Entre rêveurs (Delya)

Les festivités s’étaient déroulées sans encombre, réchauffant un peu les cœurs. Brandon n’avait évidemment pas oublié le mariage tragique de Sansa, lui laissant deviner que les unions étaient maudites, que la mort rôdait toujours dans les parages. Et malheureusement, l’on apprit le lendemain le trépas de Lady Melantha Ryger, éminente dame du Conflans, dans la force de l’âge. Cela rappela au jeune loup que la mort fauchait les âmes à tout moment et sans distinction. Son sommeil fut agité, cela faisait resurgir d’anciens souvenirs douloureux auxquels il aurait préféré ne pas songer. En plus de ses rêves verts étranges, sa bonne humeur s’était presque envolée. Le Stark se sentait seul, ne pouvant en parler à quiconque ici. Pas même à Ser Lucas qui, malgré sa gentillesse, semblait suffisamment occupé avec sa propre famille pour l’accabler davantage. Son silence et sa fatigue étaient pesants, il aimerait parfois pouvoir s’en détacher et retrouver l’innocence de son enfance à Winterfell. Que les murs de la cité enneigée lui manquaient…

Le regard dans le vide, il était dans un couloir, observant le petit monde s’agiter plus bas. Les Ryger, Nerbosc et Harlton allaient raccompagner le cercueil de la matriarche jusqu’à chez elle, à Bois-de-Saule dès demain matin. Un dernier hommage rendu. Il ne connaissait guère la famille Ryger, outre Liliyana qu’il avait pu croiser. Il était rapidement tombé sous son charme, les premiers émois certainement. Une affection enfantine. Force était de constater que la blonde avait perdu de son si beau sourire. Il n’avait pas osé s’en approcher, préférant la laisser auprès de sa famille pour faire son deuil. Il savait à quel point leur présence pouvait amoindrir la douleur, bien que celle-ci ne partait pas, jamais. Celle du décès de son père était encore vivace. A tel point que ce trépas le replongeait dans cette souffrance latente. Une larme coula le long de sa joue, il l’essuya d’un geste rageur avant de reprendre le chemin de sa chambre, Eté le suivant comme son ombre.

La nuit tombée, il tenta de trouver le sommeil, en vain. Bien trop remué par ce drame, il décida de faire un tour, en compagnie de son loup qui lui aussi en ressentait le besoin. L’avoir à ses côtés le réconfortait, car il avait la sensation de ne pas être totalement déconnecté de ses origines, il était son repère au beau milieu de ce monde méconnu. Son meilleur ami qui l’accompagnait depuis si longtemps et dont il ne pouvait se passer. Ses pas le menèrent jusqu’aux jardins. L’animal s’éloigna, humant des odeurs, se soulageant par-ci par-là. “Pas sur les fleurs !” Ordonna Brandon en soupirant, c’était trop tard. “T’en fais qu’à ta tête.” Il était amusé et tantôt désabusé. Eté devait bien se comporter, au risque de se voir renvoyer, ou même tué en guise de punition. Son éducation était rude mais obligatoire s’il voulait rester là. Plus facile à dire qu’à faire quand on parlait d’un animal aussi sauvage. Faisant quelques pas, il aperçut la silhouette de Delya, celle-ci avait le nez levé, admirant le ciel étoilé. “Bonsoir Lady Delya.” Disait-il d’une petite voix afin de ne pas l’effrayer, elle l’avait probablement entendu arriver. “Je peux me joindre à vous ?” Demandait-il, enthousiaste à l’idée d’admirer ce beau ciel. Eté ne demanda pas la permission et s’asseyait non loin, sur son arrière-train.

Dans un jardin, Delya contemplait les étoiles, y cherchant réconfort et surtout voulant simplement faire le vide dans son esprit. Beaucoup d'émotion l'avait traversé en ce jour. La nuit dernière, elle avait eu un rêve terrifiant, s'étant réveillé tremblante et surtout envahi du sentiment de la peur. Ce rêve l'avait travaillé toute la journée et surtout pousser à dévoiler son don à son cousin, Lucas. Durant longtemps, elle l'avait cachée, garder son secret au plus profond de son être, mais elle ne pouvait plus commettre l'erreur de laisser les choses de se faire. Si les anciens dieux lui envoyaient des messages, c'était qu'elle se devait d'en parler à ceux de confiance. La mort de son oncle Tytos, puis celle d'Ozven était les dernières qu'elle voulait voir apparaître à travers ses songes. Grâce à Lucas, elle se sentait moins coupable de n'avoir rien tenter pour sauver l'ancien suzerain du Conflans, mais la corneille se devait de réagir à la trahison qui transparaissait des messages des dieux. Tant de chaos, tant de haine, Delya avait su ouvrir son coeur, lutter contre elle-même, mais s'être dévoilé à Lucas, ne l'aidait pourtant pas a trouver le sommeil. Le dernier rêve était encore que trop bien présent en son esprit. 

