Une confidence sous le regard des dieux

Je regardais le Barral devant moi, debout devant ses yeux cerclés du rouge de sa sève. J’inspirai profondément, savourant la douceur du Printemps. Dans d’autres terres, j’étais sûre que le soleil était chaud ! Mais quelle importance ? J’étais une nordienne sur ses terres… Terres pour l’instant en paix. Contrairement au reste de Westeros. En partie. Les terres qu’on pourrait dire centrales dans leur position géographiques étaient en proie des guerres. Les terres… plus extrêmes comme le Nord, les Îles de Fer ou Dorne étaient paix. Comme quoi… C’était vraiment les Dragons qui foutaient la merde partout ! S’ils voulaient savoir qui avait le plus gros dragon, il fallait régler cela en duel… Je secouai la tête. Ces dragons… Des fouteurs de merdes. J’oubliais volontairement les conflits qu’il avait pu avoir dans le Nord sans les dragons ! Enfin… Il fallait bien trouver un responsable à tous nos malheurs…

Je fermais les yeux un instant en murmurant une prière pour protéger Sansa. Elle devrait revenir ici, à l’abri… Pour combien de temps ? Je savais que Robb avait des décisions à prendre, je savais que le Nord le regardait : qui était-il vraiment ? Loup ou Chiot des Dragons. Quand bien même il avait montré que le sang de mon père coulait dans ses veines, ce qui semblait se dessiner était une nouvelle épreuve. Je n’aimerais pas être à sa place. Il devait penser à bien des choses… Je retiens un nouveau soupir en levant les yeux vers les branchages.

« Puissiez-vous le guider sur le chemin de la raison… »

Il devait penser au Nord et aux autres royaumes, et à tout cela… Je me mordis les joues sans rien dire de plus aux dieux. Ils étaient partout, ils savaient. Ils seraient les plus à même de savoir et guider mon père. Qu’est-ce qu’aurait fait mon père ? Je levais les yeux. Face à la folie, il avait prit les armes… Est-ce que face à la folie des autres royaumes… Robb prendrait les armes pour défendre le Nord ? Ou pour attaquer l’autre dragon ? J’en savais rien.

Nymeria revient vers moi, visiblement elle avait trouvé de quoi chasser. Je baissais les yeux vers elle pour la caresser légèrement.

« Je n’aimerais pas être à sa place Nyméria… Je ne sais pas ce que tu en penses… »

Visiblement… pas grand-chose. Je tournai la tête en entendant du bruit et ma louve aboya. Vent-Gris. Et Robb.

« Bonjour Robb, comment vas-tu ? »

J’inclinais la tête vers lui avec un sourire.

Je regardais ma sœur avec mes yeux sombres, comme s’ils avaient la profondeur d’une forêt. Comme j’aurais voulu demeurer ici pour garder la mémoire des lieux, pour oublier tout ce qui pesait désormais sur mes épaules, plus lourd de jour en jour. Comme la présence de ma sœur m’était précieuse et paisible. Un vent nouveau me parcourut l’échine le temps de quelques instants et je me rappelais que le même sang coulait dans nos veines. Je laissais mon loup s’éloigner un peu et m’approchais un peu. J’avais des choses à dire, je voulais avant tout me confier, parler à cette oreille amicale, oui, je la savais proche de moi, une des plus sincères à mon égard. Vu son jeune âge, je désirais éviter de me reposer sur elle mais également la mettre dans la confidence au sujet de ma vision des choses. Je pris un inspiration profonde et en guise de tout salut, je me lançais.

« Ma sœur tu n’es pas ignorante de ce qui se prépare, tu ne dois pas l’être. Tu es celle qui assiste aux Conseils mais aussi celle qui doit savoir plus que tout autre. »

En effet, qui soupçonnerait un instant que la jeune fille qui assiste sans paroles était au plus proche de son frère, de son suzerain, au courant des affaires les plus importantes du Royaume ? C’était difficile d’imaginer pour certains que je puisse confier mes projets à ma jeune sœur et je misais là-dessus autant que je désirais recevoir son écoute. Une aide des plus précieuses en ces temps troubles où chacun voulait avoir gain de cause.

