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Ce que l'argent ne peut acheter | ft. Roland Vanbois

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Ce que l'argent ne peut acheter

Chênes-en-fer an 302, lune 8, semaine 1



Roland Vanbois & Anya Vanbois

Le monde bourdonnait. Les domestiques, abeilles travailleuses, mais bruyantes, se précipitaient à travers Chênes-en-fer. Les bras chargés de tissus, les couturières courraient après les petites-filles et les petits-fils Vanbois qui, récalcitrants, déguerpissaient en rigolant. Les cuisiniers, flanqués de leurs apprentis, dressaient des listes de courses à voix haute tandis que leurs commis se dépêchaient d’écrire d’une plume vacillante les victuailles à prévoir. Dans la cour, les palefreniers nettoyaient les selles usées et graissaient les roues des carrosses sans âge. La demeure était en effervescence et partout, malgré l’appréhension palpable, l’air était à la fête. Les jeunes filles chantaient et les garçons se bourraient de coups de coude brusques. Aux Portes de la Lune, tout devait également commencer à se mettre en place.

Et dire que ces joyeux préparatifs signaient la mort de la famille Arryn. Tous avaient oublié le deuil du jeune Robert. On ne pouvait pas dire qu’il était mémorable, songea Anya en étirant ses jambes fatiguées. Par sa stupidité, peut-être.
Depuis ses appartements vitrés, avancé sur la falaise surplombant le lac, elle pouvait distinguer les Portes de la Lune, au loin, perdues dans les montagnes blanches et escarpées du Val. Le blafard soleil d’hiver dessinait comme une couronne immaculée aux tourelles élancées, prêtes à crever le ciel pour en répandre les rayons salvateurs. La forteresse était à portée de main. Elle pouvait presque l’effleurer du bout des doigts.
Ses yeux tombèrent sur le dernier livret de comptes, râpé d’avoir tant de fois été ouvert. Les chiffres s’accumulaient, écrits à l’encre sombre et d’une écriture sèche et nerveuse. La sienne. Les derniers calculs étaient encore humides que voilà qu’elle devait en tracer de nouveau. Et pas dans la bonne colonne, malheureusement. Sans une grimace, le visage fermé et morne, elle continuait de noircir les pages trop fines. Il n’aurait pas pu mourir à un autre moment, celui-là, grogna Anya. De tous les moments, il a peut-être choisi le pire. Il nous pompera l’air jusqu’au bout !
Evidemment, il était cruel de parler ainsi du décès d’un enfant. Néanmoins, à ses yeux, Robert Arryn n’avait jamais été un enfant. Dès sa naissance il était voué à être suzerain du Val, un statut demandant fierté, honneur et loyauté. Or, le jeune faucon n’était doté que de trop de fierté, se fondant en un orgueil sans élégance. Dès lors et à mesure que son tempérament instable et craintif s’affirmait, elle avait cessé de croire en lui, malgré son profond attachement envers la famille Arryn. Finalement, pensa-t-elle. Mieux valait maintenant. Les Sept seuls savent ce que ce pitoyable enfant nous aurait infligé. Harrold était un bien meilleur héritier pour leur région et il se révélerait bien sûr être un excellent suzerain. Après tout, c’était elle qui l’avait élevé. Mais avant cela, il fallait payer les frais d’intronisations. Bien sûr, les Hardying avaient un peu de côté… mais les Vanbois devaient mettre la main à la caisse, eux aussi. Quelle plaie.

« Rhonda ! » appela-t-elle de sa voix autoritaire. « Va donc me chercher Sylas ! »

Derrière la porte, elle entendit les pas légers de sa domestique s’éloigner tandis qu’elle partait en quête de l’intendant. Ils ne seraient pas trop de deux pour gérer les dépenses de l’événement.

Alors qu’elle détaillait minutieusement les frais en gibier pour le festin et que ses doigts pleins d’arthrose commençaient à la faire souffrir, on s’annonça.

« Oui, entrez Sylas, » l’invita-t-elle d’une voix pressée. « Venez donc m’aider à mettre tout ça au clair. J’hésite à vendre Cynthea pour acheter de quoi nourrir cinquante personnes, qu’en pensez-vous ? »

L’intendant était friand des marques d’humour, un trait de personnalité en désaccord avec la nature sévère, pointilleuse et besogneuse de son travail. Mais lady Vanbois ne résistait jamais à faire sourire le domestique bougon.

Elle se retourna enfin, mais haussa les sourcils à la vue de Roland, son petit-fils.

« Je crois que Rhonda commence à perdre la vue… » s’affligea-t-elle faussement.



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Grandmother & Grandson


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Les choses allaient vite dans le Val. Roland s’en étonnait. La mort de Robert Arryn était survenue à peine deux lunes plus tôt que déjà, on s’affairait à préparer un banquet pour le nouveau Seigneur du Val ainsi que la visite royale aux Portes de la Lune. Au vu de la proximité entre Anya et Harrold – il était son pupille et protégé – les Vanbois participaient à cette préparation. Cela inquiétait par ailleurs Roland car il savait que les comptes de Chênes-en-Fer n’étaient pas au beau fixe. Il faisait tout de même confiance à sa grand-mère. Elle savait ce qu’elle faisait, c’est elle qui lui a quasiment tout appris. Elle est pour Roland un modèle à suivre. Sa force et son caractère sont admirable et elle dirige Chêne-en-Fer d’une main de fer, c’était le cas de le dire. Quoiqu’il en soit, Roland espérait que ce banquet ne les mette pas encore plus sur la paille. En tant que fils d’héritier, il avait des projets pour son fief et espérait un jour, devenir Seigneur sans crouler sous les dettes.

Ce jour-là, Roland revenait d’une sortie à cheval. Cela lui arrivait de temps à autre de monter, partir une ou deux heures, non loin de la demeure familiale. C’était plus souvent le matin. L’après-midi, il travaillait ou s’occupait de son fils, Jasper ou restait auprès de son épouse adorée. C’est en allant retrouver cette-dernière qu’il croisa Rhonda, la servante de sa grand-mère. Elle semblait quelque peu perdue et elle cherchait quelqu’un qui visiblement elle n’arrivait à trouver. Lorsqu’elle vit Roland, elle fut comme figée et eut du mal à faire la révérence. Cela fit sourire Roland. Il était amusé par Rhonda. Elle avait toujours cet air timide quand elle croisait Roland. Pourtant le jeune chevalier avait toujours vécu à Chênes-en-Fer, bien avant l’arrivée de Rhonda au service d’Anya. Depuis le temps, il ne se posait plus de questions, il s’en amusait même.

- Rhonda ? Vous me semblez perdue. Vous cherchez quelqu’un ?

- Ser Roland… Lady Anya m’envoie… chercher Monsieur l’intendant… mais.. mais je ne le trouve pas

Et la pauvre se mit à pleurer. Roland lui tendit un mouchoir et la rassura. Il lui conseilla de prendre une petite pause avant de retourner à ses tâches. Il lui dit également qu’il irait voir lui-même sa grand-mère. Sylas était occupé dans son bureau et Roland était tout à fait capable d’aider sa grand-mère, surtout si cela concernait les comptes et la participation des Vanbois. Il prit alors congé, alla se changer afin d’être présentable face à sa grand-mère et seigneur. Il croisa sa femme et son fils, Jasper, qu’il embrassa tous deux. Après quoi, il se dirigea vers les appartements de sa grand-mère. Marchant doucement, il s’éclaircit la gorge, réajusta sa tenue, se passa une main dans les cheveux, les mettant en ordre. Ce n’était pas simplement sa grand-mère, c’était la cheffe de famille, le seigneur de Chênes-en-Fer. Anya Vanbois en imposait par ses titres, par son importance et surtout sa prestance. C’est le genre de femme qui pouvait tuer en un regard. Roland n’avait pas peur d’elle, il l’adorait et avait quasiment été élevé par cette femme. La porte étant ouverte, il s’avança mais n’eut pas le temps de s’annoncer que sa grand-mère le prenait pour Sylas.

