Le Deal du moment : -39%
Ordinateur portable ASUS Chromebook Vibe CX34 Flip
Voir le deal
399 €


[FlashB] Les ombres d'hier obscurcit la lumière de demain Δ Le Calamar et le Poulpe

Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

quoiqu'on en dise, le passé vole ton présent


L'an 296, Lune 13, Semaine 4



Un léger vent d’ouest se leva, emportant dans son sillage le parfum subtil de la fumée d’un feu anciennement ardent et l’odeur du sable humidifié par la rosée du matin. Il fut un temps béni où tous les enfants Botley se blottissaient l’un contre l’autre, allongé auprès d’un immense feu de bois. Ils étaient bercés par les clapotis des vagues et par les récits de leurs pères. Sous sa surveillance, ils observaient tous la voûte céleste avant d’être emportés par la fatigue. À cette époque déjà, ils contemplaient le ciel piqué d’étoiles qui brillaient d’une clarté presque irréelle. Avant le départ d’un de ses fils, le vieux Sawane aimait partager ces petits moments avec eux, ils étaient alors dans un monde sauvage où rien d’inattendu ne pouvait se passer, c’était là la véritable place d’un fer-né. Il leur racontait des histoires sur les étoiles et sur les croyances ancestrales de son propre père. Selon lui, chaque astre était un ancêtre parti dans les cieux. Une jolie histoire pleine de promesse. Tous les enfants restaient alors allongés jusqu’au petit matin et lorsqu’ils rentraient dans leurs demeures, leurs vêtements étaient imbibés par l’humidité de la mer. Leurs peaux avaient un goût de sel et leurs cheveux emprisonnaient des petits grains de sable qui se libéraient à chacun de leurs gestes. Un seul regard et leur mère savaient où ils avaient passé la nuit. Hélas, Harlon ne garda que très peu de souvenirs de cette époque. Il était trop jeune pour véritablement comprendre les enjeux de ces petits moments passés auprès de son père et depuis le départ de Tristifer, Sawane s’interdisait toute petite escapade avec ses fils. La guerre l’avait marqué, bien plus qu’il ne l’avait pensé et il fut achevé par la donation d’un de ses enfants. Il s’était renfermé et était devenu plus abrupte avec ses descendants. Et pourtant, Harlon continuait à dormir sur la plage, parfois, il était accompagné, soit par ses frères ou par des femmes, il lui arrivait même d’être seul. Il aimait observer la voûte céleste, entendre les vagues s’écraser contre le sable et les rochers, mais surtout, il adorait se réveiller avec les rayons naissant du soleil…

Cette nuit-là, il avait réussi à charmer une jolie blonde avec les récits de son grand-père. Elle avait été émerveillée par ses légendes et avait succombé aux assauts – peu subtil – du jeune homme. Toutefois, lorsqu’il ouvrit les yeux sur ce jour nouveau, la belle sirène n’était plus auprès de lui, elle était partie au petit matin, emportant avec elle sa dague et quelques babioles. Si beaucoup auraient éclaté de rage, lui se mit à rire de bon cœur. Elle avait été très maline, se passant pour une personne peu dégourdit, mais qui en réalité, était très intelligente. Il adorait ça. Sa journée commençait aussi bien qu’elle le pouvait et après avoir été nagée dans la mer, il se rhabilla pour se rapprocher du port. Peut-être qu’il la reverrait un jour, seul les dieux noyés pouvaient le savoir.  
© 2981 12289 0
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

quoiqu'on en dise, le passé vole ton présent


L'an 296, Lune 13, Semaine 4



Le regard perdu sur le rivage, l’impatience de la fer-née grandissait à vue d’œil devant les vagues qui s’offraient devant elle. Elles se perdaient à perte de vue d’une manière démesurée alors que les ordres de son oncle tonitruaient de-ci de-là depuis la proue du navire. Un rapide coup d’œil vers l’arrière l’assigna d’une nouvelle grimace, et ce, même si l’admiration l’obligeait à rêver de ce jour où elle tiendrait cette même place. D’une carrure aussi imposante que celle de Norne Bonfrère, Gysella parviendrait à diriger elle aussi ses propres hommes, à les encourager pour les forcer à cette même admiration juste pour le plaisir de pouvoir prétendre à conquérir la mer pour quelques instants. Elle se hâta plus que de raison pour commencer à gravir les divers mètres qui la séparaient du sol. Du haut de ce mât, elle n’en deviendrait que plus ambitieuse et ses rêves pourraient s’étendre au-delà des remontrances qui pullulaient dans son dos. Les mises en garde du Rascasse ne parvinrent à avoir raison de sa témérité, tant pis si il la punissait, au moins elle pourrait respirer pour quelques heures encore depuis le sommet de sa convoitise. Ses bras avaient su dessiner des muscles plus ou moins saillants que l’âge avait embellis par diverses cicatrices payées au fer-prix. Sa fougue ne s’en décuplait que davantage encore alors que les élans d’une jeunesse en pleine découverte lui donnait l’illusion de ne plus concevoir aucune limite. Seul son courage le devenait, lui seul était à même de la faire reculer devant un ennemi et ce même si ce dernier la mettait à terre. Pour l’heure, il lui fallait apprendre à se contenir, mais l’entreprise était bien trop difficile à émettre pour l’instant, voilà pourquoi elle la remettait toujours au lendemain. Le lendemain devenait exactement le même scénario que celui de la veille, jusqu’à ce que peut-être un jour le sort finisse par l’obliger de l’accepter. Mais pas aujourd’hui. Pas alors qu’elle pouvait admirer depuis le sommet du mât, les alentours de Lordsport qui se dessinaient au loin. L’horizon était pourtant éloigné et pourtant, il lui semblait déjà entendre les railleries de son ami dès lors qu’ils se croiseraient. Encore quelques nœuds et voilà que le Dieu Noyé réunirait cette même génération afin qu’ils puissent profiter d’un peu de temps pour eux et pour les rêveries qu’ils osaient créer et ramenaient toujours l’aventure au centre de leurs aspirations. Richesses, conquêtes, voilà qu’ils se prenaient pour les maîtres de l’océan, qu’ils parvenaient à dompter grâce à leur confédération. Ne manquait que son amie Asha Greyjoy pour que l’étendue de leurs conquêtes n’en devienne complète et qu’ils n’en viennent à imaginer de nouveaux exploits. Mais pour l’heure, seul Harlon serait présent sur les lieux et cette simple pensée eut raison du sourire qui se dessinait sur les lèvres de la jeune blonde. Encore quelques mètres et ils pourraient poser pied sur la terre ferme. Norne partirait probablement converser de ses nouvelles ambitions avec Sawane, tandis que tous les deux iraient s’entraîner à manier épée et bouclier tout en se lançant dans des déboires grivois. Lorsque l’ancre fut jetée dans les hauts fonds, Gysella descendit enfin de son perchoir pour prendre chaloupe avec son oncle. Ce dernier n’en devint que plus acerbe dans ses paroles, se pliant à établir le désir de vouloir la contenir pour quelques heures encore. Gysella devait agir comme une Bonfrère et par conséquent, devait laisser ses intentions primaires de côté pour se concentrer sur les enseignements qu’il s’efforçait de lui donner. Apprentissages qui, notons le, se présentaient toujours sous la forme de tortures aussi bien physiques que psychiques visant à renforcer le tempérament de feu de la jeune fille. Un soupir échappa d’entre les poumons gonflés de cette dernière alors que son regard se perdait de l’autre côté, vers l’horizon marin. Toujours lui. Ce dernier l’appelait à maintes reprises pour ne pas dire de manière constante. Lui intimait toujours la conviction de le rejoindre et ce qu’importe le prix à payer. Un horizon qui n’aurait de cesse que de la voir grandir au fil des années et grâce auquel elle apprendrait constamment de lui. Un horizon qu’elle connaissait déjà pour son imprévisibilité et dont elle ne se targuait pas de croire en sa domination. Personne ne le pouvait, parce qu’il était libre et faire ses propres choix. Tout comme elle le parviendrait un jour. « Si t’crains pour ton image Norne, j’crois qu’tu peux déjà t’dire qu’elle est faite. Sawane sait bien qu’t’es aussi ambitieux qu’un requin, t’as t‘jours faim. » Son regard croisa pendant quelques secondes celui de son oncle dans un élan de défi, bien que ce dernier veilla à la remettre à sa place en lui assignant un rôle qu’elle devrait tenir pour lui pour la soirée. « Mais c’d’un chiant quant tu parles… » Une baffe l’obligea à emporter son visage sur le côté et alors qu’elle redressait sa tête tout en laissant paraître son agacement, une autre s’abattit de l’autre côté. Chose qui n’était pas sans énerver de plus belle l’anguille qui se redressa sur ses deux jambes et s’empressa de plonger à l’eau. Bien entendu, les hommes de Norne tentèrent de l’intercepter mais ce dernier finit par leur ordonner de la laisser se noyer si cela l’enchantait. Se noyer… Elle aurait tout entendu.  Comme si elle n’était pas capable de nager jusqu’à la rives. La colère guidait ses mouvements fluides et marins, révélatrice de cette détermination qui l’habitait dès lors qu’on l’énervait. Et tant bien que mal, la Bonfrère arriva sur le rivage, exténuée mais elle y parvint malgré tout. La nuit n’allait plus tarder à tomber, c’est ce qui expliqua les raisons pour lesquelles elle finit par rejoindre les hauteurs de la demeure pour ainsi se présenter à son tour devant le Seigneur Botley. Un homme dont la réputation n’était plus à faire non plus, tant ses talents marins allaient jusque de l’autre côté des îles. Accueillie aussi fièrement que ce dont elle l’aurait pu espérer, jamais, Gysella ne daigna poser un seul regard sur son oncle qui, elle le savait, l’admirait d’un œil fugace. Ce dernier devait très certainement avoir en travers de la gorge le comportement passé de sa nièce et une pointe d’arrogance fusa sur le pourtour de ses lèvres au moment où on leur présentait leurs appartements. Allongée dans cette couche de fortune, la jeune fille finit par s’endormir quelques minutes plus tard, désireuse de vouloir croiser la route de son ami.

