We're only human after all (Rhaegar)

We're only human after all @Andar Royce & Rhaegar Targaryen

Château de Winterfell, section des grands blessés, An 302 Lune 12 Semaine 2

Winterfell fumait encore des restes des flammes crachées par les dragons. Ils avaient été nombreux. Rhaegar en avait compté quatre; deux dans son camp, un dragon cracheur de glace du chef de cette infâme meute venue des confins du Nord et le dernier…Celui de son frère ayant bravé l’interdit lié à sa présence sur les terres de Westeros. SES terres. Ce seul fait avait obstrué toute douleur car le Roi avait été blessé. Certes superficiellement comparé à d’autres hommes qui eurent bien moins de chance que lui et qui ne disposaient pas de plusieurs bras vigoureux comme c’était son cas, pour l’entourer, le protéger. Ser Barristan Selmy avait failli perdre la vie en le protégeant. La dette de Rhaegar à son encontre avait encore augmenté et Rhaegar sut que jamais il ne pourrait pleinement rembourser cet homme pour tout ce qu’il avait fait pour lui à sa juste valeur. Tout ce qu’il pouvait faire dans le cas présent, c’était veiller à son rétablissement et à ce qu’on lui procure les meilleurs soins possibles. Pour cela, il avait déjà commencé par exiger qu’il soit mis dans une chambre à part du château des Stark, afin qu’il puisse pleinement se reposer. Cela étant fait, il ne se passait pas une journée sans que le Roi, une fois lavé, soigné et vêtu, n’aille s’enquérir personnellement du Hardi, suivi de Ser Meryn Trant et de Ser Lyle Crakehall; tous deux n’ayant pas été aussi grièvement blessé que leur Capitaine. Ce jour-là, Barristan était réveillé et suffisamment conscient pour échanger quelques mots avec le Roi. Comme ce dernier l’avait imaginé, depuis toutes ces années passées à ses côtés, le Selmy ne voulait pas que le Roi retarde son retour pour Port-Réal à cause de sa santé.

Votre place est à la capitale, lui avait-il dit.

Pour l’heure, ma place est auprès des blessés. Et elle demeurera ainsi tant que vous, mon ami, n’êtes pas en mesure de supporter le voyage retour. J’accorde ma confiance à ce Mestre…Luwin. C’est lui qui décidera du jour de notre départ.

Barristan, encore trop faible pour contre-argumenter, garda le silence, hocha doucement la tête puis laissa échapper un long soupir douloureux et se rendormit. Alors, Rhaegar se leva et quitta la pièce.

Allons voir les autres blessés, dit-il en quittant la chambre du Selmy.

Il passa alors de pièce en pièce et de chambre en chambre, car d’autres grands noms avaient été sérieusement blessés. Le jeune Renly Baratheon avait la nuque presque déchiquetée. Lord Corlys Manning souffrait d’une vilaine blessure à l’abdomen et Lord Tywin Lannister, qui échappa de peu à la mort sans l’intervention d’un Dornien proche d’un Ouestrien proche des Lannister. Pour chacun d’entre eux, Rhaegar eut un mot à leur intention mais il ne s’attarda guère car tous avaient cruellement besoin de repos. Il s’assit en revanche de longues minutes au chevet de Robb Stark, le regardant dormir paisiblement et retrouvant, dans ses traits ainsi endormis, ceux de l’enfant qu’il avait vu grandir, jadis, aux côtés des siens, à la cour. Puis il quitta sa chambre sans bruit et s’en alla en direction des grandes pièces où l’on avait placé plusieurs blessés. Dans celles-ci se côtoyaient autant de Seigneurs, de chevaliers que de soldats sans réel titre autre que leur fierté d’avoir combattu - et survécu - pour leur Seigneur et leur Roi et ainsi, avoir protégé le monde des vivants. Il se déplaça lentement parmi les lits des blessés, saluant d’un bref signe de tête, accompagné ça et là d’un sourire avant de voir, contre un mur, un homme qu’il connaissait bien. L’ayant vu s’approcher de lui, celui-ci puisa dans ses dernières forces pour se redresser, malgré la douleur que ce mouvement lui prodiguait.

Lord Andar, le salua-t-il en retour. Je vous en prie, restez allongé, s’empressa-t-il de rajouter en accompagnant ses mots d’un geste de la main pour l’intimer à se rallonger. Puis Rhaegar se tourna brièvement vers Ser Meryn: Trouvez-moi de quoi m’asseoir quelques instants. Le chevalier obtempéra après un bref signe de tête et partit en quête d’une chaise ou d’un tabouret. Pendant ce temps, Rhaegar se rapprocha du Royce:

Physiquement je vais bien, répondit-il. Une légère blessure au bras mais rien d’important. Je ne suis pas à plaindre…Pas comme tous ces malheureux. Certains ne remarcheront plus, mais au moins leur famille les retrouveront…en vie. Vous, en revanche, vous semblez souffrir. Vous prodiguent-ont les soins nécessaires? Ser Barristan est grièvement blessé mais j’ai ouï dire qu’un certain Mestre Luwin fait des merveilles pour son cas. Je pourrais demander à ce qu’il s’occupe de vous également.

