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Le Fils Prodige et la Chaste Fiancée

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Le fils prodige et la chaste fiancée

An 300, Lune 7 - Semaine 1 ; Vieux Wyck



Mordane Pindepierre & Denys Timbal




« Tu es là... Je serai à toi... Et tu seras à moi... ! » Dehors, sur les berges de Vieux Wyck, du monde s'activait. C'était comme si le retour du fils héritier avait sorti la demeure des Timbal de la torpeur qui semblait l'habiter depuis que Mordane en avait foulé le sol. Même pour un fief fer-né, qui par définition n'était jamais bien longtemps occupé de ses hommes, les murs de pierre résonnaient d'un silence de plomb que seul le bruissement des vagues depuis la côte pouvait troubler. Les soupers autour de la grande table près de l'imposante cheminée flanquée du blason familial, les promenades dans les landes, et même certaines parties de Danse du Doigt se faisaient dans un calme olympien qui avait fortement pris au dépourvu la nouvelle arrivée. Malgré ses manières à combler une cour royale, Mordane n'était pas réputée pour une langue peu tendue. Aussi, elle avait eu toutes les peines du monde à se tenir tranquille, et les rares fois où elle s'était permis de briser la loi du religieux mutisme, les regards de lord Timbal avaient su détruire les relents bavards de sa futur bru. Aussi, à voir combien la vie transcendait la forteresse à l'arrivée de Denys, Mordane ressentait l'excitation du retour jusque dans ses membres endoloris d'ennui. « C'est ton fiancé, Maîtresse ? » Lysa avait collé ses mains contre la vitre de la fenêtre, et jaugeait en connaisseuse la haute silhouette musclée qui à présent, prenait la direction de la demeure natale. « Oui... Il te plait ? » ajouta-t-elle, un sourire malin aux lèvres, pour tenter de réprimer les soudains furieux battements de son cœur. Elle avait tellement attendu ce moment que qu'à présent qu'il était arrivé, elle se trouvait face à la vérité : elle était désemparée. Elle ne pouvait plus se cacher derrière de bonnes résolutions, mettre au défi son entourage de séduire du premier regard celui auprès duquel elle passerait le restant de sa vie. Terminées les prières secrètes aux Dieux, les toilettes soignées pour son arrivée ; à présent, elle ne pouvait compter que sur elle-même. « Il est très joli garçon... Toi, il te plait ? » « Ce n'est pas la question ! » coupa-t-elle un peu sèchement, tournant des talons et traversant la pièce jusqu'aux portes. Voyant que Lysa restait près de la fenêtre, elle lança : « Tu viens ? On ne va pas rester enfermées, je dois aller l'accueillir dehors avec les autres ! »

Dans les couloirs régnaient une effervescence telle que certains ordres étaient aboyés depuis les tours pour être répertoriés jusqu'aux cuisines. Relevant ses jupes d'une main, Mordane pressa le pas, Lysa sur les talons. On passait à toute allure devant les portraits et autres armures lustrées pour l'occasion, devant les serviteurs dépoussiérant tapis et autres bibelots et enfin jusqu'aux maîtres corbeaux qui annonçaient le retour de l'héritier dans les villages avoisinant. Tandis que les deux jeunes filles passaient devant un imposant miroir où le sel et l'humidité avait creusé quelques rides dans la glace, Mordane s'arrêta et pris quelques minutes pour s'arranger. Elle passa une main dans sa longue chevelure brune dont Lysa brossa les pointes avec un petit peigne de nacre apparu comme par magie. « D'où sors-tu ça ? »  « De ma poche, Maîtresse. Tu m'as dit qu'il fallait que tu sois parfaite au retour de ton fiancé. Je t'obéis... » Mordane eut alors un petit rire. S'il y avait bien une chose qu'elle ne regrettait pas d'avoir ramené dans ses bagages, c'était bien Lysa. Depuis leur rencontre cinq ans auparavant, la jeune suivante était devenue son ombre, sa protectrice, sa confidente. Elle l'avait ramassée dans les rues de Port-Lannis, alors qu'elle tentait en désespoir de voler la bourse accrochée à la ceinture de sa robe. Lorsqu'elle sortait en ville avec les enfants Lannister, il y avait toujours un ou deux gardes pour assurer leur sécurité. On avait menacé de couper la main de l'impertinente, et si Mordane ne s'était pas interposée, Lysa eut sans doute fini ses jours dans l'un des tripots en concubine manchot. Encore que cela n'aurait rien gâché à sa popularité : avec ses cheveux de jet tressés à la mode d'Essos, son teint de pêche et ses grand yeux turquoise, Lysa faisait tourner bien des têtes et Mordane lui connaissait déjà deux amants parmi les garçons de cuisine de Vieux Wyck. Des amourettes dont elle savait qu'elle les mettrait à profit, pour en apprendre le plus possible sur cette demeure étrangère ou même quelques potins en provenance de Pyk. Faute de réponse de la part de son futur beau-père, c'est ainsi que Mordane avait appris que son fiancé rentrait d'une mission en Essos pour la Reine de Grès, Asha Greyjoy. Et tandis qu'elle passait un doigt sur les tissus de sa robe aux couleurs rose et gris, et replaçait le petit bijoux de tête qui lui servait de seul ornement, Mordane respira lentement. « Et s'il me rejette ? S'il me déteste tant qu'ils me renvoient croupir aux Arbres de Fer ? Je ne le supporterai pas... Je crois que je sauterai du haut des falaises avant qu'ils ne me prennent et me fassent retourner là-bas... ! » La main de Lysa lui empoigna alors fermement le bras et elle la força à se retourner. Elle vit alors un éclair de colère passer dans les yeux de sa suivante. « Reprens-toi, Maîtresse. Tu es la fille de Dagon Pindepierre, tu es la noble demoiselle des Arbres de Fer. Tu as la grâce et le goût, tu sais te tenir et tu rendrais fier le plus rustre des hommes. Si celui-ci te rejette, alors c'est un abruti ! »

