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Uncertain and Dark...So is our future

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Uncertain and Dark...So is our future
Debout devant la porte ouverte de la chambre de Rhialta, je l'observais faire ses adieux à sa chambre et à sa vie d'enfant et de jeune fille, les mains posées sur mon ventre arrondie. Elle était une femme désormais, ayant abandonnée sa virginité et son nom de naissance, offrant le premier et prenant le second à son époux, Ser Horas Redwyne, appelé à devenir le futur Seigneur de La Treille. Au milieu de la pièce, ma soeur avait l'air de ne pas vraiment réaliser qu'elle partait rejoindre le fief dont un jour, elle serait la Dame, un fief et une famille qui étaient désormais siens.

Allons Rhialta, dis-je pour la secouer, il est temps. Viens.

Elle tourna un visage abattu et des yeux remplis de larmes vers moi:

Je ne vais pas y arriver Liane, me répondit-elle, la gorge serrée.

Bien sûr que si, rétorquais-je en m'avançant vers elle et en lui prenant les mains. Tu es une femme mariée désormais, plus une enfant. Rends-toi un peu compte de la chance que tu as et qu'Emphyria n'aura jamais. Tu as épousé une importante maison du Bief, l'héritier de cette maison. As-tu une idée de la dot que père a versé pour permettre à cette union de voir le jour?

Non mais...

Alors cesses de geindre. Père voudrait que sa fille se montre forte et honore l'une des dernières décisions qu'il eut pris de son vivant.

Elle me contemplant pensivement pendant quelques secondes avant de hocher la tête d'un air résigné:

Oui...Tu as raison.

Evidemment, répondis-je en posant ma main droite sur sa joue gauche. Je l'attirais finalement vers moi pour l'étreindre une dernière fois, espérant ainsi lui donner un peu de mon courage et faire s'évaporer ces larmes qui menaçaient de couler sur ses joues roses. Elle répondit à mon étreinte en s'agrippant au tissu de ma robe dans mon dos et je l'entendis murmurer:

Vous viendrez me rendre visite n'est-ce pas?

Dès que l'Hiver s'achèvera ou sera plus clément, mentis-je, ne sachant moi-même pas de quoi demain sera fait. Et si je ne le peux de suite, je permettrais à Emphyria de venir te voir.

Cela parut la rassurer car lorsque je brisais l'étreinte, elle semblait avoir retrouvée suffisamment de contenance pour affronter le long voyage qui l'attendait, le premier qu'elle faisait, quittant pour la première fois nos terres et Bel Accueil pour voir, sur son trajet, des cités comme Port-Réal - permettant à Lord Paxter de faire un morceau du trajet avec le reste de sa famille et de retourner siéger au Conseil Restreint - Hautjardin ou encore Villevieille avant d'arriver à La Treille. Je la raccompagnais donc jusqu'à la cour du château, où l'attendait son époux, sa nouvelle famille, mais aussi la nôtre, venue lui faire ses adieux et lui souhaiter un agréable voyage vers l'île de La Treille. Je laissais ma soeur embrasser les nôtres et me dirigeais vers les Redwyne, leur souhaitant à mon tour un bon voyage et espérant qu'ils aient apprécier leur temps à Bel Accueil malgré la rigueur du climat. Et puis je me tournais vers ma soeur de coeur, Desmera, qui elle aussi, avec sa propre petite délégation, s'en retournait vers Accalmie, dans les Terres de l'Orage. Nous nous prîmes les mains et nous contemplâmes un instant:

Ecrivez-moi lorsque vous serez arrivée ma chère, lui ordonnais-je gentiment. Ce fut pour moi un réel plaisir et bonheur que de vous avoir sous mon toit pour pareille occasion.

Je n'y manquerais pas, m'assura-t-elle avant de me prendre soudain dans ses bras, là, en plein milieu de la cour devant tant de spectateurs. Prends soin de toi, me murmura-t-elle. Je te trouve changée ma soeur.

Je percevais son inquiétude à travers ses mots. Autrefois je me serais épancher en mots rassurants mais mon coeur n'y parvenait plus désormais. Alors je me bornais à répondre:

Je vais bien. La grossesse me fatigue plus que la précédente et avec un domaine à gérer, je peine à trouver le repos. Mais n'ai pas d'inquiétude; je vais bien, répétais-je.

Elle s'écarta de moi et m'observa un moment, tentant de démêler le vrai du faux dans mes paroles. Et puis finalement, elle eut un petit sourire et me répondit:

Naturellement...Mais écris-moi, n'importe quand. Je parviendrais à me débarrasser de Renly pour accourir à tes côtés s'il le faut.

Je ne pus cette fois retenir un sourire amusé: Voilà qui te ressemble bien! Je le ferais, c'est promis, mentis-je...encore.

Je ne faisais que cela ces derniers temps, mentir à mon entourage. Je leur mentais sur mon état, sur les raisons qui me faisaient demander toujours un peu plus de viande grillée, prétextant des envies liées à ma grossesse, ou encore sur mes retraits précoces le soir venu ou parfois au beau milieu de la journée, m'en retournant à ma chambre pour voir si Kaerion ne manquait de rien. Ce n'était jamais le cas mais plus le temps passait, plus je constatais qu'il grandissait. Viendra le jour où je ne pourrais plus le garder dans l'atmosphère protectrice de ma chambre. J'avais encore quelques temps de répit avant de voir ce jour venir mais durant le séjour de Desmera, des Redwyne et des Bracken à Bel Accueil, je n'avais cessé de me montrer anxieuse au sujet de Kaerion, craignant que mes invités ne s'interrogent sur mes absences ou n'entendent quelques bruits en provenance de mes appartements. Car la discrétion et le silence, je l'ai remarqué, ne sont pas vraiment le fort d'un dragon, même petit. Fort heureusement, il me sembla que rien de tout ceci n'avait trop attiré l'attention de nos invités, et j'en fus soulagée tandis que je levais doucement la main droite, en signe de salut, vers la délégation Redwyne qui passait les portes de la cour du château de Bel Accueil, suivi de celle de Desmera. Après plusieurs minutes de vacarmes produits par les sabots ferrés des chevaux sur le sol rocailleux de notre cour, le calme revint et nous nous retrouvions désormais entre nous, entre Vance...et Mallister.

