Le dragon de l'Est et la Jument [Viserys/ Jayne]

Les choses s’accéléraient, la guerre arrivait à grand pas et désormais ce n’était plus qu’une question de jours ou de semaines avant que les premières batailles n’éclatent. Éloignée de la politique pour le moment, Jayne n’était pas au fait des évènements qui se déroulaient en dehors du Val d’Arryn. Elle avait vent de quelques informations sur le Conflans grâce aux échanges de corbeaux avec sa belle-mère et ses sœurs, mais également grâce parfois à Catelyn qui de par son statut de Dame de Goëville était parfois au courant de certains détails et les partageaient à son aînée.

L’effervescence régnait à Goëville, aucun lieu n’était calme et silencieux en dehors des septuaires que Jayne affectionnait tant, en particulier en ce moment. Parfois ses moments de prières duraient plus longtemps qu’à l’accoutumer, profitant du calme et du silence. Sa piété n’était pas ébranlée par les derniers évènements ou la guerre à venir. Si parfois, la réponse des dieux étaient mystérieuses, cela n’entamait pas sa foi. Rien ne semblait pouvoir le faire.

La jeune femme se dirigeait par ailleurs vers le lieu de culte pour une nouvelle session de prière. Sa route croisa celle de son promis, du nouveau Roi de Westeros. Il sortait de septuaire et se dirigeait vers elle. Aussitôt, elle fit une révérence protocolaire. Elle n’était qu’une jeune lady d’une famille mineure qui deviendrait peut-être suzeraine du Conflans si les dieux leur souriaient. Elle était peut-être la fiancée d’un Roi, elle n’en était pas moins nettement inférieure. Derrière elle, la jeune Alyx Frey imita la Bracken en toute discrétion avant de reculer de quelques pas pour laisser une certaine intimité au futur couple de la royauté de Westeros.
« Votre Majesté. »

Le roi déplora de ne pas avoir pu lui accorder du temps depuis son arrivée à Goëville. La demoiselle n’en avait pas pris ombrage, elle comprenait que les affaires des hommes étaient en ce moment bien plus urgent qu’elle.
« Ne vous en faites pas votre Majesté, je comprends parfaitement que les affaires du royaume requièrent votre attention surtout en ce moment. »

Une guerre a mené n’était pas de tout repos, il devait probablement enchaîné conseil sur conseil, revu des troupes et autres détails dont Jayne ignorait tout. Mais pour se rattraper, Viserys lui proposa de faire quelques pas en sa compagnie. Les deux promis ne se connaissait que très peu. C’était que la troisième fois qu’il se rencontrait, et probablement la première fois qu’il allait avoir une conversation en tête à tête.
« Avec grand plaisir Votre Majesté. »

Sa prière pouvait attendre. Si le Roi s’était trouvé sur son chemin c’était que les dieux désiraient probablement qu’ils discutent, apprennent à se connaître. Alors Jayne ne pouvait refuser la proposition de son fiancé.

Jayne ne sut réellement que répondre au Roi. Elle n’avait jamais eu autant d’attention de sa vie. Elle se suffisait de peu et si elle pouvait être une ombre parmi les ombres, elle l’aurait été. Au final, son père ne lui avait accordé réellement de l’attention que depuis qu’il l’avait fiancé à Viserys. Il devait la former à son futur rôle alors qu’avant Barbara avait son attention en sa qualité d’héritière. Un sourire presque gêné étira les lèvres de la jeune femme. Elle n’avait pas encore l’habitude de ce genre d’exercice dans lesquels elle n’excellait clairement pas. Elle ne pouvait pas rattraper son retard en la matière en l’espace de quelques lunes. Elle apprenait vite et cherchait à s’adapter du mieux qu’elle le pouvait mais elle était trop novice pour que cela ne passe inaperçu. Elle se retint de baisser la tête, de planter ses yeux vers ses pieds. Déjà que ses joues se teintèrent légèrement d’une teinte rosée.