- Oui, entrez Sylas. Venez donc m’aider à mettre tout ça au clair. J’hésite à vendre Cynthea pour acheter de quoi nourrir cinquante personnes, qu’en pensez-vous ?

Restant silencieux, il la laissa se retourner et voir par elle-même qu’il ne s’agissait pas de son intendant mais de son petit-fils, fils de l’héritier. Roland s’avança encore plus vers sa grand-mère, fit une révérence et affichait un grand sourire amusé à sa remarque sur sa domestique.

- Je crois que Rhonda commence à perdre la vue…

Ce n’était pas la faute de cette pauvre petite – petite… qui devait être plus âgée que Roland. Être au service d’Anya Vanbois était une source de stress constante. Roland le savait, il espérait chaque jour rendre fier sa grand-mère, qu’elle voit qu’il ferait un jour, un bon seigneur. S’approchant assez pour voir ce que contenait le livre ouvert sur le bureau de sa grand-mère, Roland répondit à celle-ci, reprenant alors son sérieux.

- Bonjour, grand-mère. J’ai croisé Rhonda, elle ne trouvait pas Sylas. Je crois qu’il est occupé.

Il prit place aux côtés de sa grand-mère, marquant ainsi une courte pause. Il enchaîna aussitôt.

- Vous avez besoin d’aide ? Je peux peut-être vous aider.


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Chênes-en-fer an 302, lune 8, semaine 1



Roland Vanbois & Anya Vanbois

Cynthea n’avait de Frey que le nom. Et l’apparence, peut-être. Mais son cœur et son esprit étaient de chêne et de fer.
Née dans le Conflans, dans la demeure lugubre et humide des Frey, elle avait le mérite d’avoir pour mère Carolei Vanbois. Anya n’avait jamais digéré une des seules décisions qu’avaient jamais prises son défunt mari. Envoyer leur troisième fille aux Jumeaux pour épouser une de ces raclures nées du Tardif. Geremy, ou quelque chose comme ça. La raison ? « Pour améliorer le commerce avec le Conflans ! Anya, c’est la bonne décision, les Frey sont situés stratégiquement… » Elle pouvait encore entendre sa voix convaincue alors qu’il déblatérait ses âneries. Certes, les pouilleux de Frey ne demandaient pas grand-chose en échange d’une épouse, mais ils n’en demeuraient pas moins répugnants. Tous à vivre les uns sur les autres, à s’entasser à trente dans des chambres… Combien Walder avait-il eu d’enfants ? Et de femmes ? Anya l’ignorait et préférait ne pas songer aux toutes jeunes dames que le Tardif avait souillées.
Naturellement, la matriarche y était foncièrement opposée. Et jamais Carolei ne serait allée dans le Conflans si la bonne nature de cette dernière, toujours prête à se plier aux ordres, n’avait assurée sa génitrice que le choix était bon et qu’elle s’en contentait.

Aujourd’hui, Carolei était revenue à Chêne-en-fer avec ses deux enfants. Geremy s’était noyé. La troisième fille Vanbois n’en avait guère dit plus et Anya n’avait jamais posé de questions. Il était mort, eh bien tant mieux. Et comme il ne restait plus rien pour elle aux Jumeaux… Anya avait accueilli le trio avec une joie contenue, mais authentique. Sandor et Cynthea auraient une bien meilleure éducation ici que chez feu leur père. L’aîné servait son oncle Donnel pour devenir chevalier et Cynthea était devenue la pupille d’Anya, au même titre qu’Harrold il y avait quelques années.

Roland sourit au trait d’esprit de sa grand-mère avant de s’approcher d’elle. Ses yeux clairs se posèrent sur les livres de comptes et les détaillèrent rapidement. Ses sourcils bruns se froncèrent et l’humeur frivole qui parcourait la pièce mourut aussitôt. Lady Vanbois s’enfonça dans son siège et écarta les bras pour inviter son petit-fils à constater l’étendue des dégâts. Elle soupira bruyamment et sa poitrine maigre se creusa.

« Sylas, Sylas, Sylas… » maugréa-t-elle dans sa barbe. « J’irai lui souffler dans les bronches plus tard. »

A quoi pouvait-il diable être occupé alors que sa seule occupation ici était de gérer la trésorerie ?

« Si j’écris encore une fois des dépenses, Roland, je vais mourir, » lui assura-t-elle, l’œil glauque, sans vraiment répondre à sa question. Elle se rangea une fois encore derrière un humour pince-sans-rire. Pourtant, elle n’avait plus envie de s’esclaffer.

Elle haussa les épaules. Son index ridé traça une ligne invisible dans la marge du cahier pour attirer son attention sur les chiffres nouvellement tracés.

« Regarde donc, c’est la dot de ton épouse. Elle s’envole en canards, en cochons et en vins de la Treille. Bien sûr, nous n’avons pas le choix, Harry est de notre famille. »

Elle énonçait les faits froidement, sans désespoir, bien qu’une pointe d’agacement puisse s’entendre. Le mariage de Roland et d’Aelinor avait été salvateur. Une vraie bouffée d’air frais. Pour la première fois depuis des années, les comptes s’étaient stabilisés, à défaut d’être positifs. La corde qui pendait aux cous des Vanbois s’était considérablement relâchée. Et voilà qu’Harrold devenait le nouveau seigneur du Val. Une excellente nouvelle sur le papier. Un terrible retour de flammes dans les faits.
Le cercle vicieux ne se briserait-il donc jamais, malgré tous leurs efforts ? Anya ne se décourageait pas. Jamais. Néanmoins, seuls des idiots se voileraient encore la face dans pareille situation. Les choses allaient mal et la Vanbois ne craignait pas de les affronter tête baissée.

« Je me demande bien qui pourrait nous aider, » dit-elle enfin. « Ce satané Baelish, peut-être ? » ricana-t-elle en référence à l’offre plus que douteuse proposée par Petyr il y avait quelques années.

Bien sûr, il n’en était pas question.

Elle leva ses yeux pâles vers son petit-fils. Jeune, beau, prometteur. Anya avait honte de lui léguer pareilles dettes. Car oui, elle n’était pas éternelle et le vent ne semblait pas prêt de tourner… Aujourd'hui, les mariages de Donnel et Wallace lui semblaient être son seul recours.

« Allons, assieds-toi donc et dis-moi, j’aimerais ton avis. Que pourrions-nous bien faire pour sortir la tête de l’eau ? Sans vendre Cynthea, bien sûr. »

Il n’y avait pas de mauvaises réponses.




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Anya Vanbois était le seigneur de Chênes-en-Fer depuis aussi longtemps que Roland ne s’en souvienne. Pour lui, elle était et est toujours la seule dirigeante du fief des Vanbois. Elle était surtout sa grand-mère paternelle, la mère de son père, Morton Vanbois. Elle l’avait élevé et fait de lui un bon garçon. Roland n’avait pas eu la chance d’avoir une mère présente. Elle avait malheureusement disparu lorsqu’il était jeune et plus les années passaient, plus les souvenirs s’évanouissaient. Anya était donc la seule référence maternelle qu’il possédait et c’est pour cela que leur relation était si fusionnelle. Elle était juste avec lui et l’avait forgé pour qu’il devienne un jour, le seigneur de Chênes-en-Fer. Roland devait beaucoup à sa grand-mère. Elle était une vraie cheffe de famille. Elle était intelligente, cultivée, stratège et tout aussi puissante qu’un Tywin Lannister ou un Walder Frey. C’était une dame respectée dans le Val, écoutée et parfois crainte. Roland admirait sa grand-mère et chaque mot qu’elle disait était une leçon à apprendre et retenir. Il se souvient d’il y a quelques années lorsqu’elle l’avait missionné dans l’Ouest en quête d’un mariage. L’affront de Stafford n’était pas passé inaperçu. Si Roland avait encore de la rancune envers l’ouestien, Anya l’avait en horreur. Quoiqu’il en soit, elle était sûrement heureuse du mariage avec Aelinor Connington. Cela avait quelque peu rempli les caisses et le bonheur avait rempli les couloirs de Chênes-en-Fer tout comme les cris du petit Jasper.

