D'aurore en horreur | ft Alerah & Rohar (PNJ)

L’Ouest s’embrasait de toute part. L’ambiance avait changé à Castral Roc. Les manteaux rouges étaient fébriles, les hommes se réunissaient bien trop souvent. Même si les informations étaient filtrées, les nouvelles arrivaient jusqu’aux oreilles de la jeune Frey. Des fiefs étaient attaqués, des attaques étaient menés de façon officiels par des fidèles des Lannister. La guerre faisait rage à travers Westeros laissant l’inquiétude grandir chez Roslin. Elle avait pensé se sentir plus en sécurité dans le fief des lions qu’aux Jumeaux où la crise de succession avait ébranlé la famille la plus nombreuses des Sept Couronnes. Mais la mort s’était invité dans le Roc en fauchant un des lions. Le sentiment de sécurité avait alors disparu du cœur de la jeune fille.

Sa servante finissait d’attacher un ruban parme dans ses cheveux blonds vénitiens quand Roslin exprima son désir d’aller se promener dans les jardins du Roc. Mais la roturière lui rappela qu’elle devait rejoindre la jeune Lady Alerah Yarwyck et Rohar Kenning. Quelle étourdie faisait-elle ! Ce n’était pas la première fois qu’elle oubliait des petits détails, mais elle avait l’impression que plus la guerre avançait, plus elle s’inquiétait et plus son étourderie était grande.

Elle lissa le tissu de sa jupe et se dirigea vers le lieu de rendez-vous. Un moment entre les trois nobles de l’entourage de la future Dame de l’Ouest. Les nouvelles inquiétant Roslin, elle appréciait ses moments où elle n’était pas seule, où des personnes peut-être plus sage et plus rationnel avait la capacité de la rassurer sur les évènements qui bouleversaient Westeros depuis plusieurs lunes. Elle gagna le petit salon dans lequel ils s’étaient donnés rendez-vous. La pièce était chaleureuse, si le soleil était timide caché derrière un voile gris, la pièce restait lumineuse et un feu doucement dans l’âtre de la cheminée, faisant danser la lumière émanant des flammes. La demoiselle salua les deux nobles déjà présents avec une légère révérence.
« Lady Alerah, Ser Rohar. Pardonnez mon retard, tous les dernières nouvelles me perturbent un peu. »

Ils se côtoyaient quotidiennement depuis plusieurs lunes désormais, ils connaissaient alors les caractères de chacun. Le côté un peu étourdi de la jeune fille ne leur était donc pas inconnu.

Le thé était servie mais ne pouvait encore être consommé. Délaissant sa correspondance sur la table, lady Alerah se retourna.

« Croyez-vous que nous devrions envoyer quelqu'un à sa recherche, Ser Rohar ? »

Sa voix s'était faite espiègle mais le regard qu'elle jeta au chevalier, debout prêt de la fenêtre, laissait à penser que la question demeurait non moins sérieuse. Il faut dire que lady Roslin aurait tout à fait été capable de se perdre dans le Château, quand même bien y vivait-elle depuis de nombreuses lunes à présent. Ou bien exagérait-elle quelque peu ... ? Alerah l'ignorait et ne s'attarda pas longtemps sur ce questionnement interne, qui n'avait que peu d'importance à ses yeux. A dire vrai, elle ignorait comment il était possible de se montrer si distrait. Son propre père lui aurait rapidement fait passer le goût pour tant de légèreté, si bien qu'elle n'avait jamais été de ces lady fragiles et délicates, que l'on devait assister en toute chose, pauvre et frêle femme qu'elles étaient. Non, Alerah n'était point de ce bois-là. Elle reconnaissait pourtant volontiers qu'elle ne possédait pas, par conséquent, la grâce et la délicatesse propre à la née-Frey. Grâce qu'elle partageait -contre tout attente venant d'une famille à la réputation telle que la leur- avec sa cousine, leur suzeraine lady Walda.

Certes, leur rendez-vous n'était pas d'importance. Il était simplement convenu de se retrouver pour partager un moment ensemble, entre "vieux amis" si l'on pouvait les considérer comme telle. Lady Roslin, ainsi que Ser Rohar, étaient après tout, ce qui s'en rapprochait le plus depuis son arrivée à Castral-Roc. Aussi serait elle capable de mal le prendre si jamais la conflanaise venait à ignorer leur réunion. Cela était peu probable, pour autant, car Roslin semblait peu gouter à la solitude ces derniers temps. L'anxiété qui semblait la caractériser était de plus en plus palpable, à mesure que les évènements secouant le royaume parvenait à leurs oreilles. La situation aux jumeaux avait été difficile pour la jeune Frey mais cette nouvelle guerre et surtout l'assassinat de Lord Stafford n'avaient fait qu'aggraver les choses. Alerah ne pouvait nier que l'inquiétude la gagnait également.