Lentement, tous s'en retournaient vers la chaleur de l'intérieur du château et c'est alors que j'élevais la voix vers eux:

Attendez!

Nous n'étions désormais plus qu'entre nous, exceptés nos gens à notre service. Ma petite-cousine Marianne était au courant et Diana, du haut de ses un an et de sa petite voix qui parlait de plus en plus haut et fort chaque jour, l'était également. Il était temps que le reste de ma famille sache. Je ne pourrais plus garder la présence de Kaerion secrète plus longtemps; autant commencer par les membres de ma famille, qui en cet instant, avaient tourné un regard interloqué vers moi.

J'ai à vous parler. Attendez-moi dans le grand salon; je vous y retrouve dans une minute, leur dis-je en retroussant les pans de ma robe pour gravir les marches menant dans le hall d'entrée et en passant devant mon cousin Dafyn et son épouse Frey, qui étaient les plus proches de l'entrée. Une fois dans le hall, je me débarraissais de mes gants, cape et manteau, jetant négligemment le tout dans les bras d'une servante et gravis les marches menant à l'étage. En passant devant la porte de la chambre de Diana, j'entrais et pris ma fille dans mes bras alors qu'elle jouait sur un lourd tapis, au pied d'une vieille servante qui la surveillait.

Viens avec maman ma chérie, lui dis-je en la hissant dans mes bras. Diana m'accueillit avec sa petite voix si attendrissante et je l'entraînais vers mes appartements. En ouvrant la porte, mon regard tomba instantanément sur Kaerion, étendu sur le parquet près du feu de cheminée. Il leva la tête vers nous et se redressa, sans toutefois venir vers moi. Ce fut moi qui alla à lui et, tenant ma fille avec mon bras gauche, je tendis la main droite vers lui. Comprenant ce geste que j'avais déjà répété avec lui par le passé, il s'élança vers mon épaule en deux-trois battements d'ailes qui firent rire Diana, répétant "Karo ! Karo !" en le montrant du doigt, ne parvenant pas encore à prononcer correctement le nom de son "frère":

Oui c'est Kaerion, dis-je à ma fille en souriant, levant ma main droite vers le dragon, juché sur mon épaule. Je sentais ses griffes enserrant le tissu de ma robe et, en-dessous, ma chair. Mais ce n'était pas désagréable et je félicitais Kaerion pour son nouveau progrès en lui caressant doucement le dos du bout de mes doigts tandis qu'il émettait un petit grognement satisfait.

Que dirais-tu d'aller présenter Kaerion à papa? A ta famille?

Pour toute réponse, Diana agita les jambes dans le vide en marmonnant quelque chose d'incompréhensible. "Cela doit vouloir dire oui..." pensais-je. Et, prenant une bouffée d'inspiration et de courage, ne sachant pas comment ils allaient tous réagir, je sortais Kaerion pour la première fois de ma chambre...

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Je me sentais comme dans un rêve, comme lorsqu’on se voit marcher ou courir mais que le moindre de nos mouvements était bien plus lent que la normale. Diana bien calée contre moi grâce à mon bras gauche, je longeais le couloir qui menait à mes appartements et, lentement, descendis les marches, me rendant au salon où m’attendait le reste des miens. Mais ce n’était ni ma tenue, noire comme tous les jours depuis que j’avais mis fin aux jours de mon père, ni ma fille qui attiraient les regards curieux et abasourdis sur mon passage. Agrippé sur mon épaule droite, ses griffes déchirant le tissu de ma robe et égratignant ma peau en-dessous, Kaerion observait ce nouveau monde qu’il découvrait pour la première fois, au même titre que les servantes et autres gardes que je croisais sur mon passage. Tous arrêtaient leur besogne pour nous contempler, ahuris et en même temps subjugués par la présence de Kaerion, une créature tout droit venue des légendes qu’ils avaient entendues enfant et contaient désormais probablement à leurs propres enfants. Je faisais mine de les ignorer, marchant droit devant moi, la tête haute. Mais Kaerion, lui, se faisait voir, et entendre. Il ouvrait grand ses ailes dorées et les battaient par intermittence, ce qui me faisait sentir un rapide coup de vent derrière ma tête, faisant voleter quelques mèches de mes cheveux et rire Diana. Par deux fois, il émit un cri assez strident qui me fit mal aux oreilles tant il s’en trouvait proche et, alors que j’arrivais au bas des marches, je vis ma petite-cousine Marianne sortir du salon :

Ils pensent que ça vient de l’extérieur, m’informa-t-elle. Es-tu sûre que…

J’en suis persuadée, rétorquais-je, et je ne peux plus le garder secret plus longtemps. Autant que cela se sache…Allons, écarte-toi, fis-je avant de me retourner vers les curieux : Et vous autres, au travail. Je vous ferais mander quand votre tour sera venu…

Il allait falloir que j’impose de nouvelles règles à ceux évoluant à mon service et à notre garnison. Mais pour le moment, c’était à ce qu’il restait de ma famille de leur présenter ce nouveau membre si particulier. Et tandis que j’entrais dans leur salon, mon époux, ma sœur, mon cousin, son épouse et leurs deux autres fils, nous contemplèrent, totalement médusés. Derrière moi, j’entendis Marianne fermer la porte du salon ; désormais nous étions seuls. Diana semblait sentir la tension dans la pièce et je la sentis se blottir contre moi et, pour une fois, rester elle aussi silencieuse. Mais Kaerion, perché sur mon épaule, semblait ne pas aimer la stupéfaction mêlée de peur présente dans la pièce. Et lorsque Emphyria fit un pas pour s’approcher un peu de moi, je perçus un léger grognement de la part de Kaerion, ce qui arrêta net l’élan curieux de ma sœur et la fit même reculer à sa place initiale. Mes yeux tombèrent sur Desmond qui m’observait, l’air totalement perdu, sa main gauche sur sa bouche. Lorsque nos regards se croisèrent, je le vis très légèrement secouer la tête. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Comment devais-je le prendre ? L’interprêter ? Je n’en avais aucune idée mais je me râclais la gorge et déclarais :

Voici la raison de mes absences et de mes nombreuses retraites dans mes appartements, commençais-je. L’envie de viande, que je faisais passer pour une simple lubie de femme enceinte, ne me concernait pas moi directement.