J’effleurais l’arbre devant nous du bout des doigts, je m’accroupis à ses racines pour les toucher et les regarder de plus près. Ces racines étaient semblables à notre famille, puisant sa force dans la Terre mère, notre terre. Ici, je n’étais pas au Donjon Rouge, ici ils ne pouvaient m’atteindre, ici je me devais d’honorer la mémoire des miens, de ce père qui fut également le sien. Je plantais mon regard dans ses jeunes yeux pour poursuivre plus encore.

« Le Donjon Rouge m’est de plus en plus étranger, mon cœur s’ancre davantage ici et pour autant les serments qui sont miens devraient être honorés. Honorés mais non accomplis ? Cela se pourrait-il que Robb Stark devienne un félon ? Est-ce trahir que de protéger les intérêts même de notre monde du Nord ? J’ai longtemps souffert de cette indécision, de ces contradictions, aujourd’hui, de plus en plus, s’étoffe en moi un souffle nouveau de liberté. On ne peut être à la fois loup et dragon. »

Je m’assis au pied du grand arbre et contemplais sa hauteur puis regardais ma jeune sœur avec attention comme perdu. Je désirais par cet aveu me lier davantage à elle, ma confiance entière lui était acquise car elle était désintéressée. C’était ce que j’appréciais le plus chez quelqu’un et elle possédait cette noble qualité. A présent que ma tâche devenait des plus pénibles et ardues, je me reposais sur les Dieux et sur les liens de famille, des liens que je pensais à l’épreuve même de ce temps où je n’étais pas ici. Peut-être me trompais-je ? Je dessinais avec un bâton dans la terre faisant mine de tracer un plan de bataille et regardais ma sœur, interrogateur.

« Quels choix s’offrent à nous ? »

Quelle que soit l’issue, nous devions peser le pour et le contre, décider et agir pour des conséquences le moins défavorables possible pour notre famille et nos gens. Cela était de notre devoir. Oui, notre, car elle était une Stark et plus que jamais je la reconnaissais comme telle mais plus que jamais j’avais besoin d’elle à mes côtés, au moins ici près du Barral, près de mon cœur et de mes doutes. Le Conseil c’était autre chose. Ici nous étions à l’abri des regards et nous pouvions refaire le monde sans conséquences. Du moins pour l’instant. Revenir ici sous les branches du majestueux arbre était comme une renaissance pour moi. Je regrettais n'y avoir pas grandi. Au contact de ma jeune soeur, je rattrapais un peu de ce temps perdu à jamais.

Je soutiens le regard de mon frère alors que nos loups s’éloignaient pour nous laisser une certaine intimité. Cela faisait bien une semaine qu’il avait envoyé les corbeaux pour convoquer nos bannerets. Je le savais. J’étais une présence silencieuse dans ses conseils depuis qu’il m’avait donné l’autorisation d’y assister. J’étais là, j’écoutais, j’observais, mais je n’avais pas le droit à la parole. Trop jeune. Trop femme ? Peut-être, je n’en savais rien. Je fis un petit mouvement de tête, oui j’assistais… mais celle qui devait savoir plus que les autres ? Je ne m’y attendais pas.

« Je le sais. Le sud s’est embrasé, les dragons ont recommencé leur danse… »

J’étais flattée qu’il me considérait comme assez digne de confiance pour en parler à moi et non pas à Jon ou à Mère. Je n’étais que sa petite sœur, même pas son héritière ou son bras droit. C’était Jon. Mais je demeurais silencieuse en le regardant rendre hommage aux Anciens, croisant mes mains dans mon dos en une mimique de père. Je tournai à nouveau la tête vers lui lorsqu’il reprit la parole. Je comprenais, c’était les questions que je m’étais posée il n’y a pas quelques minutes…

« Tu es fils du Nord, d’Eddard Stark. Descendant des anciens rois du Nord avant que les dragons ne viennent Robb. Ton sang sait que tu es revenu depuis longtemps à la maison, le loup en toi s’est éveillé. On ne peut être deux choses à la fois, non c’est impossible. »

Quant au choix…

« Avons-nous la force d’à nouveau sacrifier fils et fille du Nord ? »

Je soutiens son regarda avant de lever les yeux vers le Barral.

« La guerre contre la Nuit s’est passé sur nos terres, toutes les couronnes sont venues, si on oublie les Îles de Fer et Dorne… Même si Dorne était sans doute trop loin pour être utile. »

Je soupirais un peu.