La porte s'ouvrit soudain sur la retardataire. Elle s'excusa, confirmant par la-même ses dernières réflexion, et Alerah se leva pour la saluer à son tour.

« Lady Roslin. » prononça-t-elle avec chaleur, « Nous nous inquiétons justement de votre absence. Je m'apprêtais à envoyer Ser Rohar à votre secours ! »

Elle lui adressa un sourire malicieux, échangeant un regard avec le chevalier, avant de lui indiquer la causeuse un peu plus loin, sur laquelle elle s'installa elle-même. Elle n'oubliait pas sa dernière remarque, qui la rappela aux dernières nouvelles fort peu réjouissantes et à ses propres inquiétudes.

« J'ai demandé à ce que nous soit servie le thé. J'espère qu'il est encore assez chaud. » ajouta-t-elle pour faire la conversation, « Ma mère, lady Ellya, a coutume de dire que cela réchauffe le cœur lorsque ce dernier est quelque peu malmené. Cela nous fera du bien à tous ! Vous partagerez bien une tasse avec nous, Ser ? »

Jamais sa tâche de bouclier lige de l'épouse de l'héritier Lannister ne lui avait paru si cruciale et dangereuse. Avec la mort de Stafford Lannister, le Roc avait rarement connu pareille agitation. Plus préoccupant encore, des rapports alarmants commençaient à arriver des fiefs de plusieurs bannerets des Lions. Crakehall voilà deux semaines, puis Cendremarc la semaine dernière avaient subi des raids menés par des hommes en armes sans bannières identifiables. L'audace et l'organisation de ces attaques sur deux des plus puissantes familles de l'Ouest ne laissaient en rien présumer l'implication de bandits. Ils étaient désormais la proie des rebelles. La guerre avait atteint les Terres de l'Ouest. Il n'était pas compliqué de le comprendre, même pour un jeune chevalier qui n'avait pas encore connu de conflit armé dans sa courte existence. Préoccupé au possible, Rohar en vint plus d'une fois à songer au devenir de sa jeune sœur restée à Kayce. Placée sous la protection de son cousin, le Kenning craignait parfois qu'elle ne paie le bellicisme de son cousin.

Perdu dans ses pensées depuis un moment, le chevalier fut tiré de sa contemplation muette de l'extérieur de la forteresse par une question de lady Alerah. Au service de Walda Lannister tout comme lui, elle avait passé le temps à sa façon en se consacrant à sa correspondance. Un simple regard aux missives de la jeune femme lui rappela amèrement qu'il n'était pas dans la confidence des plans de bataille qui se faisaient désormais. A Castral Roc comme au-delà.

- « Hmm ? Veuillez m'excuser, j'avais l'esprit embrumé... Je gage qu'elle ne tardera pas à faire son apparition. Vous savez comme elle peut être dis... » Répondit le brun d'un ton hésitant.

Coupé dans son élan, le plus présentable des Kenning préféra se taire en entendant la porte s'ouvrir sur la charmante Roslin Frey. Homme d'esprit comme d'épée, le jeune homme n'était pas indifférent aux charmes des dames d'atour de sa maitresse. Et s'il n'admettrait jamais de lui-même ce constat, leur déplaire était quelque chose dont il se savait capable de souffrir pour longtemps. Il en vint donc à se taire, saluant la conflanaise d'un signe de tête entendu avant de s'installer auprès des deux lady.

- « Mon maitre d'armes aurait répondu que l'on parvient au même résultat bien plus vite et efficacement une chope à la main. » rajouta le chevalier d'un sourire espiègle, presque charmeur, en se proposant pour servir les deux jeunes femmes, « Mais je n'ai jamais goûté ses manières... On ne peut guère trinquer à quoi que ce soit avec une tasse de thé, mais sachez que j'apprécie ces moments de quiétude. Plus encore par les temps qui courent... » Poursuivit-il sans pouvoir retenir un soupir accablé.