Est-ce que…cela fait…depuis combien de temps…

Dafyn peinait à former une phrase complète mais je devinais où il voulait en venir et répondit :

Depuis le décès de père. Après la cérémonie, je suis remontée dans mes appartements et l’y ai trouvé, étendu là où… Ma voix se serra dans ma gorge et je dus prendre une profonde inspiration pour finir ma phrase : là où père avait rendu son dernier souffle.

Je les observais, tentant de déceler sur leur visage quelque chose d’autre que le choc de la vue de Kaerion, mais rien de plus pour l’instant.

Je l’ai nommé Kaerion, en l’honneur de père. Il est encore jeune et a besoin qu’on le protège mais je vous assure, qu’un jour, il saura nous rendre la pareille, et bien plus encore.

Je sentis chez les plus jeunes, Emphyria, mais aussi Patrek et Walder, et bien sûr Marianne, bien qu’elle fut la première mise au courant, que la peur laissait la place à quelque chose d’autre ; de l’émerveillement. Même leur mère parut baisser sa garde. En revanche, Dafyn et surtout Desmond, semblaient eux toujours perplexes quant à la présence d’un dragon sous leur toit.

Qu’exiges-tu de nous ? De moi ?, demanda Dafyn.

Que vous teniez votre langue, répondis-je abruptement. Que vous n’ébruitiez pas la présence de Kaerion en-dehors de ces murs. D’ailleurs, à compter d’aujourd’hui, je compte mettre en place une règle stricte concernant l’entrée et la sortie de mon territoire et de mon château. Personne n’entrera ni ne sortira sans mon accord.

Donc tu nous séquestres ?

La question fusa et elle venait de mon époux. Il s’approcha de moi, déclenchant un nouveau grognement de la part de Kaerion.

Vois-le ainsi si tu le souhaites. Pour ma part, je considère cela plus comme une mesure de protection. Si cela devait se savoir par-delà les murs de Bel Accueil et nos frontières…Je n’ose trop y penser mais je doute que ce soit bon pour nous, rétorquais-je en soutenant son regard. Je sais que je ne pourrais pas toujours le garder secret entre nos murs. Un jour, il sera devenu trop grand pour rester confiner à l’intérieur et à ce moment-là, oui très cher, nous aurons tout le loisir de nous inquiéter qui le verra à la personne à qui il aura rapporté la nouvelle. Mais tant que je suis enceinte, je refuse qu’il soit éloigné de moi. Il restera à mes côtés ; cela ralentira sa croissance et nous donnera un peu de répit pour mieux envisager la suite.

La suite ?! reprit-il sur un ton moqueur qui ne me plut pas un instant. Je vais te dire ce qu’il en sera…de la suite…Nous serons devenus une cible de convoitise. Tu attires le danger toi-même sur tes propres terres, TU METS EN DANGER NOTRE PROPRE FILLE !!

Je ne l’avais encore jamais entendu hurler de la sorte et je le contemplais, médusée par la façon avec laquelle il avait osé s’adresser à moi, en présence du reste de mon sang. Un silence de plomb s’abattit entre nous après que Kaerion ait lancé deux ou trois cris stridents en réponse aux éclats de voix de Desmond.

Sortez…murmurais-je finalement à l’attention de mon cousin, de ses enfants, de son épouse et de ma sœur.

Cousine, je…avança Dafyn.

DEHORS !!! lui hurlais-je à mon tour, concédant toutefois ma fille à Marianne, la seule que Kaerion laissait s’approcher sans feuler, comme il la connaissait déjà. Sans les regarder, mes yeux ne pouvant quitter ceux de mon époux, je les entendis faire craquer le plancher de bois sous leurs pieds et refermer la porte sur leur passage. Cette fois, je me retrouvais seule, Kaerion sur mes épaules, face à l’homme que j’avais épousé. Mes lèvres se mirent à trembler et mes yeux à se remplir de larmes ; pas des larmes de tristesse, mais de colère. J’étais hors de moi, et Kaerion le ressentait…

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AN 302, LUNE 9, SEMAINE 1 - BEL ACCUEIL Solo
       

       
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Un silence de mort s’abattu entre nous, quoique sur mon épaule, j’entendais les légers feulements de Kaerion. Ses griffes se crispaient et s’enfonçaient plus profondément dans le tissu de ma robe, le perçant et égratignant la chair en-dessous. Mais j’étais bien trop en colère envers mon époux pour m’offusquer de ces déchirures. Mes poings s’étaient serrés, mes ongles se plantant dans la peau de la paume de mes mains.

Comment as-tu pu oser me parler sur ce ton…Comment… finis-je par articuler à voix basse.

Desmond se détourna, soupira et passa la main droite sur son visage avant de me répondre :

Tu m’y obliges Liane. Je ne te reconnais plus…Plus depuis le décès de ton père. J’ai été pourtant compréhensif ; je t’ai laissé du temps et je voulais t’aider pour surmonter ta douleur, mais tu me repoussais…sans arrêt.

Je ne répondis rien, le laissant me dire tout ce qu’il avait à me reprocher ou ce qu’il ne pouvait pas comprendre.

Mais ça…reprit-il en pointant un doigt menaçant vers Kaerion, un geste qui ne me plu ni à moi, ni au tout jeune dragon. Ça je ne peux pas l’accepter. Je regrette..ça dépasse ce que je peux supporter et il est hors de question que je laisse notre fille côtoyer cette bête. Tu es inconsciente si tu imagines vraiment que ta créature n’attaquera jamais Diana, ou quiconque d’autre ici d’ailleurs.