« Robb, il n’y a pas une bonne réponse à la question que tu me poses, je ne suis ni politicienne ni une fervente défenseuse du Nord. Sans intervenir nous soutenons un empoisonneur. En intervenant nous mettons en avant notre honneur. Il ne faut pas oublier où est Sansa et Bran. Ils sont dans le Conflans qui est en guerre. Nos alliés… Nous avons prêté des serments. Mais… il faut savoir ce que nous voulons et si nous sommes prêts à payer les conséquences. »

Je soutiens le regard de mon frère.

« Quel frère allons nous soutenir par notre action. Ne pas choisir est également un choix. »

Je ne dis rien de plus.
   

Arya ne me craignait pas, elle soutenait mon regard sans aucune difficulté. J’aimais cela. Elle avait raison, les dragons avaient recommencé à danser. Cela au détriment des plus petits peuples, ne se souciant que de leurs petites luttes intestines. Si cela n’était pas de l’égoïsme ? Nos pensées n’étaient pas semblables. Il ne semblaient pas s’occuper de nos gens, de la perte d’hommes et de femmes valeureux mais s’empressaient de conclure leurs affaires. Comme je n’aimais pas cela ! Je ne pouvais que désapprouver ! Il est vrai que je n’avais pas le choix si on en jugeait pas mes seuls serments sauf qu’une idée avait longtemps germé dans ma caboche, une idée certes déshonorante mais pouvant délivrer une lumière nouvelle dans le Nord.

« Ici nous tenons Conseil, la première fois toi et moi. »

Dis-je sur un ton des plus solennels. Et c’était là la vérité tout nue, dépareillée de l’apparat d’un réel Conseil meublé. Ici dans cette nature sacrée à l’ombre du grand Barral, nous commencions le Conseil, en famille. C’était ainsi que je l’avais décidé et souhaité.

« Le premier Conseil sacré avec les Dieux pour témoins et le sang que nous partageons, le souvenir de Père. »

Je la regardais à mon tour avec toute la bienveillance qui était alors la mienne. Arya avait une vision fort mature pour son âge, nous partagions cela et j’appréciais ses conseils avisés. Pour moi, elle devait être la première à donner son avis bien avant tous parce que ce qui nous unissait était un tout, un tout sacré à mes yeux.

« Pour tout te dire, je me fiche de l’empoisonneur bien que je n’approuve pas ses méthodes. Je me moque également de la légitimité de l’un ou de l’autre dragon. A vrai dire il se peut tout autant que les deux soient légitimes et qu’un partage serait plus profitable qu’une guerre mais il ne m’appartient pas de me mêler de leurs affaires. En tant que vassal, ma place est aux côtés de l’un et au détriment de l’autre. Sauf que… »

Je m’arrêtais un instant. Je tentais de sonder le visage jeune qui me faisait face. Je m’interrogeais et ne voulais pas aller trop loin pour ne pas lui faire porter mon fardeau. Ce n’était pas mon dessein. J’avais simplement le souhait de partager mes intentions pour ne pas la prendre de court, elle aussi. Je lui devais bien cela à cette sœur qui me défiait de par son insouciance et sa maturité. Un savant mélange des deux la rendait unique.

« Ce que tu dis est bien vrai. Ne pas choisir est un choix également et que cela soit ou non réfléchi encore, je crains que telle ne soit ma position à venir. Bien entendu nous écouterons les seigneurs du Nord, tous nos vassaux, même ceux qui nous sont défavorables, je m’en fais un devoir d’écouter chaque nordien qui souhaitera me faire part de son avis. Au mieux, nous gagnerons un temps de réflexion non négligeable et précieux. De plus, j’aurais écouté chacun en dépit de nos différences. »

« Mais sais-tu ? Il vient un temps où avec la maturité et le vécu, sans parler de couronne, l’homme désire être libre et s’affranchir des chaînes et des serments. »