Les comptes de Chênes-en-Fer n’étaient guère au beau fixe ces derniers temps. La dot apportée par le mariage de Roland avait aidé mais rien n’est éternel, encore moins l’argent. Aussi, les finances tendaient à baisser. De surcroît, Harold Hardyng, la pupille d’Anya et un lointain cousin de Roland, était devenu récemment le nouveau Seigneur du Val après la mort du jeune Robert Arryn. C’était un nouveau coup dur pour les Valois deux ans après la mort de Jon Arryn. Ainsi, un banquet avait lieu aux Portes de la Lune et les Vanbois participaient. Après tout, Harold avait quasiment été élevé par Anya et il était très proche de la famille Vanbois. Il était donc normal que la famille participe aux frais. Seulement, il fallait trouver l’argent et cela n’était guère facile ces temps-ci. Quoiqu’il en soit, Roland se trouvait dans le bureau de sa grand-mère et il comptait bien l’aider à se dépatouiller de tout ce bazar. Anya le laissa regarder le livre des comptes et Roland put constater qu’en effet, les choses n’allaient pas s’arranger avec le banquet pour Harold. Et dans ces circonstances, Anya Vanbois faisait toujours preuve d’ironie et de cynisme.

- Si j’écris encore une fois des dépenses, Roland, je vais mourir.

- Ne mourrez pas, grand-mère, ça nous ferait encore plus de frais…

Il esquissa un rire puis reprit son sérieux. Plus tôt ils se mettraient au travail, plus tôt ils arriveraient à débloquer la situation. Anya lui montra alors une ligne des plus intéressantes. La dot d’Aelinor. Comme le disait sa grand-mère, elle s’envolait en canards, cochons et vins. Mais cela ne suffisait plus. L’argent allait manquer et le banquet approchait à grand pas. Il avait d’ailleurs été annoncé que le roi et la princesse Rhaenys soient présents. Il fallait donc que ce soit grandiose, à la hauteur du souverain. Roland parcourut le livre des comptes et voyait de plus en plus le gouffre se creuser. Son regard croisa  alors celui de sa grand-mère il sentait qu’elle était fatiguée. Il fallait qu’elle se ménage et Roland s’assurerait qu’elle le fasse. C’était son devoir en tant que petit-fils.

- Je me demande bien qui pourrait nous aider. Ce satané Baelish, peut-être.

- Par pitié… Pas Baelish.

Baelish. Voilà quelqu’un que Roland ne pouvait pas encadrer. Ce perfide oiseau-moqueur n’était pas une personne de confiance. Il était hors de question qu’une de ses propositions soit acceptée. Roland pourrait même s’opposer à sa grand-mère, pour une fois, si elle venait à y songer. Mais nul doute faisait qu’Anys Vanbois ne ferait jamais confiance à Petyr Baelish.

- Allons, assieds-toi donc et dis-moi, j’aimerais ton avis. Que pourrions-nous bien faire pour sortir la tête de l’eau ? Sans vendre Cynthea, bien sûr.

Cynthea était une de ses cousines, la fille de Carolei, sa tante, revenue à Chênes-en-Fer après la mort de son mari Frey dont Roland ne se souvenait plus le nom. Elle était précieuse aux yeux d’Anya tout comme ses autres petites-filles, ses petites perles. Quoiqu’il en soit, Roland n’allait sûrement pas proposer de balancer en pâture la jeune Cynthea pour qu’ils réussissent à relever la tête de l’eau. Mais les Vanbois ne manquaient pas de membres à marier. Nul doute faisait qu’un d’eux ou l’une d’elles ferait l’objet de fiançailles puis mariages qui renfloueraient les caisses. Roland prit place aux côtés de sa grand-mère et tenta de réfléchir aux solutions qui s’offraient à eux. Il est vrai qu’un mariage serait profitable. Ils l’étaient toujours. Et comme c’étaient les Vanbois qui avaient besoin d’argent, il fallait donc songer à donner en mariage un homme pour que la dot de son épouse puisse leur revenir.

- Je crois qu’un mariage nous serait profitable, grand-mère.

Roland Vanbois était bien le petit-fils d’Anya Vanbois. Il avait beaucoup hérité d’elle mais surtout de son esprit stratège et de son intelligence. Roland était attaché à sa famille et était prêt à tout pour elle. Il était dévoué aux Vanbois et se battrait jusqu’à sa mort pour élever cette famille, la rendre prestigieuse, la rendre encore plus puissante qu’elle ne l’était déjà. Car, oui, un jour, Roland Vanbois serait amené à diriger Chênes-en-Fer en tant que seigneur et chef de la famille Vanbois. Il espérait pouvoir le devenir sans être noyé sous les dettes de ses prédécesseurs. Ainsi, Roland prenait très au sérieux l’aide qu’il apportait à sa grand-mère.

- Oncle Wallace pourrait être le candidat parfait. Qu’en dîtes-vous ?


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Chênes-en-fer an 302, lune 8, semaine 1



Roland Vanbois & Anya Vanbois

La remarque pleine d’humour de son petit-fils arracha un grand rire de la bouche d’Anya. On ne pouvait pas dire que la veuve était une grande sensible aux blagues. La plupart du temps, en société, elle se contentait d’esquisser un sourire lorsqu’elle jugeait la remarque digne de son attention. Pourtant, lorsqu’elle se trouvait parmi les siens, la matriarche ne rechignait pas à s’esclaffer, en particulier lorsque Roland se sentait d’humeur guillerette. Il avait hérité de l’esprit de son aïeule ou du moins se plaisait-elle à le croire.
Néanmoins, et elle l’avait transmis à Sylas uniquement, Anya avait demandé des funérailles sans fioritures. Son âme sévère et économe n’aurait pu le supporter autrement. Elle reviendrait les hanter si ses derniers souhaits n’étaient pas exaucés. Bien sûr, elle finirait sur une table froide au centre du septuaire minimaliste de Chênes-en-fer et bien sûr, elle finirait avec des yeux peints sur des cailloux et déposés sur ses paupières. Mais ils n’auraient pas besoin d’inviter tout le Val. Elle avait exigé sa famille la plus proche, ses filles et ses fils bien sûr ainsi que leurs époux, épouses et ses petits-enfants. Harry ferait parti du cortège, plus pour son statut d’ancienne pupille que pour son rang de seigneur du Val. Et cela serait tout. Pas de banquet, pas de fête. Elle le faisait selon son caractère, évidemment, mais elle résonnait également en fonction des ressources de son fief. Et quel chef de famille aurait demandé des funérailles onéreuses lorsque l’on savait sa famille criblée de dettes ? Mais enfin, il n’était pas encore temps de parler de cela. Elle n’était pas encore morte.

L’atmosphère qui s’était détendue retrouva son masque d’austérité à mesure que le fils de l’héritier détaillait avec attention les lignes du livre de comptes. Son analyse fut interrompue à la mention de Petyr Baelish. Comme sa grand-mère, il ne cacha pas sa désapprobation. Jamais la famille Vanbois ne ferait appel à lui. Anya voyait très souvent clair dans le jeu de ses adversaires. Et de ses amis. L’âge et l’expérience avait forgé un oeil aiguisé et il était bien difficile de la rouler dans la farine. C’était une femme suspicieuse qui n’était jamais trop méfiante, allergique aux flatteries et persuadée que derrière toute main tendue se cachait le couperet du retour de flammes. Littlefinger alertait tous ses sens. Mais le pire était qu’elle ne savait jamais vraiment ce qu’il avait derrière la tête… « Cet oiseau de malheur, » songea-t-elle. « Pourquoi a-t-il dû naître dans le Val ? Pourquoi doit-il être dans nos pattes ? » Au moins, elle savait que Roland continuerait dans son sillage. Elle balayait la proposition cynique d’un revers de main.