Lentement, mes poings se desserrèrent et mes mains vinrent se joindre sur mon ventre arrondi par ma seconde grossesse. D’un air hautain, je relevais la tête et rétorquais :

Alors nous voilà face à un problème…Il semblerait qu’il y ait ici une personne en trop car je ne me séparerais jamais de Kaerion.

Et moi je refuse de partir. Que vas-tu faire ? Me mettre aux arrêts ?

A cet instant, je sentis une vague d’air en provenance de mon épaule droite et les griffes de Kaerion libérer ma chair. Le dragon se mit à battre des ailes tout en se rapprochant de Desmond tandis que je restais immobile, trop heureuse de le voir voler. Mais les cris que lançaient Kaerion à l’attention de Desmond étaient tout sauf inoffensifs. Desmond lui-même se mit à reculer et à lever son bras gauche valide pour se protéger d’une éventuelle attaque.

C’est une idée ça ! rétorquais-je, ma voix devenant de plus en plus forte. Une autre fois peut-être. Kaerion ! Viens, lançais-je sur un ton autoritaire au dragon en valyrien, reprenant ensuite à l’attention de Desmond : Oui j’ai appris quelques mots de valyrien durant mes longues retraites dans mes appartements.

Douceur et amour allaient de pair avec fermeté et autorité lorsque la situation l’exigeait. Cela était vrai pour un enfant et cela se vérifiait sur Kaerion qui, même si je dus lui répéter de venir une seconde fois, tendant le bras droit vers lui, détourna finalement sa trajectoire non sans un dernier cri énervé vers mon époux avant de se poser sur mon avant-bras, près de mon coude. Je ramenais mon bras vers mon ventre et caressais son dos de ma main gauche, geste pour lui signifier qu’il avait bien agit en se montrant obéissant et Kaerion accueillit cette caresse par un doux grognement de satisfaction. Je relevais la tête pour contempler mon époux et m’avançais vers lui, tirant d’une des poches de ma robe un rouleau de parchemin portant le sceau des Nerbosc.

Puisqu’il semble que tu ne supportes plus la cohabitation sous mon toit…

Il déroula le parchemin et le lut rapidement, sourcils froncés, avant de le replier et de relever la tête vers moi :

Si Lord Brynden en appelait un jour à lever son ban…Tu sais que je ne peux plus combattre comme avant depuis Salvemer.

Il te reste ton autre bras non ? Ne t’es-tu pas entraîné avec notre maître d’arme ?

Ce n’est pas pareil Liane ; je suis devenu plus vulnérable qu’avant.

Mon père t’avait fait l’honneur de son vivant de te nommer son commandant de nos légions d’infanterie. Si tu ne t’en sens pas capable, je confierais cette tâche à mon cousin et tu sais comme moi qu’il n’attend que cela. Mais il ne s’agit pas encore de lever notre armée, seulement…si la situation devait évoluer dans ce sens…Je dois savoir si je peux compter sur toi malgré nos différends et ton…handicap…Ou si je dois me tourner vers mon cousin. Que décides-tu ? demandais-je.

Dafyn enviait énormément Desmond pour cela, même s’il restait toujours poli à son égard. Desmond était un homme d’honneur ; je savais qu’en son for intérieur, un cruel dilemme se jouait. Ou il choisissait de rester pour moi et pour notre fille, mettant de côté sa désapprobation envers Kaerion, son titre et son autorité de commandant allant à mon cousin Dafyn ; ou il maintenait son titre et sa position, pouvant risquer sa vie, selon la tournure que pouvait prendre cet appel de la part de Brynden. Quoi qu’il en soit, le choix était sien.

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AN 302, LUNE 11, SEMAINE 1 - BEL ACCUEIL Solo
       

       
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A peine avais-je posé le pied hors du carrosse que j'avais commencé à ressentir de vives douleurs dans le ventre. J'ai pu faire quelques pas vers les marches menant à l'intérieur du château, allant à la rencontre de Desmond qui me rejoignant la mine mi-renfrognée, mi-ravie de me revoir entière entre les remparts de Bel Accueil. Mais je ne pus que difficilement monter les marches, me courbant en deux sous la douleur que me procurait ma grossesse, les mains sur mon ventre, comme pour le soutenir. J'entendis mon époux hurler le nom de notre mestre et me saisir par les épaules:

Liane qu'est-ce que tu as?? me pressa-t-il.

Je n'en sais rien...Je n'avais rien tout du long. Je me suis peut-être levée trop vite en sortant du carrosse, m'efforçais-je de lui expliquer, les dents serrées par la douleur.

Desmond ne dit rien, mais je l'entendis soupirer d'énervement. Mon état ne lui donnait qu'une raison supplémentaire de m'en vouloir d'être partie dans mon état et pour aller chez les Bracken qui plus est. Il me passa mon bras gauche par-dessus sa tête tandis qu'il se baissait pour me prendre par la taille et me soulever de terre. J'en eus le souffle coupé et grimaçais de douleur mais je ne pouvais plus faire un pas sans avoir affreusement mal et craindre pour la vie de mon enfant.

Non attends! Kaerion! Kaerion! appelais-je mon dragon qui avait voyagé avec moi dans le carrosse. Depuis que j'en étais sortie, il voletait au-dessus de ma tête, à environ deux-trois mètres de distance. Mais dès que je fus prise de douleurs, il s'était mis à lancer de furieux cris stridents, comme si lui aussi souffrait, en quelque sorte. A mon appel, il se rapprocha du sol et volait derrière Desmond, nous suivant jusque dans ma chambre où mon époux me déposa sur mon lit et m'aida à retirer mon manteau et ma robe. C'est alors que nous constatâmes tous deux que je saignais. Prise de panique, le souffle court, je me cramponnais à son bras valide tandis que notre mestre accourait, suivi de Marianne et de sa mère:

M-Mestre Balder...Je vous en prie, murmurais-je en larmes.

