qu’acquiescer, enjoué à l’idée de connaître les récits de la princesse et de sa dragonne. L’émotion était lisible dans le regard du prince tandis que Talya s’esclaffait bien que quelque chose semblât lui être caché derrière ce rire. Le visage d’Oberyn devint alors sérieux et si l’envie de lui conter une ou deux aventures de plus était présente, il était bien plus prompt à lui laisser la parole, ne voulant guère monopoliser le moment qu’ils partageaient tous les deux.
- Non, non, je vous en prie. Il n’y a pas de mal à cela.
Mais il poursuivit ainsi, ne sachant quel possible secret la princesse lui cachait présentement. Il n’y avait eu que très peu de communications entre le prince et Dorne durant ses quatre ans. Aussi, il n’était au courant de presque rien. Il y avait encore des choses qui lui échappaient. Ses filles ne lui parlaient plus, en dehors des aînées qui demeuraient chacune occupées dans leurs responsabilités et tâches respectives. Oberyn était à des milliers de lieues d’imaginer ce que la princesse avait dû subir et vivre quelques années plus tôt alors que lui vivait de bien dangereuses aventures sur le continent oriental. Les mots suivants furent autour de l’animal que le prince avait reçu en cadeau. Si l’aventure en elle-même ne fut pas contée, ce furent les premiers instants avec l’animal que le prince décida de confier à sa nièce. Prénommée comme sa défunte fille, Nym avait déjà son petit caractère malgré son jeune âge et cela stimulait grandement Oberyn habitué au calme depuis des années. Il promit à la princesse de lui présenter Nym le soir venu, lors du banquet que les Martell avaient prévu pour son retour. Il espérait d’ailleurs, et ça le faisait rire, que la jeune hrakkar se tiendrait tranquille face à ce petit regroupement familial. La discussion et les retrouvailles se poursuivirent également lorsqu’il leur fut temps de rentrer au Palais Vieux. Puis, au moment de se quitter, Oberyn s’approcha de la jeune princesse qu’il prit délicatement dans les bras avant de lui déposer, tendrement, un baiser sur le front.
- Merci, Talya, pour votre gentillesse à mon égard, après toutes ces années. Je n’en méritais pas autant...
Après quoi, il lui sourit et prit congé de sa présence, lui donnant ainsi rendez-vous le soir venu pour le repas familial. Il effectua une révérence bien prononcée et la quitta pour prendre la direction de ses appartements où l’attendait un Deziel désemparé et une Nym joueuse.
♛ by wiise