Une nouvelle n’arrive jamais seule (feat. Asha Greyjoy)

La vue de son foyer natal procurait encore, pour Theon, debout sur le pont de sa galère, une émotion qui lui était étrangère.  Cette île, certes plus petit que Grand Wyk ou Harloi, l’avait vu naître, passé une première fois sous le regard dur du Dieu Noyé, puis il avait dû en partir pour des raisons qui alors lui étaient encore étrangères. Depuis peu, il était de retour, grâce entre autres à celle qu’il s’apprêtait à retrouver, sa grande-sœur Asha, la Reine des Îles de Fer. Ses sentiments à son égard étaient mitigés. Certes il lui devait sa liberté, son retour au pays, à elle, une femme, sa sœur avec qui il n’avait passé que très peu de temps, même encore avant son départ forcé. Mais il l’enviait beaucoup également ; elle possédait ce qu’il lui revenait de droit à lui, le dernier fils vivant de Balon Greyjoy. Serrant les dents et ravalant sa fierté, il se tourna vers ses matelots, leur ordonnant de rentrer les voiles et de se préparer à accoster à Lordsport, où la grande majorité de la flotte des Îles de Fer et des Greyjoy mouillait constamment. Une forte bourasce de vent s’engouffra dans sa cape verte, faisant onduler la grande seiche qui y était brodée au gré du vent. Theon quant à lui inspira cette grande bouffée d’air frais que lui donnait le vent, empreint d’odeurs de sel et d’algues. La galère de la Main de la Reine étant à présent amarrée à l’un des quais de Lordsport, on sortit la petite passerelle de bois et Theon s’y engagea, laissant ses hommes finir de tout ranger avant de retrouver leurs familles. Il s’empressa d’aller demander un cheval afin de rejoindre Pyk encore avant la tombée de la nuit. On lui fournit une bête à l’allure plutôt misérable comparée à celles qu’il montait à Winterfell, mais qu’importe, l’essentiel était que la bête ne crève pas en route. Arriver à Pyk à pied pour lui, Theon Greyjoy, l’héritier de Balon Greyjoy, Main de la Reine Asha et Ambassadeur des Îles de Fer…ça aurait été le comble du déshonneur et de la honte, déjà que beaucoup de Fer-Nés le toisaient encore d’un air qui criait « Regardez-le…sa splendeur Theon,…la Seiche devenue Loup… » malgré les rôles importants que lui confiaient Asha, comme celui duquel il revenait à présent.

Sa sœur étant souffrante, il avait été envoyé, ainsi qu’une petite délégation Fer-Nés d’une dizaine de personne, à Harrenhal pour prendre part au grand banquet qui y était donné ainsi qu’aux festivités qui le suivaient. Theon en venait presque à remercier cette maladie qui soudain s’était abattue sur sa sœur, le propulsant lui, enfin, sur les devants de la scène, car malgré son statut de Main, il restait encore beaucoup (trop) dans l’ombre de la Reine sa sœur… Il voyait donc dans ce déplacement l’occasion de se faire bien voir des Fer-Nés, de sa sœur en la représentant du mieux possible, et (mais cela restait caché bien au fond de lui), une opportunité de revoir d’anciennes connaissances et d’en nouer des nouvelles. Là était sa plus grande force : de tous les Fers-Nés, il était l’un des rares à savoir se comporter convenablement aux yeux des gens du continent, pour lesquels les Fer-Nés passaient tous pour des brutes, pilleurs et violeurs. Grâce à lui, les relations entre les Îles de Fer et le continent pouvaient peut-être littéralement changer. Du moins l’espérait-il, et c’est en pensant à cela qu’il entra dans la cour de Pyk, son cheval écumant de la rapide course à travers les collines escarpées et venteuses de l’île. Il sauta à terre, confia les rènes à un jeune garçon à qui il profita pour demander :

Où se trouve la Reine ?

Dans l’Donjon Sanglant, M’ssire Main, lui répondit-il dans son patois de Pyk.

Mmh, fut tout ce que lui répondit Theon, tandis qu’il s’engageait dans les escaliers qui menaient à l’intérieur du château.

L’ascension lui parut longue et il se prit à maudire plus d’une fois les escaliers rendus glissants par l’humidité extrême du lieu et le pont malmené par le vent qui reliait le Grand Donjon au Donjon Sanglant. Il se présenta devant les appartements de la Reine, gardés par deux gardes à la Seiche gravée sur leurs plastrons de fer.

Je souhaite parler à ma sœur. Va lui dire que son frère est de retour avec des nouvelles du continent.

L’autre fit un signe de tête bref et sec puis s’engouffra dans la vaste pièce intérieure, tandis que Theon se voyait contraint d’attendre dehors. « Ces appartements devraient être les miens », rumina-t-il intérieurement. Après une ou deux minutes d’attente, le garde surgit à nouveau devant lui, laissant la porte grande ouverte et lui signifiant d’entrer :

La Reine va vous r’cevoir M’ssire Main.

Theon ne lui prêta aucune attention et entra dans la pièce bien chauffée par l’immense cheminée au-dessus de laquelle était gravée une seiche imposante dans la pierre grise de l’âtre. Il la vit immédiatement, assise dans un fauteuil et enveloppée dans une couverture de peaux de bêtes. Theon vint à elle d’un pas décidé, alors qu’elle tournait son visage vers lui. « Elle a l’air d’aller mieux » se dit-il, même si la maladie avait l’air de l’avoir fort fatiguée, à la vue des cernes grises sous ses yeux et de son visage émacié. Il lui sourit aimablement :

Ma sœur ! Comment va notre Reine ? Je t’apporte de bonnes nouvelles du continent…, lui dit-il tout en prenant place dans le fauteuil situé face à elle.