Ces derniers avaient été prononcés alors même que j’en ignorais toute l’importance. Mais qui s’était soucié de cela ? Je ne blâme pas ma famille adoptive non plus mais les puissants se soucient rarement des états d’âme de leurs sujets. C’est sans doute l’idée qu’ils se font du Nord, une terre vassale avec le jeune Stark à sa tête, loyale et fidèle. Il est heureux que Rhaegar n’est pas là, qu’il ne peut entendre mes paroles. Je n’avais pour désir d’hisser le Nord auprès des grands de ce monde ni d’égaler les plus puissants. J’avais néanmoins l’intime conviction qu’aspirer à une liberté nouvelle était la voie que je me devais de suivre désormais. Chaque suzerain se devait de laisser quelque vestige de son passage, j’entendais bien laisser celui-là à ceux qui viendraient par la suite. Je ne pensais pas qu’à moi. Ce que je ressentais, je pouvais encore le taire mais pour le Nord, je me devais d’agir. Les nôtres méritaient aussi de se rassembler autour d’un roi libre. Il ne s’agissait pas seulement de mon orgueil mais de la force de cette couronne. De son utilité. L’unité serait plus sûre, ainsi rassemblés autour d’une même couronne, les seigneurs seraient plus forts. Nous serions plus forts et le Nord indépendant garantirait de vrais choix pour les générations encore à venir.

Je venais de prendre du grade en devenant conseillère personnelle et secrète de Robb Stark. Pas sûre qu’il s’agisse là de sa meilleure décision. Mais s’il me demandait mon avis, j’allais lui donner après tout. Hey visiblement j’avais le droit ! J’étais là visiblement pour ça. Je haussais les épaules avec un sourire.

« Je suis sûre que Mère sera ravie d’apprendre que tu écoutes les conseils d’une enfant de quatorze ans. »

Quinze, d’accord, c’était presque pareil ! Enfin non… Mais j’allais pas tout de suite lui rappeler. Je levai les yeux pour regarder les branches et peut-être père ? Qu’en savais-je réellement ? Je ne savais pas. J’aimerais me dire que Père nous regardait, peut-être assit, peut-être debout… Qu’est-ce que je pouvais en savoir ? L’important c’était d’être honnête avec Robb et lui dire ce que je pensais. J’inclinai légèrement la tête à sa remarque.

« Du moment qu’on nous fiche la paix, à nous et à nos alliés… »

Ce qui n’était pas tout à fait le cas actuellement… Sauf que… Je me mordis la lèvre en réfléchissant, frottant mes cicatrices sur mon visage d’un geste nerveux. Légèrement. C’était complexe, l’écoute, prendre également conscience qu’on ne pouvait décider pour tous… Réfléchir aussi en groupe… Les Nordiens avaient leur propre esprit… Je fronçais légèrement les sourcils. Serment et chaîne…

« On ne peut vivre dans un monde sans respecter les serments Robb. Notre honneur dans nos serments est la force dans le Nord. Tout comme notre union. Ici encore tu es considéré comme un louveteau je pense. Je ne sais pas ce que pensent les autres seigneurs. Mais trahir les serments que tu as fait ne seront pas aussi bénéfiques pour ton image. Dans les deux cas il faudra en parler avec les tiens. Ce n’est pas une décision que tu dois prendre seul. »

J’inclinai légèrement la tête.

« Nous avons la chance de pouvoir prendre le temps de choisir et de nous préparer. C’est un temps que nous devons prendre pour que notre décision ne soit plus un regret. Et que tu puisses toujours te regarder dans le miroir. »

Et que l’amour dans les yeux de Kylis reste intact.

« Cela dépend aussi du monde que tu vaudras laisser à tes enfants. »

Kylis était plus ronde qu’une jument. La pauvre.
   

Je m’affalais dans l’herbe, la mousse et les feuilles pour me reposer quelques instants et contempler le ciel clair. J’entendis la première réponse de ma sœur et ses mots me firent sourire. Il était vrai qu’elle était encore jeune mais Mère serait certainement ravie que nous soyons unis. A vrai dire, je ne comptais plus me séparer de ma famille ou alors par nécessité, pour un temps seulement. Un temps que j’espérais raisonnablement court. J’écoutais ce que ma jeune sœur avait à me dire avec grande attention. On sous estimait souvent les plus jeunes, parfois à tort. L’esprit de ma sœur était aiguisé et ses paroles le prouvaient sans cesse. Je ne m’en étonnais plus et me réjouissais même qu’elle parvenait à me tenir tête, à me raisonner un peu, à tempérer ma fougue. C’était là mon défaut même si à ce moment j’étais plutôt dans la réflexion. Oui elle avait raison sur les apparences, les serments devaient être tenus.