Sur ces paroles réconfortantes, Mordane lâcha en un soupir toutes ses derniers doutes, fit apparaitre son plus délicieux sourire sur ses lèvres et se dirigea vers la grande porte cochère qui la séparait de sa première rencontre avec son fiancé. Là, elle vit que la famille Timbal s'était réunie au grand complet autour de son seigneur et patriarche. Lord Dunstan dépassait les siens d'une bonne tête et toisait désormais la silhouette de son fils ainé qui s'approchait sur le sentier battu depuis les plages. Très droite à ses côtés, lady Timbal décocha un regard en sa direction lorsque Mordane se plaça un peu en retrait mais néanmoins dans les rangs de sa famille. C'est lorsque Denys fut suffisamment proche qu'elle pu le détailler de toute pièce et constater les profondes différences avec son frère, Donnel. Il était le seul à lui avoir adressé plus de deux mots depuis son arrivée, et elle pensait qu'il était un bon modèle pour son fiancé. Mais à présent, elle distinguait le corps entrainé au combat et à la navigation, le regard dur et les traits tirés par le vent du large. Auprès de lui, Mordane ressemblait à une fleur des champs ; elle ne s'était jamais considérée particulièrement jolie, mais dans ses habits de couleur, dans ce méandre de gris et de noir, elle irradiait littéralement. Alors, lorsqu'il fut à leur hauteur, elle plongea dans une profonde révérence, le regard à terre comme on le lui avait appris. C'était à lui de lui adresser la parole, après que son père et seigneur de sa maison, les ai présentés officiellement.


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LE FILS PRODIGE ET LA CHASTE FIANCÉE

An 300, Lune 7, Semaine 1 - Vieux Wyck



Mordane Pindepierre & Denys Timbal

Cela faisait une journée que le Timbal attendait. La veille au soir, il s'était approché de l'île natale et avait débarqué Longmât dans une petite barque pour qu'il rejoigne le rivage et parte à la pêche aux informations  sur ce que préparait le Timbal à son fils. Une simple mesure de précaution. Longmât savait rester discret quand on lui demandait. Avec le nombre de fille qu'il avait troussé dans les environs, il ne lui était pas difficile de se cacher et de recueillir des informations. La Phalange fendait à présent les flots en direction de Vieux-Wyk pour y accoster. L'arrivée se passa sans accroc majeur.

«Vous savez ce que vous avez à faire ! Vous m’amasser toutes mes prises et vous les remonter dans ma demeure. Vous reviendrez chercher les vôtres ensuite et vous pourrez profiter du repos du guerrier pour quelques temps. Allez magnez vous le fion !»

Il fut le premier à mettre pied à terre. Longmât les attendait là, croquant une pomme dans son attitude nonchalante contrastant toujours avec celle bien plus austère de Denys. Le Capitaine plaça une bourrade dans l'épaule de son second et rugit d'une voix forte.

«Alors qu'est ce que t'as découvert Longmât ? Les projets de mon père ont-ils filtrés jusqu'ici ?

«Ouais ! Ton paternel s'est démené et à mené sa barque pour que t'ai enfin une femme roc ! La reine s'était pas trompée ! J'ai même un nom si tu veux tout savoir. Mordane Pindepierre. Ça te dit pas grand chose hein ? Normal ! Ils l'ont envoyé servir d'otage dans les contrées vertes. Me demande pas où ! Je n'ai pas réussi à trouver d'informations précises. Quand à savoir si elle est baisable, j'en sais foutrement rien ha ha ha !

Les Pindepierre n'était pas une maison de renom désagréable si on exceptait ce fieffé coquin de capitaine qui avait soutenu le Choucas. Un faux insulaire qui méritait qu'on lui tranche la tête, ni plus, ni moins. Le Timbal cracha par terre à l'évocation des contrées vertes. Son père lui avait joué un sale tour. Que lui avait-il ramené là comme épouse ? Une femme élevée par des étrangers aux coutumes blasphématoires ! Cela ne lui disait rien de bon !

