Bienvenue chez les Dunn Ft Selyse

Selyse Δ Elias

«Bienvenue chez les Dunn»

Dans une pièce qui sentait le renfermée, l'obligeant à garder la fenêtre ouverte. Le seigneur Dunn grognait tel un ours enfermé dans une cage. Il avait horreur de devoir gérer les affaires seigneuriales, mais cela faisait des jours qu'il disait à son épouse qu'il allait lire les derniers messages venus d'ailleurs, il était donc décidé de le faire. La porte étant ouverte, l'énorme lapin de la famille Dragon l'avait suivi et était même grimpé sur le bureau. Elias, lui, essayait de viser des morceaux de pain dans un verre, tandis que le lapin s'attelait à manger des bouts de parchemins. Pour le coup, le seigneur avait fait le tri entre ce qui pourrait attendre encore quelques jours, et ce qui était important de savoir. Par chance, son épouse gérait les affaires et le poussait à se mettre au courant de ce qui se passait. Et encore, il ne dirait pas que c'était une chance, il ne le faisait pas s'en montrer son mécontentement. Le mestre qui vint à le rejoindre avec une lettre, tressailli face à son regard désapprobateur. 

Encore des affaires à régler, pensait-il, il détestait tous ces bouts de papiers qui étaient destinés au seigneur des lieux. Le mestre toute en s'approchant précisa rapidement :

- C'est une lettre de Dame Cassana !

Un réel soulagement, il était heureux de recevoir des nouvelles de sa fille, il lui tendit sa main avec sourire et poussa loin de lui ce qu'il était en train de faire. Là, le mestre dévisagea le destructeur de parchemin, en voyant l'expression d'Elias, il n'osa pas faire un commentaire. Dragon était l'animal de compagnie de la famille, enfin surtout d'Arwyn, mais c'était souvent le maître des lieux que le lapin suivait. Tandis qu'il lisait la lettre, le mestre rangeait le bureau et tentait d'attraper le parchemin que dévorait Dragon. Au même moment, une personne rentrait dans le bureau, mais pas par la porte, mais la fenêtre. La jeune Arwyn vint à secouer sa robe avec un grand sourire, elle alla embrasser son père sur la joue avant de prendre Dragon et de quitter la pièce. Un grand soupir vint à apparaître, mais cela ne venait pas d'Elias cette fois, mais bien du Mestre. 

Quittant la lettre de Cassana du regard, il avait compris que le Mestre n'était pas en accord avec l'éducation de ses filles, mais le Dunn leur laissait tout passer, ne cherchant que leur bonheur. Se levant finalement, il sortit du bureau, laissant planter le mestre. Celui-ci allait pouvoir une nouvelle fois trier les correspondances. 

Avançant d'un pas certains, il descendit des escaliers pour rejoindre sa jeune épouse. Rentrant dans la pièce ou elle se trouvait, il lui embrassa le haut dans la tête avant d'annoncer :

- Cassana nous à écrit...

Là, il s'installa à ses pieds, retira les chaussures de son épouse pour lui masser les pieds. Il avait toujours agi ainsi avec Cyrenna et avait entrepris le même rituel avec Selyse, pendant ses deux grossesses. La petite dernière de la famille se retrouvait à être assise sur une des tortues de son épouse, dans son dos et imitait le bruit des chevaux.

- Elle arrive tout comme vous au terme de sa grossesse, mais doit garder le lit... Finalement, après une petite pause, il ajouta d'une voix passive. Arwyn continu a escaladé et passer par les fenêtres au lieu des portes !

code by Chocolate cookie

Elias Δ Selyse

«Bienvenue chez les Dunn»

Selyse faisait les cent pas, elle allait et venait devant sa cheminée. De temps à autre, elle s’arrêtait devant sa fenêtre, profitant de la chaleur du soleil qui caressait ses bras nus. Elle appréciait ce temps, il était bien plus réjouissant et plus bénéfique pour ses fleurs. L’hiver était une saison qu’elle détestait. Qui aimerait avoir toujours froid ? Marcher dans de l’eau congelée ? Être recouverte d’une tonne de fourrure ? Détestable. C’était le seul mot qui lui venait à l’esprit. La neige, la longue nuit, la température… Oui, tout ceci, c’était détestable. Toutefois, ce n’était pas ce souvenir de froid qui la rendait bougonne, mais bien cette lettre qu’elle tenait dans sa main. Maiane lui avait répondu. Elle avait accepté son aide.