C'était la raison qui l'avait conduite à se poser sur un banc et à observer les étoiles. Agir ainsi lui faisait toujours penser à son père. Depuis, son plus jeune âge, ils avaient pour rituels d'aller observer les étoiles après une journée compliquée, et même si à présent, il n'était plus, elle gardait cette habitude pour se sentir proche de lui. Petit à petit, elle sentit la paix l'envahir. Les bruits alentours était doux à son oreille. Il n'y avait rien de plus dépaysant que les bruissements de la nature quand personne ne venait la déranger. Fermant les yeux, elle vint totalement à se perdre dans ses pensées n'attendant même pas, Bran et son loup s'approcher. 

“Bonsoir Lady Delya.”

Ce ne fut qu'un murmure à ses oreilles, mais un murmure qui arriva à lui faire apparaître un sourire. Sans même, prêter un regard aux jeunes nordien, elle avait reconnu sa voix. Bran Stark servait son cousin comme écuyer et durant le voyage qui les avaient conduits ici, ils avaient déjà partagé ce moment sous le clair de lune, ensemble, simplement à échanger. Tout comme elle, Bran semblait être une personne à veiller tard.

“Je peux me joindre à vous ?”

Ouvrant les yeux, elle remarqua la présence d'Eté, un loup géant qui l'avait fasciné dès leur première rencontre. Delya avait dû épuiser le pauvre Bran avec toutes les questions qu'elle lui avait posé sur le Nord. Née dans le Conflans, mais estimant que son coeur appartenait à la terre de leurs ancêtres, le Nord.

- Cela me ferait plaisir de partager mon observation des étoiles, Messire Bran !

Elle souleva sa vieille couverture polaire qu'elle avait transportée tant bien que mal à l'extérieur, et ainsi proposer une place sous la chaleur près d'elle. Delya avait l'habitude depuis son plus jeune âge de la transporter, aimant s'endormir après ses mauvais rêves à l'abri auprès de l'arbre à coeur du bois sacré de Corneilla. Finalement, elle vint à lui demander d'une voix tendre :

- Vous avez du mal à dormir ?

La nuit tombée, les angoisses du jeune garçon surgissent aussitôt, encore plus avec la terrible nouvelle du décès d’une dame du Conflans. Il ne la connaissait pas personnellement mais cela laissait entendre que la mort rôdait toujours. Les mariages n’étaient pas synonymes de bonheur, de renouveau. Le Stark craignait de nouveau être le prisonnier de songes désagréables, bien trop réels pour n’être que cela. Il avait peur de cela alors préférait dormir le plus tard possible, quitte à être parfois fatigué. La peur le poussait à rester éveillé encore et encore. Et souvent à admirer les étoiles en compagnie de Dame Delya Nerbosc, cousine de Ser Lucas qu’il servait depuis plusieurs lunes maintenant. La jeune femme s’était montrée très curieuse concernant ses origines nordiennes, ce qui n’avait pas déplut au jeune loup. Comme tout Stark qui se respectait, il était fier de son pays natal. En parler des heures jusqu’à l’épuisement. L’intérêt de la Nerbosc était agréable car elle semblait sincère. Il espérait qu’un jour elle puisse s’y rendre, lorsque Westeros sera en paix. Naïvement, il croyait que ce temps viendrait plus vite que prévu.

Il esquissait un doux sourire en s’installant aux côtés de la jeune femme, se glissant sous l’épaisse couverture qui la recouvrait. Non loin, Eté vaquait à ses occupations, avant de s’asseoir devant eux, observant avec curiosité la jeune fille. L’animal se montrait à l’aise avec elle, preuve que ses intentions n’étaient pas mauvaises, au contraire. “Merci beaucoup, les nuits sont fraîches dans le Val.” Chuchota Bran, profitant de la chaleur salvatrice de cette couverture. Sans soleil, les températures descendaient dangereusement. Si son fidèle compagnon à quatre pattes ne voyait aucune différence, son maître était plus fragile. Parfois, il enviait l’épais manteau d’Eté qui ne craignait aucun froid. "Été est tranquille lui.” Disait-il dans un sourire franc.

