The Queen, the Knight and the Rook - ft. Delena

Six of the Seven

Tous les jours, Galladon s’entraînait durement. Il voulait retrouver la forme d’antan, retravaillait ses propres techniques, s’occupait l’esprit en éduquant et instruisant Shedda. Il ne voulait penser à rien d’autre. Il ne voulait penser à rien. Chaque jour était un combat pour lui, un combat contre lui-même, un combat qu’il avait longtemps mené sans succès. Ses années à Essos avaient eu le mérite de l’éloigner de ce combat perpétuel mais désormais, les Sept l’ayant remis dans le droit chemin, il ne pouvait plus y couper. Alors, il s’entraînait, jour après jour, parfois même la nuit lorsque l’insomnie le prenait. Herbeval était un fief pourtant assez tranquille, bien loin du tumulte de la guerre même si les échos y parvenaient assez régulièrement. La folie du roi ne pouvait passer inaperçue. Les attaques des traitres, non plus, qu’ils s’agissent du sud, de l’Ouest ou bien dans le Val. Tout Westeros était sur le qui-vive désormais. Depuis le premier appel qui le fit revenir sur le continent, le seigneur légitime de Vieux Jardin avait repris du poil de la bête. Les Sept divinités lui avaient donné une quête, pas si nouvelle que ça. Celle de reprendre sa place de seigneur, celle de redevenir le chevalier loyal et honnête qu’il était. Galladon était un homme dépressif et non avide de pouvoir. S’il avait pu choisir, il aurait laissé sa place à Morgon mais ce-dernier avait décidé de le trahir, pire même de le tuer car c’est bien ce qu’il avait failli faire il y a presque dix ans maintenant. Malgré une volonté plus présente qu’à l’époque, l’ombre se mêlait des desseins des Divinités. Le retour du prince exilé avait mis un bâton dans la roue du seigneur-chevalier. Après le refus des Wendton, dont le seigneur avait eu peine à croire au retour de son cousin, la terrible surprise au Fénil et la guerre éclatant lorsqu’il arrive à Herbeval, le temps n’était plus à la reconquête de son fief mais bien à la défense de son royaume et de la légitimité de leur roi, Rhaegar.

Herbeval était ainsi son quotidien depuis plus d’un an maintenant. Aucun signe de la guerre aux portes des De la Nouë. Aucun signe des Sept, car celui de la Jouvencelle manquait à l’appel. Galladon se souvient de chaque face divine qui lui ait apparu en rêve. Le Père, sous la forme du sien, lord Talbert, le ramenant sur le continent afin de le protéger d’une mort assurée en Essos.


La Mère, sous le visage de lady Ermesande, l’invita à se rendre à Lestival où un tournoi avait lieu, un grand tournoi même, royal, conviant tout Westeros. C’est là qu’il put revoir, après des années d’absence, sa mère.


Le Guerrier qui, pour le coup, n’avait pris aucune forme connue de Galladon, le fit se combattre contre les Marcheurs Blancs, événement qui le marqua profondément d’un point de vue militaire mais également religieux. Combattre des Spectres, assister au retour des Dragons et être témoin d’une résurrection, ça a de quoi marquer l’esprit.


L’Aïeule, qui reprenait les traits de sa grand-mère, Elinor, l’avait profondément marqué aussi. Revoir des visages familiers dans ses rêves, c’était nouveau pour Galladon. Son esprit avait occulté toute sa vie ouestrienne pendant ses années à Essos. À une exception près. Quoiqu’il en soit, il était temps pour lui de reprendre son prénom et son statut. Adieu le vagabond Wart, bonjour le chevalier Galladon. Même si, pour l’instant, il ne dévoilait pas sa véritable engeance. Il se doute que dans le Nord, le Val, le Conflans ou encore la Couronne, on en est quelque à faire de Galladon Oldflowers mais il ne souhaitait pas que des oreilles indiscrètes aillent répéter cela jusqu’à Vieux Jardin.


L’Étranger prit plusieurs visages. Celui de son frère Orryn, qu’il a peu connu mais également celui de son cousin Ormund sans oublier celui de son cousin Pearse pour lui annoncer justement sa propre mort. En effet, lorsque Galladon arriva près du Fénil pour demander de l’aide et un soutien militaire, il apprit que le seigneur des lieux était mort lors de l’épidémie de peste rouge qui avait sévi dans l’Orage. Ne régnait alors qu’une jeune femme sous le joug d’un oncle, cousin de Galladon lui aussi, peu recommandable.


Et enfin, le Ferrant, représenté par lord Perceon, décida Galladon a mettre de côté sa quête personnelle pour se mettre au service du fils de son mentor et l’épauler dans la guerre à venir. La Danse des Dragons avait débuté. Des attaques dans l’Orage avaient, dit-on, fait sortir Stannis de ses gonds. Puis le Bief et le Val furent attaquer simultanément avant que le tour ne vienne pour l’Ouest de subir des guérillas internes. La guerre avait réellement commencé. Elle était là.


