[EVENT] Libérons les otages !

Libérons les otages !

An 304, Lune 11, Semaine 1

Cela faisait plusieurs semaines que la petite troupe était arrivée aux abords de Goëville, positionnée à quelques lieues de la cité assiégée dans l'attente d'être reçue par le seigneur (et traître) des lieux. Il faut dire qu'il y eut tout d'abord des négociations dans les négociations car fort de sa positon avantageuse dans la tenue des débats, @Gerold Grafton s'était fait désirer et il fallut se mettre d'accord sur les conditions requises pour la tenue de cette rencontre. Ce ne fut pas chose aisée et plus d'une fois on manqua perdre patience de part et d'autre. Mais lorsque les portes de Goëville s'ouvrirent finalement sur les quatre hommes envoyés pour parlementer, malgré la situation délicate dans laquelle se trouvait la cité depuis le début du blocus maritime imposée par la flotte Velaryon, tout avait été fait pour la grandeur qu'on attend des vainqueurs et les émissaires furent reçus avec déférence, ce qui ne manqua pas d'étonner. On se demanda d'abord s'il était judicieux d'accepter un tel lieu pour entamer les discussions mais malgré les apparences qui n'étaient pour l'instant pas à son avantage, on savait lord Grafton homme de principes. Cela fut assuré à maintes reprises, les lois de l'hospitalité seraient respectées.

Dans la salle réservée pour l'occasion, les mines étaient basses et austères, chacun essayant de tenir son rang. Au devant des autres, ser Morton Vanbois était investi d'une mission pour laquelle il refusait d'abdiquer. Il représentait son suzerain et n'oubliait pas que dans les geôles se trouvaient d'illustres noms, tels que ceux de son beau-frère, lord Uthor Tallet ou de son neveu ser @Robar Royce. Derrière lui se tenait un autre de ses beaux-frères, ser Edmund Rompierre ainsi que Creighton Rougefort venu quant à lui négocier la libération de son frère lord @Jasper Rougefort ainsi que de son oncle, ser Eldric Elesham. Enfin lord Nestor Royce complétait ce groupe. S'il avait longtemps espéré le diriger il dut s'incliner à contre-cœur face à la demande de lord Harrold. Sous la surveillance constante de ser Simon Sunderland, drapé dans son manteau aux couleurs vertes, tous attendaient désormais que les traîtres daignent apparaître. La poursuite de la guerre dans le Val était désormais entre leurs mains, ainsi que le sort de leurs proches, amis ou famille.

Le moment était historique. J’avais préparé cet instant avec un soin tout particulier, c’était le centre de mes pensées depuis que l’entrevue avait été arrangée et que ma présence fut requise. Je ne dormais pas bien, je ne mangeais pas bien, je ne souriais plus. Si le siège était déjà éprouvant, cette rencontre l’était d’autant plus. J’avais une conscience très sérieuse de mon rang, je savais que de ma vie la chance qu’un Shett soit assis à ce genre de table, dans ce genre de discussion était plus dû au jeu du hasard qu’à la volonté des hommes. Dans cette optique, j’avais fait ressortir l’une de mes plus belles tenues, une tunique de velours vert brodée d’or, une cape marron tachetée de mouettes blanches. Je portais peut-être trop d’importance à l’apparence mais pour moi c’était crucial. L’apparence c’est ce qui nous fait, c’est ce qui nous définit aux regards des autres. Dans une négociation, l’apparence devait compter, comme tout, la température, les boissons, la lumière, la forme de la table. J’ignorais si lord Grafton avait pensé à toutes ses choses mais je le savais malin et dangereux, alors je m’étais contenté de moi, de mon apparence. Feu mon père m’avait dit que le vert se mariait parfaitement avec mes cheveux roux. C’était aussi un peu de lui que j’emportais pour me donner du courage.
Je suis chevalier et j’ai des terres, il m’est donc venu naturellement l’idée de porter une épée à mes côtés, non pour impressionner, non pour rappeler le monde extérieur mais pour souligner mon titre, je n’étais qu’un chevalier, pour le moment. J’avais l’arrogante certitude que ma loyauté serait récompensée d’un fief et d’un titre de seigneur, je devais bien ça à mes ancêtres. En attendant, c’est avec cette idée en tête, celle de paraître au mieux de ma forme, pleinement conscient de ma charge et avec mon ambition en guise de loyauté que je traversais les pièces luxueuses du château. Le noeud de mon estomac disparaissait, la peur s'atténuait et je pouvais sentir l’adrénaline infuser dans mon corps, plus la pièce fatidique se rapprochait plus je sentais une nouvelle force m’habiter, j’allais participer du haut de ma jeunesse et de mon manque d’expérience à l’histoire du Val.