La Dunn était donc partagée entre son envie de l’aider et la panique de devoir le faire. Comment allait-elle pouvoir lui fournir l’aide nécessaire ? Engagé un mercenaire pour qu’il retrouve sa nièce ? Mais comment pouvait-elle être certaine qu’il n’utilise pas la force pour faire plier son père ou sa mère ? Elle avait bien pensée y aller elle-même, mais elle était bien trop grosse pour faire quoi que ce soit. Soudoyer le mestre ? Mais était-il au courant de quoi que ce soit ? Et puis garder ce secret la rongeait. Selyse pouvait cependant être fière d’elle, jusqu’ici, elle avait tenue sa langue.

Quelques heures plus tôt, elle était affalée sur son canapé, sa tortue lui servant de repose-pied, et à présent, elle servait de cheval à Zéline. Elle voyait sa petite tête blonde disparaître derrière le dossier dans un éclat de rire juvénile. Heureusement pour elle, sa première-née était son portrait craché. Elle avait hérité des traits des Houëtt, mais du tempérament bruyant d’Arwyn. Comment une si petite chose pouvait faire autant de bruit ? Éreintée, Selyse retourna s’asseoir et se massa les tempes.

La véritable seigneur des lieux, parce que c’était ce qu’elle était, somnolait doucement, mais elle sursauta en entendant la porte s’ouvrir. Elias l’embrassa sur le front et lui massa un pied. Bien qu’elle n’aimait pas particulièrement qu’on lui touche les pieds, elle devait avouer que c’était plutôt agréable.

Lui aussi avait une lettre entre les mains, Cassana devait garder le lit. Une fierté l’envahit soudainement, car elle, elle allait très bien et pouvait rester debout des heures sans ressentir le moindre désagrément. Bien sûr, cela était totalement faux, mais personne n’était censé le savoir, si elle restait assise durant des heures, c’est parce que le mestre préférait qu’elle limite ses allers-venus. Voilà tout.

- Décidément, vous n’avez point de chance avec votre progéniture, entre l’aînée qui refuse de prendre les responsabilités qui lui incombent, votre avant-dernière qui refuse de se comporter comme une dame et votre dernière qui refuse de descendre de ma tortue…

Elle inspira profondément, non pas de dépit, ni de colère. Elle ressemblait à une femme blasée. Et c’est ce qu’elle était. De sa main valide, elle attrapa un gâteau au miel et commença à le manger.

- Avez-vous fini de lire les missives ? Et avez-vous vérifié les ruches ? Et est-ce que vous vous êtes déjà occupés de… Vous n’avez rien fait de votre journée, n’est-ce-pas ?

Son regard se fit plus petit, plus perçant. Sa fille avait la même tête lorsqu’elle était prise sur le fait. Il procrastinait. Encore. Toujours. Pas étonnant qu’il avait besoin d’aide pour tenir son rôle de seigneur. Avalant une autre bouchée, elle essaya de se redresser un peu.

- Vous allez devoir vous charger de tout cela avant votre départ pour Wendton. Et avant que j’oublie, vous devez trouver une nouvelle dame de compagnie à votre mère, celle-ci s’est trouvé un prétendant. À croire que c’est votre mère qui leur trouve, soit des prétendants, soit des vocations religieuses. Pourtant, j’étais certaines d’avoir fait le bon choix avec elle, pas assez belle pour attirer l’attention, pas assez maligne pour désirer une quelconque aventure et trop pipelette pour devenir une sœur du silence. Vous devez donc me trouver une servante édentée, avec une pustule sur le nez. Cela vous plairait-il d’être mariée à une telle femme ?

code by Chocolate cookie

Selyse Δ Elias

«Bienvenue chez les Dunn»

code by Chocolate cookie

Elias Δ Selyse

«Bienvenue chez les Dunn»

