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[Danger de mort ] Arrival of the birds

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Arrival of the birds × Danger de mort

PREMIÈRE PARTIE

Stars are beautiful, but they may not take an active part in anything, they must just look on for ever. It is a punishment put on them for something they did so long ago that no star now knows what it was. So the older ones have become glassy-eyed and seldom speak (winking is the star language), but the little ones still wonder. (J.M.Barrie)



Les cheveux encadrant son visage comme un voile lourd, l'adolescente ronflait presque silencieusement. Noyée dans la tapisserie de la nuit, Jynessa n'était rien d'autre qu'une ombre que la faible lueur de la lune contournait. Lorsque le vieux bois de la table craqua sous le poids de l'air des pas du chat du château, la Noirmont se réveilla doucement. Les cheveux chatouillant son visage endormit, elle se frotta les yeux. La jeune femme n'était pas pressée de les ouvrir. Elle craignait que lorsqu'elle déshabillerait ses prunelles bleues, elle ne verrait autour d'elle que le gouffre sombre de la nuit, que ces choses qu'on ne pouvait ni voir ni prévenir lui tendraient un piège au détour d'un coin trop sombre. Les mains devant  les yeux comme une enfant apeurée, la Noirmont sentait le vent chaud caresser tendrement sa nuque, glisser dans ses cheveux, comme une main invisible qui fit tourner son cœur dans sa poitrine. À travers la fenêtre, cette brise non-rare lorsqu'on résidait aux frontières du Bief s'était frayé un chemin dans la pièce, soufflant lentement les flammes qui éclairaient la pièce. Pourtant, la cire qui avait  durcit autour de chaque chandelle confirma qu'elle dormait désormais depuis un long moment. Ses mains glissèrent sur ses joues, ses yeux s'ouvrirent au rythme de son souffle que son angoisse rendait lourd. Laissant ses doigts  reposer sur le tissu de sa robe qu'elle tritura,  ses pupilles bleutées se tournèrent vers la fenêtre d'où elles saisirent un morceau de lune discret, un rayon qui entrait en intrus dans la pièce, aimant sur son passage les nombreuses feuilles qui dormaient sur la table. Les iris de la dornienne lâchèrent la lune et se refondirent dans la pièce où ils ne voyaient rien d'autre que l'ombre des montagnes que l'astre lançait sur le mur, les détails dansants et déformés qu'elle ne savait reconnaître sur le coup. Jynessa passa ses longs doigts sur son front et poussa quelques de ses mèches de cheveux vers l'arrière. Lorsqu'elle croisa son propre regard dans le miroir face à elle, sa gorge se noua. Elle n'aimait pas ce visage, ces traits, éclairés par la lune taquine. Elle n'aimait pas ces gestes qui lui semblèrent perdre de leur nature, ces angles angoissants qui n'avaient rien de ceux du jour. Perdant la bataille contre ses anxiétés, elle baissa les yeux et elle ne les releva pas, de peur de voir son reflet faire l'inverse. Lorsque son regard fut habitué à la noirceur, elle s'étira pour s'emparer d'une bougie. Jynessa se leva et se dirigea vers la lourde porte de bois ; le chat suivit, ses pas s'heurtant contre les murs de la salle. Elle ouvrit celle-ci et sortit à peine de la pièce. Rapidement, elle accoupla la mèche de sa bougie au feu d'une autre et rentra à nouveau, fermant la porte derrière elle. Devant ses yeux dansait une flamme, comme une jeune fille en soies orangés, qui effaçait ses angoisses. D'un pas léger, l'adolescente fit le tour de la pièce et alluma chaque bougie une à une. De la noirceur étouffante naquît une lumière réconfortante.