Lord Grafton se donnait en spectacle, comme à son habitude. Pour ceux qui ne vivent pas à ses côtés, cet aspect mélodramatique de sa personnalité lui confère une aura, une présence comme peu d’hommes en ont. Pour les habitués c’est un refrain redouté, tant la malice du seigneur s'épanouit dans ce jeu. Je devais confesser qu’alors, un fragment de moi, si minuscule que je mis du temps à le comprendre, ressentait de la crainte envers monseigneur et mon Roi mais n’est-ce pas aussi le propre d’un bon chef que d’être craint de ses vassaux ? J’étais convaincu que c’était ce que le Roi voulait, par contre pour Gerold, je crois qu’il ignorait l’effet qu’il faisait aux gens qu’il côtoyait régulièrement. J’étais assis à la gauche de mon seigneur, ainsi je fût le premier nommé par le domestique dans les présentations protocolaires. Ici l’ordre habituel n’avait pas cours, qui était Roi ? Qui était le suzerain du Val ? Les prétentions divergeaient alors l’ordre d’un tour de table paraissait plus simple. C’est pourquoi je fus nommé plus rapidement que ce que les titres exigeaient.
“Ser Uther Shett ! Chef de la maison Shett de Goëville !”

Je ne pouvais retenir un idiot sourire de politesse. Pourquoi ai-je choisi de sourire à mes ennemis ? Par éducation, sûrement. Maintenant le grand jeu allait commencer et je tâcherai de participer aux gains de mon camp. Après tout, ils venaient bien supplier pour la vie des leurs…

La guerre qui secouait le Val allait connaître un tournant et ce tournant, c'était cette négociation afin de libérer les otages. Nestor Royce aurait aimé être à la tête de ce convoi mais il en fut autrement, Morton était celui qui en avait pris le lead. Envoyé par son suzerain, le Royce s'était donc plié à cela bon gré mal gré. Le chevalier était inquiet et soucieux de la finalité de cet entretien historique. Des vies étaient en jeu dont celle de Robar Royce. Aux abords de la ville, la flotte Velaryon continuait de bloquer toutes les issues, un blocus certainement anticipé par les Grafton. Cela pouvait les décourager mais il savait aussi que l'ennemi était plus malin et s'y était préparé depuis de longues lunes. La pression était totale pour eux. Avec le Grafton, il fallait s'attendre à tout et c'était évident qu'il réclamerait une contre-partie élevée en échange de leur libération. Tout était possible. Ils entrèrent alors dans la salle prévue à cet effet, les mines fermées et concentrées. Jetant un coup d'oeil à Simon Sunderland paré de sa tenue de Garde, il se tourna brièvement vers ses comparses. Les traîtres se faisaient attendre. Au-delà de l'avenir du Val, cette négociation scellerait celle de leurs proches enfermés entre ces murs.

Finalement, le seigneur des lieux, @Gerold Grafton fit son entrée, toujours aussi charmant et doucoureux. Une apparence trompeuse à laquelle le Royce était habitué. Il ne fallait cependant pas se faire d'illusion sur ses véritables intensions. "Lord Grafton." D'un signe de tête respectueux, il l'accueillait ainsi que son comparse, le Shett @Aurane Waters, se tenant en retrait de Morton Vanbois. Les hommes s'installèrent alors, Nestor venant s'installer aux côtés du Rompierre. Nestor se retenait bien de commenter la fausse modestie de son hôte. Rien de tout cela n'aurait été nécessaire s'il ne s'était pas lancé dans cette guerre. Seulement motivée par l'ambition et la démesure. De quoi lui faire serrer les dents un instant, avant de se reprendre. Il hocha la tête d'un air entendu, il était temps de commencer. Un domestique les présenta un à un. "Espérons que cet entretien mènera à une issue qui sera satisfaisante pour les deux parties." Ajouta-t-il en échangeant un regard avec le Vanbois à qui il laissa la parole. Sa voix trahissait son doute quant à une issue favorable. Aucun n'était prêt à céder.

Qu'il était bon de participer aux évènements qui façonneraient le royaume. Depuis son arrivée à Port-Réal puis au Conseil Restreint de Rhaegar Targaryen, lui l'héritier d'un seigneur insignifiant du Val, Petyr avait assisté aux prises de décision les plus impactantes pour les Sept Couronnes. Aujourd'hui n'échappait pas à la règle, même s'il avait changé de camp tant par opportuniste que par le coup du sort. Passé maitre dans l'art du complot, Baelish savait pourtant que le sort du Val ne serait pas joué aujourd'hui. Tout au mieux y aurait-il des concessions de la part des loyalistes pour retrouver les leurs. Et même de cela, il en doutait fortement. Encerclées par la mer et par la terre, leurs forces n'avaient qu'un seul véritable atout: ces otages. L'abandonner signifiait la reprise immédiate des combats. Même un homme étranger aux champs de bataille le comprenait.