Et voilà maintenant neuf lunes qu’il demeure à Herbeval au service de lord De la Nouë, témoin du déchirement qui s’opère dans tout Westeros. Voilà pourquoi, il se donne à fond dans les entraînements et qu’il s’occupe l’esprit tous les jours. Mais la nuit… l’insomnie frappe. Les cauchemars se multiplient. Les pensées s’obscurcissent. Seule Shedda semble avoir le pouvoir de calmer le chevalier qu’elle appelle affectueusement, et depuis peu, kepa qui veut dire « papa » en haut valyrien. Il est vrai que depuis tout ce temps qu’il s’occupe d’elle maintenant, il est un peu devenu son père d’adoption, ce qui ne semble pas lui déplaire. Mais un matin, elle ne réussit pas à calmer le chevalier. Il était dans tous ses états, avait sauté le petit-déjeuner et ne voulait pas s’entraîner. Après plusieurs minutes de recherches, elle le retrouva dans les écuries en train de préparer son cheval. Shedda fut ainsi intriguée de voir Galladon se préparer à partir de si bonne heure et surtout si précipitamment, sans prévenir, sans aucune raison apparente puisque le mot d’ordre, ces derniers temps, était de demeurer au château, de surveiller la région mais cela n’était pas le travail confié à Galladon.

- Kepa, qu’est-ce que tu fais ? Tu vas où ?

- T’occupes, petite. Je dois partir sans tarder.

Elle eut beau insister, la jeune Meereenienne n’obtint aucune réponse et vit alors son mentor quitter Herbeval sans même prévenir le seigneur des lieux, ce qu’elle s’empressa de faire dans la minute. De son côté, Galladon galopa à toute allure et pendant des heures, plusieurs jours même, s’arrêtant dans des endroits reculés pour ne pas attirer l’attention. Il avançait sur le dos de sa monture, Myrddin, avec assurance et obstination. Il était sûr de sa destination, sûr de ce qu’il allait entreprendre, sûr de ce qu’il devait faire. Il arriva à quelques pas de sa destination, préférant laisser sa monture cachée. S’annoncer était peu recommandée. La première fois qu’il s’était annoncé comme Galladon Oldflowers, on lui avait quasiment fermé la porte au nez. La seconde fois, il avait préféré renoncer à le faire. La troisième avait été la bonne mais le chevalier ne pouvait toujours pas accomplir sa quête personnelle. Alors se présenter comme un ancien seigneur censé être mort dont tout le monde a oublié le nom et l’existence même, était peu judicieux. D’autant qu’il n’allait pas chez n’importe qui. Il admirait, de là où il était, l'architecture, quelque peu changée depuis toutes ces années, du fief des Pommingham : Grenadier.

The Dark Knight

Jusqu’ici, les Sept s’étaient montrés plus ou moins aidants avec Galladon. Ils l’avaient guidé pour le remettre dans le droit chemin, pour reprendre sa véritable place dans le monde, pour retrouver sa véritable identité, son véritable lui-même. Mais, tout ne pouvait pas être aussi facile que cela. Il le savait. À chaque vision, à chaque appel, il y avait une épreuve encore plus difficile qui l’attendait. Après s’être réveillé d’un rêve particulièrement épuisant, le chevalier avait compris qu’il était enfin temps d’aller retrouver son épouse, que la dame de son cœur et de ses pensées devait reprendre, elle aussi, sa place à ses côtés. Cela l’avait troublé mais rapidement, il s’était attelé aux préparatifs en vue de se rendre à Grenadier. Shedda avait tenté de comprendre ce qu’il lui arrivait soudainement mais le chevalier était déjà en selle et quittait Herbeval sans un mot, pas même au seigneur des lieux. Galopant quasiment jour et nuit, il finit par s’établir non loin de la demeure des Pommingham, préférant ne pas se confronter à sa belle-famille pour qui cela serait un choc de revoir Galladon, en vie, après toutes ces années. Et il avait bien eu raison de le faire.

Étudiant les allers et venues, l’architecture quelque peu changé, son regard est soudainement attiré par quelques cavaliers ayant emprunté la route principale menant au château. De loin, il pouvait reconnaître la bannière des Oldflowers. Il leva les yeux au ciel et murmura alors : « Sérieusement ? » avant de poursuivre son observation. De là où il était, il ne voyait pas grand-chose mais il n’était pas difficile de savoir et/ou reconnaître le cavalier se trouvant en tête du petit convoi. Il décida alors de passer en mode furtif afin de s’approcher assez du château pour confirmer ses soupçons. Les chevaliers étaient encore dans la cour et venaient tout juste de descendre de leur monture. Galladon avait escaladé une des remparts sans se faire repérer et il aurait été, pour le coup, bien difficile de le voir là où il était perché. Laissant de côté sa peur de se casser la figure – ce qui, vu la chute qui pouvait l’attendre, était peu dire – Galladon observa la scène. C’était bien lui. Morgon Oldflowers. Le frère puîné de Galladon, celui-là même qui prit la place du seigneur, faisant croire à la mort de son frère. Cela dit, en y réfléchissant, le chevalier se dit que son frère lui-même croyait probablement à sa mort. Comment pouvait-il encore respirer et vivre avec cela sur la conscience ? Visiblement, il y arrivait.

