Le Lys dans les falaises ¤ FT. Lyessah
Invité
Informations
Personnage
Badges
Le Lys dans les falaises ¤ FT @Lyessah
An 302 – Lune 8
Thracy aimait quand, au château de Pyk, on l'envoyait de temps en temps à Lordsport pour récupérer des denrées nécessaires à la maisonnée et qui se trouvaient là-bas. Travail ô combien plus intéressant que la vaisselle ou le nettoyage des tables qui l'occupaient du reste régulièrement. Il savourait ces très rares et courts voyages, presque autant que les moments où on lui réclamait de veiller sur Qhored et Halena, avec notamment pour mission de distraire cette dernière par les histoires et les tours de magie dont il avait le secret. Ce jour là, ses propriétaires attendaient de lui un assortiment d'herbes qu'il venait d'aller récupérer auprès d'une échoppe désormais accoutumée à sa présence. Il sortait justement du commerce, les genoux chargés de sa besace contenant les précieuses victuailles. L'heure était venue de suivre le chemin en sens inverse.
Un air frais sifflait entre les falaises qui ceinturaient la petite ville. Le vent donnait l'impression au jeune serf de venir se cogner contre les rochers, ou à la paroi de la maison Botley, dressée, simple mais digne, à l'angle de la cité. Du sol jaillissait la respiration de troncs disséminés en quelques endroits. Tranquilles, les rares arbres s'élevaient au gré des plis de leur bois sombre. Autour des enchevêtrements de branches, quelques maigres touffes de feuillages éclataient de toute leur noirceur sur un ciel pâlot.
Les doigts de Thracy serraient ses roues, tandis qu'il évitait les creux, les talus et bosses avec son agilité habituelle. La pointe de ses pieds lui venait parfois en secours, aidant à pousser – avec tout le poids de son corps en avant – lors des passages les plus ardus. Les traces laissées par son véhicule entamèrent le dessin d'un sentier, par des lignes fines et déliées, le long d'une venelle boueuse. Une série d'ondulations semblait faire apparaître derrière lui de sombres cascades. Un peu de lichen s'égrenait le long de la route et aux murs des rocheuses demeures. Les grands yeux dorés du serf tantôt cueillaient les rares crinières moussues, tantôt surprenaient le majestueux face à face entre un arbre et un sommet de pierre. Ils paraissaient se répondre, pour l'esprit poète du garçon. Rapides éclaircies entre ces deux obscurités, des nuages traînaient çà et là en traits ébouriffés. C'était un horizon de vagues cendrées dans les hauteurs.
Sous ses roues, de l'eau stagnante au fond des creux terreux tendait miroir au ciel. L'horizon se trouvait ainsi au plus haut... et en même temps au plus bas, comme si ce monde était réversible – s'amusa un instant à se dire Thracy. Alors que son itinéraire continuait, un groupe de serfs au travail près du domaine Botley entra en son champ de vision. Les observant de loin, il se demanda quel pouvait-être le roman ou la tragédie de chacun d'eux : d'où venaient-ils ? Avaient-ils trouvé pire ou meilleur en débarquant ici ? De ce que le petit invalide avait pu voir de Messire Harlon et de Dame Leeven, ces gens devaient être bien traités. Une intuition.
Invité
Informations
Personnage
Badges
Invité
Informations
Personnage
Badges
Le Lys dans les falaises ¤ FT Lyessah
An 302 – Lune 8
Au milieu du mouvement général des serfs au travail, une silhouette immobile avait vite attiré l’œil de Thracy. Son oisiveté jurait, à coup sûr, avec la perpétuelle action des serviteurs alentours. Le garçon croyait que l'ennui était le luxe des Grands – cependant rien n'indiquait que la demoiselle appartenait à la classe aisée, au contraire. L'ennui... Des lettrés prétendaient qu'il constituait tantôt le pire des maux, à l'origine des plus grandes folies, tantôt au contraire la porte ouverte à l'imagination fertile, le seuil vers des créations que jamais n'aurait permis un temps trop occupé.