Silencieux au cours des présentations, Littlefinger le resterait certainement une bonne partie des négociations. Présent au côté du seigneur Grafton avec qui il entretenait une rivalité certaine, le Grand Argentier de Viserys n'avait qu'un objectif: sonder les émissaires, analyser la moindre de leurs paroles, gestes, intentions. S'ils avaient devant eux les représentants des plus fidèles vassaux de Harrold Hardyng, il lui incombait de trouver des faiblesses, des pistes de réflexion pour la suite. Certainement considéré comme le traitre par excellence, il ne s'offusquerait pas des regards dédaigneux, voire haineux. C'est de son sourire habituel sourire sibyllin qu'il accueillerait ces marques de méprit. C'était là sa force, celle qui lui permettait de se glisser parmi les puissants. A dire vrai, le Val ne l'intéressait plus. Il n'y avait plus rien pour lui sur ces terres depuis déjà longtemps. Ses vues se portaient au-delà des Montagnes de la Lune. Il avait déjà intrigué dans ce sens, fait germé certaines idées dans l'esprit des personnes concernées. Il fallait toutefois sortir de la nasse dans laquelle ils se trouvaient tous enfermés. Aider la cause de Gerold Grafton pour y parvenir serait un moindre mal.

Prisonnier d'un mutisme de rigueur compte tenu de son rang, Petyr observa un à un chacun de leurs invités. Son regard s'attarda sur eux, tout juste assez longtemps pour ne pas paraitre insistant, alors qu'ils entamaient des pourparlers qui s'annonçaient bien longs. Il était à sa place ici. Au milieu des ambitieux, des fiers seigneurs et des désespérés...

La tension, déjà palpable dans l’air, gagne progressivement toute sa carcasse. Morton Vanbois est fatigué d’avance par l’échange qu’ils vont avoir avec leurs ennemis, car il sait bien, en entrant dans Goeville, que tout ceci risque fort de devenir rapidement une impasse. « Quoiqu’il arrive, nous devons parler d’une seule voix. Il ne faut pas les laisser nous diviser parce que nous sommes plusieurs. » Voilà tout ce que peut Morton a dit avant qu’ils ne passent sous surveillance constante de l’ennemi. L’essentiel ici est de réussir et de ne pas laisser Gerold Grafton leur faire perdre de vue leur démarche initiale, obtenir la libération des otages. Tout le reste n’est que diversion. Pas étonnant que cela ne convienne guère à leur suzerain, lord Harrold. Et bizarrement, si Morton s’y entend en matière diplomatique et préfère d’ordinaire régler pacifiquement les choses, même lui comprend pourquoi, à présent…

On attend le maitre des lieux, qui persiste jusqu’au bout à se faire désirer. Salamalecs, tranche sèchement l’héritier de Chênes-en-Fer. Mais s’il faut les supporter pour parvenir à un quelconque résultat, alors…Voilà justement le traitre ( @Gerold Grafton) qui arrive. « Lord Grafton. » Le salut est poli. Morton est un homme calme et digne qui accorde une importance particulière au fait de le rester en toutes circonstances. Il est au-dessus de ça. Ils sont globalement au-dessus de ça. C’est pour cela que Hardyng les a choisi, tous. Il se fend donc d’un sourire affable : « Votre accord n’y est pas étranger. Il est bon de pouvoir dialoguer de façon raisonnable. » Même si cela s'est fait attendre... A Nestor Royce ( @Brandon Stark), il souffle : « Espérons, oui. Les Sept puissent nous aider… » Car le dilemme est cruelle : une ville vaut-elle trois otages ? Trois hommes valent-ils une ville ? ou plus encore ? Ils le sauront bien assez tôt, en espérant que l’issue soit heureuse.

Pourtant, il est loin d’en être sûr. Les séparatistes ont été vainqueurs, mais il n’aimerait pas être ce vainqueur-là, assiégée comme est Goeville. Et dans le même temps, Roches-aux-Runes aussi est assiégée, alors on pourrait se dire qu’ils sont à égalité. Les otages pourraient faire dire que les pro-Viserys sont en situation de force. Sans doute, parce que pour Morton comme pour Creighton Rougefort  (@Jasper Rougefort), Nestor Royce ou Edmund Rompierre, les otages font partie de sa famille. Un dirigeant impitoyable aurait la tâche plus facile : il suffirait de s’en moquer. Mais eux ne le peuvent pas, ils ont des valeurs et des principes, quoiqu’il en coute, et à la fin Morton veut croire que cela fera la différence.