Illuminant ses yeux, les petites flammes qui firent vivre la pièce accrochèrent un fin sourire sur ses lèvres. Replaçant la bougie mère sur son socle, Jynessa s'installa à nouveau dans sa chaise aux coussins de velours, le regard fixant les nombreux documents qui reposaient sur la table. Placés pêle-mêle, un ordre naturel qu'elle seule arrivait à comprendre, ils accompagnaient des ouvrages poussiéreux qui révélaient des écrits plus obscures les uns que les autres. D'une main calme, l'enfant Noirmont frotta à nouveau ses yeux endormis. Comme elle avait passé des lunes sur ce projet, comme elle avait investi son temps à suivre des chimères, la jeune femme ne pouvait se permettre de s'endormir. Enfin, le cycle lunaire l'en empêchait. Si elle manquait cette lune, il lui faudrait attendre encore quelques jours. L'excitation qui faisait battre son cœur si rapidement lui confirma qu'elle ne pourrait attendre plus longtemps. Elle avait déjà interrompu suffisamment longtemps son travail lorsqu'elle était allée rendre visite à Allyria Dayne. Or, cet instant de repos ne lui avait pas nuit : lors de son retour, elle avait rapporté avec elle un livre qu'elle avait trouvé par hasard dans la bibliothèque des Dondarrion. Ce morceau de coïncidence lui avait permis de combler un vide qui hantait auparavant sa réflexion.  L'héritière Noirmont s'étirât pour récupérer une pile de parchemins, dérangeant au passage quelques morceaux de nature placés minutieusement près d'un chaudron adroitement volé dans la cuisine.

Le coude appuyé sur la table et la mâchoire contre la paume de sa senestre, Jynessa retournait lentement chaque parchemin, leur accordant à chacun un temps suffisant pour dénicher les erreurs. À quelques reprises, elle prit sa plume et raya quelques mots ou en rajouta d'autres, corrigea des calculs. Sa mère détestait la voir enfermée si longtemps depuis quelques temps. Elle mettait ça sur le dos des fiançailles récentes de sa fille avec l'héritier Allyrion. Or, elle détestait également lorsque Jynessa sortait trop. Cette femme était une girouette. Peu importait, l'adolescente avait passé tant d'heures à chercher, chercher, pour finalement comprendre. Les ressources étaient rares et compliquées à trouver, mais elle avait épluché les rayons de l'opulente bibliothèque de Noirmont comme d'autres épluchaient des pommes de terres. Malgré les réticences du mestre Thomas, ce dernier l'avait initiée aux mathématiques et aux autres théories du calcul  même si cela n'était pas particulièrement nécessaire à l'entreprise de l'adolescente. Grâce  à lui, elle avait pu tirer des conclusions qui manquaient parfois d'une queue ou d'une tête.  Pourtant, ça ne l'empêchait pas d'être fière et certaine de ses résultats. Enfin, elle avait choisi d'ignorer toutes les fois où le mestre lui avait affirmé qu'elle n'était qu'une inconsciente ainsi que tous ses  roulage d'yeux de merlan frit. Jynessa fronça les sourcils ; elle maudissait le petit mal de tête que lui infligeaient l'odeur des bougies brûlant ainsi que la lecture dans la presque obscurité. L'incertitude tachant ses traits encore enfantins, ses petites dents mordillaient sa lèvre inférieure.