« Je me fiche bien de leur considération, aux uns et aux autres. J’entends accomplir et laisser quelque héritage valeureux au Nord. Bien sûr et tu fais bien de me le rappeler, il nous faudra prendre en considération la voix de nos gens. Quant aux serments, ils demeurent un gros dilemme. Comment les repousser sans les renier ? Mon image m’importe peu, le plus important est de rassembler et d’unifier plus encore autour de notre Maison. Et si cette couronne que l’on nous refuse au lointain était garante d’une nouvelle prospérité pour nous tous ici et maintenant ? »

Par maintenant, j’entendais un avenir plus ou moins proche. Elle avait raison ma jeune sœur, ses paroles étaient sages même si elles ne me plaisaient pas toutes. Mais il me valait mieux les entendre de sa bouche plutôt que des lèvres des seigneurs, plus rudes, plus amers pour certains. Je les comprends aussi, nous avons déjà livré bataille. Le Nord a perdu, le Nord a subi. Nous devons à présent construire une prospérité nouvelle, rebâtir, renaître. Que l’on pense de moi que je suis un jeune loup, cela m’importe bien peu. Le temps aura son mot à dire et les générations à venir pourront témoigner de mon héritage.
Je me résolus de lui répondre. Sa question directe méritait une réponse et je souhaitais également encourager ma jeune sœur à me parler franchement et librement. Ici il n’y avait personne pour l’inviter au silence, ici j’étais et je me sentais moi-même plus libre que partout ailleurs. Je me sentais protégé par le Barral et la présence familière de ma sœur et de nos loups.

« Quant au monde que je veux laisser à mes enfants…
C’est tout un héritage de nouvelles valeurs, un monde libre.
La fierté d’être des nôtres, des Starks mais également des nordiens.
Je ne veux pas qu’ils grandissent à des Cours étrangères ou qu’ils honorent des serments à contre cœur, des serments contraires à leur intérêt. En bref et tu l’auras aisément compris, ce n’est pas ce monde ci mais plutôt un nouveau que nous pourrons bâtir. Un monde de paix et de liberté. Je souhaite que mes enfants fassent des choix qui leur appartiennent vraiment. »

Me regarder dans le miroir ? J’appréciais grandement la franchise de ma sœur mais je ne répondis pas sur ce dernier point. Je ne savais véritablement comme j’aurais pu honorer la mémoire de Père et me respecter moi-même en respectant prochainement les serments faits jadis à Rhaegar. De même, ne pas le faire, me ferait du mal mais le pour et le contre n’étaient pas égaux. Mon cœur penchait vers le Nord bien que j’avais encore une affection sincère pour mon père adoptif et pour sa famille. A présent je jouais avec une brindille et je regardais ma nouvelle conseillère, interrogateur. Je contemplais le ciel à nouveau et m’étendis de toute ma longueur dans l’herbe cette fois. J’étais détendu, peut-être plus que jamais malgré la situation. Parler à Arya me faisait du bien, assurément. Parler m’avait libéré, j’en ressentais le besoin. Nous avions encore du temps et d’autres questions méritaient d’être posées. Il était également vrai que nous avions du temps et c’était un avantage que je ne comptais pas négliger. Ce temps, il nous fallait le mettre à profit d’une manière ou d’une autre.

« Pour sûr, nous agirons en accord avec tous les Seigneurs et la voix du peuple, nous allons l’écouter aussi un peu… pour une décision de cette importance, chaque nordienne, chaque nordien devrait avoir son mot à dire. Tous ont souffert il y a peu encore, tous mériteraient d’être entendus. Peut-être te chargerais-je d’une mission si le cœur t’en dit. »

Je ne comptais pas me comporter comme tous ces chefs qui se contentent d’écouter leurs vassaux et oublient ce peuple qui fait la force et le nombre. Je ne désirais pas n’écouter que les plus riches, que les mieux lotis, que les forts. Le Nord c’était aussi les plus miséreux, c’était tout le monde. Nous devions prochainement faire bloc contre vents et marées, contre les puissants Dragons on même contre une destinée que d’autres voulaient tracer pour nous. Chacune, chacun, méritait d’être entendu avant la tempête. Parler à ma sœur m’apportait du réconfort mais également une aide. Je souhaitais à mon tour lui apporter un tant soi peu.

J’observais mon frère s’asseoir sans plus de manière au sol alors que pour ma part je restais debout devant lui. Pour une fois que c’était moi qui avais l’impression d’être une adulte face à un enfant. Je l’écoutais sans bouger tout ce qu’il avait à me dire, passant à nouveau une main sur mes cicatrices en restant profondément silencieuse.