Voilà ce qu’il se dit alors que les noms sont égrenés lentement un par un. « Ser Morton Vanbois, de Chênes-en-Fer, conseiller d’Harrold Hardyng. » C’est lord Hardyng, jeune homme, a envie de tonner Morton. Mais cela ne servirait à rien. Il n’y a rien à attendre des traitres, et ces gardes verts, Sunderland le premier (@Victaria Tyrell) , Baelish (@Petyr Baelish), la lord commandant de Viserys (@Cassandre), Shett  ( @Aurane Waters) et Grafton le sont tous.

À présent, il faut lancer les hostilités. Mais il ne veut pas être le premier qui annoncera ses prétentions. Celui qui parle trop vite est celui qui est inquiet. Honneur au vainqueur, cela passera pour de la politesse. À Gerold de décider s’il s’agit aussi d’un rappel que si vainqueur il l’est, il l’est aussi d’une ville assiégée et qu’il n’a pas beaucoup plus de marge de manœuvre qu’eux. « Nous vous savons gré d’avoir finalement accepté notre démarche et de participer ce processus, lord Grafton. Puisque c’est le cas, peut-être pouvez-vous nous dire ce que vous en attendez ? »

Creighton serrait les poings, cherchant à maîtriser ses émotions. Il désirait plus que tout récupérer son frère et son oncle de Goëville, les ramener sain et sauf à Rougefort. Il connaissait assez bien Jasper pour savoir qu'il devait se montrer intelligent dans la négociation et ne pas sacrifier leur oncle s'il ne voulait pas avoir la rancune de son aîné sur le dos pour le restant de ses jours. Jasper considérait Eldric comme un second père, il ne pouvait pas l'abandonner à son triste sort ou ne pas repartir avec lui. Cela rendait la manœuvre compliqué car l'ennemi avec deux fois plus d'arguments contre lui. Il allait devoir faire appel à une sagesse qu'il n'avait que rarement, penser de façon calme et froide. Ne pas laisser son impulsivité lui dicter ses mots car en face, de fins politiciens ne louperaient aucun occasion pour retourner la situation à leur avantage. Il ignorait comment cela se terminerait, il espérait pouvoir envoyer un corbeau à Rougefort avec de bonnes nouvelles.

Si la remarque du Vanbois était juste, cela serait néanmoins compliqué. Il fallait garder la tête froide, chose que Creighton avait du mal à faire. Mais il devait prendre sûr lui. Le chevalier répondit aux salutations du Grafton d’un léger mouvement de tête mais sans émettre le moindre son, cherchant à rester le plus concentrer possible. Il laissa ses comparses prendre la parole et Morton mit directement les pieds dans le poids. Au moins ils ne tourneraient pas autour du pot pendant cent sept ans. Le Rougefort croisa les bras attendant les conditions de celui qui retenait en otage son frère. Il aurait aimé également avoir une preuve qu’ils étaient en vie et qu’ils n’étaient pas venu ici pour rien.

Libérons les otages !

SIMON SUNDERLAND - An 304, Lune 11, Semaine 1

Une fois prêt, et à la demande de son Commandant, Simon avait quitté les appartements réservés à la Garde Royale pour accueillir et escorter les envoyés du Jeune Héritier jusque dans la pièce réservée aux délibérations. Il les avait salué d'un mouvement de tête sans un mot et demandé de le suivre jusque dans ce confortable bureau, leur tournant le dos pour ouvrir la route. Ils se connaissaient tous, parce qu'il était le Valois de la Garde Emeraude, et nul doute que c'était pour cette raison que cette tâche lui était revenue ce jour là. Des Valois reçus par des Valois, des visages connus et non pas des étrangers à affronter. Sur le chemin, Simon ne put s'empêcher de penser qu'il ne les trouvait pas bien avisés de marcher ainsi dans la gueule du loup, notamment l'héritier du Seigneur de Chênes-en-Fer, au risque de devenir des otages supplémentaires et non pas de voir leurs proches sortir des geôles de Goëville. Mais rien qu'en cela, cette rencontré était une victoire pour le camp de Viserys.

