[EXPRESS] Viserys Targaryen & Randyll Tarly

Les échanges avec Viserys Targaryen s’étaient taris mais Randyll devait reconnaître que sa curiosité avait été piquée à vif par les mots du Dragon. Certes, ce dernier avait habilement usé de l’écriture pour arriver à gagner l’intérêt du Tarly, intérêt par ailleurs difficilement gagné en général. Après avoir évoqué tout ce qui faisait vaciller la loyauté apparente du Seigneur de Corcolline envers Hautjardin, Randyll avait fini par écrire que, sur le papier, tout cela n’était que des mots et des belles promesses. Et Randyll n’était pas homme à se contenter de mots simplement couchés sur le parchemin. Avant les actes, Randyll voulait aussi voir l’homme qu’il y avait derrière l’encre et la plume qu’il avait lu ces dernières Lunes. Il voulait voir son visage et son regard tandis qu’il lui reparlerait de ses alliés dans le Bief dont certains noms lui furent confiés, comme celui d’Alester Florent, son propre beau-père, tout comme il voulait l’entendre argumenter face à ses projets envers Dorne, région avec laquelle Viserys souhaite renouer là où Randyll a un tout autre point de vue concernant les Dorniens. De même, si Randyll choisit d’embrasser vraiment la cause de ce Targaryen-là, quelles en seront les conséquences sur lui ? Sur sa famille ? Qu’y gagnera-t-il et surtout, comment Viserys attend-t-il d’être suivi par un homme beaucoup trop autoritaire pour supporter l’autorité chez les autres, encore moins venant d’un homme cherchant à usurper le Trône qui, pourtant, revient de droit à celui qui l’occupe actuellement ?

La tâche ne serait effectivement pas aisée pour le Dragon revenu de l’Est mais, tandis qu’il avait été informé de son arrivée imminente, Randyll savait qu’en l’invitant à Corcolline, il avait déjà fait un pas vers lui et s’était éloigné et de Hautjardin et du Roi Rhaegar. Restait désormais à savoir s’il finirait le chemin ou si, au contraire, mieux valait rebrousser chemin en attendant une autre ouverture pour briser l’assise des Tyrell sur le Bief…

Informé il y a quelques jours de la venue imminente de Viserys Targaryen, Randyll Tarly avait donné ses ordres. Dès que les fanions de la maison Florent de son épouse seraient en vue, les portes de Corcolline devaient s’ouvrir. Non pas qu’il fasse cela par égard pour son hôte, mais il voulait surtout éviter qu’ils aient à attendre en-dehors de son domaine et que d’éventuels yeux indiscrets présents sur leur chemin ne voient l’homme qui chevauchait parmi eux. Si la discrétion était de mise de son côté, il espérait que cela fut identique du côté de Viserys et qu’il ne vienne pas à dos de dragon par exemple. Fort heureusement, des gardes vinrent le prévenir qu’ils venaient d’ouvrir les portes sur une petite délégation Florent, ce qui mit le Tarly dans de bonnes prédispositions. Sans attendre, il se leva et se dirigea d’un pas militaire vers la cour intérieure.

Des garçons d’écurie s’affairaient déjà à prendre les brides des montures des cavaliers lorsqu’il arriva, mains derrière le dos, ses yeux s’arrêtant rapidement sur la silhouette toute de noire vêtue parmi les hommes qui l’escortaient.

Votre Altesse, dit-il en ayant un signe bref et sec de la tête en guise de salutations. Bienvenue à Corcolline. Nos gens vont se charger de vos chevaux. Venez, allons à l’intérieur.

Pas de « Votre Majesté » ni de mots fades et mielleux. Randyll n’avait pas encore choisi de ployer le genou devant ce Targaryen-là. Aussi s’adressait-il à lui avec le titre qui est encore le sien, malgré son exil. De même, il ne s’embarrassa pas de longues phrases polies servant à meubler la conversation. Randyll n’était pas de ces hommes-là. Son domaine restait la guerre et tous les aspects militaires qui y sont liées ; non l’art d’être en société.

Si vous voulez bien me suivre, reprit-il en se tournant avant d’ouvrir la voie vers l’intérieur du château. Un petit salon avait été préparé pour leur entrevue. Un feu crépitait dans la cheminée, des mets sucrés et salés ainsi que des boissons chaudes et du vin les attendaient sur un plateau d’argent posé sur une table basse. Peu importe combien de temps durerait leur conversation, ils avaient de quoi tenir longtemps sans être dérangés.

D’un signe sec de la tête, Randyll pressa les derniers serviteurs présents dans le petit salon de les laisser. La porte se referma sur le dernier d’entre eux que son invité le remercia à nouveau de son hospitalité, non sans évoquer les risques attenant à leur rencontre. Ce à quoi il répondit simplement « Certes », tout en prenant place dans l’un des fauteuils. D’un geste de la main, il invita le Targaryen à prendre également place.