Mais une question taraudait l’esprit du seigneur déchu. Que faisait Morgon à Grenadier ? Les relations entre Oldflowers et Pommingham avaient dû lui survivre et il était bien heureux de cela mais la question se posait malgré tout. Malheureusement de là où il était, il n’entendait pas la conversation entre Morgon et un membre de la maisonnée. Apparemment, lord Triston n’était pas présent. Il voulut s’avancer plus prêt mais fit un mouvement de recul, qui faillit bien le faire basculer, en voyant un des gardes se rapprocher de l’endroit où il se trouvait. Il demeura alors immobile et silencieux. Si le pieux chevalier avait appris beaucoup de choses à Shedda, cette petite Meereenienne lui en avait également appris quelques-unes, dont la discrétion et la furtivité. Il resta là plusieurs minutes, observant et analysant la scène qu’il voyait. Morgon semblait insistant. Il voulait sûrement voir le seigneur des lieux mais celui-ci étant visiblement absent, il était venu pour rien. L’homme de la maisonnée se fit alors bousculer. C’était là toute la délicatesse de Morgon qui entra alors dans la demeure des Pommingham. Il serait alors difficile pour Galladon de le suivre maintenant. Il redescendit sur la terre ferme et réfléchit quelques instants sur ce qu’il venait de voir et sur ce qu’il était venu faire ici.

Il ne pouvait pas être vu de Morgon. Cela serait mettre à mal son plan. L’idée était bien sûr de le surprendre à Vieux Jardin, pas ici. Il ne pouvait donc rentrer dans le château en prétextant n’importe quoi afin de rendre visite à lady Delena. Le risque était trop grand. Faisant les cents pas en bas des murs du château, Galladon leva alors la tête et analysa la situation. Morgon serait sûrement arrêté dans le hall du château par des gardes ou autres. Cela permettait au Bieffois de tenter sa chance sur les étages. Il avança le long du mur, afin de ne pas être vu par les gardes, et se stoppa devant le mur d’un rempart qui se poursuivait sur une tour. De là, il vit une fenêtre. Il ne savait pas trop où elle allait mener mais il était certain que de côté-là, on ne le verrait pas grimper. Il commença alors sa montée, observant son environnement, assurant ses prises, espérant atteindre rapidement la végétation qui avait poussé plus haut. Cela lui permettrait sans doute de mieux s’accrocher. La fenêtre était assez haute et il fallait ainsi espérer que Galladon puisse l’atteindre. Surtout, il espérait ne pas tomber nez-à-nez avec un garde, un Pommingham ou pire… tomber sur lady Rylène, la seconde épouse de feu lord Joran...

The Climb

Le château des Pommingham était pourvu, comme tout château digne de ce nom, de tours en dehors du donjon principal. Galladon savait que l’une de ces tours était plutôt immense et forcément, il avait fallu que ce soit celle sur laquelle il se trouvait. Cependant, c’était la seule qui était dans un angle mort des soldats sur les remparts et qui ne permettait pas à ceux dans la cour de voir qu’il grimpait dessus. Habituellement, personne n’aurait osé entreprendre une telle escalade, tellement la tour était grande et dangereuse. Il avait failli tomber plus d’une fois alors qu’il atteignait enfin la végétation qui avait élu domicile entre les pierres du château. Il n’entendait plus la voix portante de son frère qui insistait pour voir lady Delena. Cette-dernière devait se trouver dans ses appartements et Galladon espérait bien l’y retrouver avant son frère, quitte à affronter ce-dernier. Cela permettrait de régler la chose. Seulement, guidé par les Sept, ce n’était pas sa mission du jour. Sauver son épouse, oui. Détrôner son frère, non. L’heure viendra bien assez tôt pour cette partie de la quête du chevalier. Concentré sur son ascension, il se demandait à nouveau où pouvait bien donner la fenêtre qu’il finit par apercevoir après quelques minutes de montée. Cela faisait bien des années qu’il n’était pas venu à Grenadier. La mémoire du lieu lui faisait défaut. Peut-être était-ce les appartements de son épouse qu’il allait trouver ou bien le dortoir des gardes. Autant dire que cette dernière option ne l’enchantait pas. Mais il gardait la foi et continua à monter prudemment.