Une fois les "invités" de marque installés, Simon s'installa proche de la porte, attendant que les derniers arrivants, ceux parlant pour son camp, n'arrive. Gerold fut le premier, jubilant, mielleux comme tout homme certain de sa conquête, déférant pour les moins fortunés. Rien dans son comportement ne laissait imaginer que le seigneur et ses invités souffraient du siège commandé par l'autre Roi. Uther Shett le suivi de près, aussi pimpant que s'il était là pour rencontrer sa prochaine épouse. Puis ce fut au tour de Petyr Baelish de pénétrer dans la pièce, silencieux pour une fois. Comme lui, il semblait voué à observer en gardant le silence aujourd'hui, bien qu'ils n'agissent tout les deux de la même façon pour des motifs bien différents. Il ne manquait plus que son Commandant @Cassandre pour qu'ils soient au complet que le discussions puissent débuter. Des discussions que leurs voisins valois semblaient pressés d'entamer au regard des mots du Vanbois qui s'adressa au seigneur des lieux sans détour. S'il émanait de lui un grand calme et un sérieux à tout épreuve, on ne pouvait pas en dire autant du frère de Seigneur de Rougefort qui semblait plus se contenir que se tenir. Voyant cela, Simon réajusta sa main sur sa garde. Un bureau n'était pas le meilleur endroit pour se battre, le lieu était encombré, ils étaient nombreux, mais il serait prêt quoi qu'il arrive.

Tous les seigneurs avaient pris place. Les négociateurs étaient tous liés de près ou de loin aux otages. Une décision qui m'interrogeais car j'aurais agi à l’inverse, dans une guerre il faut savoir sacrifier quelques pions pour avancer et si le camp de Rhaegar voulait vraiment la guerre puis la victoire ils devaient être près aux sacrifices que cela engageait. Nous, nous l’étions, en choisissant le parti du Prince Viserys nous avions choisi de tout risquer pour une issue difficilement atteignable, le jeu était beau. En face, ils avaient été surpris par ce qui couvait depuis des lustres, ce qui était une conséquence logique des années de pourrissement du règne de Rhaegar Targaryen. Aujourd’hui ils semblaient encore surpris, que cette guerre soit réelle, que les combats arrivent jusqu’à eux. Non ils ne lisaient pas quelques histoires du passé, il vivait bien une période historique et leurs noms, leurs actes allaient avoir des conséquences sur des décennies, sur des siècles. Alors, oui, Hardyng, le benêt, envoyait des proches d’otages pour négocier afin de s’assurer que ceux-ci aient intérêt à la survie de leurs proches et même si cela nécessitait sûrement des conditions trop extravagantes.
Si Hardyng fût malin il aurait choisi des seigneurs bien étrangers aux otages pour pouvoir négocier sans que des sentiments personnels n’entre en jeu. Il aurait pu limiter la casse, sauver quelques uns et sacrifier quelques individus face au résultat de la guerre. En invoquant les liens familiaux, il chargeait des hommes dont la survie de leurs proches était un plus qu’un devoir mais un besoin physique.

Je retenais difficilement un rire lorsque Lord Grafton sortait de sa petite bourse une suite de petits objets personnels appartenant aux prisonniers. Il avait osé. Il avait osé ce que jamais je n’aurais osé, j'apprenais à ses côtés autant que j’avais appris auprès de mon père. Ce rappel direct de la condition des proches des négociateurs n’était pas seulement cruel, c’était malin. S’il fallait remettre le temple au milieu du village, Gerold Grafton l’avait fait sans se préoccuper d’une longue introduction. Il était franc et direct, les négociations ne risquaient pas de s’éterniser et les demandes de notre camp, dont je ne connaissais que les prétentions générales, étaient inscrites comme une menace. Je regardais la petite pile d’objets qui trônait sur notre table. Je voulais rajouter quelques cruautés mais mon imagination n’était pas si épanouie que celle de mon seigneur, cette petite introduction de nos conditions avait achevé de me mettre à l’aise pour cette rencontre. Un sourire pouvait définitivement s’afficher sur mon visage, pas celui d’une gêne que j’aurais pu éprouver mais celui de la confiance, après de telles prétentions j'affichais un sourire carnassier, celui d’un vautour affamé de l’espoir de quelques mines déconfites parmi le camp adverse.

L'air de la pièce devenait presque suffoquant, opaque, à la mesure de la tension. Et pour cause, les enjeux étaient colossaux, si ce n'étaient vitaux pour les prisonniers. Nestor Royce tâchait de garder son calme, laissant la parole à Morton Vanbois @Manfred Flowers lancer aussitôt les hostilités. Ils devaient faire front commun, ne surtout pas se diviser. C'était là tout ce qu'attendait le Grafton, il ne lui ferait pas ce plaisir. Alors le valois attendait la réponse de leur hôte, non sans une certaine appréhension. Lorsque soudain, le seigneur des lieux sortit d'un sac des effets personnels appartenant aux otages. Sous le regard quelque peu étonné du Royce qui identifia un objet de son parent, Robar. De quoi le faire froncer les sourcils. Etait-ce ça la preuve qu'ils étaient bel et bien en vie ? Mais ce n'était là que le début de sa prise de parole. Nestor demeura silencieux, interdit. Les conditions étaient lancées, deux choix leur était offert : la reddition ou la neutralité. Jurer fidélité à ce félon paraissait impensable pour le Royce qui lança un regard outré en direction de ses comparses. Puis, son regard se posa sur Uther Shett @Aurane Waters dont le sourire lui était peu supportable. Il le fusilla du regard, avant de s'en détourner et de le poser sur le Grafton. "Je pense qu'en effet, nous avons besoin d'un peu de temps de réflexion." La vie de leurs proches était entre leurs mains. Que faire face à un choix cornélien ?