Vivre à Goëville était étrange et surtout dépaysant. Elle qui n’avait connu que la tranquillité de la Haye Pierre découvrait ce qu’était une ville passante, commerçante où une population grouillante vivait aux quotidiens. Tout était si différent. Le calme y était rare. Jayne devait cependant s’y habituer car peut être qu’un jour la capitale de Westeros serait ce qu’elle appellerait maison. A côté, la Haye Pierre passerait pour un château banale et fade.
« Effectivement surtout quand on n’a pas l’habitude de séjourner chez d’autres. »

Jayne n’avait que rarement quitter la demeure familiale des Bracken. Elle avait rapidement aperçu le fief des corbacs lors du procès de son demi-frère avant de se rendre à Bel-Accueil. Quelques lunes plus tard elle avait découvert Castel Lychester, Bois au Saule et pour finir Corcolline. Le fief Tarly était de loin le plus impressionnant de ce qu’elle avait pu visiter. Mais elle n’avait séjourné chez ses hôtes que quelques jours tout au plus et non de nombreuses semaines comme c’était le cas à Goëville. Et pourtant, cette ville appartenait désormais à sa sœur qui en était la dame des lieux. Encore une situation inédite. Si Catelyn faisait en sorte que son aînée se sente comme chez elle, elle ne pourrait jamais faire en sorte de combler le vide qu’avait laisser la Haye Pierre dans son cœur.

Elle écouta le Roi parler de la capitale et le fief ancestrale des Targaryen. Le sentiment de ne pas être chez lui était également présent et même si son exil était plus long que celui de la Bracken, il ne s’y était pas habituée au fils des ans. Un étranger parmi ses alliés. Il n’y avait pas de solution miracle pour eux à part reprendre leur chez eux.
« Je l’espère également votre Majesté et si je peux aider dans cette entreprise je le ferais. Bien que j’essaie de me faire à l’idée que la Haye Pierre ne sera probablement plus véritablement ma maison. »

Port Réal le serait. Cette idée terrifiait encore Jayne qui n’arrivait pas tout à fait à se faire à l’activité de Goëville. Son cœur était meurtri à cause de cette exile, provoquer par la trahison de sa sœur dont elle n’était pas étrangère. La puînée de la famille Bracken avait renversé la bougie qui avait déclenché l’incendie de sa demeure. La culpabilité la rongeait. Elle cherchait à cacher ses émotions et ses sentiments.
« Comment trouvez-vous encore de la force après tant d’année à être si loin de chez vous ? »

La question était sincère. Le Roi ne semblait pas faiblir dans ses déterminations, dans ses convictions et dans l’énergie qu’il déployait à reconquérir les terres qui lui revenait de droit. Il avait en quelques sorte l’admiration de Jayne à ce sujet. Au bout de seulement quelques semaines, la jeune femme se sentait déjà éreinté de cette vie à être inquiète et à ne pas savoir ce que le lendemain sera fait. A ne pas pouvoir dormir sur ses deux oreilles de peur qu’une personne mal veillant vienne s’en prendre à elle ou aux siens.  

Viserys lui exposa son point de vue sur ce qu’on pouvait appeler maison et famille. Il était vrai que le Roi avait été forcé à l’exil. D’abord aux mains d’un mariage matrilinaire, le forçant à vivre à Dorne avant d’être exilé à Essos. Et désormais ? Il devait vivre chez ses sujets en attendant de reconquérir Port-Réal. Et même une fois retrouvé, à ses mots, il faudrait tout reconstruire. Il avait été trahi par les siens à l’exception de sa sœur, bien qu’elle ait épousé à un corbac... l’ennemi juré de son père. Mais la princesse Daenerys n’avait pas choisi son destin alors Jayne pouvait-elle lui en vouloir dans le fond ? Elle n’en savait rien. Elle ne connaissait pas assez sa future belle-sœur pour avoir un avis. Sa raison et son cœur se livraient un duel féroce. La haine des Nerbosc profondément ancré en elle l’aveuglait sur certains sujets. La jeune femme acquieça, intégrant les informations dû Targaryen.