Lorsqu’elle se réveilla le lendemain matin, c’est avec une pointe d’amertume qu’elle découvrir que Harlon n’était toujours pas revenu de son escapade nocturne. Mais déterminée à vouloir croiser son minois, la Bonfrère s’empressa de retrouver ses effets pour retourner sur le port. De là, elle entreprit de reconnaître quelques unes des habitudes susceptibles d’éveiller son appétit mais surtout sa bonne humeur. Sa place était également ici, sur le port, tant ce dernier reflétait d’une certaine manière cette continuité maritime qui avait raison de son être. Chacun avait sa place bien définit et tous se hâtaient pour hurler des noms de poissons par-ci par-là dans l’espoir d’en vendre le plus possible. L’atmosphère se voulait plaisante, et Gysella s’amusait de chacun des protagonistes qui l’interpellaient en demandant de quelle manière ils s’y étaient pris pour la pêche. Peut être en était-elle au cinquième lorsqu’une tête attisa sa curiosité. Souriant de plus belle en reconnaissant les traits de son ami, la Bonfrère finit par le suivre pendant quelques minutes et attendit le moment adéquat pour se poster à l’entrebâillement d’une porte, pomme en main et à moitié croquée. « Bah t’en a fallut du temps, j’ai cru qu’tu t’faisais de vieux os chez la fille qu’t’a culbuté c’te nuit. T’es amoureux Botley ? » Elle croquait un nouveau morceau de sa pomme et ne put retenir plus que de raison son sourire satisfait devant cette boutade qu’elle venait de lui lancer. Puis, comme pour accentuer son entreprise, elle se mit à le dévisager de haut en bas jusqu’à se rendre compte qu’il était complètement désarmé. « Me dis pas qu’t’as paumé ton épée, ça alors ! Si on m’l’avait dis un jour !!! » Un rire quelque peu forcé s’extirpa d’entre ses poumons avant qu’elle n’en vienne à tapoter doucement son propre pommeau. « Va falloir qu’on aille l’chercher ou t’es assez grand pour l’faire tout seul ? » Elle ne pouvait pas s’en empêcher, il fallait toujours qu’elle se moque des hommes de manière générale. Les raisons lui étaient propres et elle les tairait pour toujours. Cependant, la joie l’envahissait, c’était un fait que l’on pouvait admirer sur ses traits surtout au moment où elle venait assigner Harlon d’une frappe amicale sur son épaule. « Ça m’fait plaisir d’te voir, Harlon. »

© 2981 12289 0
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

quoiqu'on en dise, le passé vole ton présent


L'an 296, Lune 13, Semaine 4



Ses yeux très bleus, dont la nuance change à la manière d’un océan versatile au rythme de ses dangereuses humeurs observaient cette foule de fer-nés. Les pêcheurs s’activaient sur le port, beuglant le plus fort possible pour attirer l’attention des potentiels acheteurs. Pour ceux qui n’avaient point l’habitude, ce n’était que des hommes vieillit par le soleil qui cherchait à s’enrichir sur le dos de leurs concurrents, mais pour le jeune Botley, c’était une comédie bien orchestrée. Les uns comme les autres s’amusaient à provoquer leurs voisins avec des noms d’oiseaux, dénigrant leurs marchandises et le lendemain, cela serait un autre qui sera mis en avant pour faire du profit. Les marchants étaient devenu des maîtres dans la négociation et dans les supercheries, à force, ils étaient devenus de véritable jongleur, des comédiens. Ils avaient appris à travailler ainsi, sans réellement avoir le choix. Toutefois, tous ses hommes qui bravaient la mer et les dieux noyés refusaient d’être aussi solidaires avec les vendeurs de fruits et légumes. Ils n’étaient pas dans la même catégorie. Harlon appréciait les observer, les entendre, hurler de toutes leurs forces, il souriait bêtement devant leurs engouements. C’est alors qu’il fit une personne à laquelle il ne s’attendait pas.

De sa petite taille de femme, elle s’appuyait contre une porte entrouverte et mangeait une pomme qui aurait pu tout aussi être une betterave. Harlon pensa alors que les femmes mangeaient vraiment n’importe quoi et ne faisait que très peu attention à leurs santés. Manger du poison ou de la viande dès le matin n’était peut-être qu’une simple superstition, mais il ne préférait pas tenter les dieux noyés. « Bah t’en a fallu du temps, j’ai cru qu’tu t’faisais de vieux os chez la fille qu’t’a culbuté c’te nuit. T’es amoureux Botley ? », finit-elle par lâcher avec son sourire malicieux, puis elle croqua à nouveau dans sa pomme à l’allure suspecte. Il se fit alors charmeur, se rapprochant délicatement du poulpe sans pour autant être à sa porter. Le jeune Botley était suffisamment idiot pour se mettre en danger, mais pas assez pour réellement mourir. « Tu m’as l’air bien intéressé par ma vie sexuelle, serais-tu jalouse le poulpe ? Ne t’inquiète pas va ! Y’a bien un homme qui arrivera à te trouver un jour à son goût… Ou sinon, un sac sur la tête et le tour est joué ! », lui aussi était fière de son ânerie. Il s’était senti obligé de la faire descendre de son piédestal. De toute manière, avec le poulpe, tout était une histoire de force et de qui pisse le plus loin. C’était de cette manière que ses deux jeunes personnes fonctionnaient.

Pendant que la jeune fer-né l’observait de la tête au pied, lui relevait ses manches jusqu’au coude, laissant apercevoir ses poignets encore éraflés par une mauvaise chute. Le Botley avait couru sous la pluie et avait glissé sur de la paille dans l’entrée de la maison. Toute sa famille avait éclaté de rire, lui était le seul à faire la gueule… Comme d’habitude. « Me dis pas qu’t’as paumé ton épée, ça alors ! Si on m’l’avait dis un jour !!! » et puis elle se mit à rire, le provoquant encore de plus belle après en lui demandant s’il avait besoin d’aide pour la retrouver. Il n’était pas vexé et préférait rentrer dans son petit jeu, souriant de plus belle. À ce moment donné, il se demandait si sa lame allait devenir un objet de contrebande ou si elle se retrouvait sur la ceinture d’un autre fer-né ? Dans tous les cas, jamais il ne pourrait la retrouver et il devait s’en faire une raison. Et puis, elle finit – comme toujours – par se montrer amicale avec lui, le frappant par la même occasion l’épaule. Lui aussi il l’appréciait, mais il ne l’a voyait pas comme une femme qu’il pouvait avoir un jour dans son lit. En réalité, il ne la voyait même pas comme une femme, c’était juste le poulpe. Il arrivait à faire la différence entre elle et les autres fer-nés, elle était le bidet et les autres femmes des toilettes, mais le poulpe était juste le poulpe. Un homme habillé en femme en somme, voilà ce qu’elle était aux yeux du Botley.

« Je sais, je fais cet effet à beaucoup de personnes » dit-il avec son air enfantin. Il s’installa sur une barrique d’eau ou une ancienne chaudière, il ne savait pas bien et se décida à poser la grande question : « Alors, qu’est-ce que tu fais dans le coin ? Tu loges chez nous je présume ? ». C’était la seule solution, la seule façon que le poulpe aurait sue qu’il n’avait pas dormi dans son lit cette nuit. Il l’imaginait déjà, l’attendre au milieu de la nuit, croc au pied, mais il n’était pas rentré. Non, le jeune Boltey était en train de vaincre son record ! 
© 2981 12289 0
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