Les joues de Roslin rosirent légèrement à la remarque de lady Alerah qui s’apprêtait à envoyer le jeune chevalier à sa rescousse. Elle jeta un regard furtif à ser Rohar avant de leur offrir un doux sourire et de se ressaisir légèrement. La jeune Frey n’aimait pas spécialement être le centre de l’attention, mais l’attention la touchait. Pourtant elle savait que son étourderie pouvait mal passer en société. Elle devait faire quelques efforts pour être plus attentive.
« Oh ce ne sera heureusement pas nécessaire. »

Elle s’installa au côté d’Alerah qui avait demandé du thé. Ce dernier laissé encore s’échapper quelques volutes de fumée, le retard de Roslin n’aurait pas trop de conséquence sur la boisson qui était encore chaude. Elle écouta les mots de l’autre dame d’atour de la future suzeraine de l’Ouest. Elle ne pouvait être que d’accord avec elle. Si elle ignorait pourquoi, il y avait toujours quelque chose de réconfortant à boire une boisson chaude qui venait réchauffer tout le corps. Roslin se demanda même si cela aurait été des mots que sa mère feu lady Bethany aurait pu prononcer de son vivant ? Elle n’avait pas connu sa mère qui était morte au moment de sa naissance.
« Je ne peux que croire les mots de votre mère lady Alerah, il y a en effet un effet réconfortant à boire une boisson chaude. J’ignore pourquoi cependant. »

Peut-être que la mère de la ouestienne avait une réponse à cette question. Le chevalier qui les accompagnait donna la version masculine. Les hommes préféraient une chope de bière pour se réconforter. Cela tira un sourire amusé à Roslin. Rohar affirma cependant apprécier la quiétude que pouvait apporté un bon thé. Lui aussi semblait inquiet des derniers évènements. Si même un chevalier brillant était inquiet, les peurs de Roslin pouvaient donc être justifié.
« A croire qu’il n’y a plus d’endroit sûr à Westeros… »

Elle qui se pensait en sécurité à Castral Roc dans la tanière des lions, elle s’était trompée. Ser Stafford avait été assassiné sous ce toit qui était le leur. La demoiselle se remémora la lettre qu’elle avait envoyé à son frère Olyvar quelques semaines plus tôt où elle lui assurait d’être en sécurité chez les Lannister, que personne ne serait assez fou pour s’attaquer à un lion chez lui. Et bien si. Quelqu’un avait essayé et réussi.

Roslin prit délicatement une tasse de thé, la porta à ses lèvres pour faire glisser le liquide dans sa gorge. La douce chaleur qui se répandit dans son corps la fit légèrement frissonner.
« Pensez-vous que nous pouvons encore être en sécurité à Castral Roc ? »

Heureuse que son idée soit appréciée de la jeune Frey, Alerah lui adressa un sourire entendu tandis que les rejoignait le jeune Chevalier. Si cela pouvait l'aider, autant ne pas s'en priver. A dire vrai, cela tenait moins de la boisson chaude que du contexte la concernant. Les occasions de prendre le thé à Bulwark signifiait avant tout un instant de quiétude en compagnie des trois personnes qu'elle aimait le plus au monde, à savoir sa mère, Beren et son cher frère, Lord Ashter. Apparemment, elle avait cela en commun avec le jeune Chevalier qui, après lui avoir arraché un rire à sa remarque, entreprit de les servir. A ses côtés, lady Roslin s'était contenté d'un sourire amusé, tout à fait mesuré.

« C'est exactement ce que je me suis dis. » approuva-t-elle satisfaite de sa modeste initiative, « Nous en avions bien besoin ! »

Un léger silence s'installa tandis que chacun goutait à sa boisson. Le goût n'était pas désagréable mais quelque chose manqua à la jeune Oustienne. Fronçant imperceptiblement les sourcils, elle ne sut dire quoi et le garda pour elle, se contentant d'en savourer la chaleur réconfortante. La présence de ses comparses lui faisait du bien, elle devait le reconnaitre. Un coup d'œil à son courrier abandonné -celui dans lequel son seigneurial frère lui faisait part de ses doutes quant aux maisons traitresses de l'Ouest- la ramena à ses inquiétudes, celle-là même qui flottait entre eux. Finalement, lady Roslin reprit la parole pour poser la question qui les tracassait tous. Etaient-ils toujours en sécurité à Castral-Roc alors-même que venait d'y être assassiné le cousin de leur Suzerain, au nez et à la barbe de tous ... ?

« Je crois que la perfidie peut prendre possession du cœur des hommes et s'insinuer où bon lui semble. » prononça-t-elle finalement, « Dans ces conditions, il ne semble qu'aucun endroit, pas même le Donjon Rouge, ne puisse protéger qui que se soit des vils ambitions de certains ... Malheureusement. »

Le Prince déchu était de retour, ce n'était plus un secret pour personne et il semblait avoir rattaché plus d'une maison à sa cause. Cette idée était quelque peu effrayante. Elle craignait pour sa propre sécurité, certes, mais plus encore pour ses proches. Lady Walda était probablement plus en danger qu'eux, de par son statut, mais aussi tous les hommes qui ne manqueraient pas de partir au front dans cette guerre fratricide qui se dessinait dangereusement. Son pragmatisme l'aidait à se rassurer, cependant. Elles n'étaient pas seules contre l'adversité. Ser Rohar était le garant de leur sécurité à toute les trois, en quelque sorte. Aussi se tourna-t-elle vers son amie, se voulant rassurante.