De son côté, Morgon Oldflowers avait pénétré le château comme si c’était un moulin, bousculant un peu le serviteur qui était venu l’accueillir. Le seigneur des lieux n’était pas présent et il se moquait bien de la famille Pommingham. Tout ce qu’il souhaitait était la veuve Oldflowers qu’il demandait sans cesse en mariage. Depuis la mort de son frère, il n’avait eu de cesse d’inciter sa belle-sœur à le prendre pour époux. Ainsi, les deux cœurs brisés par la disparition de leurs conjoints respectifs se répareraient ensemble. Contrairement à Galladon, Morgon était un homme orgueilleux, fier, déterminé et ambitieux. Il l’avait montré maintes fois depuis son accession au titre de seigneur de Vieux Jardin. Même sa mère et sa grand-mère ne pouvaient pas nier qu’il dirigeait d’une main de fer le fief familial et avait permis à celui-ci de se relever de la perte successive des trois derniers seigneurs. Seulement, il portait en lui un fardeau qui n’était pas évident à porter. La mort de son frère n’était pas accidentelle comme il l’avait annoncé à l’époque. Il avait fait en sorte que celui-ci tombe. Fou de rage, il avait commis un parricide, un fratricide qui n’avait pas plu aux Sept. Sans héritier direct, Morgon se retrouvait finalement dans la situation de son « défunt » frère, sans enfant. Il était évident que si Morgon ne prenait pas une nouvelle épouse, il n’aurait pas d’enfant à qui léguer terre et richesse. Tout reviendrait alors à son autre frère, Barris. Mais il s’en moquait bien. Il n’avait que deux choses en tête : garder son pouvoir et obtenir Delena Pommingham. D’où sa présence à Grenadier et son pas déterminé qui le mena vers les escaliers qui menaient aux appartements et où il tomba nez-à-nez avec la suivante de Delena.

La fenêtre paraissait de plus en plus loin à mesure que Galladon grimpait cette maudite tour. Il demeurait néanmoins silencieux, discret et se retenait de maudire la Jouvencelle voire les Sept dans leur ensemble de lui avoir mis Morgon sur son chemin. Il savait les Dieux taquins et avides d’obstacles envers leurs fidèles, mais des bâtons dans les roues comme ceux-là, il s’en serait bien passé. Puis, réfléchissant à sa situation, qu’aurait-il fait de différent ? Il n’aurait pas pu se présenter comme si de rien n’était après des années de disparition pendant lesquelles tout le monde le pensait mort. Il poursuivit son chemin jusqu’à voir la fenêtre s’approcher. Enfin ! Il marqua une pause lorsqu’il vit une silhouette très brièvement avant qu’elle ne disparaisse. Il resta près du mur, levant le regard, restant silencieux, écoutant les sons. Aucun appel à l’aide, aucun signe que la garde ait été sollicitée. Il n’avait pas pu voir en détail de qui il s’agissait. Il poursuivit alors sa montée jusqu’à atteindre le rebord de la fenêtre. La pièce était un peu sombre et la vision était limitée, surtout lorsqu’il se hissa complètement à travers le trou, cachant ainsi la lumière extérieure de pénétrer dans ce qui semblait être l’antre d’un mestre. Galladon fut alors soulagé. La silhouette qu’il avait vu était sûrement un disciple du mestre voir le mestre lui-même. Reprenant une position plus classieuse que celle d’une grenouille essoufflée sur le rebord de la fenêtre, il sentit alors la présence d’une personne, sûrement la même qu’il avait rapidement aperçu quelques minutes plus tôt. Il resta calme mais se tint prêt à dégainer son épée juste au cas où.

- Sortez de l’ombre, mestre ou qui que vous soyez. Je ne vous ferai aucun mal.

Il avait une voix posée, calme, douce, tentant alors d’attirer l’attention et la sympathie de la personne qui se trouvait devant lui. À en juger par la silhouette, Galladon pensa ainsi faire face à une femme. Il ne voulait absolument pas qu’elle appelle la garde. Il serait bien difficile de se défendre ici, surtout si ladite garde se montrait offensive. Il n’eut pas le temps de dire quoique ce soit qu’une voix se fit entendre de l’autre côté de la porte, avec un écho qui indiquait que la voix venait d’un ou plusieurs étages inférieurs.

- DELENA !

The Prayer

Galladon ne voulait pas retourner à Vieux Jardin malgré le discours de son oncle. Il saisissait l’occasion de sa disparition pour laisser de côté tout ce qu’il n’avait pas voulu et surtout tout ce qu’il ne méritait pas. Perestan lui rappelait le devoir qu’il avait en tant que fils de seigneur, héritier, et seigneur à son tour. Seulement, Galladon n’écoutait pas. Il n’avait jamais voulu être l’héritier, devenir seigneur, avoir le pouvoir, détenir ce pouvoir. Il n'avait pas non plus souhaité se marier avec Delena. Leur couple n’était pas ceux des histoires que l’on racontait aux enfants. Eux-mêmes n’avaient pas réussi à faire d’héritier. Les Sept avaient multiplié les signes que Galladon avait interprété comme une occasion de fuir. Sa chute était l’ultime preuve qu’il n’était pas destiné à rester à Vieux Jardin. Là-bas, il avait un frère avide et avare ; un autre à qui tout souriait ; une femme avec qui il se disputait tous les matins et tous les soirs ; une mère, certes aimante, mais qui lui rappelait constamment l’espoir que son père avait mis en lui ; une grand-mère acariâtre qui ne l’avait jamais aimé ; une arrière-grande-tante qui perdait la tête et des cousins qui ne le comprenaient pas. Il aimait sa famille, éperdument, mais sa place n’était plus à leur côté. Il n’était pas fait pour cette vie. Il ne la voulait pas et ne le méritait pas.