quoiqu'on en dise, le passé vole ton présent


L'an 296, Lune 13, Semaine 4



Les chants des uns répondaient volontiers aux railleries des autres sur ce port. Les senteurs, elles, s’inscrivaient dans ce déboire du quotidien typique d’un marchant pêcheur sur les îles de Fer. Les habitudes reprenaient de leurs droits, alors que le sourire, lui , paraissait amusé et intarissable. La Bonfrère déambulait encore dans les allées de ces étalages de fortune, reniflait quelques unes des prises et s’amusait de plus belle à chercher lequel de ces joueurs serait le plus riche. Probablement celui qui présentait fièrement ce thon d’une bonne dizaine de kilos. Ce pêcheur donnait l’impression de vivre à nouveau son aventure, exagérant plus que de raison les divers détails de cette dernière. L’impertinence de ses dires allaient de pair avec la fierté qu’il renvoyait : celle d’avoir trouvé son dû et probablement de combler les quelques dettes qu’il devait à la maisonnée. Pour sûr qu’il serait bien gâté en rentrant dans sa case, femme et enfants laveraient ses exploits de bonnes grâces. Voilà ce que représentait le bonheur pour ces gens. Une bonne prise, de l’argent et une famille. De quoi satisfaire moultes âmes… Probablement jamais celle de Gysella Bonfrère. Il n’y avait pas de liberté dans ce tableau, encore moins d’aventures et d’autant moins d’exploits que celui de pêcher LE poisson qui ferait la différence. Si il ne fallait que cela pour le pêcheur, la jeune femme, elle rêvait de mener son propre boutre, de conduire ses hommes par delà l’horizon pour vanter haut et fort que les fer-nés étaient des conquérants. Pour se faire, elle ne craindrait rien, rien si ce n’était peut être le côté imprévisible de l’océan et le courroux du Dieu Noyé. Lui seul serait à même de refreiner certains de ses actes qu’il qualifierait comme des désinvoltures. Tout comme lui seul serait à même de lui permettre de partage ses aventures avec d’autres compagnons. Le Botley serait surement de la partie, tout comme la Greyjoy. Jamais la Bonfrère ne pourrait partir sur les mers intrépides sans les compagnies de ses acolytes. Un pacte qui mêlait aussi bien le fer que le sel, un pacte dont la vie en était moins importante tant que cette dernière savait se réfugier dans les fidélités des uns comme des autres. Cela étant, la blonde déambulait encore entre les criardes et autres bourrasques mouvantes, avant de finalement reconnaître la silhouette de celui qu’elle avait attendu sa soirée précédente. Un sourire taquin aux bords des lèvres, la jeune femme reconnaissait bien les caractéristiques types du jeune homme, dont le regard perçant se plaisait à surveiller les moindres parcelles de son domaine. Un regard, qui, laissait nettement présager que sa nuit avait été bonne ou plutôt que cette dernière lui avait révélé quelque chose de nouveau. Mais quoi ? Les hommes étaient tous les mêmes selon Gysella. Voilà pourquoi, elle ne tarda pas à faire le lien entre les activités nocturnes d’Harlon et son comportement de la matinée. Et déjà un rire rauque et propice à ce que les retrouvailles amenaient toujours chez eux éclata en grande trombe devant les remarques qui fusèrent à la vitesse de l’éclair. « Prends pas tes rêves pour la réalité, j’te l’ai d’jà dis. Quand au rest’, t’inquiète mon cul s’porte bien. » commenta t-elle sans pour autant entrer dans les détails. Sa vie sexuelle la regardait et jamais elle n’en viendrait à s’en vanter comme les hommes pouvaient le faire. Après tout, elle était une fille et de fait, un objet de convoitise que certains avaient déjà goûté. Pas de la meilleure des façons et certainement pas avec son consentement, mais à quoi bon s’en plaindre ? A rien. Elle était une fer-née, par conséquence son honneur résidait sur le pont d’un navire et certainement pas entre ses cuisses. Elle croqua à nouveau dans la pomme qu’elle retenait fermement entre ses doigts et s’amusa à arquer son sourcil épais de manière à appuyer le fait qu’elle n’était pas vexée. Bien au contraire, cet amusement lui prouver qu’elle retrouvait bien là son ami et qu’elle était bien heureuse de pouvoir partager de son temps avec lui. Et alors qu’elle continuait à le jauger à sa manière sans ciller, la blonde remarqua que le brun se jouait à son tour d’elle. Il était heureux de la revoir lui aussi, tous les signes remarqués le prouvaient bien et cette idée permit l’échange de nouvelles boutades. Car c’était ainsi qu’ils agissaient tous les deux, ils cherchaient à défier constamment l’autre par la parole mais aussi par les gestes, allant même jusqu’à entraîner de véritable combat à mains nues. La Bonfrère ne pu d’ailleurs s’empêcher de remarquer que les effets de son ami n’étaient plus à appel. Chose à quoi, sa bienveillance à son égard s’exprima afin de permettre l’élaboration d’une de ses aventures qu’ils se plaisaient à encourir lorsqu’ils étaient plus jeunes. Combien de fois avaient-ils mis en place des plans visant à refaire le monde à leur manière ? Un monde dans lequel le sang et le sel sortaient toujours vainqueur et où ils dominaient en maître sur tout le reste. Des gamins qui rêvaient d’aventures, voilà ce qu’ils étaient, mais ces gamins là avaient bien grandis et disposaient à présent de toute la force requise pour parvenir à leur fin. C’était du moins ce qu’envisageait la fille.

Passé les premiers instants, les retrouvailles finirent enfin par pointer le bout de leurs nez et déjà la tape amicale prouvait bien de cette sincérité qui s’échangeait à chaque fois qu’ils étaient l’un face à l’autre. Le sourire de la Bonfrère ne s’effaça pas, profitant simplement de cette remarque pour secouer négativement sa tête d’un air exaspéré. Voilà que le cadet prenait plus d’aplomb. L’homme en lui savait s’exprimer d’une manière qui laissait nettement présager que la maturité en viendrait à lui assigner un charisme qui laisserait fantasmer nombre de femmes. Mais pas elle. Pas alors qu’elle avait pu le connaître tout gosse et morveux. « Tu causes comm’ un bourreau des cœurs. » Un nouveau rire lui échappa alors qu’elle surveillait les mouvements de son ami qui donnait l’air de s’installer confortablement sur sa barrique. Ne lui manquait plus qu’un casque et un étendard et on aurait pu croire à un chevalier des contrées vertes. Cette vision lui arracha un nouveau rire moqueur, qu’elle tenta de taire rapidement devant les questionnements de son ami. « Ouais j’dors chez toi, c’pour ça qu’j’ai des puces d’ailleurs ! » Elle termina sa tirade en accentuant ses dires par un grand sourire forcé. « Norne voulait voir ton père… J’sais pas pourquoi, j’crois qu’il a l’idée d’partir dans l’Nord c’te idiot… Façon c’est qu’un pauvr’ type. » Cette fois-ci ni rire, ni sourire n’en vinrent à se mêler à ce qu’elle avançait, juste un air exaspéré sur lequel on pouvait lire à la fois sa déception et sa frustration de ne pouvoir participer à ce qu’il envisageait. Elle était trop jeune et elle était une fille. « Fait chier avec ça… J’suis capabl’ d’me battr’ moi aussi et de tenir la barre et l’cap. » s’emporta t-elle avant de cracher un morceau de pomme qu’elle avait en bouche et de jeter cette dernière droit devant elle. D’ailleurs, un pêcheur la reçut sur l’arrière de sa tête et chercha d’où le projectile venait d’une façon on ne pouvait plus rapide. « T’as pas envie d’tenter un truc pour pas qu’on s’ennuie ? J’veux pas faire de vieux os sur terres… » Demanda t-elle sur un ton qui laissait nettement présager de sa ferme intention de bouger. La mer l’appelait encore. Elle l’appelait toujours et il fallait qu’elle y réponde parce que son sang était de sel.

© 2981 12289 0
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

quoiqu'on en dise, le passé vole ton présent


L'an 296, Lune 13, Semaine 4



L'un comme l'autre se vouait une guerre sans merci, aucune rédemption était autorisé, seule une victoire écrasante était accepté. C'était une règle tacite qui ne fut jamais prononcée à haute voix, mais qui prenait tout son sens lorsque l'un d'entre-eux gagnait. En réalité, malgré leurs dires, tout deux étaient les deux faces d'une même pièce, si différents et si ressemblant à la fois. Le poulpe était une tuile qui menaçait de tomber sur les passants, elle était incontournable et délicieusement dangereuse. Quant à lui, il était l'égal d'un écrou mal taraudé, pouvant céder d'une minute à l'autre et menacer l'équilibre parfait d'une machine. Ils étaient deux grains de poussière lorsqu'ils étaient séparés, mais ensemble, ils devenaient une tempête de sable. Autant dangereux pour l'un comme pour l'autre, mais leurs relations n'étaient pas une contrefaçon. Jamais il n'avait été aussi franc avec une personne et à ses yeux elle était aussi unique qu'une mer déchaînée. Il pouvait la haïr autant qu'il l'aimait. Ce n'était pas un amour fraternel, ni celui d'un homme amoureux, mais il avait trouvé en elle une amie fidèle qui le poussait à se surpasser. Auprès d'elle, aucun jour ne se ressemblait.

Le poulpe riait si fort que les poulets prirent peur, ils courraient dans leurs petites cages poisseuses et à l'odeur suspecte. Harlon crut même qu'un d'entre-eux tenta de se suicider en coinçant sa ridicule petite tête dans un barreau aiguisé. Cela le fit sourire et bien qu'il aurait pu faire une remarque à ce sujet, il préféra se taire et écouter son histoire de puce. Le Botley était le seul de sa famille à avoir le sens de l'auto-dérision, il était capable de s'humilier lui-même et en rire. À cet instant, il aurait voulu blaguer à son tour, en s'incriminant, mais sa dernière phrase le refroidit. Alors, pour la première fois depuis très longtemps – quelques-heures seulement – il oscillait entre être compatissant ou alors ignoré sa parole et faire comme-ci rien n'était. Le visage de son amie s'était alors refermé, laissant son sourire malicieux se faner. Il ne voyait plus de joie dans son regard, seulement un voile de tristesse qui obscurcissait son allégresse. « Toujours aussi rigide hein ? » dit-il simplement en haussant les sourcils. Si lui avait gardé son flegme peu habituel, elle, elle était devenue agressive : « Fait chier avec ça… J’suis capabl’ d’me battr’ moi aussi et de tenir la barre et l’cap. ». Avec une rapidité qu'il l'étonna, la Fer-né cracha un morceau de pomme qui atterrit sur un pêcheur qui faisait ses petites affaires dans son coin. Il cherchait d'où pouvait provenir ce fruit, regardant de droite à gauche, de haut en bas. Ce pauvre type n'avait pas toutes les ampoules d'allumer dans son crâne, c'était évident que c'était elle. C'était la seule qui mangeait une pomme, mais non, il continuait à scruter le ciel.

