Les liens du sang sont indélébiles

Correspondance avec @Darren Kenning

Les liens du sang sont indélébiles

Le messager avait surpris Manfred sans le surprendre. Il s'attendait bien, un jour, à avoir des nouvelles de Kayce, ne serait-ce que pour qu'on lui annonce que le pendard lui servant de géniteur était désormais six pieds sous terre. Des rumeurs confuses étaient d'ailleurs parvenues à son oreille à son retour dans le Bief. Les unes donnaient Terrence mort, les autres partis pour le Mur, avec des récits plus ou moins sanglantes de trahison et donnant à voir son frère, Darren - qu'il était étrange de l'appeler comme ça alors qu'il n'étaient même pas vraiment proches - en traitre ou en parricide...Flowers n'aurait pas pleuré son père. Mais l'histoire le rendait curieux, et le geste de Kenning, qu'il comprit en ouvrant la missive, le toucha et le surpris. Au moins se comprenaient-ils dans la haine de leur géniteur, et cela lui fit un point commun, d'un coup, avec l'inconnu lui servant de frère, et le poussa à répondre.





Lord Darren,

Je vous présente tout d’abord mes plus sincères excuses pour le délai de cette réponse. Vos informations et vos intuitions étaient bonnes. J’ai effectivement survécu à Winterfell,où ser Martyn m’a adoubé, et je suis bien revenu à Charmchamp. Blessé, il souhaitait y revenir ; il n’a malheureusement pas survécu au voyage et c’est vers sa dernière demeure que je l’ai accompagné. Néanmoins, lord Tournebaie m’a fait comprendre qu’il ne souhaitait me conserver au service de sa maison. N’ayant pas vu ma mère depuis longtemps, j’ai ensuite regagné Mielbois pour rendre visite aux des Essaims. Ensuite, ne souhaitant m’imposer ni à lord Terrence, ni à lord Warryn, j’ai décidé de subvenir moi-même à mes besoins en me recherchant une maison qui pourrait avoir besoin de mes services. C’est finalement lord Florent qui m’a recruté en remplacement – provisoire – de son maitre d’armes, si bien que je me trouve actuellement à Rubriant. Il me faut d’ailleurs féliciter votre messager, qui m’a suivi à la trace de Charmchamp à Mielbois jusqu’ici, ce qui me permet donc de vous répondre. Je devrais rester ici encore quelques semaines et vous préviendrais si je devais partir, sans doute à la prochaine lune. Si jamais vous deviez me réécrire, vous saurez ainsi où me trouver.

Je ne suis, je vous l’avoue, pas autrement surpris de ce que vous m’écrivez. J’avais entendu que vous aviez vous-même survécu à Winterfell. D’ailleurs, je dois saisir cette occasion pour vous présenter mes condoléances pour la perte de votre frère – nous ne nous connaissions pas assez, je crois, pour pouvoir dire « notre » frère – Rowan, que j’ai appris plus tard également. De ce que j’ai entendu de lui, il paraissait être un homme bien et un bon chevalier. Si j’en reviens à lord Terrence, donc, j’ai effectivement entendu toutes sortes de rumeurs de trahisons et de prise de pouvoir par la force, auxquelles je n’ai guère prêté d’attention. Là encore, je ne crois pas – et je ne souhaite pas non plus, à vrai dire – pouvoir demander des comptes sur la gestion de Kayce. Je me suis dit que vous me l’expliqueriez si vous le souhaitiez ou que j’aurais un jour l’occasion de vous croiser et de vous en parler : d’ici là, il me semble que vous êtes le mieux placé pour décider pour les Kenning de ce qu’il doit en être. Quant à lord Terrence, ma foi…je n’ai jamais attendu quoique ce soit de lui, ou peut être des choses qu’il n’aurait jamais pu me donner. Il n’a jamais été un père pour moi, je suis navré – mais comme je le disais, pas vraiment surpris - d’apprendre qu’il n’était pas non plus un bon seigneur.

En ce qui me concerne, donc, il est très bien là où il est ; j’ai vu assez le Nord pour le restant de ma vie, et je ne saurais quoi lui dire. A quoi bon lui demander pourquoi, dans mon cas, il s’est comporté de la sorte avec ma mère…je crois avoir déjà la réponse, et je pense qu’il ne vaut mieux pas qu’elle l’entende. Pour une raison que je ne m’explique pas, je pense qu’une partie d’elle l’admire toujours, et la vérité brute, je le crois, ne lui ferait aucun bien, si tant est qu’elle soit capable de l’entendre. Et quant à ma personne cela ne changerait rien.

J’entends parfaitement ce que vous me dites à propos de Kayce et ne souhaite pas m’imposer. Je vous souhaite en tout cas de réussir dans votre tâche. Si l’opinion de votre frère bâtard vaut quelque chose, je crois que vous ferez un meilleur seigneur que notre géniteur et que vous avez bien fait.

Ce que vous m’avez envoyé m’est d’ailleurs bien parvenu et je voulais ici vous en remercier. Tous les seigneurs n’auraient pas fait cela – ce qui conforte mon opinion précédente – et je vous suis reconnaissant de ce geste auquel rien ne vous obligeait. Si vous aviez un jour besoin d’aide, sachez que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour répondre présent en retour.