- DELENA !

L’obscurité de la pièce ne permettait pas à Galladon de voir qui était présent avec lui. La voix de Morgon se faisait toujours entendre au dehors à mesure qu’il se rapprochait de la porte de cette pièce. À en juger par les meubles et les affaires présentes, il ne s’agissait aucunement des appartements de Delena. Galladon en fut soulagé car il ne souhaitait pas gérer son frère ici et encore moins maintenant. Il venait simplement chercher sa femme, si celle-ci voulait encore de lui. Néanmoins, il posa une main sur le pommeau de son épée, juste au cas où son dégénéré de frère forcerait toutes les portes à sa disposition. Un jet de lumière vint alors éclairer la jeune femme qui se trouvait là mais pas assez pour que le chevalier errant la reconnaisse. Il l’identifiait comme étant une femme, c’était déjà un progrès, lui qui s’attendait à voir le mestre. Clamant ne pas lui vouloir de mal, il s’avança doucement, un pas après l’autre, tandis qu’au-dehors, Morgon hurlait à nouveau le nom de sa belle-sœur qu’il voulait sienne. Non seulement il lui avait pris le pouvoir mais il souhaitait lui prendre sa femme. Cela irrita de nouveau Galladon qui repensa à sa jeunesse, à ses moments passés avec ce frère constamment jaloux et jamais satisfait que ce qu’il avait. Tout s’éclairait maintenant. Tout devenait limpide. Morgon avait toujours souhaité être Galladon. La jalousie l’avait consumé et depuis qu’il était seigneur, il était incontrôlable. C’est ce qu’il avait compris de la courte entrevue avec sa mère à Lestival, des années auparavant.

- Mourir ? Mais, je ne ve...

Galladon s’interrompit. Cette voix. Cette soudaine voix qui revint à lui. Il recula de quelques pas, manquant presque de trébucher sur la chaise qui se trouvait là. Cette femme était… Cette voix était celle de… Il était venu à Grenadier pour venir chercher sa femme, cela était son but depuis la vision de la Jouvencelle dans ses rêves. Pourtant, il n’avait jamais pensé à la sensation que lui ferait la voix de sa femme. Longtemps, il l’avait eu en tête dans des moments difficiles, même à des lieues de Vieux Jardin. Elle avait quelque peu changé mais demeurait la même en même temps. Une dizaine d’années s’était écoulée depuis qu’il l’avait entendu pour la dernière fois. Elle avait toujours ce petit grain qu’il affectionnait au fond. Sa voix piquait comme le bec d’une pie. Elle tranchait aussi comme une dague bien aiguisée. Galladon se ressaisit alors que la voix de Morgon suggérait qu’il soit à quelques pas de la porte de la pièce où il se trouvait. Les pas continuèrent et le chevalier attendit qu’il soit assez éloigné pour briser le silence qu’ils avaient convenu, sans se concerter, de tenir le temps que l’invité indésirable passe son chemin.

- Delena ? Delena, c’est vous ?

Que les Sept soient loués ! Il l’avait mise sur son chemin. Mais cela n’était pas le plus dur de la mission. Maintenant, il fallait faire face à Delena Oldflowers, qui croyait encore être veuve d’un seigneur Bieffois longtemps oublié par la plupart des gens. Connaissant le caractère de sa femme, il eut une pensée furtive qui le fit craindre une véritable mort de la main d’une Delena furieuse des révélations qu’il devait lui faire. Il se murmura à lui-même une prière au Guerrier pour qu’il lui donne le courage et la force d’affronter un courroux qui ne lui avait pas manqué toutes ces années.

The Real Knight

Les cris de Morgon Oldflowers s’étaient finalement arrêtés. Il avait peut-être fini par abandonner sa vaine quête de mettre la main sur sa belle-sœur. Galladon n’y prêtait même plus attention tandis qu’il se rendait compte être dans la même pièce que Delena. Les Sept se jouaient un peu de lui. Il réglerait ça avec eux plus tard. Le plus important était qu’il l’avait retrouvé, enfin, après toutes ces années. Non pas qu’il s’était lancé à sa recherche comme un chevalier amoureux perdu sans elle… Il savait très bien que dix ans plus tôt, il avait tout abandonné, sa famille, son fief, sa vie, tout. Aujourd’hui, il ne pouvait décemment revenir comme une fleur alors que tout le monde le croyait mort. Il faudrait du temps. Beaucoup de temps même à en juger par les mots de Delena qui peinait, évidemment, à croire que Galladon soit vraiment là. Le chevalier ne put s’empêcher d’esquisser un sourire amusé quant à sa remarque. Ce sourire d’effaça rapidement cependant, se rappelant que cette pauvre lady Olenna ne faisait plus partie de ce monde, nouvelle qui ne l’avait guère ravi. Il n’était pas friand des Tyrell mais reconnaissait que la maison avait été brillamment bien tenue avec Olenna comme pilier. Une page se tourne pour les Roses et il était certain d’être témoin de ce nouveau chapitre pour le Bief, puisse-t-il reprendre son fief dans celui-ci.

