Un réveil royal - ft. Rhaenys

La reine Alyria avait une très bonne mémoire. Elle se rappelle très bien sa première venue à la capitale, bien avant la rébellion de Robert Baratheon. Elle se souvient également de la première rencontre avec la princesse Rhaenys, des années passées à ses côtés. Dernièrement, elle se remémorait les retours à la capitale après ses nombreux voyages. En 302, elle avait effectué deux retraites à Peyredragon. À chaque fois, elle prenait soin de rendre une visite à sa fille de cœur quand elle le pouvait. Les voyages, courts ou longs, l’épuisaient de plus en plus, encore plus depuis ses deux fausses couches. Il fallait également ajouter l’inquiétude constante pour son fils, son roi et son royaume. Alyria ne se ménageait pas et quand elle le faisait, son esprit prenait le relai. Cela lui valait par ailleurs quelques maux de tête de plus en plus régulier ces dernières lunes, mais rien de bien inquiétant selon le mestre de Peyredragon. Aussi, une fois rentrée, installée, la reine avait préféré s’isoler, ne pas dîner avec les membres de sa famille. Après les nouvelles peu réjouissantes du royaume, entre la défaite du Val et la victoire mitigée du Bief, sans parler des mouvements dans l’Ouest, la reine avait alors appris la destitution de son époux et une discussion très houleuse s’en était suivie avec lord Tywin. Ainsi, cette succession d’événements ne permit pas à la reine de voir la princesse le jour de son retour. Elle n’avait pas non plus souhaité la voir. Alyria s’était enfermée dans ses appartements, en colère et triste en même temps. Elle avait souhaité que son fils soit épargné et il n’en fut rien. Elle se demandait également ce qu’il était advenu de son époux qu’elle savait mis au repos à Peyredragon. Que se disait-il ? Que pensait-il ? Dans quel état était-il ? Alyria n’aurait pas été contre un voyage à Peyredragon si elle en avait eu la force mais il était peu judicieux de laisser Aerion seul. Elle avait prévenu lord Tywin, qui n’avait pas été impressionné pour deux sous, qu’elle demeurait encore la reine et surtout la mère d’Aerion. C’était à elle de s’occuper de son enfant, qu’importe la volonté, qu’importe le pouvoir « … du maître de la guerre. ».

Le lendemain, le calme était revenu. Alyria devait s’accommoder de cette situation complexe, au même titre que les autres membres du Conseil et de la famille royale, les seuls au courant. Reprendre son quotidien de reine n’était pas des plus difficiles pour Alyria. Elle savait y faire maintenant. Aidée par lady Hortense, elle revêtit une robe somptueuse, dorée, bien voyante, signifiant alors que la reine était belle et bien de retour. Ne tardant guère à se préparer et à s’occuper du jeune Aerion, il était encore tôt, la reine répartit les tâches du jour entre ses trois dames. Elles avaient environ deux petites heures pour s’atteler à la préparation d’un petit salon où elle avait l’habitude de recevoir courtisanes et courtisans souhaitant la voir, sollicitant sa présence, ayant pris rendez-vous. De son côté, la reine s’occupe d’Aerion et lui glissa à l’oreille dans un grand sourire qu’elle souhaitait aller voir Rhaenys. Le jeune garçon, qui écorchait le nom de sa sœur en « Any », ayant gardé l’habitude de quand il parlait encore en syllabe, chose qui avait tendance à s’améliorer ces dernières lunes, fut tout excité à cette idée et voilà qu’il était déjà parti dans le couloir en direction de la chambre de la princesse. Heureusement, il fut stoppé par ser Harlan qui se mit alors à genou, s’inclinant devant son prince roi.

- Votre Altesse…

La destitution du roi demeurait secrète, aussi, les murs du Donjon ayant des oreilles, il fallait sauver les apparences.

- … ne courrez pas de la sorte. Quand est-il de la reine ? Il faut bien quelqu’un pour l’escorter jusqu’aux appartements de la princesse.

Le jeune prince se retourna vers la reine qui arriva, amusée, au niveau du garde et du jeune enfant. Aerion s’exprima alors de sa petite voix aigüe, imitant le ton sérieux de ser Harlan qui, Alyria l’avait remarqué à plusieurs reprises à Peyredragon déjà, lui soufflait discrètement dans l’oreille les mots qu’il devait dire.

- Majesté… si vous le permettez, je me p’opose de vous accompagner jusqu’aux appartements de Son Altesse, la princesse… Any !!