Mal à dormir ? Le mot était faible. Savait-elle seulement ce qui le taraudait ? Qui pouvait le comprendre ? Les êtres dotés du don de vervue ne couraient pas les rues. Il se sentait parfois terriblement seul, n’osant pas en parler aux Nerbosc qui avaient de toute évidence déjà d’autres affaires à gérer. Il n'avait d'ailleurs même pas été capable de le dévoiler à sa propre famille. Il ne savait comment gérer certains rêves, bien trop flous. Si ces dernières lunes, il avait été un peu épargné, il savait que ce n'était qu'une accalmie. “Oui, j’ai peur des cauchemars que je peux faire. Alors j'essaye de m'endormir le plus tard possible...” C’était une demi-vérité. Son sourire s’était effacé pour dévoiler une mine un peu plus inquiète. "Et vous ?" Si seulement il savait qu'elle partageait le même fardeau. Il pourrait se soulager de ce poids si lourd à porter pour un enfant de son âge, en passe de devenir adulte, et qui l'était déjà au vu des traumatismes vécus.

En cet endroit, elle avait trouvé du réconfort. Enveloppé dans sa longue couverture polaire, Delya se rassurer, s'imaginant auprès de son Barral. Elle n'aurait jamais cru qu'il lui provoquerait un tel manque en son coeur. Y étant accroché et se retrouvant, à présent, plus au contact du moindre Barral. Finalement, un petit être vint à le rejoindre, Bran Stark. Il était l'écuyer de Lucas et pour dire vrai, elle appréciait sa présence. Soulevant sa couverture, elle lui offrait la chaleur pour venir avec elle regarder les étoiles.

Il avait raison, les nuits étaient fraiches dans le Val, plus qu'à Corneilla de son propre avis. Surement, cela était dû à la proximité des montagnes, Delya était incapable de savoir. Un sourire se dessina sur son visage quand l'écuyer lui indiqua qu'au moins Eté était tranquille. Le loup s'était installé près d'eux et Delya ne pouvait s'empêcher de le trouver fascinant. Observant les traits du visage de Bran, elle vint à lui demander s'il avait du mal à dormir. 

“Oui, j’ai peur des cauchemars que je peux faire. Alors j'essaye de m'endormir le plus tard possible...”

Elle eut l'impression de se reconnaître dans ses expressions, de ressentir son mal-être. Delya vivait exactement la même chose, la peur de s'endormir par peur des découvertes qu'elle pourrait faire. Il lui parut étrange de se dire qu'au final, elle n'était pas seule à avoir du mal avec le sommeil. 

"Et vous ?"

Ouvrant légèrement la bouche, elle resta quelques instants tétanisée par cette simple question. Que pouvait-elle lui dire ? Il avait peur de dormir à cause de mauvais rêve et son dernier la mettait dans le même état. Là, sans quitter son regard, elle annonça d'une voix calme mais légèrement tremblante :

- Pour les mêmes raisons !

Une part d'elle avait envie de protéger Bran, mais elle ne se doutait pas qu'ils partageaient le même don. Du coup, elle eut une idée pour l'aider à trouver la paix :

- Racontez-moi votre dernier cauchemar et j'essayerais de vous aider à faire fuir la peur !

Elle s'y connaissait dans ce domaine, n'était-ce pas ce qu'elle avait toujours fait avec sa plus jeune soeur ? Agnès, la petite perle, de sa lignée. La douceur incarnée qui se tournait toujours vers elle, pour calmer ses frayeurs.

- Enfin, si vous le voulez !

Se trouver aux côtés de Delya était salvateur, sa gentillesse lui rappelait celle de sa mère, restée dans le Nord. Que les murs de Winterfell lui manquaient : le rire d’Arya, la mine boudeuse de Sansa, le sourire de Rickon, les remontrances de sa mère à cause de ses escalades dangereuses. Tout ce qui avait construit son enfance et qu’il voyait s’éloigner à présent qu’il se trouvait dans le Val. Il ne regrettait évidemment rien, être l’écuyer de Ser Lucas permettait de découvrir le monde, d’agrandir sa maigre culture de Westeros. Sans cela, il n’aurait pas rencontré Lady Delya. Il tentait de se rassurer ainsi mais parfois, le manque l’emportait sur le reste. Ces moments de doutes étaient plus fréquents avec la guerre qui menaçait sur le continent et qu’il ignorait de quoi l’avenir serait fait. Et malheureusement, ses rêves avaient cessé, le plongeant encore plus dans la crainte.

