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Duty, Diligence, Honor | Jynessa & Valena
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Duty, Diligence, Honor
An 300 Lune 8 semaine 2
Jynessa&Valena
Le tournoi était terminé. Harrenhal était dans leur dos. Si Valena ne se retourna pas pour l’observer, elle sentait le regard sombre de la forteresse en ruines peser sur sa nuque. Elle l’avait su en la voyant la première fois, elle était maudite. De chacune de ses pierres, de chacune de ses tours écroulées émanait une atmosphère étrange et menaçante. Son aura envenimait l’air glacial et s’infiltrait sous sa peau, la laissant réprimer un frisson. Elle aurait dû se méfier. Cet endroit n’était pas fait pour des dorniens. Trop marqué par la folie et la décadence des Targaryen, le château avait encore une fois fait honneur à sa triste réputation.
Perchée sur sa jument baie dont le souffle brûlant se matérialisait en volutes brumeuses, la lady gardait les yeux rivés vers l’horizon grisâtre, vers le désert qu’elle ne pouvait pas encore voir. Elle ne savait pas encore ce qui l’attendait à Dorne, mais elle restait persuadée que le Prince Doran ne prendrait pas de décision avant d’avoir entendu les deux versions de l’histoire. Comment pourrait-il les juger sur un simple corbeau de la Reine Cruelle ? La jeune femme connaissait assez son souverain pour lui faire confiance. Nymeria et Rhaegar avaient eu droit à un procès. Elle y aurait droit elle aussi. Et elle était prête à faire face. Après tout, elle commençait à en avoir l’habitude.
À côté d’elle, Daemon chevauchait dans un silence inhabituel qui serait désormais éternel. Sa petite sœur pouvait encore entendre ses cris de souffrance résonner dans le grand hall conflannais, sous les yeux froids d’une femme qui s’amusait à agir comme une soit disant reine. Encore une fois, elle s’était sentie impuissante, désemparée, alors que le sang tâchait le sol et glissait le long des pavés inégaux, serpents carmins qui n’atteignirent jamais les pieds de la Targaryen ayant fui le résultat de sa propre punition.
Valena osait regarder son aîné en face. Elle avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour le préserver d’une décision prise à la hâte par un égo surdimensionné et blessé. Même le Roi Elbert n’avait pas pu empêcher la lame de s’abattre. Pourtant, elle ne pouvait pas s’empêcher de s’imaginer « et si elle s’était agenouillée et mise plus bas que terre pour plaire à l’enfant ? Et si elle s’était prosternée, suppliant la fillette couronnée pour sa clémence ? » Mais comme son demi-frère avait été incapable de demander des excuses, l’unique fille de Ryon n’avait pas pu mettre de côté sa fierté et sa naïveté de voir la justice éclater ce jour-là. Une peine à la hauteur du crime ? La farce aurait pu la faire rire si les conséquences n’avaient pas été si graves.
Elle finit tout de même par se dévisser la nuque pour voir une dernière fois la silhouette lugubre du fort. Elle laissait Cletus derrière elle. Son cadet avait insisté pour se rendre dans le Val. Il tenait à assister au mariage du Régent du Nord avec Sansa Stark. Elle avait été tentée de refuser. Comment aurait-elle pu l’abandonner dans ces terres hostiles, au milieu de leurs ennemis qui ne demandaient qu’un faux pas pour les crucifier ? Mais le Arryn avait fait preuve de respect et de mesure, si bien que les Allyrion se devaient d’honorer cette main tendue. Le benjamin était donc resté avec la promesse de rentrer au plus vite à la Grâcedieu.
*
Les Terres de l’Orage était encore pluvieuses. L’hiver n’était pas encore arrivé jusque là. Peu à peu, l’assemblée dornienne gagnait sa lutte contre le temps. C’était ce que Valena craignait le plus, qu’ils restent bloqués sur le Royaume du Sud à cause des intempéries. Lors de la préparation du voyage retour, elle avait évidemment songé à apporter assez de vivres pour toutes les têtes qui gonflaient leurs rangs, mais ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter à ce sujet.
Elle reposa sa plume gorgée d’encre après avoir apposé sa signature sur la missive. Jynessa Noirmont se trouvait à Havrenoir et il avait été convenu qu’elle se joigne à la caravane dornienne lors du voyage retour jusqu’aux Montagnes Rouges. Dans ce parchemin, la brune lui informait qu’ils passeraient la frontière dans une semaine, si aucun obstacle ne venait se dresser sur leur route.
Un grincement lui fit brusquement lever le nez. Pourtant, dans la pièce humide de l’auberge, il n’y avait d’autres présences qu’elle. Et probablement les rats qui nichaient sous les lattes du parquet. Elle s’était presque attendue à voir débarquer Daemon, son air revêche peint sur le visage, près à la faire enrager. Comme lors du voyage aller. Mais il n’était pas là et il ne pourrait plus l’agacer par ses mots.
Des coups rapides à la porte retentirent. Un soldat à la peau autrefois burinée de soleil, mais dont le séjour dans le Nord l’avait rendu étrangement pâle, pénétra dans la chambre de la Lady de la Grâcedieu. Celle-ci lui tendit sa lettre cachetée du sceau des Allyrion.
« Envoyez ceci à Havrenoir, » lui ordonna-t-elle.
Il récupéra le papier, mais ne disparut pas pour autant. Au contraire, il lui tendit même deux parchemins dans un silence où la brune décela presque de l’angoisse.
Deux blasons de cire. Ferboys. Martell. Elle sourcilla de surprise au premier et grinça les dents au second. Elle ne savait ce que lui voulait son grand-père maternel, mais avait une petite idée des raisons du parchemin du Prince Doran.
À l’aide d’une lame, elle ouvrit calmement la missive de sa famille. Elle fut d’abord étonnée de ne pas reconnaître l’écriture rapide et nerveuse d’Anders Ferboys, écriture si similaire à la sienne. Les mots qui se déliaient sous ses yeux lui firent porter une main à ses lèvres. Le père de sa mère était mort. Cletus Ferboys était désormais le seigneur de Ferboys. La nouvelle lui serra la gorge alors qu’elle pensait à sa génitrice, toujours accablée par la mort de Ryon. Valena avait toujours apprécié son grand-père et de le savoir parti ne faisait que rajouter à son agitation constante depuis Harrenhal. Elle resta immobile de longues minutes à observer le nom de son oncle en bas de parchemin. Elle devait répondre.
Son attention se tourna pourtant vers le soleil percé d’une lance de la maison princière. D’un geste sec, elle la décacheta.
Interdite, sans qu’une émotion ne transparaisse sur son visage, elle parcourut tranquillement la lettre. Puis, elle se leva, s’approcha de la cheminée et la jeta au feu. Elle observa paisiblement le papier beige s’enflammer, les flammes grignotant chaque bordure dans un nuage de cendres avait d’enflammer le centre du parchemin. En quelques secondes, il ne restait plus rien si ce n'était le crépitement des flammes repues. Personne n’aurait pu remarquer l’ire dévastatrice qui la dévorait derrière sa stature figée.
Ainsi donc, Doran n’écoutait que les mots de cette nièce qu’il n’avait jamais considérée auparavant ? Doran n’attendait pas la version des faits des Allyrion ? Doran rompait une union ? Doran les privait de leurs « privilèges » ? Quels privilèges ? Les Allyrion n’avaient jamais rien reçu de la famille princière. Ils n’en avaient pas eu besoin. Doran laissait son petit frère en otage, entre les mains d’une reine vrillée de folie et dépassée ? Elle était à deux doigts de hurler.