La jeune femme replaça sur la table une dizaine de parchemins et n'en garda qu'un entre ses mains. Elle le lut attentivement avant de le déposer à son tour sur les autres. Poussant sa chaise en même temps, elle se leva à nouveau. Minutieusement, elle rangea toutes les feuilles et ferma tous les livres. Rapidement, elle empila le tout et l'écarta à une des extrêmités du meuble. Elle ne garda que le dernier parchemin à avoir été remis sur la pile. Au centre de la table, elle plaça le  chaudron qui se tenait sur quatre pattes moyennement longues. Elle prit alors quatre petites bougies qu'elle alluma grâce à une autre et elle les plaça sous le chaudron. Évidemment, elle devrait attendre un peu avant que la chaleur ne rende le plat de métal assez chaud, mais ça en vaudrait le coup, supposa-t-elle. L'adolescente s'assit à nouveau, attendant patiemment que le fond du plat soit assez chaud. Lorsque ce fût le cas, une bonne dizaine de minutes plus tard, elle quitta encore une fois le fauteuil et se mit à remplir le chaudron d'un peu de tout les ingrédients qui se trouvaient sur la table. Jynessa commença par un vin amer venu d'une région d'Essos dont elle avait oublié le nom. Qu'il vienne de là-bas était important, tout comme pour les épices qu'elle fit ensuite glisser à l'intérieur. Peu après, elle noya quelques fleurs jaunes séchées dans le liquide bourgogne. Puis s'en suivirent cinq ou six autres ingrédients un peu moins sympathiques avant que Jynessa ne commence à mélanger le tout à l'aide d'une cuillère en bois. Lorsqu'une petite mousse épaisse se forma au-dessus du mélange, elle arrêta la procédure et déposa l'instrument aux côtés du chaudron. Elle jeta un regard furtif au parchemin : elle devait désormais laisser la mixture reposer jusqu'à ce que la mousse sur le dessus soit complètement disparue. Elle souffla sur les bougies et sortit de la pièce ; elle alla à la cuisine  chercher quelque chose à se mettre sous la dent.

Entrant dans la pièce en coup de vent, une pomme à la main, elle se dépêcha à aller voir l'état de sa préparation. Tout lui sembla parfait. Jynessa Noirmont se dépêcha de terminer sa pomme et jetta le cœur par la fenêtre. Les mains à nouveaux libres, elle prit une petite coupe qui reposait sur une commode et retourna vers le chaudron pour  verser une partie de son contenu dans le verre. Ses doigts tremblaient sous l'impatience qui secouait son corps. Elle devait se concentrer pour ne pas échapper le plat et gâcher sa création. Le grand sourire aux lèvres, elle fixa, le regard incrédule, sa mixture qui remplissait le verre. Elle remit le chaudron à sa place et prit le verre avant de partir s'installer à la fenêtre. Maladroitement, elle s'assit sur le bord et se tourna pour avoir les pieds dans le vide. Elle ne s'inquiétait pas trop et elle ne craignait pas de faire une mauvaise chute ; elle était habituée de s'asseoir ici et d'observer, l'œil brillant, ses Montagnes Rouges qui s'élevaient devant ses yeux. De si haut, elle se sentait comme un oiseau dont les ailes n'étaient d'aucune utilité. Son regard fixant la noirceur, ressentant à nouveau la légère détresse qui l'avait envahie lorsqu'elle s'était réveillée, elle se demandait si elle s'apprêtait à faire le bon choix. Absorbée par le silence, l'adolescente partie un instant dans ses pensées, levant machinalement le bras pour porter la coupe à ses lèvres. Battant rapidement des cils pour s'évader de la torpeur qui la gagnait peu à peu, ses prunelles bleues dévoraient la lune. À moitié mangée par le ciel, cette dernière brillait timidement et les étoiles qui dansaient autour lui faisaient de l'ombre. Jynessa laissa le liquide couler sur sa langue, ses dents broyant quelques fleurs qui y passèrent. Le goût amer et douteux lui monta rapidement au cœur, mais elle fit un effort pour tout boire ; il le fallait. Lentement, ses jambes balançaient dans le vide, ses talons nus s'heurtant au mur l'un après l'autre. Distraitement, le verre désormais vide se fit déposer sur le bord de la fenêtre. Baillant, l'adolescente ne tarda pas à abandonner la fenêtre et à aller éteindre les bougies, se retrouvant à nouveau dans cette noirceur qui lui rappelait à quel point elle détestait la nuit et le silence de la solitude.
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SECONDE PARTIE

Some birds are not meant to be caged, that's all. Their feathers are too bright, their songs too sweet and wild. So you let them go, or when you open the cage to feed them they somehow fly out past you. And the part of you that knows it was wrong to imprison them in the first place rejoices, but still, the place where you live is that much more drab and empty for their departure. (Stephen King)