Il aborda le sujet de Barbara. Un sujet encore douloureux pour Jayne. Elle culpabilisait d’avoir provoqué la trahison de son aîné. Si elle n’avait rien dit, peut-être qu’elle ne serait pas partie et que les Bracken n’aurait pas dû fuir leur fief. Mais avec des si, Jayne pouvait refaire son histoire et c’était malheureusement impossible. Elle devait juste faire les bons choix à l’avenir.
« J’ignore pourquoi elle a fait ça. Quelles ont été nos erreurs qui l’ont poussé à nous trahir... ou si simplement son époux l’a poussé à se retourner contre nous. »

Les Rougefort soutenait Rhaegar et non Viserys. Jonos avait senti très vite la menace avec Jon et avait écarté le couple le plus possible de la Haye Pierre durant de longues lunes afin qu’il ne mette pas le nez dans leur affaire et découvre la véritable allégeance des Bracken. Le fils d’Horton Rougefort était cependant intelligent et avait senti qu’il y avait anguille sous roche. Probablement qu’à partir de ce moment-là, il avait cherché à retourner Barbara contre sa famille et ensuite les mots de Jayne avait suffi à accélérer la chose.
« Je ressens une certaine culpabilité à la trahison de ma sœur. Je pensais naïvement que je pouvais lui faire confiance, elle était l’héritière de notre maison, elle a reçu à quelque chose près la même éducation que moi... Je ne pensais pas que lui révéler notre véritable destination de notre voyage dans le Bief provoquerait sa trahison. Une erreure que je ne ferais pas deux fois. »

Le ton de Jayne s’était teinté d’amertume. Elle aimait sa sœur profondément et replonger dans ses évènements la faisait souffrir. Elle n’arrivait pas à admettre ce qu’il s’était passé, les conséquences que cela entraînait et allait entraîner. Mais tout avait chaviré, la vie de Jayne venait d’être profondément changé et cela était définitif désormais. Aucun retour en arrière possible. Elle cherchait dû réconfort auprès des Septs mais à ce sujet, ils étaient terriblement silencieux.

Viserys chercha à rassurer la jeune femme, lui assurant qu’elle n’était en rien responsable des choix et des actions de Barbara. Il était vrai qu’elle n’avait pas agi à la place de sa sœur mais dans sa tête, elle était l’élément déclencheur de tout ce cataclysme. Elle avait imposé un exil à sa famille et un danger dont ils auraient tous pu se passer. Son père avait perdu son fief, la famille Bracken n’avait plus que pour eux leur solide relation qui leur permettait de survivre. Au final, les fiançailles entre le Roi et la rousse étaient une aubaine pour eux, cela leur permettait de tenir la barre et de ne pas sombrer avec la trahison de l’aînée de la future Reine. Jayne ne put qu’acquiescer au parole de son promis.
« J’écouterais votre conseil et irait voir un septon pour soulager ma conscience. »

Un léger sourire, bien que très timide revint sur le visage de la jeune femme. Effectivement à Goëville elle était en sécurité, même plus qu’à la Haye Pierre si proche des Nerbosc et des détracteurs de sa maison. Les Grafton étaient l’une des familles les plus puissantes du Val et de Westeros, contrôlant l’un des plus gros ports du continent. Il y avait peu de chance qu’on puisse l’atteindre ici et avec la présence du Roi, ces risques diminuaient encore plus.
« Et je lui suis très reconnaissante de leur hospitalité envers mon père et moi-même. »

Elle vivant chez sa sœur cadette, elle pouvait effectivement s’adapter à la vie dans une grande ville. Elle n’osait guère sortir du château des Grafton pour l’heure mais elle savait qu’elle n’y couperait pas afin de se préparer à la vie dans la capitale. Visiter des hospices ou des orphelinats sous le regard des Sept lui permettrait d’avoir une première visibilité au sein de la population ce qui pourrait être une bonne chose pour l’avenir.
« Vous avez raison. Je pensais visiter un établissement dans les prochaines semaines. Peut-être un hospice ou un orphelinat et y répandre la parole des Sept. »

C’était une chose qui lui semblait être à sa portée, bien que sortir dans les rues l’inquiétait quelque peu, ce souvenant de l’attaque de bandit sur une route de campagne non loin de la Haye Pierre quelques années plus tôt. Le côté exigu des rues lui semblait propice à des embuscades. Mais probablement que les rues étaient surveillées par des soldats chose qui ne l’était pas dans la campagne.
« Peut-être devrais-je aussi leur adresser quelques mots sur votre bonté afin que le peuple vous soutienne pleinement ? » demanda t-elle en fronçant légèrement les sourcils.