Quel Prince se retournait ainsi contre ses vassaux sans qu’ils n’aient eu le temps de s’expliquer ? Quel Prince laissait couler l’assassinat d’un lord dornien, acte menaçant la paix, et abandonnait ceux qui leur avaient toujours été loyaux suite à une lettre bourrée de subjectivité ? Quel Prince punissait dans l’excès et dans la hâte une insulte ? Quel Prince ne venait pas en aide à la fille de sa sœur lorsqu’elle était violée, retenue en otage et se dépêchait même de bannir Oberyn pour avoir osé la secourir et qui en contrepartie se dépêchait de venir lui baiser le . lorsqu’elle devenait capricieuse face à l’impulsivité d’un homme qu’il connaissait depuis toujours ? Quel Prince ignorait le refus inacceptable d’un duel judiciaire ? Quel Prince prenait des décisions sans savoir ? Quel Prince se coupait lui même un bras en se privant de la Grâcedieu ?
Valena ne connaissait aucun Prince capable de telles erreurs. Ses décisions n’avaient aucun sens. Aucun. Deux poids, deux mesures. Toujours et encore.
Elle se saisit de deux nouveaux parchemins. Pour Cletus. Pour Cletus. Son frère et son oncle. Ainsi, tous voulaient jouer au jeu des trônes ? Elle allait jouer, elle aussi.
*
Jynessa Noirmont n’avait aucune idée de ce qu’il s’était réellement passé à Harrenhal. Peut-être en avait-elle entendu parlé. Peut-être savait-elle même quelles décisions dénuées d’intelligence Doran avait prises. Cette vague suppression de « privilèges » ne touchait pas uniquement les Allyrion, mais également leurs plus anciens partenaires commerciaux : les Noirmont. Et l’héritière de Larra Noirmont se devait de savoir.
Les dorniens d’Harrenhal attendaient non loin de la forteresse noire du fiancé d’Allyria Dayne l’arrivée du groupe des vautours. Si la fille de Deria était tentée de s’arrêter pour saluer la blonde, elle se ravisa. Les Orageux étaient fidèles à la Reine du Sud et elle n’avait aucune idée de l’allégeance véritable des Dondarrion. Elle ne prendrait aucun risque jusqu’à ce qu’elle soit de retour dans le désert.
L’odeur de Dorne et des Montagnes Rouges faisaient déjà renâcler tous les hommes et toutes les femmes, pressés de quitter ce Nord désagréable pour enfin rentrer chez eux.
Enfin, du mouvement à l’orée d’un petit bois chétif attira l’attention de la lady qui reconnut instantanément le blason jaune orné de l’oiseau noir des Noirmont. Elle se redressa sur sa monture qui tira vivement sur les rennes en guise de protestation. Ignorant l’animal, Valena observa s’approcher la jeune femme au teint aussi pâle que celui de Cletus.
« Lady Jynessa, » la salua-t-elle avec un hochement de tête. « Nous sommes ravis que vous ayez accepté de faire route avec nous. »
Elle aurait voulu tout lui expliquer immédiatement. Mais le voyage jusqu’aux Montagnes Rouges était encore long et la lady de la Grâcedieu avait une faveur à demander à la famille au vautour. Aussi, elle préférait pour une fois faire gage de patience.
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An 300. Lune 8. Semaine 2.
The good times and the bad times both will pass. It will pass. It will get easier. But the fact that it will get easier does not mean that it doesn’t hurt now. And when people try to minimize your pain they are doing you a disservice. And when you try to minimize your own pain you’re doing yourself a disservice. Don’t do that. The truth is that it hurts because it’s real. It hurts because it mattered. And that’s an important thing to acknowledge to yourself. But that doesn’t mean that it won’t end, that it won’t get better. Because it will.
Une fine pluie noyait l'Orage, mais l'adolescente avait insisté pour attendre à l'extérieur de la forteresse. Elle n'était pas un bijou précieux ; ce n'est pas la pluie qui l'empêcherait de vivre. Ils avaient galopé un peu, mais ils ne s'étaient pas rendus plus loin que la fin du petit bois d'à côté de la demeure des Dondarrions ; sous les ordres de la Noirmont, ils s'étaient arrêtés un instant à l'orée de la forêt. Perchée sur son cheval couleur caramel, la jeune femme vêtue de violet sentait la lourdeur des gouttes sur le capuchon de son chaperon qui protégeait ses vagues brunes, mais elle y trouva plus de réconfort que d'ennui. Jynessa, même si elle avait grandie dans les satins des Jardins Aquatiques, se sentait en harmonie avec la nature et le retour à Noirmont, loin de ce lieu inconnu qu'elle avait appris à aimer, ne serait pas facile. Ses prunelles couleur ciel fixaient l'horizon, perdues dans le brouillard de l'Orage qui couvrait le paysage d'un mince voile de mystère. Lorsqu'elle aura franchi la frontière, cette brume lui manquera. Il n'y avait pas de ça à Dorne ; là-bas, il n'y avait pas que les bâtiments qui étaient découverts. Cet instant de liberté resterait dans ses veines et dans sa mémoire, très certainement. Elle vivrait tous les jours en y repensant, en voulant le revivre. Partir sans avertir sa mère, se savoir assez indépendante pour se rendre intacte à Havrenoir. Certes, elle avait fait envoyer une lettre à sa mère et cette dernière lui avait répondu en lui disant qu'il était hors de question qu'elle revienne seule, qu'elle attendrait jusqu'au passage de l'escorte dornienne revenant d'Harrenhal. Cette recommandation – obligation – essoufflait ses rêves de libertés, mais elle n'avait pas à se plaindre. C'était la moindre des choses après ce qu'elle avait fait à sa génitrice. Silencieusement, elle avait espéré que la délégation ne passe pas par l'Orage, l'obligeant à rentrer seule avec les hommes des Noirmont. Cependant, il n'y a pas longtemps, on était venu lui porter une lettre portant le sceau des Allyrion. Elle avait compris, elle n'aurait pas le choix. Un court instant, Jynessa Noirmont ferma les yeux, laissant l'image de la forteresse d'Havrenoir se fondre sur le tableau noir de son regard éteint. Les murs saumons de Noirmont sembleraient ternes à côté de ce qui était nouveau dans sa mémoire.