Allongez-vous ma Dame, m'enjoigna-t-il.

Je ne me le fis pas dire deux fois et, aidée de Marianne et de sa mère, elles m'aidèrent à prendre une position confortable sur mon lit, alors que le Mestre conseillait à mon époux d'attendre dehors. Je l'observais, en détresse, sortir de ma chambre et, détournant la tête, je posais ma main droite sur le dos de Kaerion, qui s'agitait à mes côtés. Une heure plus tard, Mestre Balder avait réussi à faire partir la douleur mais le verdict était sans appel. Je devais absolument me reposer si je ne voulais pas perdre mon enfant. Et cela signifiait garder le lit, à tout prix, bouger le moins possible. Résignée et obligée d'agir ainsi si je ne voulais pas mettre en danger la vie de mon second enfant et potentiellement ma propre vie, je devais donc obéir et conserver le lit jusqu'à l'accouchement, prévu dans deux longues Lunes.

Merci Mestre, le remerciais-je d'une petite voix éteinte.

Il s'inclina et quitta ma chambre, suivi par Lady Maegelle. Marianne se proposa de m'apporter de l'eau fraîche et quelque chose de léger à manger, proposition que j'acceptais avant de m'empresser de rajouter:

Trouves aussi de quoi manger pour Kaerion.

Elle acquiesça en hochant doucement la tête et sortit. Je pensais être seule à son départ mais Desmond entra et referma la porte derrière lui. Il me contempla de son air sévère, quoique la sévérité avait désormais cédé la place à l'inquiétude:

Mestre Balder m'a informé de ton état, commença-t-il, droit et raide devant la porte, les mains jointes dans le dos.

Je gardais le silence et rapprochais Kaerion de moi. Le dragon vint se blottir contre mon flanc droit, la tête tout contre mon ventre. Desmond contempla un instant le dragon et mon bras droit protecteur qui l'entourait:

Puis-je? demanda-t-il.

Je hochais la tête et le laissa me rejoindre et prendre place sur le bord du lit, sur ma gauche. Kaerion releva la tête devant cette nouvelle présence. Un léger feulement sortit de son gosier mais je le rassurais en le grattant entre les ailes et il se calme, reprenant sa position initiale.

Etrange créature, commenta mon époux en le regardant.

Etrange certes, ne pouvais-je qu'approuver. Il m'arrive encore de ne pas réaliser qu'il est bel et bien là.

Il eut un faible sourire et reporta son regard sur moi, regard que je soutins:

Tu n'aurais pas dû aller là-bas. J'ai désapprouvé avant ton départ et je le désapprouve plus encore maintenant, vu l'état dans lequel cela t'a mit.

Ne sois pas ridicule, Lord Jonos n'y est strictement pour rien, rétorquais-je légèrement exaspérée.

Non mais ce voyage en est la cause. Dans ton état, en plein hiver...Ce n'était pas raisonnable, j'aurais dû insister plus encore pour que tu restes...Quitte à le revoir à nouveau arpenter les couloirs de ce château...Je me serais fait une raison.

Son ton était dur mais je savais bien que sous cette dureté se cachait beaucoup d'inquiétude et d'amour envers moi. Et cela ne m'était que plus difficile encore de devoir lui faire tant de peine. Il me prit la main gauche et la porta à ses lèvres:

Reposes-toi, je me charge de Bel Accueil.

Puis il reposa ma main sur les draps, me contempla encore quelques secondes puis il se leva.

Desmond? l'appelais-je tandis qu'il passa le pas de ma porte.

Il se retourna, la main gauche sur la poignée.

M'apporterais-tu Diana? Je voudrais voir notre fille.

Il hocha doucement la tête, l'inclina légèrement puis disparu chercher notre fille que je désirais ardemment serrer dans mes bras.

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« An 302 Lune 11 Semaine 3 - Château de Bel Accueil »
Allongée dans mon lit, adossée contre plusieurs coussins disposés contre la tête de lit, Diana tout contre moi, je lui lisais un livre pour enfants que mère me lisait déjà, lorsque j'avais son âge. Tout comme moi - du moins selon les dires de mère dont je me souviens - Diana pointait son index sur chaque image d'animaux avec un "Oh?!" interrogatif. Ainsi, à chaque page que je tournais, c'était en effet plus les images que l'histoire en elle-même qui semblait la captiver. Et je dois reconnaître que moi aussi, j'avais beaucoup de mal à me concentrer sur ce que je lui lisais. Depuis mes appartements, je pouvais entendre les bruits que faisaient les 300 hommes que j'avais décidé d'envoyer rejoindre Brynden et le Nord, répondant un minimum à son appel de lever du ban Conflanais. 300 était peu; nous avions en réalité plus d'hommes que cela dans nos rangs. Mais je tenais plus à ma propre sécurité et à celle des miens et de mon domaine que celle de lointains Nordiens qui, apparemment, souffraient d'une attaque aussi particulière que morbide. Je ne savais s'il fallait que j'y accorde quelque crédit, mais il me fallait bien répondre à l'appel de notre Suzerain. 300 hommes...n'était-ce pas suffisant après tout? Desmond s'y était opposé, argumentant qu'il fallait, au minimum, mobiliser la moitié de mes troupes. Et encore une fois, cette divergence d'opinions fit éclater une nouvelle dispute entre nous.

Aujourd'hui était le jour de leur départ, à tous ces hommes ainsi qu'à mon époux, qui partait à leur tête et représenterait ma maison dans les rangs du Conflans, probablement aux côtés de Patrek, qui y répondrait aussi. Quant à moi, je me retrouvais bloquée au lit, ma grossesse prenant des tournures inquiétantes pour Mestre Balder qui préférait jouer la carte de la prudence et m'enjoindre à garder le lit jusqu'à ma délivrance. Pour la sécurité de l'enfant et la vôtre, ma Dame... avait-il dit. Soit, je garderais le lit. Et donc, c'est de mon lit que je gérais mon domaine, recevais mon courrier et entendais les différentes demandes d'entrée et de sortie du domaine de Bel Accueil que me transmettait Dafyn.