Harlan eut un sourire jusqu’aux oreilles voyant l’excitation du jeune garçon ressurgir tandis qu’Alyria riait de son côté. Aerion prit alors la main de sa mère et le petit convoi se rendit alors du côté des appartements de Rhaenys. Ser Harlan avait missionné un des gardes du Donjon Rouge pour ce court trajet. La reine ne prenait plus aucun risque depuis l’incident à Peyredragon et la garde royal valois l’avait bien compris. Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent ainsi devant la porte de la chambre. Il était encore tôt et Alyria croisa alors l’une des dames de la princesse qui lui confirma que celle-ci n’était pas encore levée. Parfait. La reine ne pouvait être plus ravie, souhaitant retrouver cette petite habitude qu’elle avait autrefois, venir au chevet de la princesse, la regarder dormir puis s’éveiller. Aujourd’hui, les choses avaient bien changé. La princesse avait bien grandi et avec la guerre, il n’était pas dit que la princesse soit encore endormie. Quoiqu’il en soit, elle remercia le garde qu’elle congédia et fit poser ser Harlan dans le couloir. Avec Aerion, elle entra dans la chambre tout doucement, intimant le prince de ne pas faire de bruit et d’aller tout doucement près du lit de la princesse. Tout sourire, tandis qu’Aerion montait sur le lit, Alyria ouvrit délicatement un rideau, tout juste assez pour laisser entrer un rayon de lumière dans la pièce, éclairant l’opposé du lit. Elle vint ensuite s’asseoir sur le bord où se trouvait la princesse. Tendrement, elle vint déposer un baiser sur le front de sa fille et dans un murmure, elle lui dit doucement.

- Bonjour, ma fille adorée.

La guerre faisait rage dans le royaume mais cela n’empêcherait jamais la reine d’apporter un peu de tendresse et d’amour dans ce monde. Jamais.

Alyria était rentrée de l’Orage la veille. Cela faisait plusieurs lunes que Rhaenys n’avait pas vu sa mère de cœur. Avec les évènements récents, la jeune femme avait terriblement besoin de voir la Reine. Elle avait vécu au sein des hommes durant plusieurs semaines et les campements militaires n’étaient pas des plus agréable. Elle avait compris pourquoi les dames n’accompagnaient pas leur époux. Les seules femmes qu’elle avait croisées été des prostitués venus distraire les soldats. Elle avait passé son temps à veiller sur son père, à passer du temps avec sa dragonne et à éviter les regards lubriques de certains hommes trop alcoolisés pour s’apercevoir qu’elle était la fille de leur Roi. Quand l’ordre était tombé de faire revenir en toute urgence le Roi à Port Réal, elle avait accueilli la nouvelle de ser Lyle avait soulagement. Mais convaincre le Rhaegar de quitter Chutebourg n’avait pas été aisé. Le cœur de la dragonne ensoleillé s’était serré et le trajet dû retour s’était effectué dans une ambiance lourde. Mais le pire se trouvait devant elle sans qu’elle le sache.

Son arrivée à Port-Réal et la révélation de la décision du Conseil Restreint avait laissé Rhaenys sans voix. Elle comprenait. Mais son esprit refusait de l’accepter et de l’entendre. La réaction de son père conforta malheureusement la décision du conseil. Voir son père dégainé son arme pour affronter ses gardes l’avaient surprises. La princesse avait cherché à raisonner son père, mais ses cris ne fonctionnèrent pas. Son bouclier lige, faisant barrage de son corps pour éviter à la jeune femme de se mettre trop proche du danger. Elle avait vu ser Blount se faire gravement blesser avant que les manteaux blancs réussissent à venir au bout du Roi. Il fut emmené dans ses appartements avant d’être mené à Peyredragon. Les semaines qui suivirent furent étrange. Elle ne reconnaissait pas le Donjon Rouge, la cour semblait changée. Alors la nouvelle de l’arrivée de la Reine avait rempli de soulagement la princesse. Mais Alyria s’était isolée et n’avait pas souhaité voir quiconque. Mais la dragonne n'avait pas désespéré et avait veillé tard, espérant qu’elle pourrait voir sa mère de cœur. En vain. Elle avait fini par s’endormir, emporter par la fatigue...