Il s’étonnait de la fraîcheur des nuits du Val, lui qui venait du Nord. Il avait pourtant l’habitude des températures négatives. Peut-être que la fatigue le rendait plus sensible. En un regard, il observait Eté qui lui ne ressentait aucunement ce froid, protégé par son épais manteau de fourrure. Il enviait aussi l’esprit simple de l’animal, loin des tourments du jeune garçon. A tel point qu’il s’interdisait de dormir par peur de faire de nouveaux cauchemars. Personne ne connaissait ce mal-être, outre sa famille. Et quelque part, il avait la sensation que son fidèle loup le comprenait un peu car lors de ses rêves verts, il s’était réveillé en découvrant l’animal à ses côtés.

La réaction de la jeune fille l’étonna, il ne pensait pas que quelqu’un pourrait le comprendre. Elle semblait même un peu bouleversée. Il ignorait qu’ils partageaient tous deux le même fardeau. “Je ne pensais pas que vous me comprendrez aussi facilement.” Avouait-il dans un léger sourire. Il lui était reconnaissant pour cela, lui permettant de se sentir moins seul. Presque ému, le jeune Stark leva ensuite le nez, son sourire se fanait aussitôt pour arborer une mine grave, apeurée. “C’est un cauchemar qui date de plusieurs lunes mais que je n’arrive pas à oublier, parce qu’il était très réel.” Il soupira, le cœur lourd. “C’est une guerre qui a lieu, comme dans le passé, comme notre Mestre avait pu m’en parler. Je pouvais entendre des cris de douleur et de désespoir du peuple. On peut voir un homme à une fenêtre qui observe tout ça…et...” Se stoppant, il se rendait compte que son récit avait été long et peut-être très précis. “Pardon, je ne sais pas pourquoi je raconte ça mais ça m’obsède. Tous ces cris...” C’était bien trop à supporter pour un enfant de son âge. Comme s’il ressentait le désespoir de son maître, Eté s’approcha, venant glisser sa tête entre eux. “Je sais que ce rêve n’était pas comme les autres.” Disait-il, la voix tremblante, c’était bien la première fois qu’il l’évoquait de vive voix. Cela mettait fin à de nombreuses lunes de solitude, car il ne désirait pas accabler les Nerbosc, car il ne se jugeait pas légitime.

Le coeur lourd, recouverte d'une couverture polaire, elle se retrouvait près de l'écuyer de son cousin, Bran Stark. Deux êtres qui semblaient ne pas vouloir dormir, emporter par la crainte de mauvais rêves. Il lui signifiait avoir peur d'un cauchemar, tandis que Delya s'était son don qui l'effrayait, le doute avait quitté son esprit, elle savait que les anciens dieux lui avaient confié le pouvoir des rêves verts, mais à quel prix ?! À ce moment précis, la corneille se sentait si proche du Stark, elle se reconnaissait en lui, alors qu'il n'avait quasiment encore rien dit et cela vint même à la tétaniser. Il lui avait fallu des longues lunes avant d'oser se dévoiler à un de ses proches, le dire à Lucas l'avait libérer d'un poids, mais là ce qu'elle ressentait était totalement différent. Du coup, comme pour l'aider à s'apaiser, la Nerbosc proposa à l'écuyer de lui parler de son cauchemar, cherchant ainsi à le faire fuir de son esprit. 

“Je ne pensais pas que vous me comprendrez aussi facilement.”

Cette phrase, Delya aurait pu la prononcer elle-même. Il était étrange de se sentir proche de ce jeune homme et pourtant, il lui rappelait sa jeune soeur, Agnès. Une nouvelle vie l'attendait dans le Val et tout comme Bran, elle allait devoir s'adapter à évoluer près d'autres, loin de la routine de son enfance. 

"C’est un cauchemar qui date de plusieurs lunes mais que je n’arrive pas à oublier, parce qu’il était très réel. C’est une guerre qui a lieu, comme dans le passé, comme notre Mestre avait pu m’en parler. Je pouvais entendre des cris de douleur et de désespoir du peuple. On peut voir un homme à une fenêtre qui observe tout ça…et...”

Un frisson la parcourut, a la façon dont il décrit la dernière scène. Le terme 'on peut voir', un terme qui pourrait passer inaperçu auprès d'autres, mais cela lui rappelait tellement ses propres rêves. Car il était ainsi, elle ne vivait pas les rêves, mais le voyait. Delya tourna son visage vers Bran, proie à la réflexion.