« Ton image importe Robb. Parce que c’est celle dont on se souviendra dans l’histoire. Les serments sont les serments. Les nordiens sont bien ceux les comprenant le mieux. »

Parler Otage… Robb savait bien ce que c’était de vivre loin de sa famille. Un monde libre.

« Peut-être pour que ce monde arrive, il faut que toi et tous les autres preniez des décisions difficile, même à conte-cœur. On peut se souvenir de toi de bien des manières, tu connais la puissance du Nord. »

Il y avait tant de manière de faire, de gouverner… Je n’étais qu’une femme, qu’une guerrière, quelque part j’avouais que cela m’arrangeait grandement d’un coup. Mais mon frère me demandait mon avis. J’essayais de lui donner malgré tout… Même moi cela m’obligeait à penser plus grand. Je fronçais les sourcils.

« Une… mission ? Quel genre de mission ? Je suis toujours partante pour t’aider et aider le Nord. On ne peut venir de notre famille et ne pas être ni noble, ni honorable Robb. »

Je connaissais mieux père que lui. Et c’était quoi cette mission ? Lui assurer l’alliance avec une autre famille. Je l’adorais, je savais que c’était mon devoir, si honnêtement je pouvais éviter je le ferais, mais honnêtement… je ne pensais pas que c’était ça. Tout comme je ne pouvais pas dire : comment père aurait fait selon toi ? Quoi que…

« Tu es le fils d’Eddard Stark, même s’il n’a pu t’élever. Tu dois penser comme un loup. »

Plus comme un sudiste qui ne savaient que trahir. Le Nord devait être indépendant… mais pas en soutenant un homme abjocte. 

Ma sœur avait en partie raison, estimais-je. Je ne pouvais pas renier totalement mes serments. De même, agir comme un Loup c’était se montrer totalement prévisible. Il me fallait trouve un juste milieu, peut-être quelque chose que je n’avais pas encore envisagé. Soutenir un homme abjecte cela ne se pouvait non plus. Je me devais de prendre en compte également ces données, ma sœur avait le sens des réalités présentes. Quant à la mission, je ne tardais pas davantage. Arya devait aussi grandir et surtout s’affirmer selon moi. L’âge seul ne faisait pas tout. Elle devait s’exposer à la voix des siens, à l’appel du Nord, elle était une Stark elle aussi. Que m’importait qu’elle était une jeune femme ? Homme ou femme, les Stark devaient accomplir leur devoir et il nous appelait parfois bien plus tôt que l’on aurait pu le prévoir ou le penser. Je pensais que pour ma sœur, le moment était venu d'agir sous la bannière du Nord.

« Je me disais que tu pourrais sillonner les routes nordiennes à ta guise, te mêler au peuple et aux petits seigneurs ou au plus grands, comme il te plaira et demander leur avis. Tu ferais cela en mon nom. Si tu acceptes naturellement. Je ne peux être partout en même temps ni parler à tous. Il ne s’agit pas de les rallier à ma cause, simplement de te renseigner sur leur avis. Eventuellement leur présenter plusieurs choix dont un Nord indépendant. Tous ne viendront pas au Conseil, tous n’y seront pas conviés et même ceux-là, si le cœur t’en dit, parle leur. »

De nouvelles idées pointaient doucement le bout de leur nez. C’était en grande partie sinon en totalité grâce à ma plus jeune sœur. La guerre m’effrayait. Pas un conflit en lui-même autant que là où il pouvait nous amener, plus tard. Quels choix devrons nous faire sous l’influence d’une guerre, à contre-courant ou même sous la pression ? Des choix difficiles, sans doute. Et cela j’aurais voulu l’éviter. Nous avions déjà assez payé le prix fort et de plus, j’aspirais à présent à faire des choix nouveaux. Mais tout cela n’était qu’un rêve. Nous vivions dans un monde qui était loin d’être idéal et nous devions déjà réparer les erreurs du passé avant de conclure sur un monde libre et nouveau. Ma sœur voyait juste du haut de ses quinze ans. Je trouvais même cela quelque peu effrayant, la clairvoyance d’Arya ou plutôt cette lucidité à toute épreuve dont elle se parait parfois, comme d’une armure. Il était vrai que le Nord avait ses traditions comme il était vrai à mon sens qu’il nous fallait voir au-delà , concevoir que des plus grandes choses étaient possibles. Il nous fallait accomplir plus grand, plus loin si nous voulions nous asseoir en égaux à la table des puissants. Pour l’instant ce n’était pas le cas. Les serments ? Encore eux. Peut-être aussi que nous pouvions nous montrer juste assez prévisibles que pour surprendre notre ennemi. Je ne peux le nommer autrement, cet homme qui s’est compromis et déshonoré de la sorte… Mais plus encore qu’un homme, notre plus grand ennemi était notre passé. En partie, certaines de nos erreurs. Nous ne pouvions changer ce passé là mais le futur était plus que jamais entre nos mains. Les serments que j’avais fait alourdissaient juste nos décisions à venir mais elles demeuraient nôtres.