Harlon savait de quoi elle était capable, mais avec la conjoncture actuelle et le caractère de son oncle, elle n'était pas réellement libre d'obéir à ses propres règles, ni lui d'ailleurs. « T’as pas envie d’tenter un truc pour pas qu’on s’ennuie ? J’veux pas faire de vieux os sur terres… » Annonça t-elle d'un ton ferme. Son visage c'était durcit, mais elle restait toujours aussi droite dans son coin, perpendiculaire à cette porte qui semblait la maintenir sur le sol. « Je t'aurais bien proposé de laisser ce pauvre homme tranquille en crachant dans cette marmite là-bas, mais j'pense pas que ça soit là ton idée », son timbre de voix était plus joviale que celui du poulpe. Il fit un léger coup de tête pour l'inciter à marcher à ses côtés : « Il faut que je te montre quelques-choses ». Harlon était tout excité, il ressemblait à une petite fille qui avait reçu un beau ruban pour son anniversaire. « Mon père à fait construire un nouveau navire, il est juste... Magnifique. Et pis, il est plus rapide que ses autres bateaux ! ». Sawane Botley avait patienté durant de très long mois avant de pouvoir obtenir son navire. Il avait de grande voile et son bois était fait de plusieurs arbres qui étaient riches en matières résineuses. Cela lui donnait alors une couleur particulière.  
© 2981 12289 0
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

quoiqu'on en dise, le passé vole ton présent


L'an 296, Lune 13, Semaine 4



Les deux fer-nés avaient pris cette habitude de toujours se chercher. Fiers de leurs panaches, ils s’évertuaient à vouloir se dépasser l’un et l’autre pour le bon vouloir et la bonne vision qu’ils confèreraient à l’autre. A l’image d’une boussole, Harlon était le Nord qui permettait de ternir un cap vers des contrées lointaines. Mystérieux, énigmatique, il détenait en lui cette force animale et vengeresse que ses ennemis craignaient. Gysella, elle, se trouvait être le Sud. Celle qui ramenait un semblant de courage par ses clameurs intestines et belliqueuses, qui amenaient les hommes à en vouloir plus à en donner plus. Leur paire se voulait parfaite, concise et à même de délivrer les messages les plus funestes pour leurs ennemis. Invincibles, voilà qu’ils osaient s’imaginer tous deux prenant la mer à témoin de leur péripéties. Ils pilleraient et prendraient leur dû selon leurs convenances, clamant haut et fort que le fer-prix serait payé et fidèles au Dieu Noyé, ils boiraient ensemble pour fêter dignement leurs trouvailles. Tels des frères d’armes, ils s’aimaient en même temps qu’ils se détestaient. Mais leur confiance mutuelle restait intacte et prompte à leur rappeler que jamais plus ils ne pourraient se passer de l’autre. Ils étaient bien plus que de simples frères, bien plus que des amants, il résidait en eux cette relation que beaucoup enviait tant cette dernière leur apprenait à connaître l’autre dans son intégralité pour ainsi anticiper chacune de ses réactions. Un simple regard suffisait généralement pour qu’ils s’entendent et se mettent d’accord. Ce regard emprunt de cette amertume qu’ils partageaient depuis de nombreuses années maintenant et qui avait eu raison des personnes qu’ils étaient devenus. Les capitaines en devenir savaient très bien que le temps viendrait où tous deux seraient des alliés redoutables. La Bonfrère imaginait déjà les batailles. Rêvant de cet instant où leurs deux boutres seraient parallèles à celui qu’ils prendraient à revers et à cette charge qu’ils sonneraient de canon pour ainsi ravager le malheureux. Ce rêve n’en devenait que plus grand à mesure que les butins se transformaient en or, en argent, voire même en pierres précieuses et qu’ils devraient s’arranger pour se les partager. A partir de là, tous savaient qu’ils deviendraient rivaux et qu’ils cherchaient à s’entourlouper pour gagner une plus grande part du trésor. La tempête extérieure ne serait rien par rapport à celle qui gronderait dans les cabines des capitaines. Et le temps finirait par faire son œuvre, leur permettant d’oublier leurs querelles pour recommencer encore et encore. Ah ce que l’impatience la guettait alors qu’elle espérait que ce jour vienne prochainement et qu’il leur permette d’agir selon leur propre chef. Peut-être ne tarderait-il pas à pointer son horizon d’ailleurs ? Puisque leurs âges n’étaient plus de la caste de ceux des enfants mais s’inscrivaient plus dans ceux des fiers combattants. Harlon serait probablement le premier à recevoir son prix alors que Gysella devrait se battre. Voilà que le but en devenait d’autant plus clair dans son esprit, alors que son allure, elle, changeait pour dégager un peu plus de musculature. Une guerrière. Voilà ce à quoi la Bonfrère aspirait depuis tout ce temps. Pas l’une de celle qui reste sur terre mais bien celle inaccessible qui vogue sur les mers. Cette rêverie deviendrait réalité, le Dieu Noyé lui en était témoin.

Les retrouvailles faites, voilà que les deux amis tenaient aussi bien de l’un que de l’autre pour se prouver qu’ils étaient bien là où ils se trouvaient. Les remarques fusèrent alors que les gestes eux, trahissaient incontestablement la joie qui les envahissait parce qu’ils se retrouvaient enfin. La Bonfrère appréciait réellement la compagnie du Botley. Il était comme un petit frère qu’elle n’avait pas eu l’occasion de croiser pendant longtemps, trop longtemps d’ailleurs et elle ne manqua pas de le lui rappeler à sa manière. Pas sûre qu’il comprenne le message caché d’ailleurs, mais quelque chose lui disait qu’il était d’accord avec elle. Son flegme lui était une véritable arme et un moyen de révélation sur son écoute attentive. Car oui, il l’écoutait et il cherchait à cueillir les informations nécessaires dans les confidences qu’elle émettait. Harlon agissait toujours de cette façon, la remarque qui s’en suivit fut un excellent moyen pour lui de lui prouver qu’il était de son côté. Puisqu’il ne se moquait pas dans ses dires, non, il restait aussi calme que le vent d’est, même si il aurait pu la vexer en la traitant de rigide. « Tu ch’rches la bagarre l’Botley ? » rétorqua t’elle simplement en guise de réponse alors qu’elle arquait à son tour un sourcil en signe de défi. Mais bientôt, elle cracha un morceau de pomme alors que sa frustration donnait lieu de l’habiter comme à l’accoutumée. Elle voulait naviguer et se battre, elle était capable de réaliser cela mais son oncle, maudit soit-il, n’avait pas encore déterminé qu’elle était en droit d’accéder au fer-prix. Une chose qu’elle n’admettait pas alors que tous répétaient sans vergogne qu’un fer-né ne demandait rien, il prenait. Et elle désirait prendre le large… Elle ne remarqua même pas que son crachat avait touché un homme plus loin, c’est en suivant le regard de son ami qu’elle nota l’imbécile qui scrutait les cieux. « Y croit qu’la foudre va l’toucher ? » demanda t-elle en désignant le vieil homme en question tout en continuant d’arquer ses sourcils en guise de stupéfaction. Il y en avait qui n’avait vraiment rien dans le caillou. A moins que cela ne soit les ravages des réverbérations du soleil sur les vagues qui avait fait fondre quelques unes de leurs neurones.

Laissant cet épisode de côté, tant ce dernier n’était certainement pas important aux yeux de la Bonfrère, ses yeux se perdirent pendant plusieurs instants au niveau des jambes d’Harlon. Il battait ces dernières comme si il était un petit garçon et voilà que les intentions de petites filles s’éveillèrent pour lui prouver de son impatience. Quoi faire ? Que faire ? Gysella savait très bien que le jeune garçon était celui qui avait toujours de la suite dans les idées et qu’il ne tarderait pas à lui proposer quelques occupations qui auraient raison de la colère qui bouillonnait à l’intérieur de ses veines. Son regard acier croisa l’océan de son ami avant qu’il ne se détourne en direction de la marmite qu’il lui montrait. « T’crois pas qu’on a passé l’âge d’faire ça ? » demanda t-elle avec un air totalement blasé. Non ce n’était pas son idée et à en juger par l’aspect jovial qu’Harlon était en train d’endosser ce n’était pas son idée non plus. Penchant doucement le visage pour faire mine de s’approcher avec curiosité, la jeune fille finit par arriver au niveau de son ami. « Faut qu’tu m’montres quoi ? » cette fois-ci, Gysella se méfia. Non pas parce qu’elle ne lui faisait pas confiance mais parce qu’elle le connaissait assez pour savoir qu’il était un véritable farceur quand il s’y mettait. Néanmoins, il lui semblait que pour l’heure, elle ait plutôt à faire avec une petite fille plutôt qu’un mâle fer-né. « T’as des vers pour gigoter comm’ ça ? » Cette fois-ci, elle s’écarta exagérément pour essayer de feindre l’idée qu’elle ne le connaissait pas. Mais bien vite, elle s’arrêta en pleine marche et laissa ses yeux s’écarquiller comme deux gros œufs devant la révélation qu’il lui faisait. « Faut qu’tu m’fasses voir ça. L’est –ou ? Ah l’Botley si t’étais pas si arrogant j’te dirai qu’t’es l’meilleur des amis. » Ses yeux cherchaient à droite, à gauche, sur les rives mais elle ne voyait rien de nouveaux ou rien d’autres que des navires pêcheurs. L’impatience ruminait à nouveau et la rapprochait de son ami alors qu’elle le suivait avec un grand sourire sur les lèvres. « T’crois qu’on peut l’essayer ? Faut qu’tu leurs dises qu’tu veux m’montrer comment tu navigues ! On peut pas n’pas l’essayer !!! » s’égosilla t’elle alors qu’elle découvrait le bâtiment en question. C’est à ce moment là qu’elle laissa son exclamation prendre le dessus sur tout le reste. « Par l’Dieu Noyé ça c’est un boutre ! V’la t’y pas l’plus beau qu’j’ai jamais miré !! » Elle donna une tape amicale dans le dos de son ami et entreprit son périple pour le suivre et monter ainsi sur le pont. « Faut qu’on voit c’qu’il a dans l’ventre Harlon. » Son air victorieux primait sur tout le reste alors qu’elle fixait son ami comme si leur vie en dépendait.