« En effet », fit-il à la supposition du Dragon de l’Est tout en posant ses mains sur son ventre, doigts entremêlés. « Notre échange de corbeaux fut bref mais suffisant à mes yeux pour me faire une idée de vos attentes et de que votre retour sur ce côté-ci du Détroit peut signifier et engendrer comme conséquences. » Là-dessus, il s’interrompit et pencha légèrement la tête de côté, sur la droite, observant son invité. « Mais il m’a suffisamment intéressé pour que vous soyez aujourd’hui ici. Voici donc ma première question à votre encontre. Vous qui êtes au fait de mon mécontentement au sujet du cas des Iles de Fer et de ce qui sont à la tête du Bief, vous savez également que je ne suis pas homme à aller à l’encontre d’allégeances vieilles de plusieurs années sur simple échange de corbeaux et sur un simple visite d’un aspirant usurpateur du Trône de Fer. Car c’est en l’état ce que vous êtes, Votre Altesse. Votre frère est l’héritier légitime du Royaume, que cela vous plaise ou non, tout comme Lord Willos Tyrell est le Suzerain du Bief, que cela me plaise ou non. Donnez-moi donc une seule bonne raison qui me pousserait à positionner ma famille en traître à la Couronne. » Direct, franc, le Seigneur de Corcolline ne mâchait pas ses mots mais pourquoi devrait-il en être autrement ? Il est comme ça, l’a toujours été et le sera toujours. Mais, aussi dur et intransigeant puisse-t-il être, il n’en restait pas moins préoccuper par l’avenir des siens s’il s’engageait sur pareil terrain dangereux. Il lui fallait donc au moins une bonne raison qui le pousserait à franchir le pas avant d’exiger des garanties ou de faires part de ses exigences à son interlocuteur, s’il choisissait finalement de le rejoindre.

Randyll Tarly écouta attentivement ce nouveau prétendant au Trône de Fer lui parler des raisons qui le motivent tant à se dresser contre le Roi son frère. Etendant le bras vers une petite grappe de raisins, il en mastiqua quelques-uns tout en l’écoutant et en l’observant se servir de vin. Après avoir bu une gorgée, il poursuivit, évoquant cette fois tous les événements qui, de l’avis de Viserys Targaryen, ne sont pas dignes de l’homme portant la couronne ainsi que de nombreux titres ronflants, comme celui de Protecteur du Royaume. Il est vrai que Randyll n’avait guère apprécié que ces sauvages de Fer-Nés soient désormais libérés de l’égide du Trône de Fer mais Viserys semblait oublier un point important qu’il se permit de soulever :

« Concernant l’indépendance des Iles de Fer, vous semblez oublier que ceux-ci avaient en leurs geôles des otages et, pour certains, de renom. Si le Roi avait refusé, ils auraient été mis à mort. Vous devez reconnaître que la situation était délicate. Octroyer l’indépendance pour la survie des otages ou les sacrifier pour conserver les Iles de Fer et risquer une guerre ouverte qui aurait fait bien plus de victimes en plus des vies des otages ? Votre Altesse aurait-elle eut une meilleure solution ? » demanda-t-il, intrigué avant de poursuivre en se servant à son tour une coupe de vin : « Je reconnais volontiers que le cas présent de Dorne me réjouit et pardonnez-moi, mais le cas du Val m’indiffère. Cette Lysa Arryn…ou Baelish maintenant, a été trop stupide pour se déplacer avec son unique fils, seigneur et suzerain sur des terres qui étaient alors déjà en proie à l’insécurité liée aux raids Fer-Nés. Elle ne doit cela qu’à sa bêtise et à son manque de discernement. Seule ma région m’importe et en cela, le fait que Dorne soit officiellement déclaré traître à la Couronne est, je ne vous le cache pas, une excellente nouvelle. » Il ne put réfréner l’apparition d’un sourire et d’un ricanement aux intonations mauvaises et sournoises avant de boire une gorgée de vin. « Parlez-moi un peu plus de vos intentions envers Dorne et envers le Bief, Votre Altesse. Car là seul réside mon intérêt. »

Randyll avait parlé, exprimé ses doutes, ses objections et ses attentes tandis que Viserys Targaryen faisait silence. Cette fois, c’était à lui de garder les lèvres closes pendant que le frère du Roi répondait à ses interrogations, hochant la tête à intermittences régulières non pas en signe d’approbation, mais plutôt en signe d’écoute et d’attention. Néanmoins, il ne put contenir un rictus courroucé à l’évocation de Dorne et de son caractère buté, l’obligeant à répondre : « Je doute que le Prince Doran n’entende raison et n’accepte de vous entendre. Vous avez été marié à sa fille autrefois et les Dorniens sont des gens bouffis de fierté. Mais en cherchant bien, comme partout ailleurs, vous trouverez sûrement parmi eux des mécontents des décisions des Martell. Adressez-vous à ceux-là en premier, Votre Altesse. Je gage qu’eux vous écouteront. » Il porta sa coupe de vin et en bu une gorgée avant de la reposer avec une grimace ; le vin avait tiédi. Puis le Prince évoqua enfin le Bief et là, Randyll se pencha en avant, soudain encore plus intéressé par ses paroles que lorsqu’il lui avait parlé de ses intentions envers les viles engeances des Iles de Fer ou de Dorne.