Oohh? fit la petite voix de Diana à ma droite, désignant la page du livre ouvert devant elle.

C'est un cheval ma chérie, lui dis-je en lui caressant ses cheveux.

Al? tenta-t-elle de répéter, ce qui me fit sourire.

Je déposais un baiser sur sa tête lorsqu'on frappa à la porte. Kaerion, en train de s'acharner contre les restes de son repas, releva la tête vers la porte.

Entrez, lançais-je.

Ma soeur Emphyria ouvrit la porte et vint vers moi. Elle s'assit sur le bord du lit, à ma gauche:

Je crois qu'ils sont prêts, m'informa-t-elle, l'air grave.

Bien, répondis-je. Tu...

Je m'arrêtais car du couloir, j'entendis des bruits de bottes ainsi qu'un cliquetis de l'acier d'une armure qui se rapprochait. J'aurais reconnu cette démarche entre toutes et effectivement, la silhouette de Desmond apparu de la porte laissée entr'ouverte par ma soeur. J'eus soudain de la peine à déglutir; ma gorge se trouvant sèche et mon coeur s'accélérant.

Je vous laisse, me dit Emphyria d'une petite voix.

Attends, lui dis-je. Emmène Diana je te prie.

Je soulevais ma fille en grimaçant sous l'effort tant elle avait gagné en poids ces dernières semaines et la tendis à ma soeur qui la prit dans ses bras. Desmond lui offrit un sourire aimant lorsqu'elle passa près de lui, mais aussitôt que la porte se fut refermée sur ma soeur, son sourire s'évapora et il me considéra, l'air grave:

Nous sommes sur le départ, me dit-il.

Je sais, Emphyria me l'a dit..que vous étiez prêts.

Il hocha doucement la tête, les mains dans le dos puis, après un coup d'oeil vers Kaerion qui se désintéressa de lui et reporta son attention sur son reste de viande calciné, il s'assit là où ma jeune soeur s'était assise un peu plus tôt. De son bras valide qu'il étendit pour caresser mon visage de sa main, il le fit ensuite glisser vers ma main gauche. Il la porta à ses lèvres et y déposa un baiser sur mes doigts. Ma gorge ne se sera que plus face à ce geste tendre:

Tu me caches quelque chose Liane, je le sais, lâcha-t-il à voix basse. Pour l'heure, je respecte ton silence puisque c'est ce que tu souhaites, en me tenant moi, mais aussi ta famille et tes plus proches amis, à l'écart de ce que tu ressens. Mais peux-tu me promettre une chose?

Je le considérais, les yeux brillants d'émotion, mais la bouche hermétiquement close:

Promets-moi, poursuivit-il, que s'il m'est permit de revenir en vie, j'aurais alors le bonheur de retrouver la femme que j'ai épousé. Car depuis le décès de son père, je ne vis plus qu'avec son ombre. Et je ne peux plus le supporter...

S'en fut trop et je dus détourner le regard de son visage. Se faisant, une larme glissa de mon oeil droit et je baissais la tête, essayant vainement de lui cacher mon émotion.

Promets-le moi mon amour...

Si tu savais la vérité, tu me quitterais, eus-je envie de lui répondre. Mais à la place, je ne trouvais rien de mieux à faire que hocher légèrement la tête. Ce geste dû lui suffire car je l'entendis soupirer puis se rapprocher de moi. Sa main gauche se saisit doucement de mon menton afin d'y exercer une pression suffisante pour m'obliger à tourner la tête vers lui et le regarder. Nous restâmes ainsi à nous contempler pendant une minute, peut-être deux, avant qu'il ne réduise la distance qui nous séparait pour m'embrasser. Ses lèvres sur les miennes, j'eus soudain comme un mauvais pressentiment. Etait-ce un baiser d'adieu? Allais-je le revoir et si oui, comment me reviendrait-il? Dans quel était physique et mental?

Je t'aime, murmura-t-il en rompant notre baiser. Puis il se leva, me salua en s'inclinant devant moi et ouvrit la porte à la volée, se hâtant de me quitter avant de ne plus le pouvoir. Je l'entendis marcher à la hâte dans le couloir tandis que je restais là, impuissante et allongée dans mon lit.

Emphyria !!! appelais-je soudain. Marianne !!! Emphyria !!! Marianne !!!

Toutes deux arrivèrent en courant, pensant qu'il m'arrivait quelque chose.

Vite, aidez-moi à me lever, leur ordonnais-je.

Mais, Liane tu ne devrais pas...commença ma soeur.

Dépêchez-vous !!!!

Finalement, elles obtempérèrent, m'aidant à me lever, chacune me soutenant par la taille et ayant passé l'un de mes bras sur chacune de leurs épaules.

A la fenêtre, vite !! leur ordonnais-je. Il faut que je le vois, une dernière fois...

Nous fîmes les quelques pas qui séparaient mon lit de la plus proche fenêtre le plus vite possible. Au sol, Kaerion envoya l'os à moitié rongé à l'autre bout de la pièce et me suivit. Je l'entendis plus que je ne le vis faire, car mon regard restait fixé sur l'homme que j'avais épousé et qui venait de se mettre en selle. Il portait l'armure que père et moi lui avions offert, en présent de mariage. Elle lui allait si bien et la portait avec une telle prestance...Je le vis faire faire demi-tour à son cheval. Il s'adressait à ses hommes, mais je n'entendais pas ce qu'il leur disait. Puis son regard s'élevait vers la fenêtre d'où je l'observais. Mon bras droit se libéra de l'épaule de ma petite-cousine et ma main vint se poser contre la vitre froide de la fenêtre. Desmond inclina la tête à mon attention puis il éperonna son cheval et le fit pivoter en direction de la haute porte d'entrée qui menait à notre cour intérieur et toutes nos troupes qu'il allait mener jusqu'à Corneilla puis jusqu'au Nord se mirent en marche et le suivirent. Et lorsqu'il disparu de mon champ de vision, je laissais éclater mon chagrin tandis que ma soeur et ma petite-cousine me reconduisait au lit, en me murmurant des paroles rassurantes. Il faut qu'il revienne...Il doit revenir...