Le jeune homme obéit et s’installa à côté de lady Vanbois. Il réfléchit, mais il fallait être bien bête pour ne pas deviner l’option la plus évidente qui s’offrait à eux. Et Roland était loin d’être un idiot. Elle acquiesça, sa bouche sans lèvres ornée d’un petit rictus de satisfaction.

« Ton oncle Wallace, en effet. Ou ton oncle Donnel, » rajouta-t-elle. « Ils sont tous les deux en âge de se marier. Ils rechigneront tous les deux, cependant. »

Donnel prenait très à coeur son instruction militaire. Et ce d’autant plus depuis l’arrivée de son neveu, Sandor Frey, comme son écuyer. Son second fils était encore jeune et il rêvait de guerre, d’armée et d’aventures. Un chevalier digne, pétri d’idéaux, qu’une femme et un foyer risquait de ralentir.
Quant à Wallace, il était plus jeune de seulement quelques années et pourtant il paraissait dix ans de moins que Donnel. Timide et renfermé, il avait un jour demandé à sa mère de rejoindre les rangs de la religion… Une bien noble entreprise qui aurait ravi Anya. Dans d’autres circonstances. Wallace devait rester une tête à marier pour récolter une dot. Triste marché que de vendre un fils, mais il fallait rester réaliste. Ils avaient besoin les uns des autres.

« Enfin, nous ne leur laisserons pas le choix. »

Le constat était sans appel. Il n’y avait ni regret, ni tristesse dans cette affirmation. Les deux derniers fils Vanbois se plieraient aux ordres. Il ne pouvait en être autrement.

Les yeux noisettes de la veuve se fixèrent un instant sur la surface plane du lac qui s’étalait sous leurs pieds. Des barques de pêcheurs faisaient ondoyer les nuages lourds de neige alors qu’ils défilaient paisiblement. Des oiseaux affamés s’agglutinaient au-dessus d’eux, guettant le moment propice pour passer à l’attaque.

« J’aimerais les marier dans le Val, » admit-elle.

Les exemples de Carolei et d’Alyssa parlaient d’eux-mêmes. Sa troisième fille était rentrée chez elle veuve et avec deux enfants et Alyssa avait perdu son mari et ses deux fils. Cette dernière se trouvait perdue dans l’Orage, loin des siens et endeuillée, à élever sa fille aînée en tant que chef de maison… Anya n’était pas du genre à croire au destin et aux superstitions. Mais force était de constater que les Vanbois mariées ailleurs que dans leur région natale n’avaient pas eu une vie heureuse.

« Je connais les familles, » reprit-elle. « Mais je suis trop vieille maintenant pour connaître les filles à marier. Personne n’a envie de s’asseoir à côté d’une vieille bique à table ! Dis-moi Roland, y en a-t-il une que tu connais et qui conviendrait à Donnel ou à Wallace ? »

Pryor, Hersy, Melcolm, Egen… Des noms prestigieux. Des coffres pleins. Les Vanbois avaient l’embarras du choix. Mais Anya n’était pas prête à marier ses deux derniers enfants à la première greluche sertie de pierres précieuses. Et elle voulait que Roland fasse partie de la décision.




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The Choice of Roland – Part 1


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La famille Vanbois était une grande famille du Val. Mais parfois, les grandes familles pouvaient se retrouver cribler de dettes. Et c’est ce qui arrivait aux Vanbois en ces temps si troublés. Un banquet pointait le bout de son nez, de nombreuses filles qui ont été mariées, des dots qu’il fallut assurer. Les Vanbois sont certes une grande famille mais elle avait besoin d’aide et si possible, une autre aide que le célèbre lord Baelish, « Littlefinger » ou autre sobriquet affilié à ce sombre personnage. Roland ne l’appréciait guère et tout comme sa grand-mère, il s’en méfiait énormément. Et ils avaient bien raison. Roland avait donc vu juste en parlant de mariage. Sa grand-mère acquiesça. Maintenant, il fallait trouver les bons partis. Les. Oui, la cheffe de famille rappela à son petit-fils que son autre oncle, Donnel, était également à marier. Deux mariages donc. Cela n’en serait que plus bénéfique pour la famille. Bien qu’il soit leur neveu, Roland était beaucoup plus âgé que les deux derniers fils d’Anya. Donnel avait 23 ans et Wallace en avait 21. Ils étaient donc tous deux bons à marier. Ils seraient sûrement mariés à deux jeunes valoises charmantes qui rapporteraient, il fallait l’espérer, une bonne dot chacune.

- Ils rechigneront tous les deux, cependant. Enfin, nous ne leur laisserons pas le choix.

- D’autant qu’ils ont l’âge. Et même s’ils rechignent, j’ose espérer qu’ils vous écouteront. Vous êtes leur mère, cheffe de notre famille.

Roland ne pouvait comparer son mariage avec ceux qu’ils préparaient pour Donnel et Wallace. Le jeune valois était réellement tombé amoureux de la jeune orageoise. C’était elle qu’il épouserait et personne d’autre. Grand heureusement pour lui, il avait eu la bénédiction de la princesse Rhaenys et celle d’Anya. Les deux seules personnes à pouvoir valider cette union, il fallait donc bien argumenter. Cela avait ravi Roland, quelque peu déçu de son passage par l’ouest et l’échec total de contractation de fiançailles avec la jeune Cerenna Lannister, la fille de Lord Stafford, le cousin de Tywin. Mais cet épisode était loin dans sa mémoire. Même s’il en tenait rigueur le Lannister, il était bien heureux de cet échec puisqu’il lui avait permis de rencontrer Aelinor Connington et de l’épouser. Ce n’était donc guère comparable à ce qu’il était en train de préparer avec sa grand-mère. Donnel et Wallace allaient peut-être aimer leur épouse respective mais leur mariage n’aura pas été un mariage d’amour.

- J’aimerais les marier dans le Val.

- J’allais vous le proposer, grand-mère. Vous êtes sûre que vous ne serez pas déçue comme ça. Les autres régions ont leur lot de déception, certaines plus que d’autres.

Ce fut là encore une petite référence envers l’Ouest et l’épisode Lannister. Roland se concentra néanmoins sur les familles valoises qu’il connaissait et plus précisément les filles à marier. Tandis qu’Anya le sommait de l’aider dans cette recherche, Roland pensait déjà à quelques candidates potentielles. Il y avait plusieurs choix. Beaucoup de familles pouvaient faire l’affaire. Certaines étaient certes plus riches et apporteraient une dot plus sérieuse que d’autres mais il ne fallait pas en négliger pour autant. Bien sûr les familles déjà affiliées aux Vanbois étaient éliminées. Roland élimina donc les Royce, les Tallett, les Rougefort, les Rompierre. Ses pensées se dirigèrent plutôt vers des familles comme les Pryor ou encore les Borrell qui regorgeaient de filles bonnes à marier selon le jeune chevalier. Il se laissa tout de même quelques secondes de réflexion puis soumit l’idée à sa grand-mère. À deux, la réflexion serait plus fructueuse. Roland appréciait ce moment. C’étaient certes des affaires sérieuses mais il appréciait passer du temps avec sa grand-mère. Une réelle confiance s’était installée entre eux depuis toutes ces années. Après tout, il était le fils de l’héritier donc un potentiel successeur amené à diriger Chênes-en-Fer dans un futur plus ou moins proche. Anya lui montrait volontiers les rouages de la direction d’un château, d’une famille, d’un territoire. Et aujourd’hui, la leçon consistait à marier ses jeunes oncles.

- Que pensez-vous des Pryor et des Bonnell ?

Les propositions étaient faites. Roland attendait désormais un avis de sa grand-mère et il était pour le moins impatient. Néanmoins, il ne s’arrêta pas là et ajouta quelques précisions sur ces deux familles. Sa grand-mère les connaissait, cela ne faisait aucun doute mais apporter des précisions pourraient peut-être la convaincre, lui faire voir les bons côtés à de telles alliances avec ces deux familles précises et pas d’autres.

