Mini event : Mariage entre Rose et Lionne

Son pouce carressait lentement la main gravée sur la garde du cimeterre qui lui ceignait le flanc gauche. Passant et repassant dans un geste apparament distrait son doigt sur les contours ouvragés du métal encastré dans le bois sombre et sculpté strié d'une lanière de cuir comme s'il eut tenu dans sa main les billes d'un chapelet, le Sand priait en silence. Debout, à quelques pas derrière le Grand Lion du Roc, il ne pouvait guère aspirer à la fête qui se déroulait sous  ses yeux. Tous ces gens qui dansaient, tous ceux qui riaient, buvaient, vivaient. Comme il les détestait. Tous, sans exception. Parmi cette foule où pas une âme ne trouvait grâce à ses yeux, les chanteurs étaient ceux qui attiraient le mieux sa haine la plus sincère et la plus indifférente. Ces singes savants qui jouaient de leurs instruments et qui répétaient de leurs voix de crécelles des airs mille fois entendus n'avaient en effet pas perdu de temps car, déjà, suspendu entre deux mélodies célèbres, des chants nouveaux se faufilaient comme des hirondelles dans une ruelle. La lionne et la Rose inspiraient fiévreusement, et bien malgré eux, les artistes. L'ironie, cependant, n'échappait pas au dornien qui subissait chaque vers en y trouvant un sens qui était à des lieues de la gloire que l'on chantait. A cet instant, le moindre soupir de l'Etranger à son égard l'aurait convaincu de se laisser entrainer dans une frénésie sanglante inégalée. Mais rien. Il préférait se perdre dans ses prières. Prières qui avaient un bénéficiant aussi innattendu que grotesque. Mace Tyrell, le père de Loras, venait en effet de rendre l'âme, quelques jours seulement avant le mariage de son fils. Bien que le Lord lui tint depuis des années une franche rancune de son comportement envers son autre fils, Garlan, lors d'un tournoi, et qu'il fut certainement parmi ceux qui n'hésiterait pas à le foudroyer sur place si jamais il avait eu vent de la liaison de son fils, cela ne retenait guère le Sand de prier pour son âme, par simple respect pour l'accablement de Loras. Il devait d'ailleurs se retourner dans sa tombe, à recevoir malgré lui les prières d'un dornien qui n'avait rien de mieux à faire.

Deux familles puissantes, qui se haussaient du col, qui, par tout moyen, voulaient impressionner, le Sand imaginait difficilement un écrin plus malsain au malheur de son amant. La situation pouvait paraitre déplaisante, risible même, et pourtant, quelques godiches trouvèrent le moyen de pousser le ridicule à son summum en jugeant bon de défaillir lorque la sentence du Septon fut prononcée et la bénédiction donnée aux jeunes et malheureux mariés. Elles s'étaient effondrées dans les bras de leurs parents et cousins ou infortunés voisins dans le frémissement de leurs robes de satin, sous le regard las du brun qui n'avait pu s'empécher, lorsque la cinquième tomba, de lever ses yeux bleus au ciel. Si elles n'avaient pas compris jusque là que faire bouffer leur plumes de perruches avides était vain, au moins étaient-elles désormais averties d'une rivale officielle pour le moins impressionante. Le temps du Chevalier des Fleurs poursuivi par des hordes de jeunes filles pâmées venait peut-être de toucher à sa fin. Maigre consolation, s'il en était, pour le Capitaine. Jaloux par nature, son affliction était renforcée par le simple fait que ce fut là un mariage et qu'on lui avait appris depuis sa plus tendre enfance à respecter le sacré et, plus encore, les serments qui dépendaient de lui. Ce n'était plus seulement la vieillissante Cersei Lannister qui se tenait entre lui et l'homme qu'il aimait, c'étaient les Sept en personne, ces Dieux qu'il avait révéré sans faillir et qu'il priait encore à cet instant même!
Prenant une grande inspiration, le bâtard se mut enfin de sa garde pour se placer sur le chemin d'un nobliau un peu trop entreprenant, stoppant net son désir d'aller importuner Lord Tywin. Echangeant un regard sévère pour l'un et outragé pour l'autre, le petit Lord se plia à l'attente que lui imposait le garde rouge sans pour autant cesser de jeter par dessus la haute épaule de ce dernier des petits coups d'oeil vers le Suzerain de l'Ouest. Jaugeant l'impatient, le Sand demeura immuable. Son rôle consistait en cette tâche ingrate et répétitive d'interdire l'approche de tout énergumène qui n'aurait pas les idées sufisamment claires pour épargner au Patriarche Lannister une présence supplémentaire, alors que ce dernier était déjà bien encombré des obligations auquel le mariage de sa fille le tenait. Son regard caressait les invités qu'il avait du imaginer durant les répétitions et qui prenaient désormais vie sous ses yeux.