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« An 302 Lune 13 Semaine 2 - Château de Bel Accueil »
Adossée contre plusieurs coussins, Diana près de moi, je lui faisais la lecture. Devant mon lit, en face de la fenêtre, Kaerion se prélassait sur l'épais tapis, évitant ainsi le froid plus vif du plancher. De temps à autre, nous l'entendions changer de position ou alors errer dans la chambre, voletant près de la fenêtre ou de la cheminée avant de venir nous rendre une visite succinte, à ma fille et à moi. Ces petits passages de Kaerion au-dessus de nos têtes faisaient rire Diana. Entendre son rire me faisait à mon tour rire et me permettais d'oublier ma solitude et le fait que son père guerroyait loin de nous, sans que nous ayons aucune certitude quant à son retour, de même que celui de Patrek. Du haut de ses un an déjà, Diana commençait à s'exprimer. Bien que nous n'ayons pas encore de phrases complètes, elle savait se faire comprendre en désignant de son petit doigt ce qu'elle voulait ou entendait dans son propre langage enfantin. Mais elle parvenait à prononcer plusieurs mots...dont celui de papa. Comment faire comprendre à une enfant d'un an que son père était parti se battre bien plus au Nord d'ici, contre une armée qui n'avait rien d'humaine et que je n'avais aucune idée de la date à laquelle il rentrerait...s'il rentrait. A cette pensée, ma gorge se serra et je fis mon possible pour me concentrer à nouveau sur ma lecture lorsque je fus soudain prise d'une vive douleur au ventre. Etait-ce...une contraction?!. Il se passa plusieurs minutes avant qu'une nouvelle vague de douleurs me saisit et je ne pus m'empêcher d'exprimer cette douleur par un cri qui affola le garde posté à ma porte.

Ma Dame, tout va b...

Allez chercher le Mestre!! lui criais-je. VIIIITE !!

Penchée en avant, j'avais repoussé le livre sur la table de chevet sur ma gauche et, de mes deux mains, je me tenais le ventre, espérant naïvement que cela atténuerait la douleur. Entre mes jambes, je sentais un liquide chaud et poisseux s'écouler. A mes côtés, Diana s'était mise à pleurer, ne comprenant pas pourquoi sa mère était soudain dans cet état. Je ne le comprenais pas non plus. J'avais encore des souvenirs de la naissance de Diana. Loin d'avoir été facile et sans douleur, elle n'avait toutefois rien à voir avec le supplice que j'endurais en ce moment.

Maman ! Maman ! répétait-elle, paniquée. Et moi qui, tout autant paniquée, ne parvenais pas à la calmer.

De petites bourrasques de vent firent s'envoler quelques mèches de mes cheveux. Regardant sur ma gauche, légèrement au-dessus de moi, Kaerion poussait des cris que je ne lui avais encore jamais entendu. Etait-ce de la peur? Et tandis que la porte s'ouvrit, j'ordonnais à Kaerion de se calmer, l'appelant à me rejoindre près de moi. Je dus m'y reprendre à deux fois avant qu'il ne décide à venir se poser sur ma gauche, regardant les nouveaux arrivants d'un air dangereux, un léger feulement s'échappant de sa gorge. Mestre Balder était venu avec ses affaires, Marianne avec ma soeur, qui elle-même portait une pile de linges propres tandis que deux servantes avaient dans leur bras deux bassines d'eau fraîche. Je regardais tout ce monde qui soudain m'entourait et me parlait en même temps. Je ne savais où donner de la tête. Emphyria contourna le lit sur la droite et prit Diana avec elle, l'emmenant, en larmes, dans sa chambre. A nouveau, je fus prise d'une violente crise de douleur. J'avais l'impression que tout en moi se déchirait littéralement. C'est alors que je vis Marianne s'approcher de moi. Kaerion, qui s'était quelque peu calmé, releva la tête face à cette soudaine proximité qui n'était manifestement pas du tout de son goût. Je l'entendis grogner, ses dents se dévoilèrent, menaçantes et son corps se tendit, comme s'il était près à attaquer.

Kaerion...Arr...AAAHH! Arrête!!

Marianne tenta elle aussi de le calmer, s'approchant plus doucement de moi, essayant de lui faire comprendre qu'elle voulait seulement m'aider, me soulager un tant soit peu. Et alors qu'elle fit mine de vouloir s'asseoir sur le bord du lit, Kaerion fit preuve d'une vivacité que je ne lui avais encore jamais vu, et que j'aurais préféré ne pas voir. Sa machoire se referma sur son avant-bras gauche. Il se mit à secouer la tête, déchiquetant sa chair, comme s'il voulait l'arracher du reste de son corps. Entre mes hurlements, je lui ordonnais d'arrêter, de la lâcher immédiatement. Ce n'est qu'en retrouvant le mot en valyrien pour dire "Assez" qu'enfin, il desserra la mâchoire et libéra son bras ensanglanté.

Vite, faîtes-lui un bandage! Occupez-vous d'elle, GARDES !

La pauvre me jeta un regard plein de larmes avant de quitter ma chambre. Kaerion tourna la tête vers moi, me montrant sa mâchoire maculée de sang mais il ne bougeait plus et semblait calme. Il fallait que je m'évertue à faire de même si je ne voulais pas qu'il recommence...Mais comment faire lorsqu'on subissait pareilles douleurs. Je fis donc tout mon possible pour me concentrer sur la seule voix du Mestre, les servantes, apeurées par le comportement de Kaerion, se refusaient à m'approcher pour apposer des compresses rafraîchissantes sur mon front.

Dehors! finis-je par leur ordonner. Elles ne servaient de toute façon à rien; autant qu'elles aillent s'occuper de Marianne. Ne restait désormais plus que Mestre Balder, Kaerion et moi, qui hurlait ma douleur, ma colère et ma tristesse de me sentir si seule...