- Il me semble, sauf erreur de ma part, que les Pryor sont plus aisés et que le seigneur a deux voire trois filles des âges ou un peu plus jeunes que Donnel et Wallace à marier.

Il marqua une courte pause, réfléchissant alors aux Bonnell. Cette famille, il la connaissait mieux que les Pryor. Il se lança alors dans le même exercice et parla de cette famille qui regorgeait littéralement de filles à marier.

- Quant aux Bonnell. Je me doute que vous les connaissez aussi bien que moi. Lord Godric est connu pour n’avoir que des filles et il me semble là encore que plusieurs sont à marier et correspondraient à mes deux jeunes oncles à marier.

Il se recula jusqu’au fond de son siège et plongea son regard dans celui de sa grand-mère dans l’attente d’une réaction, d’un avis et d’une réponse. Il y avait bien d’autres familles dans le Val. Les Egen, les Froideseaux, les Sunderland, les Corbray, les Hersy et bien d’autres. Mais il fallait faire un choix, le meilleur possible, dans l’intérêt des Vanbois. Et le jeune chevalier espérait qu’il soit sur la même longueur d’onde que sa grand-mère.


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Chênes-en-fer an 302, lune 8, semaine 1



Roland Vanbois & Anya Vanbois

Anya connaissait plus d’une mère pour qui le mariage de leurs enfants, leurs bébés, représentait une lourde charge émotionnelle. Hoquets, nez mouillé de morve et joues trempées de larmes, on disait au revoir à sa fille chérie ou on accueillait sa bru avec déchirement, parfois avec joie, parfois avec crainte. Pour la Vanbois, les choses ne s’étaient jamais présentées ainsi. Toutes ses filles étant presque nées à la suite, les sentiments furent rapidement troqués pour un esprit pratique et réaliste. Chaque union se calculait en somme gagnée et non pas en jours de bonheur. Une honte pour certains, une âme pragmatique pour d’autre.
Roland semblait partager ce trait de caractère avec sa grand-mère et cette dernière en était ravie. Sans un mot, elle acquiesça à son affirmation. Oui, Donnel et Wallace écouteront. Aucun membre de la famille n’avait le luxe d’avoir le choix ou de faire des caprices. La veuve ne les avait pas élevés ainsi. Même la plus retorse, Lysa, avait obéit. Et aucun de ses deux petits-frères n’avait en commun avec elle cet égoïsme venu d’on ne savait où.

Bientôt, de nouvelles lignes viendraient noircir les carnets de compte. Elle ne laisserait pas à Sylas l’extase de ce moment. C’est avec application qu’elle tracera elle-même les nouvelles rentrées d’argent. Cela faisait si longtemps et elle était vieille maintenant. On ne pouvait se refuser aucun plaisir. Néanmoins, elle se gardait bien d’en rêver. Pour l’instant, rien n’était fait et elle n’était pas femme à courir après des illusions. Elle aurait bien le temps d’y songer une fois les accords passés. Le plus dur restait à faire.

Elle hocha à nouveau la tête lorsqu’il mentionna les échecs des mariages Vanbois en dehors des limites du Val. Cela se passait de commentaire pour Carolei. Quant à Alyssa, elle demeurait dans cette forteresse maudite par la peste rouge lui ayant retiré son mari et ses deux fils. Désormais seule, loin des siens, ayant à élever sa fille aînée pour devenir lady Rogers dans une région qui n’était pas la sienne… Évidemment, Anya a eut, elle aussi, à surmonter les préjugés dans une région dans laquelle les filles héritières demeuraient très rares et étaient souvent moquées, mais elle y était parvenue en se forgeant une posture impitoyable sur un fief, dans une région, qu’elle connaissait par coeur. Les choses étaient différentes pour Alyssa. Les orageois la voyaient-ils encore comme une étrangère ? Et pour couronner le tout, voilà qu’elle se mettait à croire en un Dieu des Flammes ou une autre superstition ridicule…
Bien sûr, Roland pensait également aux négociations avortées avec les Lannister. Encore une perte de temps incroyable que ces négociations, en y repensant ! Décidément, oui, les Vanbois étaient fait pour demeurer au coeur des montagnes.

Son petit-fils réfléchit. Une ligne se creusa au milieu de son front tandis que ses yeux scrutaient le bureau, sans réellement le voir. Ainsi, il ressemblait à son père.

Lorsque les deux noms sortirent de sa bouche, la dame de fer ne put s’empêcher de lui servir une expression outrée, malgré les explications poussées du jeune homme. Ses yeux s’arrondirent de surprise, ses sourcils manquèrent de caresser la racine de ses cheveux et les coins de sa bouche maigre s’affaissèrent.

« Les Borrell ?! » s’insurgea-t-elle. « Enfin, Roland, tu n’y penses pas ! »

Anya avait en horreur les maisons des Trois Soeurs. Leur réputation exécrable leur valait de nombreux quolibets. Pirates, contrebandiers, naufrageurs… Ces familles étaient une honte pour le Val ! Et tant pis si leurs chateaux débordaient de filles, jamais Donnel ou Wallace ne ramènerait une soeuroise à Chênes-en-fer.

« Si je voulais que mes petits-enfants aient les mains palmés, je préférerais encore les marier à des grenouilles ! » trancha-t-elle. « Non, aucune fille avec une dot constituée de biens de contrebandes ne posera les pieds ici. »

Son ton était sans appel. Le manque d’honneur et de droiture des ces individus la rebutait. Elle balaya l’hypothèse d’un revers de main et elle ne reviendrait jamais plus sur la table.

Elle laissa passer quelques secondes, à méditer sa proposition quant aux Pryor.

« Les Pryor, en revanche, me paraissent tout à fait acceptables. Nous trouverons bien une fille convenable pour Wallace chez eux. Nous nous pencherons rapidement sur le sujet. »

Pour la première fois depuis le début de la discussion, la veuve se leva de son siège, tout en restant parfaitement droite. Elle fit quelques pas pour se dégourdir les jambes, le bruit de ses pas secs étouffés par l’épais tapis de laine noire qui recouvrait presque tout le sol du bureau.

« Quant à Donnel… Je souhaiterais te parler d’une idée que j’ai. As-tu déjà parlé à Aemma Hersy ? »

La jeune femme avait à peu près l’âge de son deuxième fils. Anya avait remarqué sa présence à de nombreux événements : l’enterrement de Yohn Royce, celui de Jon Arryn ou encore Lestival. Elle l’avait patiemment observé à chacune de ces représentations et elle lui semblait être sérieuse et tempérée.
Quant aux Hersy, leur nom illustre parlait pour eux.

Voilà qui irait parfaitement avec une dot bien garnie.




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The Choice of Roland – Part 2


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- Les Borrell ?! Enfin, Roland, tu n’y penses pas !

Ça passe ou ça casse comme on dit. Là, ça casse… Les Borrell, Roland le savait, ne faisait l’unanimité. Bien qu’ils aient de quoi payer une dot qui remplirait sans mal les caisses des Vanbois, leur réputation leur faisait quelque peu défaut. Roland s’ne voulut sur le moment d’avoir osé songer à cette famille. En effet, les Borrell avaient une sorte de malédiction. Ils avaient tous à quelques rares exceptions faites les mains palmées. Cela ne pouvait être concevable pour lady Anya Vanbois de marier l’un de ses fils à une Borrell et Roland le comprenait bien. Il était pourtant plus réfléchi habituellement. Rougissant, il n’osa porter un regard à sa grand-mère. Il retira totalement cette idée de la tête. Il ne savait guère ce qu’il lui était passé pour la tête pour proposer cette maison de contrebandiers. Heureusement le Val regorgeait de familles possédant des filles prêtes à marier. Les Vanbois étaient, de surcroît, une famille plutôt influente et proche du pouvoir, le seigneur ayant été pupille d’Anya. Cela pouvait attiser toutes les convoitises et c’est sur ça que comptait Roland pour se rattraper auprès de sa grand-mère qui n’avait pas l’air contente de cette proposition, et à juste titre. Il vit le geste de la main de sa grand-mère et savait bien évidemment ce que cela signifiait. Plus un mot à ce sujet et passons à autre chose. Roland savait qu’elle n’allait pas lui en tenir rigueur mais tout de même, il s’en voulait un peu. Il faisait tout pour que sa grand-mère voit qu’un jour, il ferait un bon seigneur. Il ne devait y avoir de faux-pas. Il ne voulait pas faire de faux-pas. Il reprit de l’aplomb en entendant sa satisfaction concernant les Pryor. Tout n’était donc pas perdu.

