La mort nous prend tout

Twenty Years Old

Vingt ans était un âge important pour Melantha. Elle ne saurait dire pourquoi mais le fait que ça soit un chiffre rond pouvait sous-entendre une sorte de cap d’âge à passer. Si pour elle, ses vingt ans n’avaient guère été exceptionnels, elle voulait qu’ils le soient pour sa petite perle. En effet, Melantha était déjà mariée à l’époque et avait deux enfants, Mariya et Richard. Elle était même enceinte de sa deuxième fille, Celia. Sa vie de femme avait déjà débuté depuis près de trois ans, si jeune. Vingt ans représentaient symboliquement une barrière entre la jeunesse et l’âge adulte. Bien sûr, pour les femmes, cette barrière semblait bien haute dans la mesure où parfois, elles étaient fiancées à quatorze/quinze ans et mariées à dix-sept/dix-huit. La plupart de ses enfants avaient été mariés aux alentours de vingt ans. Quant à ses petits-enfants, ils suivaient plus ou moins le même chemin. Seuls Kirth, Damon et Liliyana étaient à part. Le premier, comme elle y avait songé précédemment, était réservé à un parti plus qu’intéressant pour Melantha. Elle se laissait le temps de la réflexion en accord avec son fils, qui de toute façon, était souvent d’accord avec sa mère. Damon et Liliyana, c’était encore différent. Si marier Damon ne posait pas de souci, laisser partir Lily en était un. Sa perle rare. Son joyau. Son enfant. Sa protégée. Autant de qualificatif pour une si jeune demoiselle. Melantha ne pouvait se résigner à la marier bien que son cœur de fer lui dît le contraire. Elle avait des plans comme pour chacun des membres de sa famille mais ne voulait pas les mettre à exécution pour sa belle Lily. Elle allait fêter ses vingt ans dans trois lunes. Vingt ans. Melantha n’aurait jamais laissé un ou une enfant de vingt sans mariage à une époque. Il fallait croire que cette époque était révolue maintenant que ses enfants avaient leurs mots à dire bien que pour la plupart, ils savaient que Melantha était une matriarche impitoyable en matière d’alliances matrimoniales.

- Lily est sans nul doute la plus jolie de tout le royaume. J’ose espérer que ceux qui viendront à son bras seront digne d’elle.

Damon riait de bon cœur tandis qu’il continuait à danser avec sa sœur. C’était si merveilleux de les voir heureux. Melantha avait fait ainsi du bon travail. Elle les avait élevés comme ses propres enfants et les voilà aujourd’hui, si proches en âge et si proche dans la vie. Cela faisait plaisir à voir. Elle espérait que cela dure encore des années et qu’elle-même, elle pourrait les voir mûrir, devenir parents à leur tour. Elle se replongeait alors dans ses souvenirs de quand elle avait vingt ans. C’était il y a déjà si longtemps, un demi-siècle s’était écoulé depuis et bien des choses avaient changé. L’an 252 semblait si lointain. Il n’y avait pas encore eu la rébellion de Robert Baratheon, Rhaegar n’était même pas encore né, Aegon V était le roi des Sept Couronnes et il avait fait plutôt bonne impression sur Melantha qui en gardait encore aujourd’hui, un merveilleux souvenir. Elle entretenait une large correspondance avec lady Tully auprès de laquelle elle avait été dame de compagnie avant son mariage. Elles se racontaient bien des choses, étaient devenues de vraies confidentes l’une pour l’autre. C’est avec plaisir qu’elle était souvent invitée à Vivesaigues auprès des Tully. Elle se souvient par la même occasion du jeune Hoster Tully, son futur Suzerain. Il ne payait pas de mine à l’époque. Cela la rendait nostalgique de penser à tout cela. Enceinte de Célia, elle se souvint de Mariya qui avait tout juste deux ans et Richard qui en avait à peine six lunes. Cette époque semblait si lointaine. Aujourd’hui, elle avait soixante-dix ans. Mariya était morte depuis bien longtemps, Richard était prêt à reprendre le flambeau de son père. Lady Tully était morte comme sa famille bien des années après elle. Tout avait changé, plus rien n’était pareil et elle regardait Damon et Lily être si proches l’un de l’autre. C’était un moment précieux qu’elle n’oublierait sans doute jamais. Plongées dans ses souvenirs, elle demeura silencieuse bercée par le bruit de deux enfants qui rigolaient et étaient heureux, tout simplement heureux.