© 2981 12289 0
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

quoiqu'on en dise, le passé vole ton présent


L'an 296, Lune 13, Semaine 4




Le poulpe et la méduse avaient évolué dans un scénario précis et presque immuable. L'un comme l'autre se connaissaient sur le bout des doigts, c'étaient deux garnements qui se provoquaient à la moindre occasion. Et si pour beaucoup ce n'était pas de l'amitié, pour ses deux enfants c'était la seule façon qu'ils avaient pour prouver leurs attachements mutuels. En fin de compte, tout commença de cette manière, par un simple jeu qui remontait à leurs enfances. C'est le déroulement de ses plaisirs enfantins qui conduisait ce jeune homme sur un autre chemin qui se trouvait être plus ardu. S'il était bon parieur, il aurait pu prévoir le destin qui serait le sien, un sort pire que la mort pour un fer-né tel que lui. Alors une fois encore, il fit influencer par le regard téméraire de l'insulaire et par ses paroles pleins d'entrain. La jeune femme voulait essayer le navire du père Botley, mais comment pouvait-il le blâmer ? Lui qui ne rêvait que de ça. Cela faisait des lustres – dans une temporalité qui n'appartenait qu'à lui – que le boutre se trouvait à quai et le jeune homme n'avait pas encore eu l'occasion de voguer sur les planches grinçantes de cette merveille. Elle n'avait pas besoin d'utiliser de grand argument, ni de plus grande frappe dans le dos, elle l'avait déjà corrompu. En temps normal, il  aimait être contradictoire, vouloir ce qu'elle rejetait, mais aujourd'hui, alors qu'il avait une occasion de caresser l'océan avec ce boutre, il ne pouvait être que d'accord avec elle. Lui aussi voulait monter dessus et voir ce qu'il avait dans le ventre.

Avec un clin d’œil plein de promesse et son sourire charmeur, il laissa passer le poulpe devant lui : « à toi l'honneur ». Parfois, il lui arrivait d'avoir l'âme chevaleresque. Il était certain qu'elle était une dure à cuire, mais il savait aussi que la Bonfère était sensible à cet acte. Elle fut la première à poser le pied sur le boutre dont il ne connaissait pas en le nom et ce fut une grande surprise lorsqu'il vit un des hommes de son père courir après un poulet. Le visage expressif du Botley se déforma par la surprise et l'incompréhension. Finalement, il fit dépiter. Dans un souffle d'exaspération, il laissa glisser le mot « normal » entre les dents. Cet homme était une véritable calamité, mais étrangement, il ne fut pas surpris. Il était comme Tristifer, il se tournait souvent au ridicule. Quand il était enfant, il avait nommé 'l'homme aux rumeurs', parce qu'il adorait faire circuler des rumeurs ridicules. Tout le monde y passait, mais son père l'appréciait, alors il restait dans son équipage.

Le jeune Botley laissa le poulpe derrière lui pour rejoindre les quelques hommes de son père. Il lui fallut que quelques minutes pour les convaincre et il acheta 'l'homme aux cartes' avec une rumeur qu'il ne pensait pas être fausse. Gysella Bonfère avait des morpions. Si elle apprenait que tout venait de lui, il n'aurait pas seulement la plus grosse claque de toute sa vie, mais elle le tuerait de ses propres mains. Finalement, il revint vers elle et parla le plus fort possible : « Alors les gars, on montre à la p'tite Bonfère de quoi ce boutre est fait ?! ». Il se rapprocha d'elle avec un sourire de conquérant : « Monte sur le tient capt'aine, montre-moi que tu peux m'battres ». Pour le jeune Botley c'était bien plus qu'une concurrence déloyale, il voulait qu'elle ait plus confiance en elle et qu'elle se prouve à elle-même qu'elle pouvait tenir le cap.

Ce Botley n'était pas réputé pour sa patience, mais il attendit qu'elle rejoigne le boutre de son oncle, qu'elle arrive à convaincre ses têtes de girouettes de lui faire confiance ou alors attisée leurs soifs de victoires. Et comme à son habitude, le poulpe obtenait ce qu'elle voulait. Harlon était euphorique, ivre de désobéissance et assoiffé par le manque d’aventure. Il rêvait de ça depuis si longtemps... Les deux boutres se retrouvèrent côte à côte et en un clignement d’œil, ils se retrouvèrent à faire une course à travers vents et marées. Il était heureux et avait l'impression que le monde lui appartenait, il avait juste à tendre la main pour saisir ce qu'il désirait le plus, découvrir des eaux inconnues. Il ouvra les bras et se laissa caresser par le vent. Son boutre avait un peu d'avance, mais rien qui pouvait le rendre fier. « C'est tout c'que tu peux faire ? Tu me déçois le poulpe ! » avait-t-il dit le sourire aux lèvres. Il cherchait à l'énerver et était sûr qu'il avait touché dans le mille. Les hommes de son père faisaient de leurs mieux pour battre l'équipage des Bonfères, mais la mer changeante en décidait autrement. Les vents avaient tourné et sans qu'Harlon puisse le prévoir, un autre boutre sortit d'une grande embouchure, puis il fit suivit d'un autre. Ses hommes firent de leurs mieux pour se dégager de leurs trajectoires, mais le navire du poulpe le bloquait. Une seule fraction de seconde lui suffit pour tourner son visage vers son ami dont le regard était affolé. Harlon n'était pas prêt pour ça et pour la première fois de sa vie, il avait réellement peur.

Il n'y avait plus de rire, ni de joie, seulement une torpeur incontrôlable. Un des boutres traversa la coque – censé être indestructible – du navire d'Harlon, propulsant son corps contre le rebord. Et alors qu'il entendait ce bruit déchirant, égale à un homme se faisant éventrer comme un animal qui agonisait de puis des heures, il sentit une douleur lui enflammer le dos et tomba en arrière. L'eau le submergeait, mais il pouvait voir le boutre du poulpe s'éloigner, contrairement au sien, il semblait n'avoir que des éraflures. Il tentait de son mieux pour rester à la surface, mais sans succès. Il entendait encore les bois craquer et puis, il y avait ses cris perçants noyés par les vagues de la mer. Il comprit plus tard que ses hurlements venaient de lui. Le Fer-né luttait pour la vie, mais il avalait l'eau salé et ses bras, fatigués par les efforts démesurés lâchèrent prise. Il n'avait pas encore compris alors, que c'étaient ses jambes qui le faisaient couler. Le jeune Botley, cinquième fils de Sawane et Tayla Botley se noya.
© 2981 12289 0
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