« Mais en ce qui nous concerne, nous avons la chance d'avoir Ser Rohar à nos côtés. ».

Elle adressa un sourire confiant à ce dernier. L'air préoccupé du chevalier semblait confirmer son propre ressenti, néanmoins. L'interrogeant silencieusement du regard, elle lui fit comprendre que son opinion était requise. En tant qu'homme, et homme d'arme de surcroit, les informations lui étaient probablement plus accessibles et son avis éclairé était donc attendue la concernant.

Personne n'était plus en sécurité en ces temps troublés, même ici, dans la tanière des Lions. Attaché à la sécurité de l'épouse de l'héritier du Roc, Rohar aurait un jour son rôle à jouer dans cette guerre, il en était désormais convaincu. Si cela ne devait se faire sur un champ de bataille comme son cousin ou son jeune frère, peut-être devrait-il jouer sa vie en tirant l'épée dans les couloirs même de cette forteresse. Il était voué à une vie de service et de garde par serment auprès de Tyrion Lannister et son épouse. Placé là sur recommandation de son seigneur, le jeune chevalier n'avait pas l'intention de faillir à la tâche qui était la sienne. Son prestige comme celui de sa maison en pâtiraient bien trop. Les Kenning ne sauraient souffrir un énième coup à leur renommée. Pas après la décadence dans laquelle était tombée Kayce sous la coupe tyrannique, avare et criminelle et son oncle exilé au Mur y finir sa triste existence.

Mais plus que le seul devoir, l'ouestien aux racines fer-nées s'était prit d'affection pour cette vie, son mode de vie, celles et ceux qu'il côtoyait au quotidien. Une véritable loyauté l'unissait d'ailleurs à l'héritier de Lord Tywin, un homme cultivé et prompt à voir au-delà des seules apparences pour jauger un individu. Des hommes de sa trempe, Rohar n'en connaissait que trop peu. Elevé dans le seul but de guerroyer et contracter un mariage avantageux, les intrigues et messes basses l'ennuyaient. Un constat bien étrange le chevalier bienheureux et galant qu'il était, jamais loin lorsqu'il était question de participer à un tournoi ou un bal dans les grandes salles du Roc. Alors s'il lui fallait tirer l'épée pour défendre tout ce qu'il avait acquis en ces lieux, défendre la famille et l'entourage de son bienfaiteur... Il n'hésiterait en aucun cas.

S'efforçant de garder ce même sourire de chaque instant qui lui attirait parfois la sympathie de ses interlocuteurs, le brun mit de côté son attitude pensive pour se montrer rassurant et répondre aux inquiétudes des jeunes lady.

- « Ne vous embrumez pas l'esprit avec la peur constante de ce que va advenir. La menace ne doit pas être oubliée, mais elle ne doit pas non plus vous submerger. Vous ne pourrez plus y échapper, elle ne vous quittera plus. Faites front auprès de Lady Walda. Elle et ses enfants vont avoir besoin de votre soutien pour supporter les longues lunes d'attente, et peut-être d'angoisse, qui pointent à l'horizon. » Glissa la brun d'un ton bienveillant susurré aux deux jeunes femmes en déposant sa tasse à demi vide sur la table basse toute proche.

D'instinct, le regard du chevalier se porta tout de même l'espace de longues secondes sur sa lame posée respectueusement dans un coin de la pièce. Les temps d'incertitude pouvaient amener les pires angoisses, pousser à faire bien des choses stupides, voire regrettables. Il ne le savait que trop bien à repenser au passif compliqué de sa lignée ces dernières décennies. Aussi eut-il l'idée de convenir de quelque chose avec les dames d'atour de lady Walda.

- « J'ai quelque chose à vous proposer... », poursuivit-il en se penchant en avant, se mettant à murmurer, comme par crainte d'être entendu au travers de l'imposant porte de bois qui marquait l'entrée de la pièce. « Les temps que nous nous apprêtons à vivre ne seront pas simples. Alors faisons en sorte de les traverser avec la meilleure préparation... J'ai à cœur de protéger lady Walda. Aidez-moi dans cette tâche: j'aimerais que vous me rapportiez toute conversation, tout geste ou acte que vous trouveriez déplacé ou suspect dans son entourage. Nous ne savons toujours pas comment on a pu prendre la vie de Ser Stafford... Je ne peux écarter la possibilité d'une menace sur notre maitresse et ses enfants. Je nous vous demande pas de jouer les espionnes. Simplement d'être attentives, à l'écoute. En contrepartie, je vous promets de vous tenir informées du déroulement de la guerre, sans rien n'omettre de la réalité. », proposa le chevalier en les fixant tour à tour.