Je me redressai un peu, assis. Je regardais ma jeune sœur avec admiration. Elle était bien plus réfléchie que moi au même âge. Peut-être est-ce la différence entre genres mais je doutais que tout se résumait à cela. Non. Arya était plus mature que les jeunes femmes de son âge. Elle avait de plus ce petit quelque chose d’une Stark, véritable trait de caractère de notre famille. Elle était forte et lucide. Elle s’était forgée elle-même. Je lui destinais un avenir dans la politique et les affaires du pays, pour sûr. Elle méritait d’ores et déjà cette place, du moins, ce rôle. Elle avait à présent mon aval officiellement bien que notre entrevue ici même devait demeurer secrète pas seulement pour la teneur des propos échangés que pour conserver cet havre de paix.

Je humais une fleur à ma portée, tentant par ce geste de me changer les idées un tant soit peu, de me ressourcer de la nature environnante. Je me souvins de Kylis, de nos premiers regards échangés dans le blanc des yeux et de mon retour à Winterfell. Je tournais la tête et contemplais les dernières lueurs de l’après-midi et du soir pas encore là. Le temps passait. Je n’aimais pas particulièrement cela. Ici à l’ombre du Barral, je me fichais véritablement de l’impact des heures qui s’écoulaient, j’étais libre et peu m’importait d’attendre ici la nuit tombante ou même le matin.

J’écoutais mon frère toujours en silence. Sa proposition était bonne, c’était également une manière de me protéger au cas où d’une attaque ? Je restais muette en pensant aux avantages et inconvénients de cette expédition. Je ne pouvais y aller seule, cela voulait dire une escorte… et Lyanna ? Je ne pouvais pas la laisser ici… Je ne voulais pas partir sans elle. Mais il y avait surtout une autre donnée à prendre en compte :

« Il va falloir convaincre et Mère et Jon. Même si j’aime cette idée, je ne peux pas partir seule, le Nord est vaste et même si j’aime l’idée de voyager et me mêler au peuple… Il va falloir convaincre ces deux personnes. Surtout qu’il va me falloir une escorte minimale… et j’aimerais partir avec Lyanna. »

Sœur de tout, même de sang quelque part devant les dieux. J’eus un sourire en caressant le tronc d’arbre. Et peut-être même un jour sœur aussi tout court par le mariage ? Qui savait vraiment. Il faudrait grandir avant de pouvoir voir tout cela. Et grandir voulait dire survivre aux guerres… Nous allions voir, mais mère et Jon devaient être d’accords. Parce que Mère était une Louve et personne ne devait toucher à ses enfants. Et c’était elle qui devrait être convaincue.

Robb semblait devenir pensif en regardant les fleurs. Je haussais un sourcil amusé avant de reprendre la parole.

« Tu veux peut-être cueillir un bouquet de rose pour Kylis ? Je suis sûre que cela lui ferait plaisir. »

Moi ? Le taquiner sur sa relation avec Kylis ? Mais depuis le début comme une vraie petite peste de petite sœur que j’étais ! Je lui offris un grand sourire presque carnassier avant de tourner la tête en entendant nos loups revenir au galop et s’ébrouer. Visiblement ils avaient joué ensemble.

Convaincre Mère et Jon ne serait pas une mince affaire, pour la première du moins. Je comptais argumenter avec Jon. Quant à Lyanna… Si elle consentait à l’accompagner, ce ne serait pas un problème pour moi, bien au contraire. Ainsi ma jeune sœur ne serait pas seule dans cette entreprise, ainsi sa mission serait peut-être accomplie avec plus d’aisance. Je ne doutais pas qu’elle parvienne à atteindre son but. Ce n’était qu’un début pour elle, pour notre famille de participer davantage à la vie du Nord, à ses battements de cœur et ce, non seulement depuis Winterfell.