Même si elle se persuadait du contraire, Selyse était épuisée. L’ensemble de son corps était endolori par ce poids qu’elle traînait tous les jours, par les positions inconfortables dans son lit, par la fatigue quotidienne… Dorénavant, tout était une véritable épreuve et un rien prenait toute son énergie. Il n’y avait pas à dire, elle détestait être enceinte. Cette sensation d’être énorme et les mouvements étranges qu’elle ressentait dans son ventre, elle aurait pu s’en passer. Mais tel était le fardeau des femmes, le sien depuis quelques lunes. Et cela l’exaspérait encore davantage lorsqu’Elias était en adoration devant les enfants. Il aurait dû naître femme, et non homme, il aurait été plus heureux, elle en était persuadée.

Tout en écoutant ses arguments, la Dunn arquait un sourcil. Ses mots déguisaient son désir d’être libéré d’une charge de travail supplémentaire. Même une mission aussi amusante, il arrivait à s’en plaindre et a trouver une parade pour ne pas la réaliser. Et lorsqu’il finit son baratin, ce fut à son tour de lâcher une onomatopée montrant son désaccord.

- Très bien, lâchait-elle de son air déçue, mais je reste sur ma position. Il est hors de question qu’elle prenne ma servante. Elle est efficace, anticipe mes besoins, parfaite en tout point. J’ai mis trop de temps à trouver la perle rare et je refuse qu’elle me la vole. Doyenne ou non. Elle reste à mon service.

L’insulaire affichait sa tête des mauvais jours. Elle n’était pas dupe, elle savait parfaitement pourquoi toutes ses servantes fuyaient sa présence, c’est parce qu’elle voulait la sienne. Lowa était une femme sur qui elle pouvait compter, mais depuis quelques lunes, un véritable duel avait commencé entre les deux femmes, et Selyse refusait de perdre.

Elias était si prévisible, mais sur ce point, il l’étonnait. Il ne voulait pas se rendre à Wendton avant qu’elle mette au monde leur enfant. Soupçonneuse, elle n’arrivait pas à s’enlever de la tête l’idée qu’il restait pour voir si cet enfant était le fils tant attendu. Un garçon en offrande à sa fille aînée. Mais elle n’en dit rien.

Doucement, il arrivait à endormir Zéline, cette petite tête blonde qui riait aux éclats dès qu’il était possible. Même s’il l’agaçait, elle devait l’avouer, Elias avait du talent auprès des enfants. Un don qu’elle n’avait pas. Leur fille avait copié son rythme de sommeil, elle s’endormait aussi tard que sa mère et se levait tout aussi tard. Mais lorsqu’elle passait la soirée avec lui, ses yeux étaient clos avant qu’elle les rejoignent.

La Dunn était tout de même heureuse d’entendre son envie de rester auprès d’elle. Son premier accouchement avait été très douloureux, et cela lui avait fait du bien de lui hurler dessus. Pourtant, un sentiment d’inquiétude la traversait. Cassana lui avait confié un secret et l’idée que son mari soit auprès d’elle pour une telle épreuve ne la rassurait pas.

- Espérons que ce bébé arrive le plus tôt possible alors, dit-elle en posant ses mains sur son ventre.

Car même si elle donnait tout un tas d’argument, elle savait que rien ne lui ferait changer d’avis. Hormis si elle lui disait la vérité, si elle dévoilait le secret de sa fille. Selyse n’était pas la personne la plus douée pour tenir sa langue, mais elle avait compris l’urgence de la situation, du poids de sa demande. Alors elle ne disait rien, à contre cœur.

Difficilement, elle se mit debout et prit un gâteau. Se postant devant la fenêtre, elle observait ses jardins, aussi luxuriants que magnifique. Le silence n’était jamais pesant pour Selyse, il était reposant, et c’était un avis partagé. Mais si elle ne pouvait pas se soulager d’un secret, elle pouvait en dévoiler un autre, peut-être arriverait-elle à mieux dormir la nuit.