Il reporta son attention sur Delena qui reprit ses prières. Qu’espérait-elle au fond ? Que Galladon, qu’elle pensait être l’Étranger à l’humour douteux, la prenne et l’emmène ? Ou préférait-elle que Morgon la trouve afin de la libérer de cette vision qu’elle pensait avoir ? C’était au chevalier de la ramener à la réalité, dans cette pièce dédiée aux travaux de mestre dans laquelle il se trouvait tous deux. Galladon s’approcha alors doucement de son épouse et s’abaissa à son niveau. Il n’osa pas la toucher, ni s’approcher trop près d’elle. Il demeura à une distance convenable qui ne l’oppresserait pas, du moins il l’espérait. Galladon ne savait pas trop comment procéder pour lui faire comprendre qu’il était bel et bien en vie. Il ne pouvait pas non plus lui en vouloir. Elle le croyait mort depuis si longtemps. Une pointe de culpabilité lui traversa l’esprit mais il avait appris à ne pas se laisser ronger par ce genre de distraction. Le passé est révolu et ne peut être changé. Seul le futur est incertain, dépendant alors du présent qui se construit à chaque seconde. Après quelques secondes de réflexion, il se décida à prendre, à nouveau, la parole.

- Delena… Regardez-moi, Delena. Je…

Il s’interrompit soudainement. Cette phrase, ce moment, ce regard posé sur son épouse, tout cela le ramena des années en arrière. Il resongea alors à ce jour, à cette dernière entrevue qu’ils avaient eu tous les deux avant sa « mort ». C’était une journée normale pour eux, une discussion normale entre eux. Galladon était d’une humeur déprimante, comme la plupart du temps, mais le contexte s’y prêtait. Quelques jours plus tôt, sa belle-sœur, lady Laena, était morte en couches. Le bébé n’avait pas survécu, lui non plus. Ces deux tragédies eurent raison de Morgon qui fut bien incontrôlable depuis. Galladon espérait alors pouvoir le calmer et tenta de rassurer Delena qui n’était pas d’humeur enjouée non plus. Leana était un réel petit rayon de soleil qui avait marqué Vieux Jardin par sa douceur et sa gentillesse. Il était certain qu’elle laissait un énorme vide. Même la vieille Elinor en convenait, c’est dire. Quoiqu’il en soit, Galladon revoyait l’expression de Delena ce jour-là. Elle devait sûrement songer au jour où elle-même serait enceinte, où elle donnerait la vie. La peur de vivre la même chose que sa belle-sœur était sans doute présente. Une peur, bien différente, se lisait également sur le visage de Delena recroquevillée. Alors, comment lui faire comprendre que ce qu’elle croyait depuis près de dix ans était un odieux mensonge, une fausse vérité, une illusion que le chevalier avait entretenue en disparaissant et quittant le continent ? Il soupira avant de se reprendre.

- Delena, je vous en prie. Regardez-moi. C’est moi…

- Galladon Oldflowers, écuyer de lord Perceon. Et toi ? Qui es-tu, petite ?

Le jeune garçon s’était montré quelque peu hautain avec la petite dame qui s’était présentée à lui ce jour-là. Il avait douze ans à l’époque, elle en avait huit. De prime abord, les deux jeunes Bieffois ne s’appréciaient pas et pourtant, ils durent se côtoyer pendant plusieurs années avant qu’on les fiance et les marie. Ils avaient fini par s’accommoder de cette situation. Après tout, lui n’était pas si condescendant que cela et elle n’était pas aussi superficielle qu’il ne l’avait parfois pensé. Des pensées d’enfants qui avaient bien mûri avec le temps, laissant place à un jugement plus approprié d’un époux à son épouse et d’une épouse à son époux. Ce flot de souvenirs qui assaillaient Galladon le faisait soudainement douter. Avait-il bien fait de répondre à l’appel des Sept ? Avait-il bien fait de revenir ? Avait-il bien fait de venir la chercher ? Qui sait si elle voulait venir avec lui, une fois qu’elle aurait digéré tout cela. Galladon était pris d’un doute, un doute qui le fit reculer de sa position, reprenant alors une stature debout, face à la porte fermée et derrière laquelle aucun bruit n’était audible. Au dehors, par la fenêtre, il était possible d’entendre des gens parler dans la cour du château. Peut-être que Morgon avait vraiment abandonné pour cette fois et était reparti à Vieux Jardin. Qu’importe, Galladon était ailleurs, en proie à quelques souvenirs qu’il avait avec Delena. Il demeura ainsi statique, devant elle, la regardant, l’observant longuement, se demandant si finalement, elle n’était pas mieux sans lui. Les Sept lui avaient redonné le goût de la vie. Il avait suivi chacun de leur Appel sans réfléchir, se plongeant alors dans la mission qu’ils lui confirent. Mais peut-être qu’il n’était pas destiné à répondre à tous les Appels. Pourtant, il était là et au fond, il n’avait aucune envie de rebrousser chemin. Malgré ce doute, il demeurait dans la pièce, en sa compagnie, espérant qu’elle accepte le fait qu’il soit vraiment là et que ce ne soit pas une blague douteuse de l’Étranger. Il laissa alors échapper un léger murmure.