Si Lyanna accepte, vous n’aurez qu’à partir toutes les deux.

Pour les roses, je détournais mon regard un instant. Kylis semblait être loin même si elle ne l’était pas tant que ça. Mais tout me semblait un peu éloigné à mesure que cette maudite guerre frappait à nos portes. Pour autant, je serais peut-être prochainement père. Il ne me tardait pas d’en découdre avec la guerre mais il m’importait de laisser un monde paisible à mon enfant, un héritage de paix et de prospérité. Cela ne serait peut-être pas possible et même difficile à envisager dans de telles conditions. Il nous faudrait à tout prix survivre pour mieux penser et rebâtir la paix.

Avant la grossesse de Kylis il m’importait moins de m’exposer à la guerre mais à présent j’avais le désir de vivre pour voir grandir notre enfant, pour m’épanouir auprès de ma famille. Les données avaient considérablement changé. Le temps n’était plus à faire ses preuves sur le champ de bataille mais à grandir également dans la vie. A veiller sur les êtres chers. A admettre que je n’étais plus seul et enfin, à agir en conséquence. Je devrais donc apprendre à mesurer et même à maîtriser ma fougue naturelle. Ce ne serait pas chose aisée surtout me connaissant. Je décidais de taquiner donc à mon tour ma jeune sœur pour me sortir de cette impasse et penser un peu à autre chose.

Où en es-tu avec les Mestres ?

Je la regardais l’air grave, un peu sévère même mais surtout, interrogateur. J’étais curieux de ses progrès et plutôt que de me renseigner ailleurs, j’avais préféré saisir cette opportunité de lui poser à la question à elle-même. Qui d’autre aurait été plus à même de me répondre ? Au-delà de la réponse et bien que ce n’était pas un sujet de fond pour la plaisanterie, je la taquinais à mon tour, je n’étais pas dupe, Arya avait bien du mal à rester en place. Cependant au-delà de la plaisanterie évidente, je ne perdais pas une occasion de me renseigner. Nos loups avaient l’air de bien s’entendre et il me parut une bonne chose qu’il en soit ainsi.

J’inclinai la tête avec un sourire à sa remarque. Je serais toujours plus heureuse avec Lyanna à mes côtés. Plus heureuse et plus sûre de moi. Mais on verrait, ce n’était peut-être pas la meilleure des idées avec la guerre. Nous verrons plus tard, j’étais d’accord sur le principe, sur la manière de réaliser… Il faudrait convaincre deux personnes avant de mettre en place et de réfléchir à tout comment mettre en place et si je le faisais tout de suite ou non. Alors je ne répondis que par le sourire sans rien rajouter. L’idée était posée, restait à voir sa réalisation dans les prochaines lunes.

Le silence s’installa entre nous pendant un petit instant, je levai les yeux vers le feuillage du Barral pour prier silencieusement. Je priais pour Lyanna, pour chacun des membres de ma famille et du Nord. La guerre allait arriver… ? Sans aucun doute. Quant à ce qu’il se passerait pour mon royaume… Seuls les dieux savaient. Je me mordis les joues sans rien dire, faisant danser mes cicatrices sur mon visage sans rien dire. Cela serait mentir de dire que je n’étais pas inquiète ! Mais je préférais ne pas en rajouter avec mon frère qui lui était venu me chercher pour que je parle en toute franchise.

Sa question me fit presque sursauter et je me retournai vivement vers lui.

« Hein que quoi ?! Le Mestre ? »

Ce n’était pas que je n’aimais pas Mestre Luwyn, bien loin de là, je l’aimais bien ce vieil homme ! Mais j’avais beaucoup de mal à rester sagement en place et étudier. J’avais toujours eu besoin de bouger… Je ne tenais juste pas du tout en place même si je faisais de gros efforts je finissais toujours par me tortiller sur ma chaise. Est-ce que le mestre en avait parlé à Robb ? Je sondai mon frère du regard avec une moue sur le visage avant de reprendre une expression plus neutre et de hausser les épaules.

« Oui, oui, tout se passe bien. Pourquoi ? »

J’allais pas non plus lui dire que je ne tenais pas vraiment en place ! Et puis quoi encore ?.