Elle portait une robe de satin noir si longue qu'elle suivait ses pas en caressant le sol. Si le noir de la nuit l'étouffait, l'enfermait dans un cauchemar infini, il s'agissait pourtant de sa couleur préférée. Elle ne comprenait pas toutes les significations qu'on puisse attacher à cette teinte, mais elle ne pouvait rien y changer. Si à Noirmont on affectionnait cette couleur, sa mère l'empêchait de sortir ainsi vêtue en public. Mais cela l'importait peu. Cette robe aux manches couvertes de plumes, elle avait demandé à ce qu'on la lui fasse pour cette occasion qui lui était chère. Ses pieds nus embrassèrent le sol à chacun de ses pas, les caressant de sa chaleur rendue légère par l'arrivée lente de l'hiver.  La rudesse des rochers écorcha à chaque fois un peu plus la plante de ses pieds, lui arrachant de temps à autres un sourire crispé et un malaise qu'elle tenta d'ignorer si bien qu'elle finit par marcher sur les talons pour épargner ses orteils. Ses yeux bleus encore fatigués de sa courte nuit se noyaient dans les timides  rayons du soleil matinal. Elle s'était endormie lorsque tout le monde dormait déjà, elle s'était réveillée alors que tout le monde dormait encore. L'air des montagnes était encore doux et léger. Lorsqu'elle s'arrêta à l'endroit qu'elle avait repéré il y avait de ça désormais quelques semaines, elle prit le temps d'admirer l'univers qui l'entourait. Elle était habituée aux Montagnes Rouges, elles étaient sa maison, elles l'avaient vue grandir jusqu'à ce qu'on l'arrache de leurs bras pour l'envoyer aux Jardins Aquatiques. Elle ne serait jamais une Reine, mais dans son cœur elle était celle des Montagnes Rouges. Depuis son enfance, elle aimait se percher sur les plus hautes montagnes de la région et agiter les bras comme si elle contrôlait le ciel. Lorsqu'elle levait les yeux aux ciels, fixant les nuages qui avançaient lentement ou le ciel qui changeait de couleur, elle se sentait immortelle. Immortelle, mais pourtant si petite. Les yeux au ciel, elle constatait l'immensité du monde. Si elle vivait dans sa petite bulle là-haut, le ciel ne s'arrêtait pas aux Montagnes Rouges. Le ciel continuait dans l'Orage, dans le Nord, à Essos ; partout ailleurs, il y avait d'autres gens qui levaient les yeux au ciel et qui réalisaient à quel point ils n'étaient qu'une poussière parmi tant d'autres. Lorsque son regard préférait descendre, elle se rendait compte à quel point elle était faible contre la nature. Si elle tombait de si haut, les montagnes l'écraseraient. Dans ces moments, même si elle trouvait le tableau infiniment beau, son cœur se serrait et sa gorge se nouait, le malaise secouant son petit corps.