«Par le Dieu Noyé !  Le vieux s'est surpassé sur ce coup. Il a décidé de me l'enfoncer jusqu'à la garde et jusqu'à l'os !»

Longmât éclata de rire tout en ouvrant la marche en compagnie de son ami et capitaine, une vingtaine de mètres derrière eux, les hommes d'équipages entassaient les prises de Denys sur des charrettes pour les acheminer vers le château. Le Timbal était loin d'être heureux. Avant même de pénétrer dans le château, il s'était déjà fait une idée du merdier dans lequel il allait mettre les pieds. Il passa les portes avec Longmât et fit son entrée sans prononcer un seul mot avant d'avoir examiner toutes les personnes présentes. Outre les gardes, son père et sa mère était présent, tout comme son frère. Il y avait une femme en retrait de ce beau monde, vêtue de rose et de gris. Une femme quelconque qui devait être une invitée de mère ou alors sa promise au choix. Intérieurement, il préférait opter pour la première possibilité.

«Père, mère, Donnel ! J'ignorai que vous me réserviez un tel accueil. Êtes vous pressé de voir ce que je vous ramène ? Des gens pour travailler, des parures pour mers, des décorations pour le château et même quelques armes particulières. J'ai même trouvé un lettré mais il parle difficilement notre langue.  »

Arrivé à hauteur de l'étrangère, celle-ci lui fit une révérence et Denys passa son chemin sans lui accorder la moindre attention.  Donnel le gratifia d'une étreinte virile là où sa mère profita pour enlacer tendrement son premier né. Son père posa alors sa main sur son épaule et parla de sa voix rugueuse et forte. En plus rythmée et en plus âgée, ce timbre était fort proche de celui du fils héritier.

«On se doute bien que t'as mission a été couronné de succès. On nous a narré tes exploits mais je pense qu'ils nous seront plus doux sortant de ta bouche. Nous sommes là pour ton retour et pour te présenter ta promise. Jeune pucelle, viens donc ici. Fils, voilà la fille que tu épouseras. Mordane Pindepierre née sur Harloi. Mordane, voici mon fils, le valeureux Denys.»

Denys maudit son père mentalement. Née sur Harloi ? Élevée dans les contrées vertes. Voilà la vérité. C'était une étrangère peu digne de son rang. Elle était comme Theon Greyjoy. Quelqu'un dont il tolérait malgré lui la présence mais dont il ne se souciait pas du sort.

«Z'avez pas traîner père. M'a pas l'air bien épaisse. Elle risque de pas passer l'hiver votre brindille.»

«Ta mère a fait préparer ta chambre et celle de Longmât. Monte avec ta promise et faîtes connaissance. Après un long voyage en mer, poser son cul sur une chaise, ça te feras le plus grand bien !»

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Le fils prodige et la chaste fiancée

An 300, Lune 7 - Semaine 1 ; Vieux Wyck



Mordane Pindepierre & Denys Timbal


Tout alla très vite. Une accolade paternelle, un florilège d'adjectifs et d'appellations à couper au couteau et déjà, l'affaire était close. Il n'y avait eu aucune énumération de titres aucun vin servi aux jeunes fiancées, aucun instrument égrené par un ménestrel dépêché spécialement pour l'évènement. On l'avait tirée sa révérence devenue inconfortable à défaut d'être notée, tandis qu'elle avait encore et toujours le nez rivé au sol. Alors, elle avait relevé la tête et croisé pour la première fois le regard mi moqueur mi dégoûté de son fiancé. De près, il lui semblait encore plus grand et plus imposant de ce qu'elle avait pu distinguer de loin. Elle s'interdit de bouger, car elle savait qu'elle allait déglutir péniblement : elle avait l'impression d'être un fruit mur et coloré sur le point d'être dévoré par un affamé de trois jours. Elle le dévisagea un instant dans un parfait mutisme, rêvant de pouvoir chercher le regard encourageant d'une Lysa qu'elle devinait prête à bondir sur la paire de rustres que composaient le beau-père et son fils. Même au sein de la petite bourgeoisie de Port-Lannis, on traitait les filles avec plus de respect ! La jeune suivante se garda pourtant de tout geste, sachant pertinemment qu'on la ferait jeter aux geôles desquelles elle ne serait d'aucune utilité à sa jeune maîtresse. Celle-ci retrouvait d'ailleurs l'usage de la parole, et articula à l'aide d'un sourire de premier choix : « C'est un honneur pour moi de faire enfin votre connaissance, mon Seigneur » fit-elle à l'attention de Denys. Elle agrémenta ses paroles d'une génuflexion rapide et d'une grâce infinie, après quoi elle se tourna vers son futur beau-père. « Si Monseigneur me le permet, je nous ferai précéder de ma suivante qui donnera des ordres en cuisine, afin que mon fiancé puisse prendre une collation digne de son retour ! » Elle n'avait pas besoin d'en dire d'avantage pour que Lysa s'éclipse en la direction indiquée.