- Je suis Galladon Oldflowers. Et toi ? Qui es-tu, petite ?

A drop of blood

La dernière image que Galladon avait de son épouse remontait à près d’une dizaine d’années, en ce jour tragique, quelques minutes avant sa chute. Rien ne prédestinait le seigneur des lieux à quitter le château sans y revenir. Il était passé par l’un des salons où se trouvaient sa mère, sa sœur et son épouse ainsi que quelques servantes. Il leur avait demandé si elles avaient vu Morgon. Elles répondirent toutes par la négative. Ce fut un jeune servant qui l’aida dans sa quête, clamant qu’il avait vu le frère du seigneur fuir le château et se diriger vers les falaises. Vieux Jardin était un magnifique fort fleuri et aux jardins somptueux mais en dehors de celui-ci, se trouvaient les falaises dangereuses de la côte ouest du Bief. C’est là que Galladon retrouva Morgon. Il se souvenait alors du visage insouciant de son épouse lorsqu’il la quitta pour retrouver son frère. Jamais ils n’auraient pensé être séparé. Malgré les disputes, les chamailleries, les taquineries, Galladon et Delena formaient un couple plutôt uni. Seul l’absence d’un héritier marquait le tableau familial. Pendant longtemps, le chevalier errant avait gardé ce souvenir, cette image du visage de Delena, se rappelant dans des moments de tristesse et de nostalgie ce qu’il avait lâchement abandonné derrière lui. Il avait fui un pouvoir qu’il ne désirait pas mais s’était rendu compte qu’il avait fait du mal à sa famille. Il se le rappelait à nouveau tandis qu’il faisait un pas vers son épouse, dix ans plus tard, dans le laboratoire du mestre de Grenadier. Elle était là, recroquevillée sur elle-même, ne croyant pas un seul instant ce qui était en train de lui arriver. Galladon lui assura que c’était bien lui, et cela la dérouta… à raison. Elle commença alors à faire les cents pas et le chevalier préféra reculer d’un pas de son côté, le regard ne quittant pas la silhouette de la Bieffoise en mouvement, réfléchissant, regroupant sans doute toutes les informations qui venaient de lui arriver d’un coup.

- Del…

Le coup qu’elle lui porta soudainement l’arrêta net dans ses paroles et le fit reculer à nouveau. Delena n’avait pas une force d’homme mais avait réussi à faire couler quelques petites gouttes de sang de la lèvre inférieure de son époux retrouvé. Galladon ne dit mot, acceptant la colère de son épouse, acceptant ses mots à elle. La douleur était intense mais ne savait si cela venait simplement du coup qu’elle lui avait donné ou de ce qu’elle venait de lui dire. « Je vous ai enterré ! » Son regard se perdit alors vers la fameuse fenêtre par où il était entré quelques minutes plus tôt. Que pouvait-il faire ? Que pouvait-il dire ? Cela faisait une décennie que tout le monde le croyait mort, qu’Elle le croyait. Voilà qu’il revient comme une fleur, à Grenadier, se présentant à elle. Il reporta son regard sur elle, voyant alors la colère de la dame, une colère plus que justifiée et à laquelle Galladon s’était évidemment attendu. Il lui fallait des explications désormais, pour qu’elle comprenne, pour qu’elle sache. Seulement, il n’était pas sûr qu’elle le laisse parler ou même qu’elle veuille des explications. Dans tous les cas, il les lui devait et lui devait bien plus que cela d’ailleurs pour tout ce qu’elle avait pu subir depuis sa « mort ».

- Je vois que vous avez toujours une bonne droite…

Il se massa la mâchoire, essuyant au passage le sang sur ses lèvres et se prépara même à un deuxième coup. Les traits d’humour arrivaient peut-être un peu tôt vu l’ambiance de ces retrouvailles. Il enchaîna aussitôt, sans lui laisser le temps de répliquer.

- Si vous me le permettez, Delena, je peux tout vous expliquer. Je sais que ça doit vous paraître invraisemblable pour l’instant mais le poing que vous venez de me mettre en est la preuve. Je suis bel et bien vivant !