Elle ne savait pas trop comment formuler cela, mais dans son esprit le peuple possédait un certains pouvoir sur les dirigeants. Si la populace se soulevait contre Rhaegar cela jouerait en la faveur de Viserys dans la guerre. Et toute aide était bon à prendre dans la reconquête de ce qui lui avait été voler.

La confiance que lui accorda Viserys Targaryen concernant sa réputation et la bonne parole qu’elle pourrait transmettre était grande. La jeune femme se retrouvait un peu décontenancé. Elle ne s’attendait pas à une telle marque de confiance, pas si tôt. Même si elle ne ferait rien pour nuire à son fiancé, lui n’en savait rien. Il ne connaissait pas la loyauté qu’elle avait pour lui, pour sa cause. Mais Jonos Bracken avait bien élevé sa fille. Et vu la trahison récente de Barbara, son père savait que Jayne redoublerait d’attention dans ses mots et ses paroles. Mais la Bracken aurait pensé que le dragon de l’Est serait plus méfiant que cela. Mais il n’en était rien. Elle se demandait si cela n’était au final qu’un test ? Afin de savoir à quoi il pouvait s’en tenir avec elle. S’il pouvait confier certaines choses à sa future Reine ? La rousse n’en savait rien. Et la surprise devait se lire sur son visage. Elle inclina légèrement la tête.
« Votre confiance m’honore Votre Majesté. Je ne vous décevrais pas. »

Du moins elle essaierait de ne pas le décevoir. Elle ne voulait pas que sa future vie soit remplie de méfiance et de froideur car elle l’aurait déçu ou n’aurait pas été à la hauteur. Elle n’était pas naïve au point d’espérer un conte de fée. Mais elle avait vu son père et Lythène durant toute sa vie et si la sienne avec le Roi ressemblait plus ou moins à cela, elle en serait satisfaite. Des fils en plus afin de sécuriser la lignée du Targaryen.

Viserys semblait sincèrement vouloir que leur duo fonctionne, de la rendre heureuse. Elle ne put s’empêcher d’avoir sourire sincère illuminer son visage. Même si elle préférait le calme, la volonté du Roi lui réchauffait le cœur. Elle aurait probablement un temps d’adaptation, mais si elle réussissait à s’habituer à la vie à Goëville, s’habituer à la vie à la Capitale et au Donjon Rouge serait probablement plus facile que de passer de la Haye Pierre à Port Réal sans transition. Et elle comptait sur l’aide de sa sœur, bien plus à l’aise dans ce monde qu’elle. Son père continuerait de peaufiner son éducation. Elle avait toutes les cartes en main pour réussir à s’adapter à son nouveau rôle mais si elle n’avait jamais aspiré à cela.
« Je n’en doute pas, et après un temps d’adaptation au changement de vie il n’y a pas de raison que je ne puisse pas m’épanouir à vos côtés et de fonder une famille. »

Elle désirait bien faire, être à la hauteur de ce devoir qu’on lui imposait depuis plusieurs lunes désormais. Elle espérait pouvoir réussir. Ne pas le décevoir. Ne pas les décevoir. Jonos n’était pas un tendre avec ses filles. Il exigeait le meilleur et Jayne n’avait pas le droit à l’erreur désormais. Une lourde charge reposait sur ses frêles épaules. Elle tentait de tout faire pour accomplir son devoir du mieux qu’elle pouvait. Tirant un trait sur ses rêves d’adolescente. Les Sept feraient toujours partie de sa vie, mais elle ne pourrait donner sa vie pour eux. Sa vie était désormais pour le Royaume, les Sept Couronnes.