“Pardon, je ne sais pas pourquoi je raconte ça mais ça m’obsède. Tous ces cris...Je sais que ce rêve n’était pas comme les autres.”

La voix tremblante de Bran vint à faire mourir son souffle dans sa gorge. Elle était comme hypnotiser par ses propres pensées. La dernière phrase de Bran se répétant dans sa tête.

-...pas comme...

Arrivant à répéter seulement ses deux mots. Était-ce possible ? Lucas lui avait bien dit avoir croisé une Nordienne au même don qu'elle, mais est-ce que le Stark en était doté aussi ? Ses paroles raisonnaient en elle et Delya se devait d'en avoir le coeur net.

- Un rêve avec a une atmosphère épuisante, qui prend de l'énergie pour bien le visualiser...un rêve qui ne nous appartient pas, mais qui s'impose !

La Nerbosc avait soufflé ses mots, plus fort qu'un murmure, mais plus bas qu'à l'ordinaire. Il n'était pas facile d'expliquer ce que provoquait, ce qu'était un rêve vert, mais si Bran se reconnaissait dans son explication, il ne pouvait s'agir que de cela.

- Est-ce cela que vous ressentez ?

Il ne comprenait pas pourquoi cette jeune fille le comprenait bien plus que les autres. Pourquoi ? Vivait-elle quelque chose de similaire ? Le jeune loup vivait des rêves étranges qui n'étaient pas les siens, trop réels et effrayants pour l'être, il redoutait le moment de dormir désormais. L'évoquer de vive voix apaisait un tant soit peu sa peur, car pour une fois, il se sentait compris. C'était étrange venant d'une presque inconnue croisée à de rares événements. Malgré tout, les Nerbosc partageaient de nombreux points communs : une famille soudée et une croyance aux Anciens Dieux. Il se sentait bien à leurs côtés, Ser Lucas s'était toujours montré bienveillant à son égard. Loin des siens, il avait la sensation de retrouver un peu de la quiétude de son Nord natal.

Cependant, en parler n'eut pas l'effet escompté, le replongeant avec horreur dans ce cauchemar, les cris venant de nouveau résonner dans ses oreilles. Son sang se glaçait alors qu'il revisionnait les images de désolation, comme s'il y était encore. Le souffle coupé, il tournait le regard vers sa voisine qui partageait sa peur, ses mots sonnèrent si justes que l'adolescent en ouvrit la bouche de surprise. "C'est...Oui ! Exactement ça, j'ai l'impression que ces rêves sont ceux d'autres personnes. Comment pourrais-je rêver de ça moi qui suis si jeune et n'a pas connu la guerre ?" Une question légitime qui se posait au vu des horreurs vues. Bran ne se rendait pas encore compte de ce don conféré par les dieux. Il n'ignorait pourtant pas l'existence de rêves verts, une partie de lui refusait de l'admettre car il en était effrayé. "Comment savez-vous ce que je vis ?" La question qui lui brûlait les lèvres venait enfin d'être posée. Elle avait su poser des mots sur ce qu'il ressentait avec une aisance déconcertante. Tout ça n'avait de sens, Bran se sentait plus perdu que jamais, tandis qu'il lançait un regard à son loup qui s'avançait doucement, ayant senti le tourment de son maître. Son museau venait se frotter à son épaule. "Ces rêves ne cessent de me hanter depuis La Longue Nuit." Admet-il en baissant les yeux, et si ce traumatisme avait déclenché son pouvoir ?

Elle n'en revenait pas. Comment était-il possible qu'elle se retrouvait dans les paroles du jeune garçon ? C'était comme un écho dans son coeur, dans ses peurs, de ce qu'elle vivait et ressentait ! La jeune corneille ne savait quoi penser, comme tétanisée par ses similitudes. Finalement, elle arrive à exprimer ce qu'elle-même pouvait ressentir à travers ses rêves, cherchant à savoir s'il était de même pour le jeune Stark. Voyant la surprise sur son visage, elle sut la réponse, même avant qu'il vienne à répondre par des mots :  

"C'est...Oui ! Exactement ça, j'ai l'impression que ces rêves sont ceux d'autres personnes. Comment pourrais-je rêver de ça moi qui suis si jeune et n'a pas connu la guerre ? Comment savez-vous ce que je vis ?