De son côté, Mordane se tourna de nouveau vers Denys qu'elle gratifia d'un sourire appliqué. Ses manières contrastaient si fort avec l'ambiance générale que pour un peu, elle pouvait paraitre ridicule. Mais une lueur déterminée s'était allumée dans ses yeux, et défiait l'assistance d'une quelconque remarque. Elle avait parfaitement conscience de dénoter mais elle n'en avait cure : Dunstan Timbal avait répondu à l'offre de mariage de Dagon Pindepierre sans se soucier outre mesure de ce que sa future bru avait passé la plus grande partie de sa vie en contrées vertes. Elle avait même ouïe dire que le seigneur Timbal eut choisi n'importe quelle demoiselle, pour peu qu'elle fasse prononcer les paroles religieuses à son héritier. Il pouvait donc toiser sa taille de guêpe et sa silhouette gracile avec tout le mépris dont il était capable : ils étaient pieds et poings liés ! Elle sentait un flot de paroles monter le long de sa gorge, mais elle se retint. Tout au plus, elle se tint soigneusement à ses côtés, à une distance tout à fait respectable, tandis qu'il les guidait vers ses appartements privés. Elle regardait bien droit devant elle, les deux mains croisées à la commissure de sa taille, refusant tout contact avec la grande silhouette qui sentait la mer, la sueur et le cuir en début de décomposition. Elle pria intérieurement pour que là haut, Lysa ait installé les encens et autres sens bons qui avaient constitué une part de son impressionnante dot. Malgré son statut d'otage, les Lannister n'avaient pas lésiné sur les moyens devant accommoder une fille élevée auprès d'eux, et c'est non sans une certaine fierté que Mordane était partie pour Vieux Wyck. Derrière leurs piques et autres médisances, elle avait vu les yeux plein d'envie des fer-nées restées sur Harloi, et elle s'était octroyé le luxe du plaisir tout féminin de leur décocher un sourire d'une hypocrisie sans nom. Mais alors qu'elle se trouvait à quelques centimètres à peine de son fiancé, elle pouvait sentir la fierté de ce départ s'estomper quelque peu. Et si, faisant fi de toute bienséance, il la prenait là, tout de suite, sans cérémonie, comme on prend une fille dans une ville conquise ? Bien sûr, il y avait Lysa ; mais il la chasserait de la pièce sur un claquement de doigt et alors... ? Mordane s'humecta quelque peu les lèvres : si telle était la coutume, elle s'y plierait. Mais ce ne serait pas sans livrer résistance d'abord. Elle ne s'était pas préservée pour finir offerte, nue et les jambes écartées dès le premier regard ! 

Lorsqu'on pénétra enfin dans la chambre, Mordane vit tout de suite que Lysa s'était occupée de l'ambiance : les bougies et les encens étaient allumées, et sur une table trônaient le vin, les fruits et un plat de poisson encore fumant de ses aromates. « Si tu as besoin de moi, Maîtresse, je ne suis pas loin » fit-elle alors, sous le regard quelque peu effaré de Mordane. Elle la laissait seule ? Avec lui ? Un regard échangé lui assurait le soutien de sa suivante, qui tentait par la même d'insuffler un peu de bagou à sa jeune maîtresse. Elles en avaient discuté, elle lui avait enseigné quelques gestes. Pour le reste, elle la savait suffisamment entreprenante pour survivre à cette première entrevue en tête à tête. Aussi, elle s'inclina légèrement, et disparu derrière une porte dérobée. Ils étaient seuls. Mordane le regardait, immobile et muette. Une fois de plus, elle n'agirait ni ne parlerait la première. Elle n'était peut-être pas épaisse, mais au moins, elle était bien élevée.


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An 300, Lune 7, Semaine 1 - Vieux Wyck



Mordane Pindepierre & Denys Timbal

Il reposa son regard sur la jeune femme qui semblait donner dans la courbette. Si elle souhaitait se rompre le dos ce n'était pas son problème. Pour toute réponse à sa proposition, il haussa les épaules manifestant qu'il n'avait strictement aucun avis sur ses intentions. Après un nouvel échange de coups complices avec son frère, le jeune homme prit la direction des châteaux et de ses nombreux couloirs pour rejoindre ses appartements. Sur le chemin, nul mot ne fut adressé à la brindille. Ce fut plutôt à son second qu'il parla.

«Veille à ce que la catin rouge sois logée et nourrie et descend aux cuisines demander à ce qu'ils me montent de l'eau chaude.»