- Les Pryor, en revanche, me paraissent tout à fait acceptables. Nous trouverons bien une fille convenable pour Wallace chez eux. Nous nous pencherons rapidement sur le sujet.

- Quand vous voudrez.

- Quant à Donnel… Je souhaiterais te parler d’une idée que j’ai. As-tu déjà parlé à Aemma Hersy ?

Aemma Hersy. Regardant sa grand-mère faire quelques pas, Roland fouilla dans sa mémoire. Ce nom lui disait quelque chose. Il connaissait bien sûr la famille Hersy. Quant à Aemma, il l’avait déjà vu à quelques occasions qui s’étaient présentées à eux mais n'avait pas spécialement parlé avec elle, ni même fait plus amples connaissances. Aemma Hersy était une jeune fille très jolie et agréable. S’il n’était pas allé en quête d’un mariage dans l’Ouest ou s’il n’avait pas rencontré Aelinor, peut-être qu’il l’aurait épousé. Après tout, elle était de bonne famille, du Val qui plus est. Le sourire aux lèvres, il ne quittait pas des yeux sa grand-mère et souhaitait bien savoir quel était son plan. Elle voulait probablement marier Donnel à la jeune femme. Espérons néanmoins qu’elle apporte une dot convenable pour renflouer quelque peu les caisses des Vanbois.

- Lady Aemma. Nous ne nous connaissons guère bien mais elle me paraît tout à fait charmante et être une bonne candidate.

Il marqua une brève pause puis enchaîna aussitôt.

- Pensez-vous marier Donnel à lady Aemma ? Je dois bien reconnaître que la famille Hersy a plus de prestige que les Borrell...

Il avait osé un trait d’humour sur sa maladresse précédente. Et il espérait que sa grand-mère suivrait le pas, le jeune chevalier voulant détendre l’atmosphère au sein de cette conversation plus que sérieuse et capitale pour l’avenir de la famille. Fuyant son regard, il attendit tout de même une réaction de sa part avant de poursuivre si ce plan de mariage.


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Chênes-en-fer an 302, lune 8, semaine 1



Roland Vanbois & Anya Vanbois

Les doigts trop fin de la matriarche tapotèrent en rythme sur le bois noir de son bureau. Roland, honteux, avait déjà le rouge qui lui montait aux joues devant le ton impérieux de sa grand-mère. Oh, cette dernière savait bien que jamais il n’avait songé à mal alors que ce nom maudit avait franchi le seuil de ses lèvres… L’unique fils de Morton, comme elle, pensait uniquement au bien-être et à la renommée des Vanbois. Anya se targuait souvent de son pragmatisme à toute épreuve. Une qualité incroyable pour certain. Un manque d’émotions pour d’autres. Pourtant, ce réalisme, ce esprit pratique était souvent mis à mal par les valeurs qu’elle défendait et l’idée qu’elle se faisait pour l’avenir de sa famille. Si son âme avait été purement objective, bien sûr, elle aurait songé à unir un de ses fils à une famille soeuroise. Ils n’étaient pas riches comme des rois, mais ils possédaient tous une petite collection de biens qu’on pouvait facilement leur envier… Mais l’honneur l’interdisait d’avoir de telles pensées. Était-il possible que son petit-fils soit plus empiriste qu’elle ? Cette idée la ravissait et la faisait réfléchir en même temps. Le réalisme était une bonne chose. Une excellente chose, même, lorsque l’on était amené à gérer un fief. Néanmoins, cela ne devait pas se faire au sacrifice d’une réputation impeccable.

« Ne détourne pas les yeux, » lui ordonna-t-elle. « Il n’y a pas à avoir honte. Tu avais ton avis et tu l’as fait savoir. »

Le jeune homme avait les yeux fixés partout, sauf sur elle. Il ne l’avait pas déçue. Au contraire. Ses arguments étaient valables et il était évident que l’union qu’il proposait aurait eu un effet bénéfique sur leurs finances. Cependant, elle ne pouvait l’accepter. De son vivant, aucune grenouille ne poserait les pieds dans la demeure ancestrale des Vanbois. Et elle espérait vivement que la tradition perdurerait après sa mort. Sinon, elle n’hésiterait pas à revenir hanter sa descendance aux mains palmées. Le simple fait d’y penser la remplit de dégoût. Quel enfer cela serait que d’imaginer des petits enfants blonds, arborant les armoiries de Chênes-en-fer, et présentant ces difformités !

« Tu as l’esprit pratique, » dit-elle. « C’est bien. Mais n’oublie jamais qui tu as en face de toi. Ni leur système de valeurs. Penses-y, la prochaine fois. »

De l’empathie. Pouvoir se mettre à la place de son interlocuteur. Anya en était bien incapable. Sûre d’elle, toujours confiante, habituée à être obéit, elle n’avait pas inventée sa réputation de dame de fer. Pourtant, elle savait que cette qualité lui manquait. Mais alors, qui était-elle donc à pouvoir donner des conseils à ce sujet ? Elle désirait simplement, et ce plus que tout, que Roland soit meilleur qu’elle. Meilleur que Morton. Et que Jasper, son fils, le surpasse également. Les Vanbois étaient voués à se surpasser. Et pour cela, ils devaient apprendre des erreurs et des lacunes de leurs prédécesseurs.

Elle hocha la tête lorsqu’il acquiesça pour les Pryor. Pourtant, elle ne voulait pas se limiter uniquement à cette famille pour Wallace. Si le temps pressait pour Donnel, son dernier fils était encore jeune et elle avait à coeur de lui trouver le meilleur parti possible.

« Voilà qui est conclu. Nous enverrons une troupe de messagers chez les Pryor… mais également chez les Montmarri et les Lipps. Ce sont également de très bonnes familles du Val et je ne souhaite pas rayer toutes nos options aussi vite pour Wallace. Nous verrons qui se montrera le plus offrant. Et qui souhaitera également unir sa fille à ce bougre de Wallace. »

Son dernier né n’avait ni la fougue, ni le panache, ni la fierté des autres membres masculins de la famille. Renfermé, bégayant et timide, il n’avait pour lui qu’un esprit cultivé par ses nombreuses lectures et un caractère dévot, loin d'être paresseux, qui lui avait attiré, plus jeune, les louanges de septon Gladwyn, un fervent admirateur des Sept et rattaché à la maisonnée Vanbois. De prime abord, il ne dégageait ni sympathie, ni charisme et Anya doutait qu’une dame tomba follement amoureuse de lui après avoir posé son regard sur sa figure. Néanmoins, il avait ses qualités. Elles étaient simplement bien cachées.

Pour Donnel, en revanche, les choses étaient différentes. Le temps pressait et s’il continuait à s’entêter dans sa carrière militaire, le pas ne serait que plus dur à franchir. Il fallait donc lui couper l’herbe sous le pied… avant qu’il ne prenne trop goût à sa liberté d’homme célibataire.

Roland réfléchit et sa remarque sur Aemma Hersy ravit la veuve. Elle éclata d’un rire sec, semblable au crissement d’une lame dans son fourreau.

« En effet, en effet… » poursuivit-elle pour répondre à ses deux dernières phrases. « Que t’ai-je dit plus tôt ? Regarde moi ! Je ne vais pas te manger. »

Jusque là assise derrière son bureau, elle se redressa, déliant ses jambes et ses bras trop longs, ressemblants à s’y méprendre aux branches noueuses et noircies des chênes recouvrant le territoire Vanbois. La chaise crissa sur les dalles usées.