Il est vrai qu'il était jeune, elle osait imaginer la porter de ces rêves sur une personne encore si innocente. C'était comme si, sa petite soeur, Agnès était tourmenté par les mêmes rêves chaotiques. Sa voix se mourut dans sa gorge à cette pensée. Delya avait été longtemps concentré que sur elle-même, n'ayant pas imaginé que d'autres de son entourage pouvaient être comme elle. Les anciens dieux avait choisi leurs messagers, mais quelle était la raison ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi eux ? 

Ces rêves ne cessent de me hanter depuis La Longue Nuit."

Ne le quittant pas du regard, elle put apercevoir le loup géant s'approcher de son maître. Une imposante créature qui pourrait ne l'effrayait pas, tout comme eux, il faisait partie du Nord, des racines des premiers hommes. D'un geste délicat, elle attrapa la main du jeune écuyer. Remarquant bien en le voyant baisser les yeux qu'il se retrouvait aussi tourmenté qu'elle.

- Les miens, je ne saurais dire quand ils ont commencé exactement, mais j'ai compris leurs valeurs, lors du mariage de votre soeur et de mon cousin.

Depuis sa naissance, elle avait sujette à des fièvres inexpliquées, mais jamais, Delya n'avait vraiment pensée au moment où ses rêves s'étaient déclenchés. Ne pouvait pas savoir que son tout premier rêve vert était à propos de l'attaque de Salvemer, de cette confrontation qui allait prendre la vie de son père. Non, à ce moment précis, ces rêves-verts n'étaient pas assez précis, pas comme celui de la mort de Tytos Nerbosc. 

- Dans un de mes rêves, j'avais vu....enfin....j'ai vu la mort de mon ancien suzerain, mon oncle, je ne pouvais pas m'imaginer que tout deviendrait réel...

Difficile, cela lui était encore de prononcer ces paroles. Lucas avait beau l'avoir rassuré à ce sujet, lui dire que ce n'était pas de sa faute, elle ne pouvait pas oublier que si elle avait parlé, Tytos serait peut-être encore en vie. C'était pourquoi à présent, elle ne prenait plus à la légère les mises en garde des anciens dieux. Soufflant un grand coup, pour tenter de faire passer une nouvelle fois son sentiment de culpabilité, elle vint à demander d'un ton énigmatique :

- Avez-vous déjà entendu parler des rêves-verts ?

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas trouvé quelqu'un qui le comprenait aussi vite que Delya Nerbosc. Le jeune garçon s'étonnait de la voir aussi compréhensive. La plupart des gens l'aurait considéré comme fou en évoquant des rêves qui ne lui appartenaient pas. Elle avait clairement identifié son mal-être, lui était encore trop jeune pour en saisir toute l'importance et la signification. Ces rêves étaient souvent trop flous pour qu'il les comprenne - et pourtant, ce n'est pas faute de suivre les cours de Mestre Luwin. Finalement, en la conflannaise, le nordien trouvait un peu de réconfort, il se sentait moins seul confronté à des tourments qu'un enfant ne devrait pas connaître. Des rêves violents, sanglants qu'il avait longtemps gardé secret. Pour se protéger et protéger sa famille. L'on craignait souvent ce que l'on ne connaissait pas, Brandon en était le parfait exemple.

Finalement, la jeune fille lui expliqua avoir pris conscience que son don était positif et devait être reconnu comme tel. C'était lors du mariage de sa soeur avec Hoster qu'elle avait ouvert les yeux, quand Brandon lui avait ouvert les yeux sur le temps qui passe. Le mariage de Sansa avait sonné le glas de l'enfance, un peu trop brutalement. Puis, elle avoua sa culpabilité : de n'avoir pu parler de ce qu'elle avait vu à ses proches. Il la comprenait plus que quiconque car lui aussi aurait pu éviter le décès de son propre père s'il avait compris ses rêves, s'il avait pu les rendre un peu moins flous. Comment lui en vouloir ? Le jeune loup le savait : il était quasiment impossible de songer que le pire scénario allait se vérifier. Les mises en garde des Anciens n'étaient pas à ignorer, ils l'apprendraient à leurs dépens.

La soirée continua, Eté rodant non loin, il hocha la tête avant d'écouter attentivement ce qu'elle avait à lui dire sur ces fameux rêve-verts. Ce soir-là, Brandon Stark appris davantage sur ce don qu'en plusieurs années. Il comprit alors qu'il n'était plus seul à être élu par les Anciens. Tous deux étaient des messagers. Pourquoi eux ? Il fallait le découvrir. Pour l'instant, Delya lui avait ouvert les yeux sur ce qui montrait face à lui et dont il refusait de comprendre le sens jusqu'à maintenant.