Denys ignorait ce qui était le plus désagréable dans cette promenade. Le fait de sentir la présence de cette femme qu'on lui imposait ou Longmât qui s'était retenu de rire tout du long et qui venait d'éclater au détour d'un couloir. Lorsqu'il pénétra dans sa chambre, plusieurs choses retint son attention. Des vêtements propres étaient posés sur son lit et il y avait tous un tas de bougies répandu dans la pièce. Au moins cela donnait un peu de luminosité à l'endroit.

«Il y a une odeur bizarre. Ça pue ici.

Se dirigeant vers la nourriture, il huma l'odeur du poisson mais son fumet était agréable. Ce n'était pas la nourriture qui manquait de fraîcheur. Il y avait cet odeur qu'il avait déjà sentie auparavant quand il fallait aller rechercher un homme qui s'éternisait au bordel. Une odeur qui vous prenait au nez et qui était loin d'être agréable. Rien avoir avec les senteurs iodées et salées qu'il appréciait tant. La femme qui semblait suivre sa future épouse s'éclipsa, les laissant seuls. Il voulu se verser une coupe mais constata qu'il s'agissait de vin.

«Qui est l'abruti qui m'a préparé du vin. Par le Dieu Noyé ! Je ne bois jamais d'alcool !»

Il tapa du poing sur la table rageur en terminant sa phrase. Ses mains se posèrent ensuite sur sa taille et il retira les deux haches accrochées à son ceinturon. Il se dirigea vers son bureau et les planta dans le bois. Le meuble était marqué de nombreuses encoches, traces de ce rituel maintes et maintes fois accomplis. Il accrocha son ceinturon à un harnais et en sorti un couteau. Avec l'objet il entreprit de découper son poisson et s'installa pour manger sa pitance. Il mastiqua calmement et avala le premier morceau avant de reprendre la parole.

«Tu vas rester plantée là comme un mât à me regard avec tes yeux de merlans frit toute la soirée ? T'as quel âge dis moi ? Treize ... peut-être quatorze ans ? »

La nourriture était bonne. Meilleure que la plupart des plats qu'il mangeait à bord de la Phalange. C'était une des choses qui vous manquait le plus une fois que vous preniez la mer. Avalant son repas rapidement, le Timbal reprit la parole.

«C'était qui celle que t'as renvoyé ? Ta servante ? Pas ta sœur ou alors pas du même père ou de la même mère ? Vous êtes pas faîtes pareil toutes les deux. Je lui passerai bien dessus oui-da !»

Son repas fut rapidement achevé, sans plus de considération pour celle qu'on lui avait collé dans les pattes. Il était en train de mastiquer le dernier morceau de poisson en observant la mer par la fenêtre lorsque des hommes pénétrèrent pour amener une grosse bassine et plusieurs chaudrons d'eau chaude qu'ils versèrent dans le récipient. Pas une seule femme. Apparemment son père avait veillé à ce qu'aucune servante ne viennent lui tenir compagnie pour son retour. Sans aucune gêne ni pudeur, le Timbal commença à se dévêtir. Se retrouvant nu comme un ver, il s'immergea dans l'eau chaude, ses épaules, son cou et son visage haut dessus de la surface.

«Plus je te regarde et plus je me demande pourquoi mon père t'as choisis. T'as le bassin étroit. Pas bon pour enfanter ça. Qu'est ce que t'as de particulier la Pindepierre, hein ? Dis moi ? Ton père a promis des terres au mien ? T'as le con fait en or ? »

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Mordane Pindepierre & Denys Timbal


La première chose qu'il fit, c'est humer le poisson. Mordane réprima un sourire satisfait : s'il fallait encore s'en persuader, il était de ces hommes qui allait directement aux choses, et qui ne s'en cachait pas. D'après Lysa, ils étaient les plus faciles à séduire. Ou à torturer de désir, selon. Mais alors qu'il remarqua l'odeur d'encens qu'il jugea puante, Mordane réprima l'envie furieuse de lever les yeux au ciel. Il semblait qu'aucun savoir vivre, même infime, n'émana de son fiancé qui apparaissait comme seule masse de muscles et de jurons. Restée près de la porte, elle l'observa sans ciller  pester contre la présence de vin, se défaire de ses armes avec la même violence et enfin, s'attabler et faire un sort au poisson qu'il engloutit en trois bouchées. Le tout sous le regard impassible de la jeune fille, dont la gracieuse silhouette semblait avoir fusionner avec la pierre environnante. Elle ne bougeait pas. Son regard lui, prenait le temps de s'imprégner en détail de chaque traits de son visage, de cette mèche de cheveux cendrés qui lui collait contre la tempe et qui jouait de sensualité avec une veine battante sous l'effet de sa mâchoire en pleine action. Les bruits de déglutition emplissaient la pièce qui vivait au rythme de son propriétaire qui bouche pleine, interrogeait pour la première fois la jeune fille. Il voulait savoir son âge ; il devinait. Mal. Pour toute réponse, Mordane lui décocha un énième sourire. Pour elle, le temps de la parole n'était pas encore venue ; visiblement, son mutisme l'agaçait à défaut de l'intriguer, et elle choisit le pari de nourrir encore quelque peu son agacement. Après tout, il avait en l'espace de quelques minutes à peine  détruit la belle image qu'elle s'était faite de leur première rencontre ; il aurait tout le temps de la découvrir entreprenante et bavarde, et elle prenait un malin plaisir à éterniser son mutisme.