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Château de Winterfell, section des grands blessés, An 302 Lune 12 Semaine 2

Un sourire très bref passa sur le visage du Roi tandis que le Seigneur de Roches-Aux-Runes le remerciait de sa sollicitude. L’avant-guerre, la guerre en elle-même et l’après-guerre représentaient des phases importantes dans la vie d’un homme et Rhaegar les connaissait bien pour les avoir maintes fois rencontré sur sa route. Même les femmes et les enfants la vivent, à leur manière certes, mais sur tous, hommes, femmes, enfants, elle marque les esprits. Ici, dans cette pièce sentant le bois brûlé, le renfermé et le sang séché, elle marquait les survivants dans leurs chaires et leurs esprits. Et pourtant, ils étaient vivants ! Leurs familles allaient pouvoir les retrouver et les étreindre, là où d’autres, plus malheureuses, n’auraient qu’un morceau de papier formel ainsi que les effets de leur proche tombé au combat comme seule consolation. Ce qu’elles ignoraient encore, c’est l’état mental dans lequel elles allaient retrouver leur époux, père, fils, frère, neveu ou cousin. Pendant que le Royce se rallongeait, Rhaegar regarda autour de lui. Ceux qui le pouvaient s’étaient redressés, aidés par leurs bras ou par la simple force de leur volonté de voir leur Roi. Ils le regardaient d’un air empli de curiosité et d’honneur mais certains, les plus proches de lui du moins, faisaient tout pour essayer d’entendre ce qu’il se disait entre le Roi et ce blessé que beaucoup ne connaissait pas mais estimait qu’il devait avoir quelque importance pour avoir ainsi l’attention du Roi-Dragon. Si Andar Royce avait été en meilleur santé physique, il aurait probablement demandé à ce qu’ils trouvent un endroit plus calme et plus discret pour discuter. Mais le simple fait de s’être redressé pour le saluer avait déclenché de vives douleurs dans tout son corps. Il devrait donc se contenter de discuter ici, parmi les hommes du commun.

Meryn Trant revint alors avec une chaise en bois :

Majesté, dit-il en la posant au sol près du chevet du blessé. Rhaegar s’assit et fit un geste de la main pour lui signifier de lui laisser un peu d’espace. Meryn recula de deux pas et se détourna du Roi et du Royce, se contentant d’observer la salle d’un air de défi envers tous ceux qui voudraient observer la scène avec un peu trop d’insistance à son goût.

Et je ne l’oublierai pas Lord Andar, répondit-il. Votre honneur et celui de tous ces hommes qui en sont également dotés, soient-ils morts ou vivants, devra et sera salué. Puis il sourit faiblement : Fort bien ; Mestre Luwin en sera informé. Mais le sourire du Roi, aussi faible fut-il, s’effaça en entendant la question du Royce. Celui-ci demandait des nouvelles du Prince Aegon et il est vrai que, durant la bataille, ce fut la confusion la plus totale, sans parler du choc émotionnel que cela fut, pour lui, en tant que père, lorsqu’il entendit la rumeur colportée par les soldats disant que le Prince Aegon serait tombé…mort. Les prunelles améthystes du Dragon s’écarquillèrent et se mirent à briller. Autour d’eux, un silence de plomb s’était abattu, comme si les blessés désiraient eux aussi savoir et se retenaient de tousser ou de gémir pour entendre les nouvelles de la bouche du père du Prince. C’est à mon tour d’être touché par votre sollicitude, commença-t-il, un faible tremblement dans la voix. Le Prince est en vie…C’est du moins ce que l’on m’a assuré. Je suis allé le voir mais je n’ai pu lui parler…Il dormait si…paisiblement, souffla-t-il dans un murmure. Nous vivons une époque bien troublée Lord Andar, reprit-il avec un peu plus d’aplomb. Des Marcheurs Blancs, des Dragons, de la magie qui dépasse l’entendement. Rendez-vous compte. Mon fils était mort mais il a été ressuscité ! Pensez-vous que je pourrais le regarder à nouveau comme avant ? Car alors que je le regardais dormir, mes yeux me renvoyaient l’image d’un homme si différent…Rhaegar secoua la tête d’un air abattu : Je fais un bien piètre père en vous avouant cela. Je suis sûr que s’il s’était agi de votre enfant, vous n’aurez jamais tenu pareils propos, me fourvoierais-je Lord Royce ?