Lorsque son regard s'éclaira à nouveau, la dornienne remarqua, à travers la brume, l'ombre d'un groupe dont certains membres portaient des étandards qu'elle ne connaissait que trop bien. Malgré elle, malgré tout ce qui brûlait au fond de son esprit aventurier, un sourire dressa ses petites pommettes. Bien qu'elle commençait à s'attacher à l'Orage, sa patrie d'origine lui manquait. Jynessa, peu importe ce qu'elle tenterait de dire, était une enfant de Dorne et elle le resterait toujours. Voir ces étendards colorés, ces gens à l'allure commune, lui faisait chaud au cœur, la rassurait comme une enfant perdue qui retrouvait sa maison. Non sans hésiter, la jeune femme donna un léger coup de talon sur le flan de son cheval, serrant très peu les rênes histoire qu'il n'avance pas trop vite, pour que ce dernier se dirige vers l'escorte. Portant l'emblème des Noirmont, ses chevaliers la suivirent sans contester. Arrivée à la hauteur de Valena Allyrion, la demoiselle ordonna à l'animal et à ses hommes de s'arrêter. D'un signe de tête, elle salua la lady de la Grâcedieu. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois qu'elle l'avait vue, mais elle savait qu'elle était toujours aussi jolie qu'avant. Son sourire s'étendit un peu plus et ses prunelles bleues se posèrent dans celles de la dame. « Tout le plaisir est pour moi, j'espère que ma présence ne vous embêtera pas trop. » Lança-t-elle, doucement. Elle savait qu'elle ne dérangerait probablement pas, mais elle savait également qu'elle parlait beaucoup et que son comportement hyperactif ne plaisait pas à tout le monde. La Noirmont balaya son regard sur ces hommes et ces femmes qui accompagnaient Valena. Elle constata que la plupart d'entre eux semblaient fatigués, un peu mornes peut-être. Il était vrai que la route d'Harrenhal jusqu'à Dorne n'était pas de tout repos. Longue, ponctuée de climats si différents. Ça ne devait pas être très bon pour le corps et l'esprit. D'autant plus que le froid de l'hiver commençait certainement à souffler sur le Conflans. Elle n'avait jamais été là-bas, mais elle avait lu et ça lui suffisait pour se faire une vague idée. Jynessa jalousait tout ceux qui avaient pu se rendre au tournois, mais sa famille lui avait interdit. D'ailleurs, aucun Noirmont n'était allé à Harrenhal.
L'adolescente fronça les sourcils. Bien que personne ne semblait parler de quoi que ce soit, bien que rien n'était marqué sur le visage de personne, Jynessa sentait que quelque chose n'était pas « comme avant ». L'ambiance portait quelque chose de plus lourd, d'un peu amer peut-être. Elle ne savait pas comment décrire ce qu'elle pensait. Ce n'était pas flagrant, mais assez perceptible pour qu'elle puisse s'en rendre compte. Elle avait entendu des rumeurs, des mots qui avaient voyagés. Elle avait lu des sous-entendus dans la dernière lettre de sa mère. Dans ce monde, rien ne passait sous silence. Les mots voyageaient vite. Cependant, la dornienne ne savait rien de concret. Que des bribes. Si ce qu'elle avait entendu et lu était vrai, ne serait-ce qu'en partie, des jours sombres attendaient Dorne. « Votre voyage s'est-il bien passé ? » D'une certaine façon, elle espérait obtenir des réponses à ses questions, mais elle croyait plus judicieux de passer par des moyens détournés. La jeune femme et son escorte se déplacèrent sur le côté pour mieux se retourner dans la même direction que le reste des dorniens. Alors que ses hommes prirent place plus loin, Jynessa Noirmont s'installa aux côtés de la dame des Allyrion. « Puis-je vous demander comment étaient les festivités ? Y avait-il beaucoup de gens ; beaucoup de gens du sud ? » Sa voix était calme et posée ; elle ne semblait pas insister du tout. Elle voulu ajouter qu'elle n'était pas obligée de répondre ( car si ce qu'on lui avait posé sous les yeux et dans les oreilles était de la pure vérité, ce n'était pas le moment de faire passer un interrogatoire à Valena ) , mais son regard qui semblait briller de désolation parlait pour elle.
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An 300 Lune 8 semaine 2
Jynessa&Valena
Les Noirmont et les Allyrion faisaient commerce depuis des centaines d’années. Les deux maisons occupaient après tout des emplacements stratégiques dans la région. L’une des forteresses était située au croisement des trois fleuves les plus importants de Dorne et, tout en bénéficiant de riches terres fertiles, demeurait un des ports fluviaux les plus puissants et la porte commerciale de choix pour accéder à l’intérieur des terres. L’autre château, creusé dans les sèches et arides Montagnes Rouges, était le point de passage obligé pour atteindre le nord de Westeros. De fait, la plupart des marchandises circulaient d’abord par le fief de la famille à la main dorée avant de traverser celui des vautours. Des conditions naturelles qui les avaient grandement rapprochés au fil du temps.
Par respect envers ces traditions, mais également dans une volonté purement économique, Larra Noirmont et Lord Allyrion avaient donc perpétué les échanges. Des relations qui auraient dû se prolonger avec Jynessa et Valena. Mais désormais, tout demeurait incertain.
La brune se souvenait nettement de la dernière fois où elles s’étaient aperçues. La fille de Ryon était venue, comme tous les ans, calculer le bilan de l’année écoulée. Mais lors de cette visite exceptionnelle, elle était venue pour la première fois seule. Son père avait à cœur de lui apprendre les rudiments de la gestion et l’avait donc jeté dans le grand bain, sous l’œil critique et rodé de la mère de Jynessa qui avait guetté le moindre de ses faits et gestes. Sa fille, encore trop jeune, s’était contentée d’observer les tractations et les négociations, bien que son air appliqué et vif n’ait pas échappé à l’héritière de la Grâcedieu.
Lorsqu’elle la vit s’approcher, elle remarqua immédiatement qu’elle n’était plus l’adolescente en retrait et presque effacée qu’elle avait rencontré à Noirmont, il y avait de cela presque deux ans. Au contraire, elle semblait s’être affirmée et il n’y avait chez elle aucune trace de la timidité que Valena avait autrefois soupçonnée à tort. Durant un instant, les yeux bleus et les cheveux clairs de l’héritière lui firent penser à son petit frère, retenu captif à Port-Réal sur ordre des Martell et son cœur se serra. Et dire qu’elle avait voulu rencontrer Jynessa, profitant de son retour d’Harrenhal, pour justement lui parler de son cadet. Malheureusement, les circonstances avaient changé et si elle lui parlerait de Cletus, ce n’était nullement pour lui exploser son idée première.
La délicatesse et la politesse de la jeune femme auraient pu lui arracher un sourire, mais elle ne fit qu’acquiescer, d’un air un peu trop froid peut être.
« Bien sûr que non, » lui affirma-t-elle. « Après tout, c’est moi qui vous ai proposée de vous joindre à nous lorsque j’ai su que vous étiez à Havrenoir. Comment fut votre séjour ? J’imagine que vous avez manqué à votre frère. »
La jeune femme se montrait avenante, aussi Valena jugea bon de lui retourner la politesse. C’était la moindre des choses.
Quant au trajet, elle ne pouvait décidemment pas la laisser rentrer seule chez elle alors que les frontières grouillaient déjà probablement de gardes dépêchés par la Cruelle. S’ils étaient aussi fins, bienveillants et réfléchis que leur cheffe de meute, la lady ne donnait pas cher de la peau d’une dornienne isolée tentant de rentrer chez elle.
Les yeux clairs de la Noirmont scrutèrent alors les visages et les corps voutés de la délégation colorée, y voyant probablement le reflet de leur fatigue autant physique que mentale. Observatrice. Le léger froncement de sourcils et la mimique de son visage apprit à son interlocutrice qu’elle avait déjà décelé l’aura lourde et pesante qui émanait des voyageurs.
Ses questions discrètes, mais pleines de sous-entendus laissèrent Valena soupirer. Ainsi, même à la frontière entre les montagnes et l’Orage, elle avait entendu les menaces et la sentence de la petite fille du Fol. Jynessa s’intéressait avec tant d’égards et de bienveillance qu’encore une fois, l’ombre de Cletus vint rôder autour de son aînée comme un souvenir douloureux. Elle retourna à son regard plein de compassion un air las lui signifiant bien qu’elle avait compris le sens de ses interrogations.
« Je n’ai rien à redire sur le voyage. Et oui, beaucoup de gens du Royaume du Sud étaient présents. Beaucoup trop. »
Tous des ennemis. Elle le voyait bien maintenant. Durant ce tournoi sensé célébré la paix, les dorniens avaient été encerclé et toisé pour qu’au moindre écart, même imperceptible, on se jette sur eux comme des chiens affamés de scandale et de pouvoir.