Il n’osa pas s’avancer vers elle, préférant lui laisser l’espace nécessaire pour que l’information soit digérée. Ce n’était pas une mince à faire, il en était bien conscient. Mais il était tout aussi têtu qu’elle et il voulait lui parler, lui expliquer, tout ce qu’il s’était passé et surtout le jour de sa disparition soudaine. Il la chercha du regard et réussit à croiser le sien. Les yeux ne mentent pas, jamais. Ils le savaient l’un et l’autre. C’était comme ça qu’ils fonctionnaient à l’époque. S’il y a bien une chose qui n’avait pas changé chez eux, c’était ça. La vérité dans le regard.

- Laissez-moi vous expliquer, je vous en conjure… Je… Je vais tout dire, Delena. Tout.

Il resta ainsi là, planté en face d’elle, le regard dans le sien, sentant à nouveau une goutte de sang s’échapper de sa lèvre pour se perdre dans sa barbe quelque peu généreuse, attendant qu’elle se manifeste, qu’elle veuille bien l’écouter. Il était déterminé et n’était pas prêt de partir.

What happened to Galladon

since his death – Part 1

What happened to Delena

since his husband’s death

Trahison, déloyauté, mensonge. Morgon Oldflowers s’était engouffré dans un chemin bien sombre depuis la mort de son épouse, allant jusqu’à provoquer la disparition de son frère qu’il jalousait depuis leur plus tendre enfance. Il avait finalement obtenu ce qu’il avait toujours souhaité. Le pouvoir. Laissant Galladon tombé dans l’oubli, le second-né avait ainsi pu diriger Vieux Jardin comme il le souhaitait, profitant du deuil quasi insurmontable que subissait lady Ermesande, sa mère et lady Delena, sa belle-sœur. Pendant toutes ces années, Galladon avait parcouru un tout autre chemin qui le ramena finalement auprès de son épouse aujourd’hui, un long chemin qu’il devra lui conter quand elle serait prête à l’écouter. Il venait, en effet, de lui expliquer les raisons de sa disparition et il fallait qu’elle digère cela pour le moment. La voyant s’asseoir sur le lit du mestre, le chevalier demeura alors silencieux, laissant son épouse assimiler les révélations. Au fond de lui, il était reconnaissant que Delena n’ait pas abandonné si vite alors que lui l’avait fait. Il les avait toutes et tous abandonné. Son épouse, sa mère, sa fratrie, ses gens, son château. Mais eux, non. Il y eut apparemment de longues recherches dans les semaines qui suivirent sa disparition. Morgon avait bien su jouer sa carte. Il ne faisait aucun doute que ses hommes de confiance avaient reçu l’ordre de tuer Galladon s’ils le retrouvaient vivant. Cela n’eut plus aucune importance et il ne put décrocher son regard de son épouse lorsque celle-ci annonça avoir été enceinte à l’époque.

- Qu.. Com… Je…

Aucun mot, aucune phrase, aucun son même ne put sortir de sa bouche. Il était partagé entre le chagrin et la colère, envers son frère mais surtout envers lui-même. Delena était tombée enceinte, eux qui désespéraient avoir un enfant un jour. Elle était tombée enceinte et par sa faute, elle l’avait perdu. S’il était revenu à Vieux Jardin, s’il avait repris sa place plus tôt, cela aurait-il changé quelque chose ? Il ne pouvait pas le savoir et ne le saurait jamais. Ne faisant pas attention à la nouvelle agitation qui animait le château, Galladon, silencieux, vint s’asseoir auprès de son épouse. Il espérait qu’elle ne le rejette pas. Pas maintenant. Il approcha une main de la sienne et décida de la prendre délicatement. Il ne savait toujours pas quoi dire. Un enfant. Ils auraient pu avoir un enfant. Fille ou garçon, Galladon s’en moquait bien, il avait toujours désiré un enfant, pour perdurer le nom devenu illustre des Oldflowers mais aussi pour connaître la joie d’être père. C’était un cadeau que son frère lui avait retiré mais il ne le blâmait pas entièrement pour cela.

- Delena…

Sa voix se fit murmure et il ne décrochait toujours pas son regard du visage toujours aussi joli de son épouse. Il approcha doucement et posa délicatement son front sur sa tempe.

- Je suis terriblement désolé.

Sa voix était sincère, ses mots encore plus. Près de dix ans s’étaient écoulés depuis sa disparition. Ils n’avaient pas été aussi proches depuis tout ce temps et retrouver un peu de cette proximité faisait du bien. Galladon le reconnaitrait assez aisément, il n’avait pas été un mari exemplaire, toujours en proie à sa mélancolie légendaire. Il avait longuement travaillé sur ce trait de caractère et s’il pouvait encore, parfois, faire preuve de mélancolie, il n’était clairement plus le même homme. Grâce aux Sept qui le guidaient, grâce à Shedda qu’il protégeait, grâce à sa famille qui hantaient ses pensées, il était sorti de son exil plus fort et plus déterminé.