« Pour Wallace, le débat reste ouvert. Pas pour Donnel. Ma décision est prise. »

Elle contourna la table, recouverte de registres et de bols d’encre, pour se planter en face de son petit-fils.

« Tu t’occuperas des négociations, Roland. »


Il était plus que temps que le fils de Morton se fasse sa place d’héritier. Il avait bien fait de lui proposer les Borrell comme potentielle famille à marier, un peu plus tôt. Ainsi, il s’était montré capable de proposer ses idées et de les accompagner d’arguments tangibles. Il ne fallait simplement pas qu’il se démonte si les Hersy se montraient pointilleux… Enfin, il lui fallait accumuler de l’expérience.
Et elle était prête à lui confier des responsabilités de la plus haute importance pour qu’il puisse forger l’avenir de la maison Vanbois.




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The Duty of Roland – Part 1


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- Ne détourne pas les yeux. Il n’y a pas à avoir honte. Tu avais ton avis et tu l’as fait savoir.

La matriarche Vanbois ne semblait pas en vouloir à Roland quant à sa proposition concernant les Borrell. Bien qu’elle lui ordonne de la regarder, il n’osait guère. Sa grand-mère était l’autorité en ces lieux et il lui devait obéissance. Il était le fils de l’héritier et par conséquent, il était amené à avoir des responsabilités, prendre des initiatives, se porter comme le représentant de la famille Vanbois. Le jeune valois était loin d’être un paresseux et Anya le savait, le reconnaissait volontiers. Mais il n’avait pas encore la pensée d’un seigneur, l’esprit stratège que pouvait avoir sa grand-mère. Proposer les Borrell ne semblait pas une mauvaise idée au départ mais aux dires de sa grand-mère quant à leur difformité physique ou bien leur réputation, Roland en convenait que ce n’était guère le choix le plus habile. Il aurait été regrettable d’avoir toute une troupe de petits enfants aux doigts palmés dans la cour de Chênes-en-Fer, Roland en convenait. Connaissant sa grand-mère, Roland imaginait le fond de sa pensée, voyant déjà l’enfer que serait la présence de cette descendance difforme en ces lieux. Soulignant son esprit pratique, Anya lui donna un conseil de plus que Roland s’empresserait de garder en mémoire et d’appliquer à l’avenir. Il acquiesça alors à la mention des Pryor. C’était une famille convenable qui irait parfaitement avec Wallace. Mais la matriarche ne se contenta pas des Pryor. Si le mariage de Donnel était acté dans l’esprit de la valoise, celui de Wallace restait encore ouvert et elle proposa d’envoyer des messagers chez les Pryor mais également chez les Montmarri et les Lipps. Le plus offrant pourra avoir les faveurs d’Anya Vanbois. Roland acquiesça de nouveau, fuyant toujours le regard de sa grand-mère. Pourtant, elle ne semblait pas remonter et elle ria même à sa remarque ironique, ce qui le fit sourire. Puis, elle le rappela une nouvelle fois à l’ordre afin qu’elle ne le fuit pas du regard.

- Que t’ai-je dit plus tôt ? Regarde moi ! Je ne vais pas te manger.

- Pardonnez-moi.

- Pour Wallace, le débat reste ouvert. Pas pour Donnel. Ma décision est prise.

Roland releva alors le regard tandis que sa grand-mère se leva de sa chaise, faisant crisser celle-ci sur le sol. Roland fit tapoter ses doigts sur la table tandis que sa grand-mère la contournait. Ils se retrouvèrent l’un en face de l’autre et sa grand-mère poursuivit.

- Tu t’occuperas des négociations, Roland.

Depuis son retour l’année passée, Roland avait pu ajouter à sa collection de tâches, plusieurs responsabilités çà et là que lui confiaient sa grand-mère. Il était en âge de représenter les Vanbois et de servir les intérêts de la maison. Il avait déjà eu l’occasion de le faire via ses voyages à Castral Roc ou à Port-Réal pour se trouver une épouse et une alliance solide pour Anya. Il était prêt à faire de même pour ses oncles, en âge de se marier, en âge de fomenter une alliance. Et cela ramènerait de l’argent dans les caisses de Chênes-en-Fer, ce qui n’était pas un mal. En pensant à la jeune Hersy, Roland se dit que tout le monde y trouverait son idéal. L’argent rentrerait, Anya empêcherait Donnel de poursuivre dans cette carrière militaire dans laquelle il s’était lancé, la famille Hersey – loin d’être d’une bande de vagabonds – serait probablement heureuse de compter sur une alliance avec les Vanbois, en plus du prestige que cela apporterait à leur famille. Roland quitta alors des yeux les bols posés sur la table pour plonger son regard dans celui d’Anya. Sans un tremblement, il lui répondit avec enthousiasme.

- C’est un honneur pour moi, grand-mère.

Il avait déjà hâte de fouler l’herbe de Newkeep, la demeure des Hersy. Cela allait changer de toutes ces lunes passées à Chênes-en-Fer. Entre le banquet aux Portes de la Lune et cette nouvelle mission qui venait de lui choir, Roland allait être occupé et cela lui allait très bien. Si la demeure familiale lui était agréable, il avait pris goût aux déplacements et aux voyages. Il ne pouvait nier être nostalgique de cette époque où il suivait lord Jon Arryn dans tous ses déplacements ou bien lorsqu’ils allaient et venaient entre Port-Réal, Castral Roc et Chênes-en-Fer. Quoiqu’il en soit, il était heureux que sa grand-mère lui fasse confiance pour ce genre de mission dans laquelle il aurait moins peur d’être assassiné pour n’importe quelle raison. Ces deux alliances se faisaient en interne cette fois, entre valois uniquement. Anya ne souhaitait plus d’alliance avec d’autres régions. Et Roland était d’accord, d’autant que des tensions se faisaient encore sentir çà et là.

- Je saurai me montrer à la hauteur de votre confiance et j’espère ne pas vous décevoir.

Roland lui adressa un sourire, conscient que sa grand-mère lui confiait là une responsabilité digne d’un héritier ou du moins digne d’un fils d’héritier, car c’est ce qui l’était en l’état. Il est bien loin le temps où les caisses des Vanbois ressemblaient à une corne d’abondance. Les mariages successifs des filles d’Anya avaient quelque peu endetté la famille Vanbois mais l’avenir n’était pas incertain. Wallace et Donnel allaient contracter des mariages qui permettraient de renflouer un peu les caisses. Cela n’empêchait pas Roland d’être inquiet pour autant.

- Néanmoins, pensez-vous que ces deux mariages suffiront pour nous relever un peu ? D’autant que le banquet pour Harrold est pour bientôt.


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Chênes-en-fer an 302, lune 8, semaine 1



Roland Vanbois & Anya Vanbois

Voilà bien trop longtemps que les finances Vanbois battaient de l’aile. Il était temps de remédier à tout cela. Anya avait décidé le mariage de ses fils dès leur naissance. Il était hors de question qu’il consacre leur vie à autre chose que de trouver une épouse. Aujourd’hui, le temps était venu. Si la décision avait longuement mûri dans sa tête, elle ne s’était pas attendue à l’établir aujourd’hui. Cette conversation avec Roland avait ravivé les flammes et mis en avant l’urgence de la situation. Avec l’hiver qui s’établissait dans la région, bientôt, le Val serait paralysé sous une couche neigeuse opaque et meurtrière.
Un dernier regard vers le livre de compte noirci, mais malheureusement pas dans les bonnes colonnes, la rasséréna sur ses choix. Oui, c’était maintenant ou jamais.