- Lorsque l’enfant sera né, je vais devoir me rendre sur l’île des Boucliers. J’ai fait une promesse à Maianne lorsqu’elle est venue séjourner à la Baërre, et j’y compte bien la tenir. Bien que je ne saches pas comment…

Les mains massant l’arrière de son dos, elle se retourna pour faire face à son mari, son visage était plus sérieux qu’à l’accoutumé.

- Je pense que votre aide sera la bienvenue, si toutefois vous acceptez…

Il était si difficile de mettre des mots sur ce qu’elle ressentait, alors elle préférait se taire. Peut-être était-ce simplement de l’ego, ou simplement l’habitude.

- C’est un secret que je viens de découvrir… Je dois retrouver la fille de Maianne.

Tout était dit et cela lui faisait un bien incroyable, comme de manger ce gâteau au miel.

code by Chocolate cookie

Selyse Δ Elias

«Bienvenue chez les Dunn»

code by Chocolate cookie

Elias Δ Selyse

«Bienvenue chez les Dunn»

Son mari était un homme bien, elle n’en avait aucun doute, mais qu’est-ce qu’il pouvait l’agacer. Selyse avait l’impression de jamais être en accord avec lui, il pensait d’une manière quand elle réfléchissait d’une autre façon. Jamais ils ne semblaient s’entendre ou avoir la même vision du monde. Et le fait qu’il prenne le camp de sa mère n’arrangeait pas son humeur. Il se rangeait de son côté sans même connaître les raisons de leur divergence. Tous les hommes réagissaient-ils de la sorte ? Son père avait le même comportement dès qu’il y avait une discorde féminine, sa mère ne gagnait que très rarement contre sa belle-mère. L’insulaire allait-elle vivre la même situation et toujours perdre contre Lowa ? Rien n’était moins sûr, car Selyse n’était pas sa mère, elle n’allait sûrement pas se laisser avoir aussi facilement. Surtout pas par une femme qui préférait se faire passer pour folle.

Heureusement, il y avait certains moments où ils s’accordaient sur un même avis. Elias acceptait de l’aider à retrouver l’enfant de sa sœur, mais avait-il réellement compris la situation ? Bien sûr, Selyse n’aimait pas tourner autour du pot, elle préférait aller droit au but, sans fioriture, ce qui pouvait parfois le décontenancer. Mais à ce point ? Il mit quelque temps à comprendre la tournure périlleuse de sa tâche, leur tâche. Pourtant, il évoquait Maïanne comme s’il ne la connaissait pas. Il n’y avait qu’elle qui avait été enlevée. Il était parfois étonnant de remarquer à quel point il ne faisait pas attention aux détails. Heureusement, Selyse était là pour y faire attention.

- Oui, c’est cela. La Maïanne qui est venue passer quelques jours chez nous, affirmait-elle, juste au cas où il est oublié.

Il niaisait souvent, mais c’était de cette façon qu’elle l’appréciait. Son mari, ce grand enfant qui refusait la moindre responsabilité. Selyse continuait à le fixer avec son air grave, alors qu’il semblait totalement dérouté par cette annonce. Il était encore étrange de prononcer cette phrase, Maïanne était une mère, tout comme elle. Mais la conception de ses enfants n’était pas due à un viol.

- D’après ce que j’ai compris, l’enfant est sur l’île de Chêne. Elle aurait sa fille quelques lunes après notre mariage.

Instinctivement, Selyse mit ses mains sur son ventre, et se mit à caresser doucement cette énorme surface arrondie. Elle espérait que cette enfant soit en bonne santé, choyée quelques parts. Mais jamais elle n’avait pensé aux personnes qui s’occupaient actuellement d’elle, elle ne se préoccupait pas de leurs sentiments. Pour l’insulaire, c’était normal qui leur rende la petite fille. C’était une évidence, mais l’était-ce réellement ?

- Je comprends à présent pourquoi elle est restée sur l’île. J’ai été sotte. J’aurais dû me douter qu’il se passait quelques choses.

Selyse avait écouté les paroles de ses parents, sur sa fragilité du moment, sur son besoin d’être isolé des foules, d’être au calme. Jamais elle n’aurait dû les écouter. Décidément, son instinct était plus que défaillant lorsqu’il s’agissait de sa famille.