Qui était cette fille pouvant s'offrir ce nectar – s'offrir... ou en souffrir ? Le garçon n'eut guère de mal, en fouillant plus avant l'expression de son visage, à opter pour la seconde option. Ses yeux bleus restaient lourds d'une immense tristesse, à moins que ce ne fut de la rage contenue, et Thracy s'en sentit le cœur serré. Il s'agissait d'une serve à n'en plus douter. Était-elle mise à l'écart ? Punie ? Ou simplement encore trop voûtée sous le poids d'une récente et malheureuse histoire qui partageait sûrement quelques rimes avec la sienne : rixe, capture, voyage forcé. Au moins, l'infirme était quasi sûr que les Botley ne la maltraitaient pas, il imaginait mal cela d'une Dame instruite, douce, qui même n'avait pas hésité à converser avec lui sans écart de classe – ni de la part de son époux.
Son époux, d'ailleurs. Ne disait-on pas qu'un Fer-Né devait prendre par sa propre force ses captifs ? Et l'état d'Harlon... De fil en aiguille, Thracy se demanda quelle mauvaise plaisanterie avait amené ici la jeunette, surtout pour l'abandonner à l'ennui. Rien ne tournait rond là-dedans. Et c'était pour cette raison, précisément, que cette histoire intriguait déjà Thracy. Quelque chose à élucider.
Alors qu'il songeait et déduisait ainsi, les larges yeux de la camarade d'infortune venaient eux aussi de s'accrocher à lui. Ils étaient déjà quittes ! L'invalide, qui avançait lentement, s'arrêta au complet et demeura fixe – ses genoux chargés des denrées qu'il avait à ramener ; le haut de son corps tourné vers la demoiselle aux cheveux blonds.
Comme elle prenait les devants, se levait et avançait vers lui, le garçon lui sourit. Il put voir de près son visage rond où siégeait encore l'enfance – elle ne devait guère avoir plus de douze ans – et la vivacité de ses iris aussi curieuses que les siennes. Elle le salua, se présenta, lui retourna derechef la question. Pas timide, la camarade ! Tant mieux. Lui s'en voulait souvent de ses gaucheries.
« Bonjour Lyessah. J'm'appelle Thracy. » répondit-il, la voix dansotante, avenante avec une pair.
Les questions de la demoiselle fusèrent. Sur sa chariote – classique – et sur ses origines – normal – puis... soudain... Alors que l'invalide se demandait par où commencer, la noblesse dont la serve le parait alluma un franc amusement dans ses iris déjà toutes flammes. On ne la lui avait encore jamais faite celle-là ! L'idée espiègle lui vint, un bref instant, de jouer ce jeu mais ce serait pour le coup une blague de fort mauvais goût, envers la nouvelle arrivante qui devait encore tâtonner comme un équilibriste sur son fil, entre ce qu'elle pouvait faire et ses interdits...
Aussi opta-t-il pour une main placée à sa taille dans un pastiche d'élégance, un regard en l'air et : « Sans doute que je suis noble, ne vois-tu donc pas mon trône ? » Il contrebalançait cela par un sourire complice et une voix amicale qui ne laissait aucun doute sur l'ironie de la chose.
Puis, plus sérieux et en reprenant une posture modeste, il enchaîna pour satisfaire aux curiosités de la camarade : « Bien sûr qu'on peut s'parler, entre Serf-Nés. Et pour l'trône... C'est que j'ai jamais pu marcher. Un mal étrange depuis toujours. Mais ma foi... c'est comme ça. » Il haussa les épaules et secoua la tête dans une désinvolture qu'il préférait afficher, plutôt que de laisser le malaise ou les violons s'installer. « J'ai été pris pendant les raids d'y a trois ans. Je suis d'Pentos. »
Et à son tour il voulut connaître la camarade : « Et toi alors ? Tu sembles v'nir de loin aussi ! Mes roues ont fatigué beaucoup de routes d'Essos, mais ton accent j'le connais pas. T'es d'où ? » Il s'interrompra ici, conscient que pousser trop avant les questions pourrait remuer de douloureuses choses chez une captive fraîchement débarquée. Il n'insistera pas, respectera ce qu'elle choisirait de lui raconter ou pas et jusqu'à quel degré de détails.
- Spoiler:
- No problem'
Informations
Personnage
Badges
|
|