Alors qu'il l'interrogeait sur Lysa, la porte s'ouvrit sur deux serviteurs portant à bout de bras un imposant nécessaire de toilette. Toujours immobile, elle le vit alors se dévêtir sans plus de considération et entrer dans l'eau chaude qui fuma au contact de la peau glacée par le vent du large. Malgré la situation, Mordane ne bronchait toujours pas. Il s'attendait certainement à la voir rougir ou à détourner la tête ; mais elle en avait vu d'autres. Lorsqu'elle partait observer les visites des fils Lannister dans les bordels de Port-Lannis, elle s'était construite une solide éducation théorique, et la vue d'un homme nu était la dernière chose qui lui arrachait un semblant d'émoi. Et si une aveugle n'aurait su dénier les atouts physiques qui se prélassaient copieusement dans son bain, elle n'était pas de celles qui s'en pamaient d'admiration. Denys, lui, continuait son monologue. A l'écouter, elle avait tout d'une pintade fardée arrivée sur son île par mauvais calcul, le tout sur fond d'allusion sexuelle à faire grincer les chaumières bien pensantes. Ce fut trop. Résignée, Mordane poussa un soupir. Un soupir long et las, qui grimpa le long des murs pour venir s'échapper par la fenêtre qui était suffisamment ouverte pour laisser passer un peu d'air frais. Elle se sortit alors de sa torpeur et alla prendre la carafe de vin pour se servir une coupe. « Ceci m'était destiné. Nul besoin de crier après vos gens, c'est Lysa qui s'est occupée de tout. » Sans un regard de plus, Mordane trempa ses lèvres dans l'odorant spiritueux qui lui rappelait si fort les soirées passées à Port-Lannis. Alors, on faisait venir les musiciens et quelque nobliaux l'invitait à danser sous les acclamations d'un petit public de familier. Le contraste était si saisissant qu'elle éructa un rire. « Lysa est à mon service depuis cinq ans, et elle est ce que j'ai de plus proche d'une sœur. Mais comme tout ce qui m'appartient, elle est à votre entière disposition, mon Seigneur. » Elle reposa sa coupe et replaça une mèche soyeuse de ses cheveux. Après quoi elle laissa un nouveau silence s'installer, durant lequel elle toisa son fiancé sans l'ombre d'une gêne.

Rompue à la patience, elle contourna alors la large bassine d'eau et d'une grâce absolue, tomba à genoux pour s'accouder aux bords de la baignoire, son nez à quelques centimètres seulement du visage de son fiancé. Il avait des yeux noir, dur comme le roc et le fer, des yeux qu'elle croisa des siens où brillait une lueur amusée. « J'ai ouïe dire que Monseigneur Timbal cherchait surtout à vous marier. Quoi qu'il lui en coûte. Ainsi, votre surprise est égale à la mienne. » Elle s'autorisa à tremper un doigt dans le chaude, et à dessiner des ronds d'un ongle parfaitement coupé, sans le quitter des yeux. Un nouveau sourire étirait ses lèvres, un sourire gracieux et flatteur qui faisait écho à ses graveleuses allusions. « Mon père se doit d'assurer l'avenir de mon frère, son héritier. Vous pensez bien qu'il n'a pas eu le temps de discuter affaires. Ce sont les Lannister qui se sont occupé de mes diverses dorures... Quant à mes atouts féminins, rassurez-vous : ils n'ont que dix-sept ans, mais rien de ce que je vois dans cette bassine ne saurait les intimider ! » ajouta-t-elle, étirant d'avantage encore son sourire qui se tintait de malice.

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Mordane Pindepierre & Denys Timbal

Son père lui avait trouvé une véritable gourde. Elle pouvait être bien emballée dans ses robes de grandes dames, elle n'en demeurait pas moins vide à l'intérieur. Ne savait-elle faire que sourire ? Si le sang des îles de Fer ne coulait pas dans ses veines, il se serait peut-être déjà laissé aller à lui en tailler un beau avec la lame de sa hache. Ce n'était pas ses mots sur le service qui allait arranger quoi que ce soit.

«Alors bois ton vin et enivre toi, femme. Tu seras peut-être de plus agréable compagnie quand ton vin te monteras à la tête !»

La Pindepierre prétendit que cette femme lui appartenait depuis maintenant cinq ans et qu'elle la mettait au service de son futur époux. La jeune femme se voyait déjà marié. Il n'en doutait pas. On n'offrait pas ainsi ses biens à un inconnu si on ne possédait pas une réelle motivation derrière ce présent.