Pourtant, cette fois elle n'était pas perchée aussi haut que d'habitude. Le plateau sur lequel elle se trouvait ne la laissait pas baigner dans son vertige rassurant, mais il s'imposait tout de même. À l'ombre des autres, il n'attirait pas l'attention. Il était un peu comme Jynessa, à vrai dire. Petit et à l'écart ; c'était bien ainsi. L'adolescente passa quelques instants à fixer l'horizon, les orteils solidement crispées  contre le roche orangée. D'un coup, la Noirmont se posa au sol, les jambes balançant dans le vide. Ses mains se posèrent sur le bord du plateau. Le cou mou comme une poupée de chiffons, elle pencha la tête. Ses cheveux flottèrent autour d'elle comme ils avaient l'habitude de le faire dans les bassins des Jardins Aquatiques. Si l'endroit où elle se perchait était relativement plat, le bas lui semblait plus accidenté. Sentant soudainement la réalité la gagner – sans pourtant s'imposer – , elle régurgita, la nervosité au ventre. Son regard bleu balaya le sol qui dormait sous ses pieds. Plus les secondes passaient, plus l'incertitude la gagnait. Avait-ce été la même chose pour son ancêtre ? Elle espérait que oui. Elle ne voulait pas être lâche. Or, avoir peur n'était pas signe de lâcheté. Avoir peur était tout à fait normal ; il n'y avait que les fous pour ne craindre ni le futur ni la mort. Le sourire serin qui reposait avant sur son visage n'était plus, que des lèvres basses et entrouvertes sous l'effet du doute. L'adolescente se passa une main sur son visage, serra l'arrête de son nez entre son pouce et son index. Elle ferma les yeux, inspirant longuement. Au creux de son ventre se formait le nœud de l'estomac vide et de l'angoisse. Elle regrettait sincèrement de ne rien avoir avalé ce matin, mais elle ne pouvait pas se permettre de nuire à la potion qu'elle avait bu la nuit dernière. Dans le silence des montagnes où ne subsistait parfois que le chant du vent se frottant sur les parois des rochers, elle n'entendait présentement que son cœur battre.

Il était temps. Jynessa prit appui au sol et se releva aisément. Elle ne lâcha pas son paysage adoré du regard. Elle n'était qu'une rêveuse. Une stupide rêveuse. Lorsque son regard se posait quelque part, elle ne voyait que très peu la réalité, submergée par le rêve. Elle avait toujours été ainsi. À ne faire pratiquement que des cauchemars, elle s'efforçait de faire de sa vie un beau rêve. Chaque fois qu'elle se plaignait, elle choisissait d'ignorer la réalité, car celle-ci ne lui convenait pas. Jynessa Noirmont, malgré les grands airs qu'elle tentait de se donner, n'était pas mature. N'avait rien d'une femme, tout d'un enfant ; elle le démontrait à chaque fois qu'elle refusait de se conformer aux règles, d'agir comme elle le devait. Or, elle ne voyait pas quel problème lui posait le fait d'avoir le regard isolé par un voile rose. Si elle passait son temps le nez dans les livres, c'était pour découvrir des mondes que la réalité lui empêchait de connaître. Cependant, tout ce qui se passe dans les livres ne se passe pas nécessairement dans la vraie vie. Les princes galants n'existaient pas et  tout ne se finissait pas toujours bien. À trop lire d'histoires, on finissait par se perdre dans son propre monde de chimères et de miracles. Pourtant, il lui avait toujours semblé que ce n'était pas parce qu'on ne voyait pas quelque chose que cette dernière n'existait pas. Cette simple maxime renforçait son envie de vivre dans l'illusion et le rêve. Le monde avait besoin de ces fous qui rêvaient. La jeune femme tenta un pas vers l'avant, son pied droit pendant désormais à moitié dans le vide. Lorsqu'elle s'avança à nouveau, vacillant sur le bord du vide, Jynessa Noirmont pensa à toutes ces âmes qui la regardaient probablement d'en haut. Son père devait certainement avoir les yeux sur elle. Son pauvre père qui avait maladroitement trouvé la mort dans ces mêmes montagnes. Certains racontaient parfois que son état, lorsqu'on l'avait retrouvé, n'était pas beau ; les Montagnes Rouges n'enveloppaient pas les gens qui y tombaient dans des matelas de coton. Lorsque son père était tombé, il se trouvait sur une des plus hautes montagnes de la région, celle surplombant le château de Noirmont. Ces rochers n'étaient accueillants que pour très peu de gens. Lorsque des étrangers qui ne connaissaient pas les régions montagneuses osaient s'y aventurer, il était rare qu'ils s'en sortent indemnes. Une arme parfaite contre les Biefois, laissaient souvent entendre des membres de sa famille.  