Ce fut des mouvements autour d’elle et sûr son matelas qui tira dû sommeil la princesse. Elle sentit quelqu’un l’embrasser tendrement sûr le front. Elle papillona des yeux pour s’habituer à la luminosité de sa chambre. Il faisait jour. Quelle heure était-il ? Que se passait-il pour que le réveil soit si doux ? Rêvait-elle ? Mais la voix douce de la Reine lui fit pleinement ouvrir les yeux.
« Maman... »

Rhaenys n’appelait quasiment jamais la Reine ainsi. Uniquement dans des mots de surprises, de douceur et où l’esprit de la princesse était endormi. Elle se redressa rapidement pour prendre Alyria dans ses bras, la serrant contre elle de toutes ses forces. Elle enfouit son visage dans les cheveux blonds de celle qui avait pris le relai d’Elia Martell. La petite voix de son frère la fit relâcher l’étreinte. Aerion en profita pour s’immiscer entre sa mère et sa sœur. Rhaenys referma cette fois ses bras autour de son frère, embrassant le sommet de son crâne.
« Bonjour mon petit dragon. »

Elle releva les yeux vers Alyria.
« Je suis tellement soulagée de vous voir tous les deux. »

Sans réellement savoir pourquoi, la princesse fondit en larme. Ses nerfs lâchant. Tout ce qu’elle avait refoulé et contenu ces dernières semaines la submergèrent dans une tempête d’émotion. Toutes ses barrières volèrent en éclat laissant se déverser à travers ses larmes tout ce qu’elle n’avait pas laisser sortir plus tôt. La colère, la peur, la déception, la tristesse, l’angoisse...

Des moments comme celui qui se déroulait actuellement dans la chambre de Rhaenys étaient plutôt rares en ce moment. La reine venait de revenir d’Accalmie. La princesse elle-même était revenue depuis peu de Chutebourg où la guerre avait fait son œuvre. Alyria réveillait souvent la princesse comme ça en venant doucement dans sa chambre. La douceur de la reine était une qualité que beaucoup appréciaient. Malheureusement, ce temps était révolu. Elle ne réveillait plus sa fille de la sorte et ne le faisait que rarement à son fils, Aerion. Alors, ce matin-là, profitant d’une accalmie avant de s’atteler à des affaires urgentes et qui changeraient la face du pouvoir royal, elle décida de faire cette petite surprise à la princesse en venant la réveiller avec le prince devenu roi. L’enfant était assez énergique mais se montrait d’une douceur adorable avec sa sœur pour la réveiller. Le mot « Maman » la frappa en plein cœur et laissa alors échapper un « Awn ». Elle en fut tout émue. C’était un mot qui aurait dû être réservé à Elia Martell. Ce mot était réservé à Elia Martell, la véritable mère de la princesse mais avec les années et dans certaines circonstances, cela lui échappait. Alyria ne pouvait qu’être fière de sa petite dragonne ensoleillée, du parcours qu’elle avait parcouru jusqu’alors, malgré les embuches. Elle était fière d’être à ses côtés depuis toutes ces années. Elle était fière de pouvoir dire qu’elle était comme sa fille car il ne fait aucun doute que si elle avait eu une fille, elle aurait été comme Rhaenys.

- Ma chérie, je le suis tout autant que toi. On ne peut pas dire que lord Tywin m’ait rassuré quant à ce qu’il s’est passé pendant mon absence...

- Rani ?

L’intervention du jeune prince – Alyria ne pourra se faire à l’appeler « roi » tellement cela semblait irréel… – coupa court aux sujets qui fâchent alors que la princesse venait tout juste d’ouvrir les yeux. Elle remarqua alors que la jeune femme pleurait toutes les larmes de son corps et alors qu’Aerion vint lui faire un câlin, la reine en fit de même, prenant la dragonne dans ses bras, caressant les cheveux sombres de sa fille et les cheveux dorées de son fils.

- Oh, ma chérie. Ça va aller…

La reine ne pouvait en être certaine. Viserys avait remporté une victoire dans le Val et même s’il en avait perdu une dans le Bief, il semblait tout de même bien progresser puisque chaque région avait eu et avait encore son lot de conflits. Même si la destitution du roi n’était pas officielle, elle demeurait un point faible dans cette guerre et si cela venait à être su, la reine ne donnait pas cher de leur peau. Qui voudra suivre un petit garçon d’à peine quatre ans ? Qui restera assez loyal à Rhaegar pour suivre son fils ? Elle n’en savait rien et il n’était pas le moment pour ces questions. Consolant tant bien que mal sa fille, Alyria prit alors son visage entre ses mains, essuyant ses larmes qui venait gâcher la beauté du visage si doux de Rhaenys.

- Je suis là, maintenant. Ça va aller, ma chérie.

Elle l’invita à sortir du lit et à partager un petit-déjeuner ensemble. Le jeune Aerion, inquiet pour sa sœur, resta auprès d’elle jusqu’à ce qu’ils rejoignent tous deux la reine à table où les attendaient quelques victuailles.

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