quoiqu'on en dise, le passé vole ton présent


L'an 296, Lune 13, Semaine 4



L’excitation se mêlait un peu plus à l’impatience alors que l’aventure qui se profilait les amenait tous les deux à partager un peu plus de complicité que ce qu’ils s’amusaient à s’adonner habituellement. Leurs regards entendus n’en devenaient que plus équivoques alors que leurs aspirations donnaient l’impression de se répondre dans une entente mutuelle et bien corrompue. Ils iraient sur ce boutre et navigueraient ensemble vers un horizon qui leur serait propre, le leur. Celui qu’ils construiraient selon les allures qu’ils entretiendraient, suivant le vent qui gonflerait les voiles mais aussi dans les inclinaisons qu’engendreraient la roue dans les directions qu’ils seraient les seuls maîtres à choisir. Gysella ne pouvait que sentir le bouillonnement dans ses veines dans lesquels la sureté quant à l’épisode qu’ils allaient vivre pourrait enfin la délivrer de cet apprentissage alors qu’on lui refusait encore le rôle de leader. Parce qu’elle était une fille ou plutôt parce que son oncle avait décidé d’un autre dessein pour elle. Elle s’y refusait complètement, et Harlon était probablement le seul fer-né à savoir qu’elle ne se laisserait pas faire, qu’elle mettrait tout en œuvre pour prouver aux yeux de tous qu’elle en était capable et ce qu’importaient les représailles. Sa témérité serait récompensée, le Dieu Noyé osait le lui faire croire et lui envoyait aujourd’hui un signe pour lui prouver de sa future renommée. Capitaine Gysella Bonfrère, voilà un nom qui accentuait un peu plus les battements de son cœur alors qu’elle se tenait bien droite aux côtés de son ami. A eux deux, ils découvriraient le monde et oseraient même l’asséner de leur suprématie. Ils deviendraient les terreurs du Kraken, les tentacules vengeresses et sans merci répondant aux ordres soufflés par le Dieu Noyé. Ils paieraient le prix du fer, mais aussi du sel, pour que de leurs butins jaillissent expériences et or. Ils en oubliaient leur jeu habituel. Leur petite guerre qui veillait à leur rappeler qu’aussi bien l’un que l’autre ne baisserait jamais sa garde face à l’autre. Parce qu’ils étaient ainsi, mais surtout parce que cela contribuait à faire d’eux ces amis qui se donnaient une confiance aveugle l’un et l’autre. Gysella n’aurait jamais douté du Botley, de cette méduse à l’odeur putride dont les yeux globuleux pouvaient faire froid dans le dos quand il commençait à avoir des idées bien à lui. Elle savait qu’il ne la laisserait jamais tomber ou même qu’il la laisserait pour compte le jour où une quête se proposerait à lui. Tout comme, jamais elle ne pourrait le laisser en arrière lui non plus. Ils avaient beau se chamailler, il n’en restait pas moins qu’ils étaient solidaires envers et contre tous. Les îles avaient eu raison de leur tempérament souvent similaires, tout comme elle avait eu raison de ce que leurs cœurs appelaient à l’unissons : la liberté. Celle-là même qui les délivrerait de cette condition de servage pour leur laisser croire en leurs propres rêves. Loin des héritages, loin des rôles à tenir, ils seraient eux et n’auraient de compte à ne rendre à personne. La Bonfrère avait tendance à se laisser transporter dans ses rêves, dans ses attentes mais surtout dans son impatience qui grandissait à vue d’œil. Elle se laissait entraîner vers cette piste glissante, qui aurait en sommes et pour toutes leurs pertes surement. Mais pour l’heure, rien ne laissait présager en du néfaste, il n’y avait que le bon à en retirer et de toutes les manières comment pouvait-il en être autrement ? Eux, qui, se promettaient d’être de fervents capitaines dont la dextre égalerait celles des plus connues d’entre eux. Comment pouvaient-ils se rater ? Il était hors de question que l’erreur vienne à se glisser sur leur route.

S’empressant de remonter contre la cale du navire, la fer-née ne manqua pas d’arquer un sourcil au moment où son ami fit preuve d’une galanterie quasi trop parfaite. « Profit’ pas pour m’reluquer l’cul ! » le naturel reprenait de ses droits alors que son regard amusé se déportait à présent vers le pont. Le geste lui fit chaud au cœur et ce même si elle était Gysella Bonfrère. Autant l’avouer, rares étaient les occasions lorsqu’on lui laissait voir les choses la première ou lorsqu’elle n’était pas mise à l’écart pour tel ou tel prétexte. Aussi, elle trouva le geste de son ami gentil et ne put que la faire sourire dans cette même excitation jusqu’au moment où ils arrivèrent tous les deux sur les planches craquantes du pont. A peine eurent-ils fini leur ascension que tous les deux se heurtèrent à un spectacle qui eut tendance à leur faire adopter une expression faciale quelque peu surprise. Les deux sourcils de la Bonfrère se relevèrent avec stupeur alors que sa bouche formait les prémices de O. Jamais de sa vie, elle n’aurait cru assister à un tel spectacle, et bien vite la moquerie commença à naître sur son visage, surtout lorsqu’ils entendirent distinctement les gloussements de la volaille tentant désespérément d’échapper des mains de son assaillant. « C’t’original ouais… » rétorqua t-elle dans la foulée avant de finalement hausser ses épaules avant de s’intéresser au boutre en lui-même.

Le grandiose la subjugua si bien qu’elle ne savait plus où donner de la tête. Il lui suffisait de détourner son regard vers la droite pour qu’un mouvement vers la gauche l’oblige à regarder dans cette direction et prendre ainsi connaissance des détails. Ce bâtiment était parfait. Tout laissait sous entendre de sa vitesse et il lui tardait encore plus qu’il en vienne à glisser sur le rivage pour se lancer à corps perdu vers l’horizon. Ses doigts effleurèrent les cordages durement noués, son regard, lui embrassait les voiles encore pliées. Sa soif d’aventure était en exergue et voilà qu’elle caressait le bois finement travaillé. Ses yeux se fermèrent pendant plusieurs longues secondes afin que son ouïe s’accoutume des divers sons propres aux clapotis de l’eau contre la coque. Même les grincements en étaient superbes, si bien, que son cœur s’emballait à l’idée de pouvoir sentir le mouvement sous ses pieds. « C’pour aujourd’hui ou pour d’main ? » Sa voix n’avait eu aucune réponse, elle se retourna sur elle-même pour constater qu’elle était seule. Le Botley l’avait laissé pour rejoindre les hommes de son père. Au moins ce pauvre poulet était dans sa cage maintenant… Ce qui n’était pas du luxe. Son attention se porta rapidement vers le jeune homme au moment où sa voix fendit l’air pour encourager les hommes de son père à montrer de quoi ils étaient capables. Gysella gonfla son torse à cette évocation et ne tarda pas à lancer un regard parieur à son ami, lorsque ce dernier lui énonça son jeu. « C’comme si j’t’avais déjà battu, minus. » son arrogance devait probablement ressembler à celle de son oncle à cet instant. Pourtant, elle savait au fond d’elle que le jeu en valait la chandelle. Surtout parce qu’il l’avait appelé Capitaine. Elle s’empressa de rejoindre le côté pour descendre et une fois en bas de l’échelle, elle ramena ses mains de part et d’autre de ses lèvres pour crier. « R’garde bien derrière toi Cap’tain, j’te laisse de l’avance l’temps que j’arrive à convaincre les hommes d’mon oncl’. » Un sourire amusé étira alors ses lèvres alors qu’elle essayait d’élaborer un plan visant à ce que la ferraille dans les caboches des matelots n’arrive à se fondre sous ses ordres. Ce ne serait pas de mince affaire, mais il était assez connu que lorsqu’un Bonfrère avait une idée dans la tête, il ne l’avait malheureusement pas ailleurs. Elle serait même prête à menacer ces hommes si elle le devait. Heureusement pour eux, ils furent assez coopératifs. De toutes les manières, dès qu’on évoquait de l’alcool, ils devenaient les meilleurs alliés du monde. La Bonfère ne tarda pas à donner les ordres. Les mêmes que ceux donnés par son oncle il y avait de cela une journée maintenant. Elle avait assez entendu les termes de navigation pour les connaître, tout comme elle avait assez participé à des expéditions pour savoir comment appréhender telle ou telle situation. Et puis, ils ne faisaient qu’une course rien de plus, ils n’allaient pas se lancer dans un raid alors que rien n’avait été prédéfini avant. Quoi que… Gysella n’était pas sûre de se montrer récalcitrante si jamais Harlon le lui demandait. Mais soit, les avirons battaient déjà pour sortir du port et il ne manquait que quelques nœuds pour qu’elle ordonne à ce que l’on détache la grand-voile d’abord. Les autres le seraient plus tard, lorsque le vent serait plus propice, rien ne servait de fatiguer ses hommes avant l’heure.