Les muscles crispés, il laissa son dos s'adosser à sa chaise. Comme sonné par tout cela, comme déstabilisé. S'il tâchait de ne rien montrer, il déglutissait difficilement. En quoi ces conditions étaient raisonnables ? L'une comme l'autre engendrerait leur perte et celle de leur suzerain. "Tu parles de conditions raisonnables." Souffla-t-il à voix basse, désabusé, à son voisin Creighton Rougefort @Jasper Rougefort. Puis, il se tourna vers le Vanbois qui aurait le dernier mot, celui qui avait la lourde responsabilité d'en décider l'issue. Harrold l'avait choisi, alors soit.

Les négociations s’ouvrirent rapidement. On apporta un petit sac dont le contenu fut étalé devant eux. Un ensemble de babioles qui laissa à Vanois une impression morbide, comme si une détestable pie voleuse s’était acharnée contre leurs propriétaires pour tisser un patchwork de preuves macabres. Le message passa en silence. Morton en observa le contenu un instant. Puis il report son attention sur Gerold. Il avait compris le message. Tous ces objets avaient été pris sur les otages. Ils prouvaient bien que ceux-ci étaient passé et étaient peut être encore dans les murs de Goeville. Mais pas qu’ils étaient vivants : après tout, ils avaient pu être pris sur un cadavre.

Morton ne faisait pas confiance à Gerold. Sa parole avait perdu toute crédibilité le jour où il avait trahi et déçu. Il reconnaissait à peine celui qui avait été son neveu – et la négociation tendait un peu au duel pour cette raison. Il ne l’aurait jamais cru capable de ça. Ne parvenait juste pas à comprendre pourquoi Grafton avait trahi. Alors s’il choisit de croire le seigneur de Goeville, ce fut moins par confiance que par raison. Un otage mort était un otage inutile, car il cessait instantanément de remplir son rôle de monnaie d’échange.

Il décida donc de laisser venir Gerold. Morton ne fut pas déçu du voyage. Aucune garantie, des menaces, et uniquement de mauvaises options pour espérer pouvoir libérer les membres de leur famille prisonnier. Comme prévu, Grafton essaya de les diviser. Morton s’y attendait ; et qu’un seul tremble, et tous suivraient le mouvement, cela, il le comprit aussi. Sa bouche se tordit en un pli amer. La reddition, le ralliement ou la levée partielle du blocus. Tout ça sans aucune garantie préalable ; juste des promesses concernant l’après, une fois qu’ils auraient ravalé leur chapeau et accepté sans mots dire. Ou sinon, des menaces. « Nous allons en effet nous concerter. » Le ton était ferme et il arqua un sourcil devant l’immobilité des pro-Viserys. « Seuls, s’il vous plait. »

Ils obtinrent cinq minutes. Morton estima cela suffisant. Resté seul avec ses compagnons, il lança à la ronde : « Venez et parlez doucement. Rien ne dit que nous sommes seuls. » De son côté, tout ce qu’il s’apprêtait à dire, il était prêt à le redire devant l’ennemi. « Je pense que vous serez d’accord avec moi : nous ne pouvons accepter cela. Nous ne savons même pas si les otages sont encore vivants et ces menaces ne sont pas acceptables. Je ne parle même pas de ces conditions qui ressemblent à du chantage. Je pense qu’il faut faire une contre-proposition pour essayer de continuer les négociations. Je crois qu’il sait que nous demander de nous rallier ou d’être neutre est irréaliste mais qu’il veut à tout prix lever une partie du siège. » Ce qui se comprenait aisément. « Dans la mesure où le blocus sera maintenu au moins partiellement puisque nous ne pouvons nous engager pour la flotte, il me semble que c’est sur cela que nous devons agir. » Il lui semblait que Goeville étant essentiellement un port, cela ne changerait pas grand-chose. « En revanche, je pense que nous devons faire monter les enchères. » Que cela ne cause pas leur perte et ne les empêche pas de continuer la guerre ; que cela soit utile. Morton inspira profondément avant d’exposer son idée. « Un siège contre un siège. Il doit céder sur Roches aux Runes et rendre les otages. Voilà la contre-proposition que je voudrais faire. Que pensez vous de cela, messeigneurs ? »