«On te l'as donné ou tu as tué son ancien maître de tes mains ? Tu as payer le Fer-Prix pour ses services, la Pindepierre ?  »

Elle s'accouda à la baignoire et le fixa en prétendant que son père cherchait à le marier à tout prix. C'était tout à fait vrai.  Denys le savait et elle ne lui apprenait rien. Elle semblait néanmoins autant au courant que lui ce qui lui déplaisait quelques peu. Ne lui répondant pas, le Timbal s'immergea quelques instants dans l'eau chaude pour ensuite remonter à la surface, ses cheveux ruisselant et fumant. S'adossant à nouveau sur les bords de la bassine, il la vit entrain de jouer d'un doigt dans l'eau. Il reposa son regard dur et sévère sur elle pour écouter sa nouvelle série de propos. A l'évocation du nom des Lannister, il cracha juste à côté d'elle.

«Longmât m'avait rapporté que ton père t'avais donnée comme otage dans les contrées vertes ! Je vois que mon fidèle seconde ne s'est pas trompé ! Mon père veut me faire épouser une catin de lion. Pour qui me prend t-il ? Si je dois baiser un jour une Lannister, ce sera de force et après avoir tué son époux, le reste de sa famille et mis à sac leur ville et leur vieux Roc !. »

Il se pencha sur le côté pour attraper éponge et grattoir et se leva pour entreprendre ses lavements. Lorsqu'il se mit debout, ses attributs virils frôlèrent le visage de sa catin de fiancée. Sans lui accorder un regard, il entreprit de frotter son torse de manière énergique pour en enlever l'odeur et la crasse incrustée. Son dos et son torse étaient parcourus de cicatrices ci-et-là, telle une fresque des nombreux combats déjà menés, témoignant qu'il pouvait toujours se vanter de se tenir fièrement debout, en vainqueur. Sa voix austère se fit plus forte et il éclata d'un rire sans émotion. Lui tournant le dos, il entreprit de se frotter les bras.

«Tu fais plus jeune que ton âge, femme ! A force de sucer les lions et d'en boire la sève, tu dû en conserver les habitudes. Tes effronteries seront vite calmée. J'ai connu une petite impertinente comme toi. Alyssa qu'elle se nommait, de la maison Desdaings. J'ai pillé son château et on l'a brûlé. Je l'ai ramené ici quelques temps. Elle était hautaine mais elle possédait plus de couille que toi. Cela ne l'empêche pas maintenant de se souvenir de moi à chaque fois qu'elle s'assoit ha ha ha. J'ai rarement vu quelque chose d'aussi serré que son fion. Chaque fois qu'elle dégluti, elle doit sentir le goût de mon foutre dans sa bouche. C'est ça que tu cherches, la Pindepierre ? A me mettre en colère ?»

Tout en parlant, il frottait de plus en plus énergiquement, par endroit sa peau était rougie par l'effort et pas loin de saigner. Lorsqu'il eut terminé quelques secondes plus tard, il se replongea dans l'eau salvatrice et réconfortante.

«Je déteste par dessus tout qu'on m'impose des choses. Je ne désire pas ce mariage et je te désire encore moins femme. Lorsque j'irai me coucher, tu m'enverras ta servante. Puisqu'elle m'appartient autant qu'à toi, tu n'y verras pas d'objection. Y tiens tu beaucoup à cette « Lysa » ? A tu ramené d'autre de ses engeances dans notre domaine ?»

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Le fils prodige et la chaste fiancée

An 300, Lune 7 - Semaine 1 ; Vieux Wyck



Mordane Pindepierre & Denys Timbal


Elle aimait le vin. Elle aimait le goût âpre qu'il laissait sur le palet, les doucereuses effluves qui venaient se mêler à la salive, le frais clairet qui adoucissait les gorges sèches. Mais comme toutes les jeunes filles de bonne famille, elle avait appris non pas à boire, mais  déguster. Tremper ses lèvres délicatement et goûter le liquide ambré du bout de la bouche. Un peu comme on jouit d'un plaisir trop rare et qu'on ne veut pas gâcher en y allant trop vite. Un peu comme on se freine de dégoût pour une chose si futile quand on est de naissance noble. Boire du vin, c'était entrer dans la cour des grands. Mais une fois de plus, les coutumes des contrées vertes n'étaient pas celles des îles de fer. Ou du moins, de la maison Timbal, où le fils héritier n'éprouvait que dédain pour la boisson. Aussi, sa réaction ne la surprenait guère. Mais s'il espérait la trouver ivre morte à ses pieds, c'était bien mal la connaitre. Elle se contenta de hausser les épaules, sans toucher la coupe encore bien pleine. Lysa avait fait porter ce cru de l'Ouest parce qu'elle n'avait certainement pas encore eu le temps d'écumer les  et la  château pour en dénicher une merveille locale. Elle l'imaginait déjà soudoyer le gardien des clés d'un roulement de hanches. Lysa était pleine de ressources. Elle lui avait raconté comment, après la mort de son père des mains de brigands venus cambrioler son comptoir, elle et son frère s'étaient maintenu à flots par toutes sortes de ruses et de créations. Avant qu'il ne trouve une place comme mousse sur l'un des nombreux navires de la flotte Lannister, il avait construit un réseau de messagerie entre les différents artisans miniers de la ville, qui craignaient trop les indiscrétions des coursiers pour risquer d'y perdre des secrets de fabrication. Et puis il y avait eu cette terrible bataille navale qui l'avait rendue orpheline : la rue ou le bordel, telles avaient été ses deux options. Elle avait choisi la rue, et la rue l'avait amenée jusqu'à Mordane. « Lysa m'est fidèle comme je devine que le sont les membres de votre équipage. Avez-vous payé le fer-prix pour les enrôler ? »  