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« An 302 Lune 13 Semaine 2 - Château de Bel Accueil »
J’émergeais de ma torpeur, ouvrant lentement les yeux mais ne distinguant rien de plus qu’une blanche lumière aveuglante, la lumière du jour. Allongée sur le côté depuis probablement plusieurs heures, à en juger par l’engourdissement que je ressentais dans mon bras droit, je tentais de me redresser en grimaçant. Non seulement mon bas ventre me faisait atrocement souffrir mais je fus pris d’un vertige si soudain que je dus m’étendre à nouveau et fermer les yeux. Tout tanguait autour de moi, comme si j’étais sur un navire prit dans une effroyable tempête. Quelqu’un devait se trouver dans ma chambre car j’entendis le bruit d’une chaise que l’on fait glisser sur le sol et des pas se précipiter vers moi. Cette personne me prit la main gauche dans les siennes :

Liane ! Comment te sens-tu ? entendis-je ma sœur, Emphyria, me demander d’une voix emplie d’inquiétude.

Mal…parvins-je à articuler.

Tu as dormi pendant deux jours. Nous étions tous très inquiets…Je vais chercher le Mestre.

Elle déposa un baiser sur mes doigts et je l’entendis ouvrir la porte et courir dans le couloir, comme à son habitude. Je plaquais cette même main qu’elle avait tenu dans les siennes sur mon front et ouvrit à nouveau les yeux. Mon front était certes moite mais il ne me semblait pas avoir de fièvre. Pourtant, les vertiges étaient toujours là et je me sentais si faible…sans parler de mon bas-ventre douloureux. Un léger feulement me parvint sur ma droite. Il me fallut tourner la tête le plus lentement possible si je ne voulais pas exacerber plus encore mes vertiges mais je le vis, là, à me contempler de ses yeux d’or. Ses ailes repliées sur son dos, Kaerion me considérait, impassible, comme s’il attendait que je dise quelque chose ou fasse un mouvement vers lui. Mais je n’en avais pas la force. Tout ce que je pus faire, c’est étendre mon bras vers lui et murmurer un « Viens » que j’étais sûre qu’il ne pourrait entendre avant de détourner la tête de lui pour fixer le plafond, respirant calmement pour chasser vertiges et, à présent aussi, nausées. Soudain, un coup de vent vint me fouetter le visage et je sentis un poids tomber sur ma droite. Kaerion m’avait rejoint et s’était doucement étendu, à moitié sur moi, à moitié sur le lit, me faisant réaliser qu’il avait grandi, lentement peut-être mais il n’avait plus cette taille proche du chat, mais plutôt d’un chien de taille moyenne. Mes doigts vinrent retrouver cet endroit entre ses ailes où il aimait être caressé. Sa présence me fit presque du bien mais loin de moi l’idée de seulement oser mettre un pied hors du lit.

Ma sœur revint sur ces entrefaits, accompagnée de Mestre Balder. Kaerion leva quelques secondes la tête à leur arrivée puis ne fit plus attention à eux et la reposa sur mon ventre.

Lady Liane, nous sommes tous heureux et soulagés de vous revoir parmi nous, me dit le Mestre en s’approchant de moi avec un sourire bienveillant.

Merci, répondis-je. Ma sœur me disait que j’avais longtemps dormi ?

En effet…Deux jours…Comment vous sentez-vous ?

Mal. J’ai l’impression de ne plus avoir de bassin, j’ai des vertiges et des nausées également.

Mmh, je vais demander à ce que l’on vous apporte du bouillon. Cela calmera votre estomac vide mais,

Je veux voir mon enfant, le coupais-je.

Mes yeux tombèrent sur ma sœur qui baissa la tête et fondit en larmes. Je compris immédiatement, mais une part de moi refusait de l’admettre.

Non…soufflais-je la gorge serrée.

Il y eut de nombreuses complications ma Dame, reprit le Mestre en posant une main sur mon épaule pour me calmer. Vous avez perdu beaucoup de sang et…L’enfant n’a pas survécu. Je suis sincèrement navré ma Dame. Il est aux côtés de la Mère d’en-haut à présent.

J’ouvris la bouche mais rien n’en sortit, aucun son, aucun mot. En revanche, mes yeux eux, ne pouvait retenir mes larmes.

Il ? parvins-je finalement à articuler.

C’était un petit garçon, oui, me confirma le Mestre. Il…Il faut lui donner un nom, Lady Liane…pour, hésita-t-il. Pour la pierre tombale.

Qu’ai-je fait ?. Voilà une punition de plus pour ce que j’avais osé faire à père et ce que je m’apprêtais à faire à l’ensemble de ma maison ainsi qu’à mes amis de Corneilla. Les Dieux me refusaient de donner la vie, de donner un fils à mon époux, lui qui espérait tant avoir un fils. Alors, en pensant à mon époux, un seul nom me vint à l’esprit :

Lymond, murmurais-je. Lymond Vance…C’était le prénom du père de Ser Desmond.

Mestre Balder s’inclina, me fit encore une fois ses condoléances puis me laissa, après m’avoir dit qu’il me fallait à présent garder le lit pendant encore deux longues Lunes et qu’il allait demander à me faire apporter du bouillon et un peu de pain. Emphyria était toujours là, séchant ses larmes.

J’ai écrit à notre sœur, m’en informa-t-elle. Je hochais lentement la tête, plus pour dire que je l’avais entendu plutôt que je n’approuvais sa démarche, sachant très bien à quel point Rhialta serait affectée en apprenant la nouvelle.

Me chercherais-tu de quoi écrire une lettre je te prie ?


Emphyria acquiesça puis sortit. Il me fallait écrire à l’une des seules personnes en ce monde que je désirais plus que tout voir en cet instant et qui n’était pas à des lieux au Nord d’ici. J’avais besoin de voir et de parler à Desmera, mais surtout, j’avais besoin d’être seule dans ma chambre pour laisser libre cours à mon chagrin, que Kaerion partagea avec moi.

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