- Et j’ai été tout aussi aveugle durant son séjour à La Baërre, j’aurais dû savoir que quelques choses n’allaient pas. Maïanne n’était pas aussi porté sur les enfants avant son enlèvement, et lorsqu’elle était ici, elle n’a pas quitté des yeux Zéline. Bien sûr, c’est une enfant extrêmement belle, elle mérite amplement tous ses compliments. Mais c’était presque de l’adoration.

Il était évident que Selyse n’était pas objective, et ce n’était pas parce qu’elle était le fruit de ses entrailles, mais parce qu’elle lui ressemblait en tout point. Finalement, se rendant bien compte qu’elle s’apitoyait sur son sort plutôt que de rester sur le vif du sujet, elle se recentra.

- Mes parents ont décidé de lui enlever cette enfant à la naissance, et de la confier à d’autres personnes. Elle doit sûrement être toujours sur l’île. Même s’ils ne veulent pas d’elle dans leurs vies, ils doivent garder un œil sur elle. Ils ne sont pas des monstres, même s’ils font souffrir Maïanne.

Continuant sur sa lancée, elle se questionna sur la place d’Olene dans cette affreuse histoire. Était-elle au courant ? Avait-elle participé à cette décision ? Elle espérait de tout son cœur que cela ne soit pas le cas, pour le bien-être de leur jeune sœur.

code by Chocolate cookie

Selyse Δ Elias

«Bienvenue chez les Dunn»

code by Chocolate cookie

Elias Δ Selyse

«Bienvenue chez les Dunn»

L’enfant gesticulait dans son ventre, donnant des coups à tout va, déformant son ventre arrondis, comme s’il comprenait l’urgence de la situation. Ou peut-être sentait-il tout son embarras ? Il remuait si fort qu’elle avait l’impression qu’il voulait sortir de ses entrailles, la déchirer de part en part pour découvrir le monde extérieur. Mais pour la première fois, elle était heureuse qu’il soit en sécurité derrière sa peau tendue, protéger de la nature humaine. Assise de nouveau sur son canapé douillet, affalé contre les cousins, elle tapotait doucement son ventre, essayant de calmer ce petit boute-en-train.  

Elias était un homme pragmatique, souvent tête en l’air, mais il posait souvent les bonnes questions. Maïanne avait-elle bien réfléchit ? La situation de sa sœur était impossible, réellement impossible, mais avait-elle pensé à toutes les conséquences négatives que cela pouvait engendrer ? Sa réputation ? Celle de leur maison ? Aucun homme ne souhaiterait la prendre pour épouse en sachant la vérité… Hormis Elias. Mais il aurait pu prendre une femme édentée, borgne et boiteuse comme épouse… Bien qu’elle n’était en rien responsable de cette grossesse, elle serait la seule à en être blâmé. Elle ne serait pas vue comme une victime, mais comme une femme à la vertu légère. Et cela l’attristait. Si les rôles avaient été échangés, Selyse aurait-elle voulu retrouver son enfant ? Vivre au quotidien avec le fruit d’un viol, et si sa fille ressemblait à son géniteur ? Mais cela soulevait une autre question, sa sœur semblait attaché à son agresseur, mais jusqu’à quel point ?
 
- Je ne sais pas… Je crois que son envie de retrouver sa fille est bien plus forte que son désir d’avoir un bon partie, dit-elle si doucement qu’elle s’étonna elle-même.

Et si elle retrouvait cette enfant ? Dont le nom était inconnue, voulait-elle l’élever ? La mine de Selyse se fit plus dure, elle n’avait même pas pensé à lui poser la question. D’un coup, elle était en colère contre lui, pourquoi devait-il se montrer meilleur qu’elle ? Il posait les bonnes questions alors qu’elle, elle avait réagi d’une mauvaise manière. Attrapant un nouveau gâteau miellé, elle l’enfourna dans sa bouche, comme pour compenser sa mauvaise humeur soudaine. Pour simple réponse, elle haussa les épaules en avalant difficilement.