« Quant aux festivités… vous savez, n’est ce pas ? »
Elle ne détourna pas ses yeux de ceux de la Noirmont, la fixant sans ciller. Elle n’avait aucunement honte de ce qu’elle avait fait. Elle l’avait fait pour tenter de protéger son frère et sa famille. Elle serait morte de culpabilité si elle s’était agenouillée en demandant pardon face à cette saltimbanque de reine. Jamais elle n’aurait pu se regarder dans un miroir après cela. Elle se serait haïe. En revanche, elle pouvait comprendre que les propos tenus lors de cette ridicule pièce de théâtre aient été déformés par la distance. Elle pouvait comprendre que la fille de Larra puisse, de fait, se montrer méfiante.
« Dîtes moi ce que vous avez entendu, je vous prie. J’aimerais savoir comment ceux n’ayant pas assisté à cette farce nous perçoivent désormais. Je veux savoir ce qui m’attend à Dorne. »
Malgré elle, sa voix était dure. Elle n’avait jamais été douée pour prendre des pincettes ni pour tourner autour du pot. Jynessa savait-elle que Doran avait déjà mis ses propres sanctions à exécution ? Savait-elle qu’ils avaient été jugés sans qu’ils ne puissent même se défendre ? Savait-elle que le Prince s’était rangé sans piaffer du côté de cette nièce qu’il avait toujours dénigré et qu’il condamnait de fait tout le commerce dornien ?
Tout cela, pour une vulgaire insulte.
La lady prit place à ses côtés et d’un hochement de tête, Valena l’invita à mettre son cheval au pas tandis que toute l’assemblée s’ébrouait sous la fine bruine que pleuraient les nuages gris.
« Parlons pendant que nous avançons. Je ne souhaite pas rester plus longtemps dans ce Royaume. La route est encore longue. »
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An 300. Lune 8. Semaine 2.
The good times and the bad times both will pass. It will pass. It will get easier. But the fact that it will get easier does not mean that it doesn’t hurt now. And when people try to minimize your pain they are doing you a disservice. And when you try to minimize your own pain you’re doing yourself a disservice. Don’t do that. The truth is that it hurts because it’s real. It hurts because it mattered. And that’s an important thing to acknowledge to yourself. But that doesn’t mean that it won’t end, that it won’t get better. Because it will.
Valena confirma à Jynessa ce qu'elle voulait entendre. Cette dernière sourit grandrement à l'autre dornienne. « Il s'est très bien passé ! Je suis si heureuse d'avoir pu revoir Allyria ; son fiancé semble bon avec elle, de même que les gens que j'ai pu y rencontrer. J'ai découvert un monde différent de Dorne et j'en suis heureuse, même si ce fut trop bref à mon goût. » Furtivement, un air déçu s'installa sur son visage, mais il fut vite délogé par un rire franc et léger. « Je suis persuadée que mon petit frère a tellement de chose auxquelles s'occuper aux Jardins Aquatiques qu'il ne pense pas à moi souvent ! » Pourtant, une pensée vive lui traversa l'esprit : même si la lettre de Larra Noirmont était restée vague, elle se demandait si sa mère avait laissé Perros à Lanchélion. Rien n'était moins sûr même si elle croyait stupide de briser des alliances ainsi, sur un coup de tête. La jeune femme sentit que sa question n'aurait pas eu lieu d'être, mais il était trop tard. Elle assuma le petit froissement qu'elle avait peut-être causé chez son interlocutrice ; à quoi bon trop s'en inquiéter, ce qui avait été dit avait été dit. Elle hocha la tête, silencieuse : oui, elle savait. La Noirmont tira sur les rênes de cuir, accompagnant son geste d'un petit coup de talon, pour signifier à son cheval qu'il était temps de se remettre en route. Elle comprenait que Valena puisse vouloir savoir ce qui allait l'attendre de l'autre côté de la frontière, mais elle ne pourrait le lui dire, puisqu'elle ne le savait pas non plus. Un sourire désolé passa momentanément sur son visage.
« Je suis allée dans une petite auberge, il n'y a pas si longtemps – je ne suis pas restée tout le temps à la demeure des Dondarrions, j'ai exploré un peu –, et je me suis permise d'écouter discrètement un petit groupe de voyageurs – ou d'orageois qui revenaient du même endroit que vous, je ne sais pas – , parler de « l'incident ». Ils disaient que votre frère avait insulté la Reine et qu'elle... » Jynessa jeta un œil distrait autour. Elle savait l'attitude fière et vive des dorniens, et comment la simple mention du mal fait à un des leurs pouvait raviver les flammes de la rancune. Elle-même, bien qu'elle n'appréciait pas Daemon plus qu'il ne le fallait, était légèrement révoltée par ces bribes de rumeurs alors qu'elle ne savait même pas quel était le feu derrière toute cette fumée. Délicatement, ses petits doigts lâchèrent les rênes de son cheval, les laissant retomber doucement contre l'animal. D'une main, elle tira exagérément une langue qui n'existait pas et, de l'autre main gardée plate et droite, elle mima un couteau d'un coup sec. Légèrement gênée, l'adolescente battu des paupières et baissa son regard vers son cheval, reprenant la courroie de cuir dans ses paumes. Bien qu'elle en aurait voulu autrement, elle se sentait mal à l'aise. La jeune femme parla plus bas, cette fois. « Ils disaient aussi que vous vous fichiez de la Reine – ainsi que toutes sortes d'absurdités au sujet de votre famille qui n'avaient, en soi, aucun rapport avec le supposé incident, si je peux me permettre de le dire ainsi, mais je suppose que ces gens n'étaient que méchants – et qu'il valait mieux que personne ne se frotte aux épines de cette cruelle et violente Reine... » Jynessa ne semblait pas juger Valena. Son ton était presque neutre, pourtant taché d'un peu d'incertitude. Elle sentait que les propos des gens qu'elle avait entendus discuter étaient exagérés et probablement remplis de faussetés. Pendant un instant, ses yeux se posèrent à nouveau sur la jeune femme avant de retourner se perdre dans le paysage.
Jynessa reconnaissait le chemin qu'ils empruntaient. Il était celui qu'elle avait pris en allant à la demeure de son amie. Se souvenant du sentiment qu'elle avait ressenti dans tout son petit corps lorsqu'elle était arrivée en terres orageoises, sa gorge se serra. Autant elle avait désormais envie de rentrer, autant elle souhaitait faire demi-tour et retourner se cacher dans les bras de sa meilleure amie. Pourtant, la raison n'était pas nécessairement la même qu'avant d'adresser la parole à Valena. Désormais, elle savait que ce qu'elle avait lu et entendu était probablement vrai – du moins, en partie – et cela signifiait que la vie à Dorne allait changer. « J'ai reçu une lettre de ma mère quelques jours avant votre arrivée. » Durant un très court instant, elle garda le silence et son regard ne lâcha pas l'horizon. Silencieusement, elle espérait que sa mère ait la tête fixée sur le problème plutôt que sur sa fugue, ça lui éviterait un accueil bruyant. « Elle ne parlait pas de langue ou de procès ni même d'insultes ; ma mère n'est pas du genre à dire explicitement les choses. Mais elle mentionnait une Reine immature et trop faible pour porter une couronne si elle s'affaisse aussi facilement qu'un vieil arbre. Elle disait que Doran l'avait déçue, elle et le reste des Noirmont, mais elle ne m'a pas dit pourquoi. Cependant, comme elle refuse absolument que je revienne seule puisque cela pourrait être compliqué et dangereux, je suppose que ça a rapport avec les frontières ou la sécurité, non ? » La Noirmont tourna la tête vers la dame de la Grâcedieu, l'observent silencieusement. Pour une femme qui avait supposément vécu une honte, elle devait porter en elle une fierté immense pour continuer à mener la délégation dornienne sans plier. Pour ce simple fait, Jynessa l'admirait ; cette femme était forte. L'adolescente reposa son attention sur son cheval. Une de ses mains lâcha la courroie et alla caresser doucement la crinière de l'animal, le regard regagnant l'horizon qui dessinait devant elle des montagnes qui prenaient de plus en plus les couleurs de la roche dornienne. « Peu importe ce qu'il s'est passé, j'ai du mal à croire que vous puissiez avoir mal agis. J'ai besoin d'entendre votre version pour être mieux informée, mais ça ne changera pas mon avis : un procès pour une insulte est exagéré. La conséquence qui l'a suivi l'est encore plus. » Subtilement, elle hocha la tête et se mordit la lèvre inférieure. La jeune femme semblait en train de réfléchir ou de s'enfoncer dans ses pensées.