Gerold Grafton était exigent, plus que l’aurait pensé Creighton peut-être naïvement. Il s’attendait à ce qu’il demande que les maisons des otages ploient le genou mais autant de demande pour la libération de son frère, beau-frère, oncle et ami lui semblait un peu trop énorme. Qu’aurait fait Jasper ? Qu’aurait fait Horton ? Il parlait en le nom de la maison Rougefort. Il ne pouvait se prononcer pour la maison Elesham en revanche, son oncle ne vivait plus au Piz depuis le mariage de sa sœur à Horton. La décision de se concerter était plus que nécessaire effectivement.

Une fois le petit groupe seule, Morton prit la parole. Si Creighton était d’accord avec certains de ses mots, sûr d’autres il était plus réticent. « Je suis d’accord avec une contre-proposition ser, mais ce que vous proposez ne sera pas envisageable pour eux. S’il accepte de lever le siège de Roches-aux-Runes si nous nous engageons à lever celui du blocus, nous n’offrons rien pour qu’il nous rende nos proches. Il est en position de force en détenant entre ses mains la vie de ceux que nous sommes venus chercher. Froissons-le et j’ai peur que nous devions leur dire adieu ou rentrer près d’Harrold les mains vides. » répondit Creighton froidement. Il avait deux prisonniers à négocier, deux fois plus de chose à offrir au Grafton en échange. Sans parler de Robar, s’il arrivait quoique ce soit au Royce, son épouse ne lui pardonnerait probablement pas. « Demandez une preuve que les otages sont bels et bien vivants serait une chose précieuse avant de s’engager de quoique ce soit. Mais je crains que nous allons devoir faire plus de compromis qu’un siège si nous voulons les revoir de notre côté. »

Du moment où elle avait fait son apparition dans le bureau de lord Gerold jusqu’au moment où le seigneur de Goëville avait commencé à énumérer toutes les revendications de leur camp, la Lord Commandant était restée silencieuse et immobile, quasi semblable à ces hautes statues de pierre qui ornaient chaque château de ces contrées. Deux pas derrière les seigneurs qui menaient les négociations, à la droite du Grafton, elle n’accordait pas un regard à ceux qu’elle accompagnait. Chacune de ses œillades, elle les réservait à ceux qui se trouvaient en face. Seigneurs et chevaliers du Val d’Arryn, formidables vaincus qui montraient par leur simple présence presque inconsciente qu’ils se trouvaient aux abois. Ses prunelles grises ne les quittaient pas, allant de l’un à l’autre avec la froideur implacable qui la caractérisait si bien. Elle tentait par ce mouvement de lire en eux comme elle avait toujours fait avec chacun de ces adversaires et ce depuis toujours. Elle n’en était pas à ses premières négociations sur ces terres et cette simple vérité appuyait la confiance que lui accordait le roi.

Ses souvenirs la menèrent l’espace d’un instant bien loin d’ici, dans les froides contrées du Nord où elle s’était rendue avec Marq – alors rien de plus à ses yeux que “le frère de lord Grafton” – chercher le soutien du chien enragé qu’était Ramsay Bolton. Un voyage éprouvant qui s’était soldé par une profonde déception. Derrière ses grands airs, le seigneur de Fort-Terreur n’avait finalement rien apporté d’autres que de vaines promesses. Et dire qu’il avait exigé une couronne. L’imbécile… Contrairement au Nord, réputé sauvage et indomptable, il ne restait plus grand chose pour que le Val finalement vienne leur manger dans le creux de la paume. Et la meereenienne espérait que ces négociations alimentent davantage leur victoire future.

De marbre, Cassandre ne le resta finalement pas longtemps. Car lorsque lord Gerold présenta enfin ses conditions, avec toute la théâtralité qui accompagnait l’annonce, la Lord Commandant émit un léger reniflement accompagné d’un sourire satisfaits. Son regard gris fixa aussitôt plus intensément les loyalistes qui, elle le savait, ne pourrait accepter pareille déconvenue sans sourciller. Ployer le genou, ils y viendraient. De gré ou de force. Et sa cruauté implacable espérait plus de force que de gré. Mais pas aussi aisément.