L’horizon devant eux, la jetée derrière, les deux amis se tenaient à niveau égal derrière la proue et se toisaient du regard pour savoir quand se donner le départ. Leurs sourires se répondaient volontiers et laissaient pour une fois de plus prouver au reste de la complicité qu’ils entretenaient. Ils étaient les maîtres de leur destin en cette heure, et n’hésiteraient pas à se lancer des piques pour s’encourager mutuellement à se dépasser. Une vraie amitié, celle qui poussait vers le haut. Le départ fut enfin lancé et Gysella vociféra les premiers ordres en veillant à ne rien laisser au hasard. Chaque homme avait sa place et devait lui prouver qu’ils étaient les meilleurs marins de tous les insulaires. Ils n’avaient pas le choix, sinon ils devraient subir sa colère. Les claques des flots contre la coque s’intensifiaient, coupant ainsi le rythme constant qu’elles avaient adopté jusqu’alors. Pourtant, le vent n’était pas encore dans ses voiles, mais plutôt dans celles du Botley. Mauvaise perdante, la Bonfrère beugler à tout va pour essayer de rétablir un semblant prise de vent. Il fallait qu’ils se calent sur la même trajectoire que le boutre devant eux… « On a pas fini !!! » rétorqua t-elle alors qu’elle poussait un des hommes pour prendre la barre. C’était à son tour de jouer et elle n’allait pas se laisser faire. Mais alors qu’elle venait tout juste de tourner la roue pour virer de bord, elle eut l’impression de son sang se figea dans ses veines et que son cœur s’arrêtait complètement au moment où la proue d’un autre navire apparue pile au niveau du boutre d’Harlon. Le temps eut raison du reste et même si ses réflexes parvinrent à la sortir de ce trépas, ils ne parvinrent pas à élaborer un plan assez rapidement pour aider son ami. Le fracas cingla ses oreilles. Il la coupa de la réalité et sentit la peur l’envahir au moment où leurs regards se rencontrèrent. Et puis, on la poussa pour reprendre la barre et elle fut projetée vers l’arrière du navire. Elle tomba sur ses fesses et fut le témoin du reste des évènements. Elle se redressa cependant en vitesse et ne laissa pas une occasion de plus à celui qui venait de lui infliger cela de recommencer. « Rentr’ moi les voiles, on stagne ! » C’était surement la première fois de sa vie que le ton qu’elle employait ne laissait aucun choix à quiconque aurait voulu remettre ses ordres en question. Ils n’auraient pas le dernier mot. Elle était une Bonfrère et eux de simples marins. « L’premier qui m’contredit j’le fais noyer. » Son ton se voulait menaçant avant qu’elle ne se lance sur le rebord et qu’elle se tienne à l’un des cordages. « Vous attendez qu’j’revienne. » Et sans dire mot de plus, la jeune fille plongea gracieusement à l’eau pour essayer de rejoindre le boutre de son ami. La nage lui avait toujours été bénéfique et un atout qu’elle avait pu pratiquer avec le temps. Aussi, elle ne tarda pas à retrouver les hommes Botley et leur ordonna de rejoindre son boutre. « L’est ou vot’ ca’ptaine » Aucun n’avait de réponse à lui fournir, même le poulet dans sa cage s’égosillait et donnait l’impression de l’appeler. D’ailleurs ce stupide bestiau lui empêchait d’entendre les bruits environnants. « Partez avec c’te bête, sinon j’me charge d’lui ! » Son inquiétude se mêlait à sa colère et elle fit quelques brasses de plus dans l’espoir d’entendre quelque chose. « Harlon ? HARLON ? » cria t-elle, elle se refusait de le voir partir. Tout comme elle se refusait de l’abandonner. Il en était hors de question. Ses yeux cherchèrent une agitation et alors qu’elle dégageait une planche de bois, la Bonfrère reconnut une silhouette qui donnait lieu de se laisser couler. Sans plus attendre, elle retint sa respiration et se lança dans les profondeurs pour remonter le corps de son ami à la surface. « T’restes avec moi toi. » Ses bras entouraient son thorax et elle fit retomber son tête sur son épaule pour dégager sa trachée avant d’effectuer de fortes pressions sur ce dernier. Il fallait qu’il recrache l’eau. « T’m’entends méduse dégueux. T’as intérêt d’respirer ! » Elle recommença ses pressions en tenant un équilibre dans l’eau pour ne pas que l’eau ne lui revienne dessus. « REVIENS ! » s’énerva t-elle cette fois et laissait sa colère prendre le dessus sur sa force. Il allait survivre, elle lui interdisait d’en être autrement. Elle avait besoin de lui, personne ne lui prendrait Harlon comme on avait pu lui prendre Baelor il y avait de cela des années.


©️ 2981 12289 0
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

quoiqu'on en dise, le passé vole ton présent


L'an 296, Lune 13, Semaine 4




Il ne fallut qu'une seule faute d'inattention pour qu'un drame se produise et d'une seule petite seconde pour que toute une vie soit réduite au silence. Le jeune Botley avait quitté ce monde dans la souffrance et la terreur. Il n'était pas près pour cette nouvelle aventure qu'est la mort, mais il avait baissé les bras. Il s'était laissé submerger par les flots démontés de la mer et dès lors, les vagues semblaient être encore plus dangereuse, plus impitoyable, lui laissant aucun répit. Mais malgré ses talents pour la natation, Harlon avait lâché prise et avait laissé l'océan gagner. Cela aurait été le cas si le dieu noyé n'en avait pas décidé autrement.

Le fer-né sentit la vie revenir en lui, il était pris au piège dans ce paradoxe qu'est la respiration. Deux forces s'opposaient en lui, il devait expulser cette eau qui lui brûlait la gorge et reprendre l'air qui lui manquait. Expulser, inspirer, une action naturelle et automatique pour tout être vivant, mais qui pourtant – à ce moment précis de sa vie – était si difficile. Il roula sur le côté, écrasant par la même occasion la femme qu'il n'avait pas encore reconnu. L'eau gisait de ses poumons avec une telle violence qu'il haletait. Sa toux grasse malmenait son corps et lui fit sentir une douleur inimaginable dans ses côtes. Ses yeux roulèrent difficilement sur le visage du poulpe, elle l'observait avec un air grave. Son visage était crispé et tout son corps semblait être endolori par l'effort. Harlon lui, était désorienté, il ne comprenait pas ce qui se passait, mais avant qu'il puisse demander des explications, des images vint l'envahir. Il était emporté par les eaux, submergé par sa violence. Il retenait son souffle, redressait sa tête et cherchait désespérément à respirer. Il se rappelait son sentiment d'urgence et la froideur de l'abîme. Il avait perdu conscience, voilà ce qu'il s'était dit, mais il était loin de la vérité.

« Où... Où est-ce qu'on est ? » Sa gorge le brûlait, comme-ci le sel l'avait incinérer de l'intérieur, à l'image de la peau qui se craquelle au soleil. Sa voix, anormalement grave l'étonna, ce qui se sentit sur son visage déformé par le tourment. Il resta pourtant allongé sur le sable chaud, il n'avait pas le courage, ni la force de se relever. Il était d'un naturel têtu, mais sa fatigue avait pris le dessus. Son amie était venue à sa rescousse, elle lui avait sûrement sauvé la vie, mais il ne savait pas encore à quel point il le regretterait. « Où sont nos hommes ? Est-ce qu'ils vont bien ? ». Sa respiration commençait à se calmer, doucement, mais son esprit restait emprisonné par ses images qui le terrifiait. Il avait fait face à une vulnérabilité encore méconnue, mais qui le poursuivrait toute sa vie. Bien plus qu'il ne l'imaginait. Il revoyait son bateau se faire éventrer par un autre boutre, les cris de ses hommes, de l'eau froide, il se souvenait de presque tout.

Il releva la tête, aveuglé par le soleil qui réchauffait ses membres, un geste anodin, mais qui lui permis de voir un paradoxe peu habituel. Les vagues montaient et redescendaient, comme à son habitude, mais lorsqu'elles léchaient ses jambes, ils ne sentaient pas le froid, ni la sensation de l'eau. Malgré la douleur, il releva son buste à toute halte, le cœur battant. Puis il se laissa retomber avec la même violence. Il tenta de les lever, mais rien ne se passait. Il essaya de plier ses doigts de pied, mais eux-aussi restèrent immobiles. Dès lors, des larmes virent humidifier ses rétines bleutées, la panique le submerger de nouveau. « Gysella... Je ne sens plus mes jambes », sa voix étaient prise par l'émotion. Il commençait à entrevoir l'enfer qui allait être le sien. Il aurait tellement aimé faire une boutade, mais il n'était pas doué pour mimer le mensonge et il prononçait rarement le prénom de son amie.
©️ 2981 12289 0
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

quoiqu'on en dise, le passé vole ton présent


L'an 296, Lune 13, Semaine 4



Le fer-prix avait eu raison de ce que le Dieu Noyé avait commandé. Mettant en exergue des situations qui n’auraient pas du se dérouler, la mer avait voulu prendre quelque chose pour le garder auprès d’elle dans l’espoir que cela serve de leçon à ces âmes encore trop jeunes pour songer à la gravité de la situation. Le monde s’ouvrait à peine, infâme, douloureux, il mettait en évidence les injustices qui investissaient ce peuple depuis des années. Des décennies durant lesquelles le sevrage s’exprimait sous des formes les plus inconstantes les unes que les autres. L’amitié était mise à rude épreuve, pourtant, elle puisait encore ses forces dans les intentions de la fer-née. Prête à se battre contre le dieu noyé, elle continuait à effectuer ses torsions de plus en plus graves dans l’espoir que la vie renaisse entre ses bras. Il n’avait pas le droit d’abandonner, ce qui était mort ne saurait mourir. Il devait renaître plus fort et plus vigoureux. Devait… L’injustice s’abattait un peu plus dans cette épreuve, dévoilant ici ses intentions les plus mauvaises et néfastes, mettant à rude épreuve la témérité pour oser lui faire croiser l’abandon. Non. Jamais de son existence, Gysella Bonfrère n’abandonnerait ce qu’elle considérait comme un devoir. Et sauver son ami faisait parti de cela. Jamais, elle ne pourrait laisser son corps rejoindre les limbes de l’autre monde, jamais, elle n’arrêterait ses bras tout comme jamais elle n’arrêterait ses jambes. L’équilibre se maintenait d’une manière grave, brutale, les impulsions données devenaient de plus en plus brutes. L’espoir, lui, ne la quittait pas. Peu importait les cris alentours, peu importait les cliquetis d’un son de rame au grès des flots malmenés, elle ne s’arrêterait pas. Jusqu’à s’en épuiser s’il le fallait, jusqu’à même mourir à son tour sous l’effort. Il lui semblait déjà sentir de l’engourdissement au niveau de ses cuisses et de ses biceps mais la hargne, elle perdurait. L’impatience aussi, si bien qu’elle défiait à présent le Dieu Noyé d’oser aller à l’encontre de ses intentions. Il ne les aurait pas. Il devrait se rendre à l’évidence que les deux jeunes gens qu’il mettait à l’épreuve en valaient la peine. Digne des plus grands soupirants, à la force révélée, il n’aurait raison de ses intentions. La plage se dessinait au loin, elle y parviendrait. « Par l’Dieu Noyé t’es aussi lourd qu’un porc Harlon ! » Sa voix s’engorgeait de cette colère qu’on ne lui connaissait pas totalement, pourtant voilà qu’elle se délivrait enfin pour faire preuve d’une réelle témérité. Ses bras la blessaient, ils la tiraient vers ce fond noirâtre qu’elle voulait avant tout éviter, mais pourtant elle tenait. Elle battait des jambes, battait des bras, donnait des coups de poings contre cette poitrine qui ne répondait pas encore. Puis la terre toucha ses pieds. L’obligeant ainsi à prendre conscience que la rocaille était bien présente. Elle le tira comme elle le pouvait, encore et encore. Sa hargne l’envahissait totalement à présent, si bien que les tissus qui le maintenaient n’auraient pas raison de son désir. Un râle quitta ses poumons, signe de cette lourdeur alors qu’elle finissait sa course. Les pieds de son ami encore dans l’eau, le reste déjà enclin à recueillir les divers grains de sable qui cherchaient à s’immiscer partout et nulle part à la fois. Même si ses mèches lui empêchaient de voir clair, même si elle crachait à son tour ce mélange de sel sableux, elle abattit ses deux poings sur sa poitrine. « JE… » Elle relevait ces derniers. « T’AI DIS… » Sa force brute ne lui suffisait plus, mais elle y parviendrait. Ses poings s’abattirent dans un élan empli de détresse, forts de sens, riches de force. « D’REVENIR !!! » Elle n’abandonnait pas, elle ne le pouvait pas. Et de cette hargne jaillit enfin ce signe qu’elle attendait tant.