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An 300 Lune 8 semaine 2
Jynessa&Valena
La nouvelle mention de la Dayne laissa la brune songeuse. La demeure des astres et celle des faucons étaient plutôt proche géographiquement et les deux jeunes femmes devaient avoir le même âge, ce qui expliquait leur proximité et sûrement leur amitié. Valena n’avait jamais été proche d’Allyria comme pouvait l’être son petit frère. Plus âgée, ayant vécu entre les murs de la Grâcedieu une bonne partie de sa vie et l’étrange et profond allégeance des Dayne envers les Targaryen étaient autant de barrières naturelles pour la fille de Ryon, prompte à juger au premier regard. Malgré tout, il demeurait une des familles les plus puissantes de Dorne et elle avait comme le désagréable pressentiment qu’elle ne pourrait pas compter sur leur soutien. Arthur, l’ancien lord, avait payé de sa vie sa loyauté envers les dragons qui n’avaient guère remercié ses proches, jugeant probablement son décès comme une perte collatérale et normale bien que les dorniens ne soient pas réellement réputés pour leur amour inconditionnelle envers la Couronne. D’entendre que la tante du jeune Edric était fiancée à un Orageux ne l’arrangeait pas non plus. Avec la fermeture des frontières décidée sur un coup de tête par la Cruelle et dont elle se plaisait si ben à rejeter la faute sur les Allyrion, il ne faisait aucun doute que la blonde ne serait pas ravie. Malgré cela et l’hypothétique rancœur de la jeune dame envers la famille à la paume dorée, Valena tâcherait de lui expliquer le fond de l’histoire. Elle ne supporterait pas qu’encore une personne ne les toise sans avoir entendu sa version des faits.
Jynessa évoqua ensuite son cadet et sa présence aux Jardins Aquatiques. Dans le contexte actuel, elle se serait pas étonnée de voir Larra le retirer des mains des Martell. Le Prince semblait s’amuser à marchander les jeunes garçons de ses familles vassales qui osaient réclamer justice en les offrant comme pupille en gage d’une paix déjà écorchée par des mains royales. Si les Noirmont osaient se rebiffer, la lady ne pouvait que se douter du sort que serait réservé à Perros. Elle ne savait pas les relations qui unissaient le frère et la sœur, mais elle ne souhaitait à personne ce qui était en train d’arriver à sa famille. En revanche, comment Doran prendrait-il le rapatriement soudain d’un de ses favoris dans son fief des Montagnes Rouges ? Auparavant, elle aurait imaginé de lui une réaction saine et sage, mais la donne avait changé. Comme elle aurait aimé que Cletus soit à ses côtés. Bien plus proche de la mentalité du frère d’Oberyn et donc bien plus à même qu’elle à imaginer ses ressentis, elle aurait voulu se tourner vers lui pour lui demander son avis. Mais elle savait qu’il n’était plus là et que désormais, elle ferait chemin seule. Elle lui en avait tant voulu lorsqu’il était parti à Volantis, l’accusant de l’avoir laissée derrière. Et voilà qu’aujourd’hui, les rôles s’inversaient. Elle l’abandonnait à Port-Réal, en compagnie de la pire personne qui soit.
Le hochement de tête et le faible sourire de sa compagne de voyage répondit à sa question. Elle appréciait sa franchise. L’abcès serait crevé. Elle prêta une oreille attentive au récit de l’héritière et ses doigts se crispèrent autour des rênes de cuir lorsqu’elle mima la langue tranchée de Daemon. La gorge serrée par la révolte qui grondait encore au creux de son ventre comme un animal furieux, elle ne put qu’acquiescer.
Un mauvais sourire passa sur ses lèvres à la suite de son histoire. Eux ? Se ficher de la Reine ? Au contraire, elle lui avait fait preuve de dont le respect qu’elle méritait. Elle osa une risette ironique lorsqu’elle entendit les qualificatifs que la dornienne utilisait pour désigner la Reine. Sa volonté de considérer les deux parties dans cette affaire lui rappelait de plus en plus son benjamin.
« Il est amusant de constater comme les mots qui circulent sont déformés par des bouches qui n’en savent rien. J’imagine que mon retour dans le désert ne sera pas paisible. Mais je ne peux pas vous dire que vous ayez tort sur toute la ligne. Mon frère a ben subi les caprices d’une reine acculée. Il ne parlera jamais plus. »
Elle n’arrivait pas encore à le dire. Daemon a eu la langue tranchée. La douleur était encore trop vive pour qu’elle parvienne à exprimer crument son désarroi. Elle qui, pourtant, ne prenait jamais de gants, voilà qu’elle se montait soudainement pudique face à l’innommable.
L’évocation de lady Noirmont arracha Valena de sa contemplation de l’horizon encore brumeux. Jynessa, quant à elle, gardait la tête droite et fière. La jeune femme sembla chercher ses mots un instant avant de livrer à la brune l’avis de sa génitrice.
« Décidemment, lady Jynessa, vous avez l’esprit beaucoup plus vif que le mien. Et votre mère a raison de faire preuve de précaution en assurant votre retour. »
De savoir que les vautours questionnaient les décisions de Doran et ne portaient pas l’enfant-reine dans leurs cœurs la détendit un peu. Depuis le procès, elle considérait chaque personne en dehors des siens comme un ennemi potentiel dont il faudrait se méfier. Toujours sur la défensive, menacée de toute part, elle trouvait un peu de répit en la présence de l’héritière qui semblait vouloir avant tout comprendre le fond de cette sombre histoire.
« Pour que vous puissiez saisir ce qu’il est advenu au procès, j’ai besoin de vous parler de mon père. Vous le connaissez, n’est-ce pas ? Il avait pour habitude de se rendre à Noirmont tous les ans pour rencontrer votre mère. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a un an, il s’est de nouveau arrêté dans votre fief alors qu’il voyageait vers le Bief en tant qu’émissaire et ambassadeur de Dorne. C’est dans la région verte qu’il a été assassiné sous les yeux de la Cruelle, en pleine salle du conseil. »
Son ton lourd de sous-entendus ne laissait aucunement présager que la Reine était blanche comme neige dans ce meurtre.
