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"You can never see through the eyes of man" (pv-Keren)

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you can never see
through the eyes of man

An 300 Lune 8 semaine 5



Keren&Daemon


Le vent caressait les champs, faisant onduler les longues tiges  dans un froissement doux. Contrairement aux plantations d'au-delà les Montagnes Rouges, où les cultures étaient depuis longtemps moissonnées ou mortes tuées par le givre, les blés de Dorne étaient encore teintés de vert juvénile. Cela ne faisait pas vingt jours que l'on avait pu constater que leurs silhouettes souples se doraient enfin au soleil. A quelque distance des espaces verdoyants, une rumeur qui résonnait jusque sous leurs pieds trahissaient le mouvement du vaste troupeau qui se déplaçait jusqu'à trouver l'eau sombre du fleuve. Les chevaux autant que les moutons étaient amenés jusqu'aux rives du fleuve pour s'y abreuver, poussés par les garçons de ferme et les bergers. Parmi le roulement des sabots, les cris des hommes qui se houspillaient de part et d'autre de leurs bêtes, les hennissements stridents et les bêlements, la cacophonie annonçait sous les rayons rasants du soleil la fin d'une dure journée de labeur.
"C'est assez pour aujourd'hui. Rentrez chez vous avant qu'le soir tombe!" lança soudain une voix rocailleuse . Crapahutant non sans raideur parmi les sillons de terre retournés par les animaux, le vieux dornien à l'imposante moustache cendrée trainait sa carcasse fourbue et cassée par un vie entière dédiée aux terres de la Grâcedieu lorsqu'il attrapa l'épaule d'un jeune homme. D'un grognement, il fit partir deux garçonnets qui jouaient autour d'eux. Il se saisit du baton de berger dont se servait le bâtard sans vouloir remarquer l'air surpris et contrarié de ce dernier."Toi aussi." Se redressant, Daemon nota comme le paysan l'observait.  Dans son regard sombre et rougi par la poussière, il y vit une distance désirée, comme un mur qu'il souhaitait garder entre eux, une certaine incompréhension, et de la méfiance. Principalement de la méfiance, bien qu'il tenta de le cacher sous une expression bourrue.  "Maintenant, retourne chez toi." Bien que chantant de l'accent des abords de la Sang-vert, sa voix était froide. Le Sand fut tenté un instant de reprendre le baton des mains de l'homme, avant de renoncer. Il reviendrait le lendemain aux aurores, bien qu'il ne se savait guère attendu par les sujets qui avaient été si loyaux à son père et à sa soeur.

A contrecoeur, il s'éloigna donc du troupeau et des bergers restants. Un moment son regard s'attarda sur ses mains abîmées et perclues par les travaux du matin. Si on lui avait un jour dit qu'il aiderait les paysans à creuser les canaux qui irriguaient les cultures de leur fief, jamais il ne l'aurait cru possible tant la tâche ne lui inspirait jusque récemment que le plus profond des mépris. Tandis que ses pas le menaient près du coude du fleuve tapi dans l'ombre de la forteresse blanche, il se rappelait les souvenirs qu'il avait de cet endroit, si différents du jour qui venait de s'achever.
Fier et condescendant, ses dernières visites aux abords du Sang Vert de Dorne ainsi qu'à ses habitants n'avaient guère été marqué par le sceau du respect. Jamais ses pieds n'avaient touché la terre brune et boueuse des abords du fleuves puisqu'il avait toujours préféré rester percher sur son pur sang, traversant les cultures, bousculant les travailleurs du fleuve, dérangeant les pécheurs par ses courses folles. Il n'avait jamais été qu'un nom célèbre qui se plaisait à se montrer inaccessible aux paysans qu'il croisait et qu'il toisait de ses yeux valyriens. Des regards comme celui du vieux fermier, il en était couvert tous les jours depuis qu'il était rentré du tournoi.
S'il disait ne pas avoir craint ses retrouvailles avec le peuple de la Grâcedieu, c'eut été un mensonge. C'était le menton baissé et non plus la tête tenue haute et orgueilleuse qu'il avait de nouveau foulé les terres de sa famille. C'étaient des regards apitoyés et sévères qui les avaient accueillis dans les rues sombres et lourdes de silence, comme des parents retrouvant leur progéniture après une bêtise. le temps  n'était plus à parader sur son destrier.
S'il avait tenu la dragée haute à la reine, il ne pouvait en faire de même envers les sujets de sa soeur. L'humeur assombrie des dorniens par le dur labeur qui les attendait dans les lunes à venir lui interdisait ne serait-ce que de penser à s'expliquer devant eux. Et même s'il finissait par se trouver des excuses, il serait bien incapable de les leur servir, à eux qui étaient condamnés à survivre de la plus simple des manières alors que tout dorne autour d'eux vivrait dans l'opulence de l'Hiver. Si seulement il ne s'agissait que de cela. Maintenant que les Martell avaient étranglé la Grâcedieu, avec quelle pierre allait-on restaurer les habitations? Avec quel argent allait-on payer les soldats?
Peut-être Doran Martell et sa nièce les préféraient ruinés et silencieux, finalement. Mais puisque le travail colossal qui attendait les sujets des Allyrion ne demandait que des paires de mains volontaires, pourquoi ne pas le leur accorder?
Quelques rares personnes avaient été agréablement surprises de cette initiative de l'ainé de Lord Ryon. Mais la triste vérité était que la plupart ne s'en était guère réjoui et y voyait plutôt un caprice. Comme venant d'un enfant gâté qui viendrait goûter à la vie paysanne sans promettre d'y rester plus longtemps qu'il ne le jugerait nécessaire, ne le faisant que pour son bon plaisir et non pour ressentir leur peine. Quand à ce qu'il vint les aider en toute sincérité et humilité, voilà bien la dernière chose que les habitants des rives auraient été prêts à croire! Il ne pouvait leur en tenir rigueur. S'il avait voulu mieux s'intégrer au coeur de ce peuple qu'il avait si longtemps regardé du haut de son rang, il aurait pu le faire. C'était trop tard maintenant, et rien d'autre que le temps ne pourrait guérir cette réticence qu'il avait engendré dans les coeurs de ces hommes et de ces femmes à son encontre.

Ce fut sur cette amère pensée que le bâtard atteignit finalement les eaux calmes du fleuve. Ses bottes s'enfonçaient dans la boue meuble du sol et il ne prit pas même la peine d'épousseter la poussière animale qui encrassait sa chemise de lin avant de se pencher en avant pour enfin plonger ses mains douloureuses dans les flots glacés. Il n'était pas seul sur la rive. Quelques pas plus loin, certains de ses compagnons de travail avaient rejoint quelques orphelins de la Sang-Vert pour partager le repas du soir dans une ambiance chaleureuse et joyeuse. Le bâtard préférait ne pas se mêler à eux, retenu par une timidité nouvelle qui était surtout teinté de la froide résignation que sa seule présence suffirait à souffler les sourires sur les visages basanés. Il valait mieux pour lui qu'il s'isola. A quoi bon? De toutes les manières, ce n'était pas sa discussion qui allait leur manquer. Concentré, accroupi au dessus de l'eau, il tentait de retirer une écharde de sa paume, lorsque ses pensées vagabondèrent vers la créature de rubis et d'ombre qu'il savait cachée, quelque part dans le désert qui entourait l'oasis de la Grâcedieu. Le soir tombait, colorant le ciel d'orange alors que les reliefs et les façades des habitations des abords du fleuve se métamorphosaient en se parant de bleu et de mauve.


© DRACARYS