Ses yeux grandirent telles deux billes au moment où le filet d’eau s’extirpa d’entre les lèvres de son ami. Sa manière de respirer n’en fut que des plus impressionnantes pourtant, elle restait là juste à côté et elle tapait dans son dos pour l’aider à cracher ce qui aurait eu raison de sa vie. « Foutu Botley ! » Le soulagement se répandait à présent en elle alors qu’elle s’asseyait sur ses talons et qu’elle se mettait à rire de bon cœur. Elle venait de vaincre le Dieu Noyé, à moins que ce dernier ne lui ai été clément pour lui accorder le retour de son ami. Pour l’heure, elle préférait souffler, et n’entendit qu’à moitié ses interrogations. « Sur la plage. » répondit t-elle avec un ton qui se voulait satisfait. Car elle l’était sincèrement, surtout devant cette vie qui lui faisait face et qui lui donnait l’impression de vouloir se battre pour continuer à exister. Un autre rire lui échappa, le bonheur l’emplissait à cet instant, parce qu’il était là et parce qu’il essayait de recouvrer ses sens. D’ailleurs, ces derniers eurent tôt fait de réapparaître dévoilant son attention pour ce qui aurait du être futile, si ils n’avaient pas été des fer-nés. « J’crois qu’ça va. Les tiens nageaient vers mon boutr’ avant qu’je plonge pour t’récupérer. » Pour tout avouer, elle n’en avait que faire des hommes à cet instant, ce qui comptait était son ami. D’ailleurs, elle se surprit à avoir pensé de la sorte. Visiblement l’instinct de survie les avait guidé à tous les deux. « Va falloir qu’tu boives moins hein, j’ai cru porter une barr ‘qu’. » Un nouveau rire lui échappa devant cette boutade qui rappelait bien la relation qu’ils entretenaient tous les deux. Rien ne changerait, si ce n’était peut être le fait qu’ils savaient à présent que leur vie comptait pour l’autre et qu’ils cherchaient toujours à se sauver. Ses yeux acier toisèrent l’horizon et un nouveau soupir vint à s’échapper d’entre ses lèvres avant qu’elle ne se laisse à son tour tomber en arrière. Elle était fatiguée. Réellement fatiguée. Ses muscles lui donnaient l’impression de peser une tonne chacun alors qu’elle regardait à présent le ciel et qu’elle tentait de calmer les palpitations de son cœur.

Le calme donnait lieu de revenir, de recouvrer des droits qu’il n’avait pourtant pas oublié de prendre jusqu’à maintenant. La fossette sur sa joue se dessina doucement sur sa gauche  et la plénitude tendit à l’apaiser doucement mais surement. La sueur se mêlait au sel également et le mouvement à ses côtés ne la sortit pas encore de son état de satiété. Elle en avait besoin, ne serait-ce que pour un temps. Pourtant bien vite son regard se renfrogna et l’obligea à tourner son visage vers son ami dès lors qu’elle l’entendit l’appeler par son prénom. Cela ne présageait rien qui vaille, surtout pas dans ce ton qu’elle jugeait comme abasourdi et … effrayé ? Etait-ce vraiment de la peur qu’elle lui entendait ? « C’mment ça t’sens plus t’jambes ? » Elle se redressait à son tour et essayait de se rapprocher des épaules d’Harlon pour le tirer encore un peu sur le sable de manière à ce que ses jambes ne sentent plus la fraicheur marine. « C’est qu’tu dois les avoir gelées, ç’va rev’nir… Bouge pour voir. » Elle se positionna juste à côté de lui et se concentra sur les pieds de la méduse, qui ne bougeaient pas. « Bouge pas. » Cette fois, elle s’approcha se ses pieds et les déchaussa avant de balancer ce qui lui servait de chaussures à quelques mètres et s’enquit de lui frictionner les pieds. «J’espère qu’c’est pas qu’t’es en train d’te foutre de moi pour qu’je t’masse les pieds la méduse. » Peut être qu’en réactivant la circulation du sang, ils parviendraient à ce que ses orteils soient moins raides. Parce qu’ils n’étaient  pas bleus. « T’attends quoi pour les bouger. » insista t-elle avec un peu plus de sévérité dans la voix. Cela l’inquiétait, c’était la première fois qu’elle voyait une telle réaction. Et elle ne savait pas comment réagir.


©️ 2981 12289 0
Invité
Invité

Anonymous

Informations
Personnage
Badges


   
# 

quoiqu'on en dise, le passé vole ton présent


L'an 296, Lune 13, Semaine 4




Peu de choses effrayait Harlon. Déjà tout petit, il bravait tous les dangers, sans avoir une once de frayeur. Et si quelques choses l'inquiétaient, il faisait tout ce qu'il pouvait pour taire cette petite voix qui lui rappelait la prudence. Ce n'est que lorsqu'il commit son premier saque qu'il ressentit ce que pouvait être une véritable peur. Le vieux Sawane s'était interposé entre son fils et une flèche. Ce jour-là, le Botley fut terrorisé. Il ne savait pas à quel point sa blessure était grave, ni s'il allait survivre à son acte de bravoure. Tout ce qu'il savait c'est qu'il était à terre, une flèche dans le corps.... Une flèche qu'il ne lui était pas destiné. Finalement, il n'était que blessé au bras, ce n'était qu'une piqûre de moustique pour cet homme, mais cela avait profondément marqué Harlon. C'était la première fois qu'il se sentait vulnérable. Son père n'était pas immortel, ce qui faisait de lui, un être tout aussi mortel. Encore aujourd'hui, il se souvenait de ce sentiment et ce fut la même émotion qui traversa son cœur lorsqu'il prit enfin conscience qu'il ne sentait plus ses jambes.  

Son rythme cardiaque s'emballa et il sentit ses membres supérieurs trembler. Aucun mot ne pouvait sortir de sa bouche, même pas un son. Il était tout entier prit par la panique. Son visage se tordait sous la peur et l'angoisse. Contrairement à son ami, Gysella gardait la tête froide, elle le hissa hors de l'eau glacée. « C’est qu’tu dois les avoir gelées, ç’va rev’nir… Bouge pour voir. », ce n'était pas dans ses habitudes, mais il s'exécuta. Il essayait tant bien que mal, mais rien... Les larmes aux yeux, apeurés, il réussit à articuler quelques mots : « Je.. Je n'y arrive pas ». Et dès lors, il savait que plus jamais il ne pourrait remarcher un jour. Si lui avait déjà perdu tout espoir, elle se battait pour lui. Elle lui enleva ses chaussures et frictionna ses pieds, mais il ne sentait rien. Ni le contact de sa paume de main, ni sa chaleur. L'air lui manquait... Et alors que la méduse râlait, lui versa une larme, puis deux.  « Je n'ai pas senti tes mains Gys... Je ne sens plus rien et je n'arrive plus à les bouger. Je n'arrive plus...», il ne savait même pas si ses mains étaient encore sur ses pieds. C'est alors qu'il frappa frénétiquement ses muscles, de plus en plus fort et en hurlant à en perdre sa voix. Il n'arrivait plus à s'arrêter de pleurer. Harlon était sous le choc et finalement, il finit par perdre connaissance ou simplement, par s'endormir d'épuisement. Il ne pourrait le dire.

Ce n'est que quelques heures plus tard qu'il ouvrit les yeux, des heures qu'il lui semblait être que quelques secondes. Le soleil avait disparu, laissant sa place à la lumière blanchâtre de la lune. Pendant un bref instant, il crut que tout ceci n'était qu'un simple cauchemar, mais lorsqu'il tourna la tête, il vit sa mère dormir sur une chaise. Elle le viellait, depuis suffisamment longtemps pour qu'elle s'endorme. Il avait compris. Un fer-né, il ne sera plus.
©️ 2981 12289 0
Contenu sponsorisé


Informations
Personnage
Badges


   
#