« Un drame pour notre famille. Une insulte à la paix. Un accident diplomatique pour d’autres. Dans tous les cas, nous avons eu droit à une lettre d’excuse de cette ô combien estimée Targaryen et un hochement de tête passif du Prince. Des dorniens peuvent donc se faire assassiner en toute quiétude sans que nous n’ayons le droit de protester. Vous gagerez que nous avons fait preuve de retenue et qu’en dépit de cette grave atteinte à la paix, nous avons courbé l’échine pour elle. »
Devant les voyageurs se dressaient les reliefs encore gris de pluie des terres de l’Orage. Quelques pics se décrochaient dans la brume fantomatique et les tenues chamarrées des dorniens juraient avec la tristesse des lieux. Bientôt cependant, le rouge vif des montagnes et le soleil remplaceraient les gouttes et l’atmosphère lugubre du Royaume du Sud.
« C’est dans ce contexte que les Martell m’ont désignée comme ambassadrice à Harrenhal, suite à l’abandon soudain d’Arianne. Je n’y étais pas préparée. Ils m’ont envoyée faire des cabrioles diplomatiques devant la femme qui a vu mourir mon père. »
Son amertume suintait de tous ses pores, dans tous ses accents courroucés.
« Dans la ferveur des joutes, l’écuyer de feu mon père, Ulwyck Uller, a été grièvement blessé par la lance d’Aegon Targaryen. Devant le sourire ravi de sa sœur, mon frère s’est laissé aller à une insulte, jugeant la réaction de la tête couronnée comme une nouvelle provocation. »
La réputation du bâtard de la Grâcedieu n’était plus à faire aussi Jynessa n’aurait pas à s’étonner de son emportement.
« Il a été enfermé comme un chien dans les geôles pouilleuses de cette forteresse maudite avant que l’on ne nous traîne, mes frères et moi, devant le souverain du Nord, sa Main, sa fiancée ainsi que devant la petite-fille du Fol et Aegor du Rouvre. Que pensez-vous de cela ? Le meurtre d’un lord dornien contre une lettre d’excuses et un procès pour une insulte ? Étonnant comme la Reine prend tout de suite les choses plus à cœur lorsque son égo se trouve froissé par les paroles d’un bâtard. »
Elle ferma les yeux, tentant de chasser de son esprit les souvenirs glaciaux du hall d’Harrenhal.
« J’ai tenté de le défendre. Cletus également, avec peut-être plus de diplomatie et d'habileté que moi, mais je ne pouvais rester de marbre face à cette injustice répugnante. Mais la Reine avait déjà décidé, malgré nos arguments. L’exil et la langue coupée pour la provocation d’une insulte et d’un crachat. En dernière mesure, j’ai demandé un duel judiciaire. Il nous a été refusé. Sans raison. »
Elle ne parvenait pas encore à digérer cela. La Reine pouvait se targuer d’être la souveraine du Sud, mais elle n’était rien face au Sept. Et elle s’était moquée d’eux à deux reprises durant cette parodie de procès. Non seulement aucun représentant de la Foi n’avait été convié, mais elle avait également craché au visage des dieux en faisant fi de la demande en bonne et due forme d’un duel. Daemon n’était certainement pas celui ayant été le plus absurde.
« Avant que le procès ne débute, elle s’est empressée d’envoyer un corbeau larmoyant à son oncle maternel et n’a cessé de parler en son nom ainsi qu’en celui du Roi Gunthor durant la déclaration de sentence. En plus de punir Daemon, elle a décidé de fermer les frontières du Bief, dont elle semble avoir oublié l’indépendance, mais également de l’Orage, avec notre région. Elle a condamné notre commerce pour un caprice. Mais elle a également condamné sa région à un hiver de famine. »
Elle reprit sa respiration alors que les hommes proches d’elles commençaient à s’agiter sous le coup du récit du procès.
« Le Prince est allé dans son sens. J’ai reçu une lettre de sa part peu avant que nous nous retrouvions. Il désire un contrôle des frontières, a rompu notre mariage avec le Prince Quentyn et désire nous isoler en nous retirant nos « privilèges ». Nous n’avons même pas pu nous expliquer. Je n’ai même pas pu lui exposer mon éclairage sur ce procès comme je le fais maintenant avec vous. Il nous condamne et se range avec une aisance déconcertante du côté de cette nièce qu’il a si longtemps ignorée lorsqu’elle était prisonnière et violée par son frère ! Il a même puni le Prince Oberyn pour avoir voulu l’aider ! Il a ignoré la mort de notre père, pourtant bien plus grande menace à la paix et il va aujourd’hui dans le sens d’une femme qui désire clairement la guerre ! Il se retourne contre ses vassaux qui lui toujours été loyaux et ce en toutes circonstances ! Le procès était vicié et ce dès le départ et il donne encore raison à la Cruelle. »
Ses ongles s’étaient enfoncés dans ses paumes à mesure qu’elle déroulait son histoire et que son ton brusque montait.
« Et Doran a offert mon frère sur un plateau d’argent à la Targaryen… Cletus est prisonnier de Port-Réal et de la cruauté de la Reine. Et je ne peux rien faire. Rien faire du tout. »
Jynessa n’avait aucune idée de ce sentiment d’injustice, d’impuissance et de défaite qui la rongeait de l’intérieur. Elle se mordit les lèvres pour s’éviter de s’écrier à nouveau tandis que ses yeux sombres se posaient sur le profil de la dornienne, attendant son avis. Car si son cadet n’était plus là, elle avait encore besoin d’une intelligence sensée pour soit alimenter sa colère, soit l’apaiser.
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An 300. Lune 8. Semaine 2.
The good times and the bad times both will pass. It will pass. It will get easier. But the fact that it will get easier does not mean that it doesn’t hurt now. And when people try to minimize your pain they are doing you a disservice. And when you try to minimize your own pain you’re doing yourself a disservice. Don’t do that. The truth is that it hurts because it’s real. It hurts because it mattered. And that’s an important thing to acknowledge to yourself. But that doesn’t mean that it won’t end, that it won’t get better. Because it will.
Jynessa n'aurait jamais cru pouvoir un jour éprouver un jour de la pitié – de la sympathie – pour Daemon Sand. Pourtant, lorsque Valena confirma ce qu'elle avait entendu, ses prunelles bleus se baissèrent et fixèrent le sol qui défilait sous les sabots de son cheval. Cet homme, aussi exécrable avait-il pu être envers elle, ne méritait pas cela. Pas pour une insulte, non. Jynessa, terrée dans son silence, ne croyait pas qu'il soit juste de couper la langue de qui que ce soit, pour n'importe quelle raison possible. Cet acte revenait à enlever à un individu un des moyens de communication, d'expression, le plus simple. Il lui restait toujours le papier, mais ce n'était pas pareil ; on ne pouvait convaincre personne avec un morceau de papier. L'adolescente hocha la tête, elle ne pouvait qu'approuver Valena. Si loin dans le bas de Westeros, jamais la dornienne n'aurait pu espérer recevoir des informations justes et réelles venant de gens qui n'avaient probablement pas été en avant plan de ce qu'il s'était produit. Il s'agissait bien là d'une des caractéristiques de l'homme : il se sentait toujours obligé d'amplifier, de déformer, de rendre autre. Ce simple fait embêtait Jynessa qui s'inquiétait pour son peuple. Soumise à ses pensées qui roulaient trop vites dans sa tête hyperactive, elle n'avait d'autres choix que d'écouter ce que disait la jeune femme. « Je ne connaissais pas beaucoup votre père, mais j'ai pu le rencontrer quelques fois, oui. J'ai eu vent de son destin funèbre... Je suis persuadée, cependant, qu'il serait fier en voyant la femme que vous êtes devenue. N'est-ce pas ? » Ça ne faisait qu'un an, oui, mais la dernière image de Valena qu'elle avait en tête était celle d'une femme moins posée, peut-être un peu plus adolescent qu'adulte ? Elle ne savait plus trop. Elle-même avait perdu son père, mais ce dernier n'était pas mort dans des circonstances aussi injustes. La jeune femme ne savait trouver les mots adéquats pour montrer son soutien à l'autre dornienne. Se repliant à nouveau dans son silence calme, la Noirmont observait le paysage qui défilait devant ses yeux. Il ne tarderait pas avant qu'ils n'arrivent au pas de la frontière dornienne. Pourtant, au fond d'elle, elle sentait que la route allait être longue une fois dans le désert.