Selon ses dires, il accordait beaucoup d’importance et de valeur au Bief et, quoique Randyll y vit là plus de flatterie que d’honnêteté, disait n’avoir pas encore décidé ce qu’il adviendra de ces terres, en cas de victoire. Randyll Tarly le laissa terminer puis resta songeur pendant un long moment. Certains n’aimaient guère ces interludes de silence mais il les appréciait beaucoup. Ils étaient propices à la réflexion et un moment de réflexion était nécessaire, au vu des tenants et aboutissants de leur entretien. « Je ne vois que Lord Andrew ou moi-même de suffisamment noble pour remplir cette fonction, Votre Altesse » finit-il par répondre. « Mais Andrew Rowan est encore jeune, bien trop jeune pour une position pareille. Il vous est peut-être tout acquis là où je ne me suis pas encore prononcé officiellement. Cela étant… » Il s'interrompit brièvement : « Vos mots concernant Dorne, surtout, ont fait leur chemin en mon esprit et je ne supporte plus ces arrivistes de Tyrell et vous me semblez avoir beaucoup réfléchi à tout ceci...Faîtes-de moi le nouveau Suzerain du Bief et j’engagerai ma loyauté envers vous. »

Le cas de Dorne et de Martell restait une épine dans leurs pieds et pour l’heure, mieux valait réserver leur cas pour plus tard et procéder étape par étape. C’est ainsi que Randyll Tarly avait ramené le sujet sur le Bief, sa région, son intérêt principal. Il avait donc parlé franchement, évoquant le seul nom suffisamment noble, hormis le sien, à pouvoir prétendre à la Suzeraineté du Bief. Puis il l’écarta, argumentant que Lord Andrew Rowan, d’aussi noble et royal descendance puisse-t-il être, était encore jeune pour prétendre à cette position. Il avait donc sans aucun remords avancé le sien et avait eu un mince sourire de satisfaction en entendant le frère du Roi lui répondre par l’affirmative. Randyll inclina légèrement la tête en guise de remerciements. Puis le Dragon de l’Est marqua une pause avant de reprendre, confessant sa légère déception de ne pas pouvoir le compter parmi ses futurs plus proches conseillers, une fois sur le Trône de Fer. Une place au Conseil ? Randyll fit glisser ses doigts le long de son menton en signe de réflexion. C’était là également une place de choix et de son avis, le poste de Maître de la Guerre lui siérait à merveille. « Vous aurez mes conseils, que ce soit en tant que Seigneur Suzerain ou membre de votre Conseil. Après tout, Lord Tywin Lannister siège bien à la capitale. Certes, son frère gère ses terres en son absence… » rajouta-t-il. « Je n’ai pas de frères, est n’est plus de fils. Ma fille de quinze ans me succédera mais, même dans l’éventualité qu’elle soit mariée, je ne laisserai Corcolline qu’entre des mains de confiance. L’un des oncles de mon épouse peut-être…Ser Axell, Ryam ou Colin Florent. » Il s’interrompit, songeur, avant de hocher la tête, confirmant par là cette hypothèse. Puis il prit sa coupe de vin et la leva en direction de Viserys Targaryen : « Quoi qu’il en soit, le choix demeure vôtre. Je serai où Votre Majesté désire que je sois. » Il l’avait dit, ce titre de noblesse qu’il ne réservait d’ordinaire qu’au Roi Rhaegar. Désormais, c’est à Viserys Targaryen qu’il l’octroyait, signifiant par là sa nouvelle allégeance envers le Dragon de l’Est.

Suite à leurs échanges de corbeaux, Viserys Targaryen se rend de façon anonyme à Corcolline, où il est reçu par Randyll Tarly afin de discuter de vives voix des thèmes qu’ils ont abordé dans leurs missives. S’il a été bien reçu par le Seigneur des lieux, celui-ci se montre direct en lui faisant clairement comprendre que les enjeux de le voir rallier les rangs du Dragon de l’Est nécessitent réflexion et motivations sérieuses tant les conséquences sont importantes, en cas de défaite comme de victoire. Bien des sujets furent évoqués mais c’est surtout celui du Bief qui intéressait Randyll ; l’avenir de sa région en cas de victoire de Viserys. Finalement satisfait du discours du prince ambitionnant de devenir roi, il décide de rejoindre sa cause.

Conséquences directes :

- La loyauté de Randyll Tarly va désormais officiellement à Viserys Targaryen. Elle reste cependant officieusement acquise aux Tyrell de Haujtardin.

- Une réunion rassemblant les plus fervents partisans du Prince se tiendra dans deux Lunes à Corcolline. Randyll fait rédiger les invitations à leur attention dès la fin de son entrevue avec le Prince.

Conséquence futures :

- En cas de victoire des troupes de Viserys Targaryen, la maison Tarly deviendra la nouvelle maison suzeraine du Bief.

- En cas de victoire des troupes de Viserys Targaryen, Randyll Tarly sera nommé Maître de la Guerre au Conseil Restreint du nouveau Roi.