Un silence suivit les demandes de la Main du Roi, un silence lourd au cours duquel on s’analysait, on se jaugeait, on se scrutait du coin de l'œil. Enfin, les loyalistes demandèrent une entrevue en privée qu’on leur accorda de bonne grâce. On les laissa donc à leurs pourparlers, Cassandre ferma la marche et lança un dernier regard froid dans leur direction accompagné d’un rictus qui se voulait encourageant avant de refermer la porte derrière elle. “Souhaitez-vous qu’on fasse venir un des prisonniers ?” laissa-t-elle échapper en direction de lord Grafton alors que leur petit groupe s’éloignait. “Ça les aid’ra p’t-être à s’ décider…” Un nouveau rictus étira ses lèvres tandis qu’elle lança un regard en direction de ser Simon Sunderland. Elle accordait pour la première fois toute son attention en direction de ses comparses. “J’doute qu’ils acceptent vos conditions aussi facilement… Mais je suppose que vous l’ saviez déjà…”

Edmund observe son beau-frère, Lord Morton Vanbois, d’un coin de l’œil, adossé contre un mur humide. Ils se sont retirés dans cette petite pièce pour discuter des termes proposés par Lord Grafton, et Edmund peine à adoucir le goût amer et rance qui semble le déborder de l’intérieur. Il avale sa salive, toussote, frotte son visage. A quoi bon ? Pourquoi les avoir fait venir là, eux, les représentants du Suzerain du Val, pour leur faire cette proposition qu’il sait tout à fait inacceptable ? Vanbois suggère d’une voix tapie que c’est une façon de faire monter les enchères, de s’assurer de la levée d’une partie du blocus. Edmund soupire. Il se ronge un ongle, puis un autre, alors que Lord Vanbois leur propose une contreproposition. Il semble au Rompierre que Grafton n’a accepté cette rencontre que pour jauger de la concurrence, et c’est insupportable. Il veut dicter les termes de cette rencontre, qui pourtant n’a pas pour première vocation de négocier la reddition du blocus, mais plutôt celle de libérer des otages. Or, il semble sous-entendre qu’aucun otage ne sortira de son cachot, que seulement des entrevues avec les otages sont à gagner … A quoi bon ?! Edmund serre la mâchoire.

C’est-à-dire que le Rompierre n’est sans doute pas la meilleure proie au jeu qu’a intenté Grafton en étalant sur la table les effets personnels de ses otages. Aucun d’eux ne lui sont liés directement, au mieux le sont-ils par alliance, et même si ses beaux-frères ne lui sont pas désagréables, même si son neveu par alliance porte le nom d’une famille importante pour le Val … Ca ne l’intéresse pas tellement d’aller papoter avec eux dans les cachots de Goëville. Le Rougefort, lui (@Jasper Rougefort) risque bien sûr d’être un peu plus tenté par la proposition du conseiller de la Vipère : après tout, c’est son frère aîné et son seigneur qui se trouve dans les geôles de Goëville. D’ailleurs, il souligne qu’il vaut mieux ne pas froisser Grafton. Edmund claque la langue : ne pas le froisser ?! Mais si lui, il leur marche dessus ?! Faut-il le laisser faire, et demander une simple preuve de vie en échange d’un siège ?! t-t-t …

Edmund se redresse, tente de maîtriser sa voix, puisque comme Morton l’a judicieusement suggéré, rien ne garantit qu’ils ne sont pas écoutés. « Nous sommes venus ici pour libérer des hommes, pas pour obtenir un laisser-passer dans son cachot à condition qu’on lui permette un laisser-passer dans notre blocus ! A quoi bon céder sur quoi que ce soit de notre côté si nous n'obtenons qu'une entrevue ? Si c'est comme cela, je le dis, je quitterai ces lieux sans me retourner ! C’est intolérable, il ne faut pas faiblir, mes frères, il se moque de nous ! » Edmund toussote, il s’est un peu laissé emporter par sa dernière apostrophe. Il se reprend, et ajoute en regardant Creighton : « Je ne crois pas que Grafton soit le genre d’homme que l’on froisse facilement, et nous avons pour ça beaucoup de chance de ne pas être en train de mener cette négociation avec sa Majesté la vipère ailée, qui elle, est bien plus susceptible. » Puis, il tourne la tête vers Vanbois :  « Je crois que Lord Vanbois quelque chose : élever la mise, siège contre siège, risque de faire flamber Grafton, certes, mais c'est un joueur. C'est de notre côté qu'il faut que nous soyons d'accord : s'il nous oppose une fin de non recevoir sur le front de Roche-Aux-Runes, sommes-nous prêts à céder un couloir de commerce ici, si cela nous permet de retrouver tous nos otages ? De mon côté, je dirais que dans ce cas, tous sinon rien, pas un couloir, pas une brèche, mais j'ai sans doute moins à y perdre que vous ... »