Le vent typique de l'Orage fit virevolter en une drôle de petite danse les mèches brunes du Vautour, chatouillant ses joues dénudées de tout sourire. L'aînée lui demanda son avis, mais elle ne sut répondre immédiatement. Ses petites dents mordirent ses fines lèvres et ses yeux abandonnèrent le paysage pour se blottir sur le visage de l'Allyrion. L'adolescente ne savait quoi penser de la Reine. Elle n'avait jamais eu d'avis spécifique sur cette dernière, mais elle sentait que viendrait bientôt un temps où elle n'aurait pas le choix de fixer son esprit. « C'est injuste. Injuste et absurde. » Hochant vaguement la tête, elle marqua une pause de quelques secondes. « Elle aurait dû comprendre votre colère ; celle de votre frère. Votre paternel est décédé à sa cour et ses excuses n'ont, selon moi, pas été à la hauteur de votre perte. Je crois qu'elle aurait dû vous rendre visite pour vous prouver son réel soutient. Je ne connais pas les occupations d'une reine, mais je crois que c'aurait été la moindre des choses. Par honneur et respect. Elle aurait pu exiger des excuses publiques de la part de Daemon, mais un procès était, à mon avis, une perte de temps. » Pourtant, ces mots ne portaient ni 0haine, ni colère. De l'incompréhension, tout au plus. Jynessa ne voulait pas tomber dans les mêmes pièges que sa famille ; haïr une reine pour cette simple erreur, aussi énorme pouvait-elle être. Rhaenys Targaryen était jeune, ça se sentait. La Noirmont n'avait aucune idée de la réaction qu'elle aurait eu à sa place. Dire qu'elle n'aurait pas agi de la sorte serait malhonnête: elle ne se connaissait pas assez pour l'affirmer. « Je suis sûre, Valena, que vous avez fait de votre mieux, vous et Cletus, pour défendre votre frère. Ce n'est pas facile d'argumenter avec quelqu'un qui a déjà son idée fixée en tête. Le Roi du Nord a-t-il réagit dignement ? » Pour elle, cette information était cruciale. Non seulement elle lui permettrait de se faire une image de cet homme, mais elle lui permettrait également de s'interroger sur les relations entre les deux royaumes. Sa curiosité, peu importait la situation, finissait toujours par l'emporter.
Si Jynessa avait, quelques jours avant, exprimé son désir d'être considérée comme une adulte, elle réalisait désormais qu'elle n'était peut-être pas prête à assumer un tel rôle. Le regard absorbé par les montagnes qui lui rappelaient son chez elle pourtant encore loin, elle constatait qu'elle n'était qu'une rêveuse, que le monde qui l'avalait malgré elle n'était pas doux du tout. Lorsqu'elle serait amené à le confronter, peut-être ne ferait-elle pas mieux que Rhaenys, mais certainement jamais aussi bien que Valena. Du moins, c'était ce qu'elle croyait. Ce que venait de lui dire Valena la secoua d'un frisson qui lui rappelait la peur. Elle ne connaissait personne au Royaume du Sud, mais il était vrai que si le commerce était interrompu, leur hiver serait horrible. Dorne était une des seules régions avec le sud du Bief et Essos à pouvoir fournir une vaste gamme de vives en hiver, disait-on « Sait-elle seulement que mourir de faim est terrible ? Si Essos refuse de commercer avec Westeros, car l'hiver présente une trop grande contrainte, son peuple manquera de quoi se nourrir et ses gens finiront par se manger entre eux... » Marmonna-t-elle, abasourdie. Cette constatation pouvait sembler morbide, mais elle était loin d'être irréelle. On racontait des histoires de gens qui mourraient de faim en forêt ou en prison et qui survivaient ainsi ; il était fort probable que la conclusion puisse également être la même lorsqu'on étendait la situation à un peuple en entier.
Pourtant, la décision de Doran la troublait encore plus. Elle ne comprenait pas pourquoi ni comment. Cet acte, pouvait-elle sentir en se fiant à l'atmosphère qui surplombait le groupe, avait touché l'orgueil des dorniens. Si les décisions de Doran semblaient pour le moment passer correctement – elle n'en savait rien, il y avait un moment qu'elle avait mis les pieds à Dorne – il ne tarderait probablement pas avant que le peuple ne se montre mécontent. « Vous me dites que pour des simples mots perdus, Doran a décidé de contrôler les déplacements d'un peuple entier, de briser la paix d'esprit que nous avions ? Pour une insulte, il choisit de punir une famille au complet et non pas seulement l'unique individu ayant agit. Cet homme a toujours agi pour le bien de Dorne, mais je dois vous avouer que présentement je ne peux comprendre ses raisons. Craint-il les représailles du Royaume du Sud s'il se comporte d'une façon qui pourrait déplaîre à la Reine du Sud ? Le Bief, notre voisin, possède une énorme armée autant navale que terrestre, paraît-il. Si le roi bieffois est ami avec la reine, il pourrait très bien se ranger de son bord si elle décidait de nous attaquer... Peut-être craint-il cela après avoir pu constater les actions impulsives de la Jeune Reine ? » Jynessa déglutit. En tant que favorite, ne pas comprendre les décisions de cet homme était mauvais signe. Quelque chose clochait, mais elle ne savait poser le doigt dessus.. Elle inspira longuement avant de laisser sa voix résonner à nouveau. « J'espère qu'elle ne fera aucun mal à votre petit frère, qu'elle aura au moins l'intelligence de le traiter dignement. Cependant... Ce que je vais vous dire ne vous plaira peut-être pas, mais plutôt que de voir cela comme un mal à part entière, n'aurait-il pas un moyen de vous servir de la présence de Cletus à Port-Réal à votre avantage ? » Personnellement, elle ne savait pas ce que les Allyrion pourraient bien vouloir faire de la présence de leur cadet sur les terres de la Couronne, mais elle avait toujours appris à tenter tirer du bon des malheurs qui lui arrivaient et il lui paraissait normal de proposer cette façon de voir les choses, sans arrières pensées. Furtivement, elle jeta un oeil sur l'escorte qui suivait derrière eux. Son regard saisit l'étendard de sa famille, un doux sourire remontant sur ses lèvres.
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An 300 Lune 8 semaine 2
Jynessa&Valena
La révélation du sort du Daemon laissa Jynessa muette. Les yeux bleus de la jeune femme se firent presque compatissants alors qu’elle n’osait les lever vers la sœur du mutilé pour lui préférer le sol boueux si fascinant qui salissait les sabots de sa monture et éclaboussait le bas de sa robe. Si Valena ne s’était jamais intéressée aux relations de son frère, lui laissant mener la vie qu’il entendait avant qu’elle ne devienne la Lady de la Grâcedieu, elle n’avait aucun doute que son caractère risquait d’avoir du mal à s’accorder à celui si censé et raisonnable de l’héritière, semblable à celui de Cletus. Et il n’existait presque aucune sympathie entre le bâtard et le benjamin de Ryon. Enfin, cela était probablement vrai avant les désastres successifs qui secouèrent la famille à la paume dorée. Aujourd’hui, peut-être s’estimaient-ils.