Et puis il continua sur sa lancé, ce qui produisit une fausse route passagère qui fit grand fracas. Selyse se mit à tousser violemment, cherchant à reprendre son souffle, réveillant alors Zéline en sursaut. Cela dura un petit moment. Elle n’était pas préparée à entendre une telle chose. Son visage avait pris une teinte rougeâtre et elle avait chaud, si chaud.

- Vous souhaitez…  balbutia-elle en se grattant maladroitement la gorge, réellement lui proposer de venir vivre à La Baëre. Elle et son enfant ?

Sa voix était légèrement enrouée par son accident alimentaire. Et tandis qu’elle tapotait encore sa cage thoracique, Zéline vint se mettre à ses côtés, collant sa petite tête contre son ventre. Ses petites mains potelés se mit à jouer avec les longues mèches blondes de sa mère qui tombaient sur son visage enfantin.

- C’est une chose de vouloir l’aider, mais cette proposition ne vous semble pas… Exagéré ?

Selyse se maudissait elle-même, bien sûr qu’il allait proposer une telle idée… Et elle ne l’avait même pas anticipé. Accueillir Maïanne était un fait acceptable, elle était facile à vivre, peut-être un peu trop mélancolique à présent, mais elle restait sa petite sœur. Mais une Flowers. Quelle place aurait-elle dans sa famille ? Et qu’elle image cela donnerait des Dunn ? Jouant à son tour avec les cheveux de Zéline, Sélyse s’engouffra davantage dans ses cousins, avec une petite mine.

- Bien sûr ce n’est pas exagéré… souffla-t-elle, la gorge douloureuse, dites-m ’en plus sur votre idée. Elle me semble être bien plus engageante que mes autres scénarios.

En réalité, Selyse n’avait même pas pensée à le après. Elle aurait retrouver sa fille et après ?

code by Chocolate cookie

Selyse Δ Elias

«Bienvenue chez les Dunn»

code by Chocolate cookie

Elias Δ Selyse

«Bienvenue chez les Dunn»

Aucun de ses mots ne la rassurait vraiment. Toute sa vie, Elias avait vu le monde sous le prisme de la cellule familiale. Il était centré sur une idée bien précise, obnubilé par une promesse muette faite à une défunte épouse, accaparé par ce besoin presque pathologique. Toute son existence, depuis qu'il était devenu un père, il l'avait voué à sa progéniture. Toute action de sa part était ordonnée par son attachement indéfectible et toute décision était prise pour le bien-être de ses enfants. Peut en importait les conséquences d'un tel dévouement. Sur certains points, Selyse lui ressemblait. N'avait-elle pas fait tout ce qu'elle pouvait faire pour protéger les siens durant le siège des îles ? Mais l'ancienne Houëtt n'avait jamais dépassé les limites qui étaient dictées par la noblesse.

Aux yeux de la jeune femme, l'idée prononcée à haute voix par son époux était dangereuse. Évidemment, elle le reconnaissait bien là. Il ne supportait pas qu'une famille soit séparée. Il était bien trop tendre. Bien trop... Lui. Dans ce mariage, il était les émotions, le calme avant la tempête, l'empathie, la compassion, la colère, la bouderie. Il était tout cela et c'est ce qui l'attendrissait quelque peu, mais à ce moment précis. Rien de tout ceci n'adoucissait sa propre humeur, d'autant plus qu'il ne lui avait pas proposé de boisson pour adoucir sa gorge, ni rien fait pour l'aider. Un gougeât. Il réagissait de façon abrupte, comme s'il lui reprochait quelques choses. Haussant les sourcils, Selyse le fixait, attendant que le seigneur reprenne un peu de contenance.

Elias est un homme bien, elle n'en avait aucun doute. Au-delà de son envie de faire au mieux pour ses filles, il était juste et noble. Une noblesse qui était peu partagée par les hommes du Bief. Lui aurait été prêt à reconnaître sa petite-fille pour protéger, en même temps la réputation d'une de ses filles, et garder cet enfant au sein de leur famille. Mais ses parents étaient différents. Très différents. Ils aimaient Maïanne, Selyse en était persuadé, mais ils étaient juste... Ils avaient d'autres priorités, d'autres valeurs. Leurs visions du monde étaient différentes de celle du Dunn.