Néanmoins, cet argent ne devait pas dormir. C’était l’erreur qu’elle avait commise depuis toutes ces années. Assise sur la fortune des Vanbois, accumulée par ses ancêtres avant elle, elle n’avait fait que le dépenser en dots, sans jamais chercher à en faire quelque chose d’autre. Il faudrait le réinvestir. Le réinvestir intelligemment. Cette réflexion était d’une autre nature que celle visant à dénicher des fiancées potentielles pour ses fils, mais elle était toute aussi importante. Si ce n’était plus. Bien sûr, elle avait déjà quelques idées. Chênes-en-fer possédait une forêt incroyablement dense de chênes réputés pour la qualité de leur bois. Robustes, solides et dotés d’étranges reflets argentés, ils avaient donné leur nom au fief de la maison. Pourquoi ne pas donc les utiliser ? Sa première et seule idée avait été d’établir un chantier naval. Cela lui était venu après les attaques fer-nées sur leurs côtes. Le Val se devait de renforcer sa puissance maritime et la veuve était plus que volontaire pour participer à l’effort. Ils disposaient d’un lac relié à la mer par une large rivière aux eaux poissonneuses. Cette particularité géographique abondait également dans ce sens. Mais elle ne pouvait pas se contenter que d’une seule idée. Et surtout pas d’une idée aussi incomplète. Elle devait également en discuter avec l’intendant avant de présenter une proposition réaliste et faisable à Morton et Roland. Car si elle comptait sur eux, l’inverse était également vrai.

Mais d’abord, il fallait s’occuper de ces fiançailles. Car rien de possibles sans ces filles et leurs dots. Cela n’empêchait pas la matriarche de se préparer. Elle détestait être prise de cours et planifier dans l’urgence. Anya était une femme d’organisation et de prudence. « Les femmes nous sont bien indispensables… » pensa-t-elle ironiquement. Un fait auquel elle croyait de tout son coeur, mais qu’elle avait bien eu du mal à imposer durant ses premières années à la tête de ses terres. Aujourd’hui, cela ne pouvait être plus vrai.

Roland était ravi de cette nouvelle mission. Sa grand-mère accueillit son enthousiasme avec un léger sourire de fierté. Elle acquiesça et posa sa main osseuse sur son épaule. Ses yeux noisettes croisèrent les siens.

« Tu as intérêt, » lui fit-elle avec un faux air de menace. « Ou je me devrais de marier Jasper à une Borell… Crois moi je ferais tout pour rester en vie et orchestrer ça ! »

Un rictus étira les rides profondes des coins de sa bouche. Elle plaisantait, évidemment. Jamais une vagabonde issue d’une famille de contrebandiers ne deviendrait lady Vanbois ! Elle en mourrait.

Elle n’avait aucun doute sur les capacités de son petit-fils à faire bonne impression et à leur présenter des propositions tout à fait convenable. Il avait les traditions et la morale comme modèle et avait naturellement toute sa confiance.

La question du jeune homme lui fit porter son index et son majeur à sa tempe gauche. Roland était intelligent.

« Bien sûr… La question est : pour combien de temps ? Aelinor nous a permis de retomber sur nos pieds seulement pour dépenser son or aujourd’hui pour le banquet. Rien ne nous dit que nous ne devrons pas en faire de même avec les dots des épouses de Donnel et Wallace. Nous allons devoir faire fructifier cet argent. »

Elle contourna Roland pour aller observer la carte du Val, accroché au mur. Le soleil pénétrant pas la verrière l’éclairait totalement, rendant possible la lecture nette de toutes les villes, toutes les rivières et tous les forts.

« Néanmoins cette question mérite encore un peu de réflexion. » Elle tapota son index sur sa tempe. « J’y songe déjà. Nous allons apprendre de nos erreurs. »

Cette dernière phrase avait des allures de promesse.




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The Duty of Roland – Part 2


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- Tu as intérêt. Ou je me devrais de marier Jasper à une Borell… Crois moi je ferais tout pour rester en vie et orchestrer ça !

La phrase de la matriarche glaça le sang de ce pauvre Roland. Quelle horreur ! Elle oserait ? Roland était dubitatif mais voyant qu’elle le taquinait, il ne donna pas suite à cette réflexion. Il se concentra sur la conversation. Les mariages de Wallace et Donnel allaient permettre à la famille Vanbois de renflouer quelque peu les caisses pauvres de Chênes-en-Fer et qui devaient sûrement faire jaser la moitié de la région. Mais qu’à cela ne tienne, @Anya Vanbois ne se laissait sûrement pas faire. Stratège hors-pair, elle avait toujours un ou deux coups d’avance. La famille avait des problèmes d’argent mais tout problème avait sa solution. Celle des Vanbois était de marier les célibataires de la famille. Mais rien n’était encore décidé et la famille n’était pas encore sauvée. C’est alors que Roland, regardant cette fois sa grand-mère avant qu’elle ne réitère ses propos, posa une question des plus pertinentes sur ces mariages qui, il ne faisait aucun doute, aidera à les faire se sentir mieux financièrement.

- Néanmoins, pensez-vous que ces deux mariages suffiront pour nous relever un peu ? D’autant que le banquet pour Harrold est pour bientôt.

La vieille dame ne sembla pas gêner par la question. Elle semblait même approuver la pertinence de celle-ci. Elle y répondit presque aussitôt, portant à sa tempe sa main ridée.

- Bien sûr… La question est : pour combien de temps ?

C’était là le problème quand il y avait une rentrée d’argent. Pour combien de temps elle permettrait aux Vanbois de vivre ? Les mariages avaient ce don merveilleux de résoudre les problèmes mais sur du court terme, en témoigne le mariage de Roland et Aelinor qui avait permis aux Vanbois de sortir la tête de l’eau, notamment à l’approche de ce banquet, royal qui plus est. Mais Anya avait de la suite dans la idées et elle poursuivit.

- Nous allons devoir faire fructifier cet argent.

La vieille Vanbois quitta alors Roland pour se diriger vers une carte du Val. Le chevalier sut de tout de suite qu’Anya avait un plan pour faire travailler cet argent, voir le rentabiliser pour pouvoir en gagner plus mais elle se garda bien de préciser son idée. Roland n’insistera pas et attendrait d’être mis au courant quand le moment sera venu. Il avait toute confiance en sa grand-mère. Elle était une cheffe de famille hors-pair. Elle dirigeait Chênes-en-Fer depuis des décennies, bien avant la naissance de Roland. Nul doute qu’elle savait y faire désormais et qu’elle avait tout prévu, ou presque.

- Néanmoins cette question mérite encore un peu de réflexion. J’y songe déjà. Nous allons apprendre de nos erreurs.

Il n’en doutait pas bien au contraire. Il laissa s’échapper quelques secondes de silence avant de conclure leur entretien.

- Vous aurez tout le temps d’y réfléchir. Pensons tout d’abord au banquet. J’imagine que ma mission ne débutera qu’une fois celui-ci terminé.

Il marqua une courte pause, réfléchissant alors à cette mission des plus importantes qu’Anya venait de lui confier. Il commençait déjà à s’imaginer ce qu’il dirait. Il aurait sûrement besoin de l’aide de son épouse pour bien se préparer à cette tâche. Mais que Roland se rassure, il avait la pleine confiance de sa grand-mère et il s’en rendait bien compte. Elle ne lui aurait pas confié cette tâche autrement. Il marcha quelques pas vers la porte de son bureau puis se tourna vers sa grand-mère, clamant quelques mots avant de prendre congé. Il fut cependant interrompu par l’arrivée de Sylas, l’intendant. Roland lui fit alors face.

- Ah, Sylas, vous tombez bien. Je pense que vous avez des choses à voir avec lady Anya.

Et sans un mot, il fit un sourire à sa grand-mère, ainsi qu’un signe de tête en guise de révérence avant de laisser les deux valois s’atteler à d’autres affaires de compte. Quant à Roland, il parcourut les couloirs de Chênes-en-Fer jusqu’à ses appartements où il retrouva son épouse et son fils avec enthousiasme, ses pensées toujours tourner vers l’avenir. L’avenir de sa famille, l’avenir de Jasper, l’avenir des Vanbois.


#1D702D : Roland Vanbois
#006600 : Anya Vanbois

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