Le vautour hochait la tête, marquant son approbation à mesure que la brune lui contait la furieuse injustice dont elle et les siens avaient été victimes. Cette considération objective et réfléchie qu’elle semblait lui porter la ragaillardit. Jamais elle n’avait douté de ses actions, de sa volonté à défendre, à protéger ses frères, de ses intentions et de ses valeurs lorsque sa voix s’était élevée dans le silence morne et lugubre d’Harrenhal. Jamais. Elle avait été dans son droit, dans son devoir même, de s’insurger face à une barbarie exécrable et un sadisme puéril. Pour elle, Rhaenys Targaryen n’était pas mieux qu’une fillette perdue, assise dans un champs, à arracher les ailes des papillons et des libellules pour s’amuser et se donner un semblant d’autorité, autorité dont elle semblait manquer si fort que son infériorité éprouvée la faisait agir de manière égoïste et au détriment de son peuple. Et de voir cette opinion, cet avis partagé par la dornienne pâle aurait pu effacer des regrets inexistants.
Dans ses yeux clairs, dans son air pensif, elle sentait la sœur de Perros réfléchir intensément à ses paroles, écoutant patiemment le déroulé du procès. Sa remarque sur feu son géniteur dévoila un sourire à la fois ironique et plein de mélancolie chez l’unique fille de l’ancien lord. Depuis combien de temps n’avait-elle pas vu Jynessa ? Des lunes ? Des années ? Il était certain que toutes les deux avaient bien changé. Mais de là à dire que le changement chez Valena aurait amené une quelconque once de fierté chez son père serait un mensonge.
« J’en doute, » la contredit-elle. « Mon père n’était pas homme à faire des vagues. Pour dire vrai, il haïssait les confrontations et de me voir affronter la Reine du Sud n’était guère dans ses plans avant qu’il ne soit assassiné. »
Ryon ne s’enorgueillirait pas de voir son héritière jeter aux flammes tout ce qu’il s’était appliqué à bâtir pour sa famille, pour elle. Elle pouvait encore se représenter son air sombre, ses yeux noirs profondément mécontents et le silence désapprobateur qui aurait suivi l’annonce de ses déboires dans le Royaume du Sud. Mais le Soleil Noir n’était plus là. Et la dornienne aurait été incapable de rester silencieuse et d’encaisser les coups, une fois encore. La Reine ne pouvait se jouer d’eux encore et encore et faire des Allyrion ses poupées favorites de torture. Il était inconcevable de continuer à courber l’échine.
La demande de son avis sur les différentes visions de la justice laissa un instant la Noirmont silencieuse. Dans le vent frais soudain, encore peu teinté des froideurs de l’hiver, l’héritière se perdit en réflexions. La lady se la représenta à l’image de Cletus, lorsque lui aussi préférait le mutisme et une réponse mesurée plutôt que la fougue des mots jetés sans pensées.
Enfin, son opinion aurait pu dérider la brune en d’autres circonstances. Elle ne fit qu’acquiescer à ses paroles.
« A l’image de son caractère. Injuste, absurde, irrespectueuse et dénuée d’honneur. Elle a si vite oublié l’abnégation et le pardon dont nous avons fait preuve lors de la mort de notre père et ce pour Dorne et pour le Royaume du Sud… J’en suis presque impressionnée. »
Elle secoua la tête.
« La Reine ne comprend malheureusement qu’elle même, » déplora-t-elle. « Quant au Roi du Nord… Il a bien essayé de l’arrêter, mais en vain. Ses paroles sont restées vaines. Il n’a aucune influence sur sa nièce. Elle n’en fait qu’à sa tête. »
À l’horizon se dressaient déjà les Montagnes Rouges dont la couleur si particulière et si chatoyante jurait avec le paysage encore gris des Terres de l’Orage. Valena en éprouva une grande hâte, mais également une certaine appréhension. Elle connaissait ces reliefs, peut-être bien moins que son cadet, mais elle les connaissait. Y seraient-ils reçu avec hostilité ? Doran avait-il déjà lié l’acte à la parole ?
La jeune femme sentit presque le long frisson de sa compagne de voyage à la mention du manque de vivre que risquait de connaître les régions du nord.
« Même si Essos accepte de commercer avec eux, les baies et le large regorge de pirates qui se feront un plaisir d’intercepter les marchandises. Et les villes de l’autre continent ne peuvent suffire à nourrir un royaume tout entier. Ils mourront de faim. »
La certitude avait été prononcée avec aplomb et le regard d’encre de Valena ne cilla pas. Jynessa était désarçonnée, ne comprenant probablement pas comment de telles mesures avaient pu être prononcée par la bouche de la Reine. L’égoïsme n’était pas quelque chose qu’elle semblait connaître. L’égoïsme et le manque de considération.
Dans leur dos, les soldats commençaient à s’impatienter. Dans le vacarme de fer et de frottement de sabots, les chevaux renâclaient et les hommes remuaient sur leurs selles. L’odeur de l’écurie était proche.
« Daemon a déjà bien trop lourdement payé son écart de conduite. Le Prince n’aurait pu le punir plus. »
Un long soupir se perdit dans les brumes légères.
« Je ne comprends pas, tout comme vous, les décisions de Doran. Comment pourrait-il craindre sa nièce ? Le Roi du Nord semblait la craindre. Une enfant tétaniserait-elle un continent tout entier ? Elle n’est plus Reine de Westeros ! Son propre Royaume est en décrépitude. Dorne a été perdu et le Bief aujourd’hui. Elle se dit régner, mais elle s’amuse dans son château à contempler des cendres. Quant au Roi du Bief, son avis nous échappe encore. Mais je ne comprends pas comment soutenir la femme qui a probablement empoisonné un membre de sa famille et a été chassée sous les huée de son peuple peut lui traverser l’esprit. Et bientôt, lui aussi mourra de faim. Mais peut-être compte-t-il se remplir le ventre de son étrange loyauté pour une meurtrière. »
Ses doigts se resserrèrent sur le cuir des sangles. Sa monture trépignait et hochait la tête à mesure qu’ils approchaient du désert.
« Si nous nous mettons tous à la craindre et à nous soumettre à ses caprices… Ne vaudra-t-elle pas mieux que le Fol ? Est-ce-que nous souhaitons ? Préférer vivre dans la peur et craignant le moindre de nos gestes et de nos paroles pour un peu de tranquillité ? Souhaitons-nous un nouvel Aerys ? »
La proposition de Jynessa lui fit pincer les lèvres. Bien sûr qu’elle avait pensé à se servir des informations que risquait de détenir Cletus. La Reine avait fait une grave erreur en gardant son cadet près d’elle. Mais encore une fois, elle était trop sotte pour le voir et s’était empressée de le garder sous sa coupe, comme symbole ultime de sa victoire contre les Allyrion.
« Malheureusement, je crains que mes corbeaux ne trouvent jamais de réponse. Pire encore, ils pourraient lui desservir. Mon frère est un otage à Port-Réal. Et sa présence aux côtés de Rhaenys ne pourrait me servir que s’il revient à Dorne. Que s’il revient vivant. »
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