Un sourire s'étirant à nouveau sur ses lèvres, les paupières descendues, Jynessa écarta les bras comme deux grandes ailes d'oiseaux. Suivant le vent, elle se donna un élan de son pied qui jusqu'au dernier instant demeura reposé sur le bord du rocher. Les battements de son cœur se firent plus rapides, son estomac se noua, remplis de petits papillons comme lors des premiers émois amoureux. Ses longs cheveux et le léger tissu de sa robe épousèrent l'air qui égratignait sa peau. Tout défilait tellement vite devant ses yeux. Pourtant, alors qu'elle s'apprêtait à vivre le plus beau moment de sa vie, sa plus belle réussite, rien ne se passa comme prévu. Jynessa avait souvent échoué, comme tout le monde, mais rarement lorsqu'elle était entièrement convaincue, sans l'ombre d'un doute, des résultats attendus. Elle n'avait jamais non plus échoué dans de telles circonstances de non-retour. Lorsqu'elle constata que ses bras restèrent des bras et que son corps restait celui d'une jeune fille, sa mine se décomposa et le vertige la gagna à nouveau. La pomme ne tombait jamais bien loin de l'arbre et sa mère perdrait fort probablement un deuxième être aimé au fin fond des montagnes rouges. Cette chute qui aurait dû être rapide, n'étant pas très haute, lui sembla une éternité. Des secondes, les yeux grands ouverts et la gorge si serrée qu'elle n'arrivait à émettre aucun son, qui lui suffirent à se questionner sur ses choix de vie. À regretter ses caprices et toutes les inquiétudes qu'elle avait pu causer à sa mère. Oh, cette mère à qui elle n'avait pas eu le temps de dire une dernière fois qu'elle l'aimait, à qui elle n'avait même pas laissée une seule lettre. Perros. Il lui manqua soudain, ce petit frère qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps. Elle ne pourrait pas non plus tenir sa promesse qu'elle avait faite à Allyria ; celle de retourner la voir plus souvent. Les bras de l'adolescente battirent l'air, tentant de s'accrocher à quelque chose qui n'existait pas.  Bien que beaucoup de choses que racontaient les histoires furent des mensonges, il n'était pourtant pas faux d'affirmer que lorsque l'Étranger nous guettait, parmi les dernières images qui passaient devant nos yeux se trouvaient les gens que nous aimions plus que tout au monde. À ce moment précis où tous ces visages se montrèrent à l'esprit de Jynessa Noirmont, elle sentit son cœur se serrer et battre comme si des milliers de petits oiseaux étaient en train d'en sortir.

L'adolescente sentit ses joues devenir humides et ses repères s'effacèrent lentement, disparaissant comme sa notion du temps. Malgré son regard embrouillé, elle arrivait è discerner le ciel bleu du matin. Elle ne voyait plus que ça. Elle le voyait clair et lumineux, elle le voyait s'éloigner rapidement, trop rapidement. Instinctivement, Jynessa redressa la tête de façon à ramener son menton vers son torse et plaça ses bras derrière sa tête. Elle ne savait pas si c'était efficace, à vrai dire il s'agissait du cadet de ses soucis, mais comme la tête était la maison de l'âme, disait-on, mieux valait la protéger. Plus elle se rapprochait du sol, plus les sensations qui animaient son corps étaient désagréable. Son coeur battait toujours si fort, sa respiration était si difficile qu'elle voulu l'interrompre, sa tête lui semblait sur le point d'exploser, son corps était si crispé qu'elle croyait que lorsqu'elle toucherait le sol elle se briserait en mille morceaux. L'air doux qui toujours lui avait plu  comme un amour tendre semblait lui couper la peau sous l'effet de la vitesse. Lorsque son petit corps toucha le sol en un son d'impact irréel pour une masse si peu imposante, il ne s'était écoulé que quelques secondes tout au plus. Le ciel qu'elle n'avait pas lâché du regard, le ciel qu'elle chercherait toujours à atteindre, s'effaça comme une peinture à l'eau trop diluée, la laissant bien vite seule devant la toile sombre de ses paupières que la douleur et l'angoisse fermèrent pour quelques instants.
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