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Château de Winterfell, section des grands blessés, An 302 Lune 12 Semaine 2

Le Roi eut un sourire fugace et se tourna à demi vers Ser Meryn Trant, toujours à son poste, deux pas derrière lui. Celui-ci s’avança vers lui et se pencha pour que son oreille soit à portée de voix du Roi-Dragon qui déclara : « Faîtes savoir à Mestre Luwin que le Roi exige de lui qu’il s’occupe personnellement de Lord Andar, de la Maison Royce ». Le Garde Royal hocha sèchement la tête et se mit en quête du Mestre de Winterfell. Il n’eut d’ailleurs pas longtemps à le chercher car il se trouvait à l’autre bout de la salle, à s’occuper d’un autre blessé. Mais Rhaegar ne vit rien de tout cela. A la place, il ne put que constater la surprise, le choc, visible sur le visage du Seigneur de Roches-Aux-Runes lorsqu’il lui avait appris qu’Aegon était vivant. Encore assez inconscient certes, mais vivant. Comment et par quel miracle, il n’aurait su le dire mais il se disait que sa foi en ce R’hllor, ce Dieu étrange qu’il s’était mis à prier depuis le fameux épisode du bûcher lors de la Peste Rouge, y était pour beaucoup. Andar Royce resta silencieux, accusant le choc de cette nouvelle inattendue ; positive certes, mais inattendue. Il finit par se ressaisir et par secouer la tête, partageant les pensées du Roi au sujet de cette époque étrange dans laquelle il vivant. Cette fois, ce fut à Rhaegar de rester silencieux, lui laissant du temps pour comprendre l’étendue de cette nouvelle. Aegon était mort, il avait entendu les hommes colporter la rumeur sur le champ de bataille. Puis il avait entendu les longs râles de son dragon, Jaelyx, qui gémissait de tristesse en sachant son maître mort. Puis il y avait eu la douleur, si vives qu’elle lui avait vrillé le coeur car aucun parent ne devait avoir à survivre à ses enfants. Cela est contraire aux lois de la nature et des Dieux. Puis la guerre avait été remportée par le peuple des vivants et Rhaegar n’avait qu’une seule chose en tête : trouver le corps d’Aegon. Et c’est là qu’on lui avait appris l’impensable. Aegon était en vie ! D’abord, Rhaegar avait cru que les rumeurs étaient fausses, que, dans l’action de la bataille, ceux qui l’avaient vu tomber avaient pensé qu’il était mort alors qu’en fait, il respirait toujours. Mais le dragon ne se fourvoie jamais, lui… songea Rhaegar et cette pensée avait fini par être validée. Oui, Aegon était bien mort et oui, il avait été ramené à la vie par un prêtre rouge du nom de Thoros de Myr. Un long et douloureux soupir de soulagement s’échappa alors de sa poitrine et il tomba à genoux aux côtés du lit où se reposait son fils. « C’est…extraordinaire Votre Majesté », souffla Andar Royce, ramenant le Roi au temps présent et non plus dans le passé, dans ce moment qui sembla durer des heures et pendant lequel il eut la conviction d’avoir perdu son fils. « En effet… » répondit-il, toujours sur ce ton songeur, levant le regard et se perdant dans la contemplation des pierres sombres des murs de Winterfell.

Mais l’évocation du décès d’un des fils du Seigneur Valois ramena le regard améthyste du Dragon sur lui. « Oh…Je l’ignorais… » lui répondit-il, attristé. « Quand était-ce ? ». A peine eut-il posé cette question qu’il ferma les yeux avant de les rouvrir : « Pardonnez-moi. Vous n’avez sûrement aucune envie d’en parler. Il est une chose de parler d’un enfant ramené à la vie par je ne sais quel miracle. Il en est une autre de parler d’un enfant resté hélas auprès des Sept. » Sur ces entrefaites, Ser Meryn Trant fit irruption à ses côtés et se pencha à nouveau pour murmurer à son oreille que Mestre Luwin viendra au chevet du blessé sous peu. « Fort bien » répondit Rhaegar. Il laissa au Seigneur de Roches-Aux-Runes le temps d’exprimer une dernière fois son soulagement quant à cet heureux et inespéré dénouement : « Soyez remercié, Lord Andar. Je crains toutefois que nous ayons bientôt à faire à d’autres armées, bien plus humaines que celles que nous venons tout juste de combattre. Vous savez qui était également présent… » Sa mâchoire se contracta de colère à plusieurs reprises à ce souvenir. Son ton avait changé et s’était fait plus dur avant de se radoucir quelque peu : « Mais j’ai foi en votre loyauté à mon égard Lord Andar. Je sais que vous ne me décevrez pas. »