- En effet, c'est une supposition que vous faîtes-là, dit-elle sans réussir à contrôler les mots qui sortaient de sa bouche.

C'était involontaire, mais elle avait ressenti ce besoin irascible de protéger l'honneur de ses parents. Elle aurait pu continuer, trouver des éléments pour les défendre, mais l'enfant dans son ventre donna un coup. Suffisamment fort pour que sa fille le sente. Zéline eut un petit rire, et s'étala encore plus sur la surface arrondit de sa mère.

D'humeur assez morose, Selyse se remit à écouter le Dunn, avec cette même moue qui habitait le visage d'Elias. Et après tout cet exposé, son visage se fit plus dur.

- Pour qui me prenez-vous ? Vous me trouvez aussi.... Je ne trouve même pas les mots ! Je suis désappointée par vos propos. Bien sûr que je pourrais vivre avec un enfant illégitime. Je vous rappelle qu'une de mes sœurs est une Flowers.

Rouge de colère, elle fit sonner la petite cloche qui était à côté d'elle. Bien sûr, il n'avait pas tort. Selyse n'était pas à l'aise avec le fait qu'une Flowers vive sous son toit, et encore moins que Falia en soit une. Mais elle s'y était faite avec les années. Mais elle était en colère, parce qu'il avait deviné son besoin de garder une bonne figure, ne pas être le dernier ragot à la mode.

- Votre idée me semble être la plus acceptable. Avec le consentement de Maïanne, de mes parents, nous allons les recueillir. Et peu importe les apparences, n'est-ce pas ? Lança-t-elle avec une pointe de défi.

Selyse poussa doucement Zéline sur le côté, et se mit difficilement sur ses deux pieds boudinés par l'avancement de sa grossesse.

- Et sachez Elias, que mes parents veulent sincèrement protéger Maïanne. Ils s'y prennent sans doute de la mauvaise manière, mais leurs attentions sont bonnes. Oui, peut-être qu'ils ne veulent pas avoir cette petite-fille auprès d'eux, mais qui voudrait avoir constamment la preuve de son propre échec ? Sa voix se fit plus rude et ses yeux témoignaient de sa colère. Mon père n'a pas réussi à nous protéger des Fer-nés, il n'a pas réussi à empêcher l'enlèvement de Maïanne, et encore moins d'être violé par un... une bête ignoble et puante... Vous le pourriez ? Vivre avec une telle enfant qui vous rappelle constamment que votre propre fille a subi l'innommable et qu'elle veuille...

Inspirant profondément, elle jeta un regard vers Zéline qui jouait de nouveau avec la tortue géante. Selyse paraissait être en colère contre son père, mais ce n'était pas le cas. Rien de ce qu'il aurait pu faire n'aurait sauvé sa sœur.

- Ma sœur ne va pas bien, son esprit est embrumé par le traumatisme et lui donne des envies étranges. Une fois ici, nous allons devoir la surveiller, qu'elle soit en impossibilité de quitter La Baërre. À vos yeux, cela sera peut-être l'emprisonnée dans une autre prison, mais aux miens, c'est la protégée contre ses propres lubies.

La Dunn commença à marcher vers la sortie de son espace privé. Une ballade lui était nécessaire. Plus que nécessaire. Maïanne avait des idées dangereuses, elle voulait rejoindre son agresseur, vivre auprès de lui. Un désir qu'elle ne comprenait pas.

- Et pour finir, vous êtes prompt à vous comparer à mes parents, à juger leurs décisions, mais rien n'est jamais aussi simple.

Assez fière de l'avoir mouché, elle quitta la pièce et se dirigea vers la sortie. Son esprit cogitait. Encore trop en colère pour réussir à faire le point sur la situation, trop épuisée pour se rendre compte de son besoin d'aller dormir.. Instinctivement, elle se mit à marcher, pied nue dans l'herbe, elle alla rejoindre son jardin privé.

code by Chocolate cookie

Selyse Δ Elias

«Bienvenue chez les Dunn»

code by Chocolate cookie