Tandis qu'il entreprenait de se frotter vigoureusement le corps pour chasser les traces laissées par la mer sur son corps témoin d'une vie de guerrier, Mordane eut tout le loisir de se souvenir de chaque cicatrice, chaque plaque de sang mal coagulé qui laissait ça et là des hématomes violacés sur la peau de son fiancé. C'était comme lire le récit de ses exploits marins, et pouvait sentir son cœur se gonfler d'orgueil. Elle avait toujours rêver épouser un homme de cette trempe. Et si leurs premiers échanges étaient rudes, Mordane ne voyait pas sa détermination fléchir. Au contraire. Dans le fond, peu lui importait qu'il désirait ou non ce mariage. Dans d'autres circonstances, elle aurait elle-même préféré se choisir son époux. Mais visiblement, leur situation à l'égard de leurs paternels respectifs étaient trop similaires pour qu'ils s'offrent le luxe de batailler longtemps contre cette union. Mordane détenait là un avantage considérable : il y avait bien pire que de devenir la femme-roc d'un Timbal. Le tout à présent était de jouer une partie suffisamment fine pour qu'il ait pour elle d'autres égards que ceux qu'il avait eu pour elle jusqu'à présent, à savoir : aucun. Et si elle finissait par être rejetée et que le fil qu'elle tissait autour de lui cassait, tant pis : elle pourrait toujours se pendre avec pour éviter la honte. A cette pensée, Mordane eut un petit rire. Elle avait frôlé la mort de trop près pour en avoir peur ; au lieu de cela, elle éprouvait pour le repos éternel une sorte de fascination. Durant ses années passées auprès des maîtres à penser dépêchés spécialement pour parfaire l'éducation des enfants de Kevan Lannister, Mordane avait pu s'initier brièvement à l'art des poisons. Elle en avait conservé suffisamment de notions pour se constituer une ébauche de grimoire qu'elle gardait précieusement dans ses quartiers privés. Elle espérait que l'argent donné par ses geôliers dans l'optique de son prochain mariage lui permettrait d'approfondir ses connaissances, et de se lancer dans la culture certaines herbes et plantes qui ne poussaient pas d'ordinaire sur Vieux Wyck.

Lorsqu'il cracha par terre à l'évocation des lions, Mordane ne broncha pas. Qu'espérait-elle ? Qu'il la félicite de sa vie passée chez des continentaux ? C'était bien là le seul reproche qu'on pouvait lui faire, et elle l'acceptait volontiers. Après tout, son propre père l'avait rejetée pour avoir vu en elle un pure produit de la noblesse ouestrienne qu'une fer-née en bonne et due forme. Pour autant, lorsqu'il l'assimila aux pimbêches qui s'étaient amusées de son sort, la jeune fille eut un rictus de dégoût. « Je ne suis pas une Lannister. J'ai grandi avec eux, ce qui est déjà largement suffisant. Quant à avoir été leur créature... Vous pourriez être surpris. Encore que cela exigerait que vous ne tombiez pas dans la facilité de me comparer à toutes ces femmes de peu de vertu que vous avez l'habitude de côtoyer... Je vous avoue que je suis, sur ce point, un peu déçue de vous. » Tandis qu'il se replongeait dans l'eau chaude, une réaction attira particulièrement son attention. Effronteries ? Ainsi donc, il s'avouait piqué. Le sourire de la jeune fille se fit plus grand encore. « Je n'ai nullement l'intention de changer, mon Seigneur. Votre père a répondu à l'offre de mariage du mien en sachant pertinemment qui j'étais et ce que j'avais vécu. Gageons que ce que vous appelez effronteries sont des vestiges de mon passé... Un passé sans lequel, Lysa ne pourrait se trouver dans votre lit ce soir » ajouta-t-elle, désinvolte. Elle n'avait pas bougé, et s'octroya même le luxe de déposer à terre le bijoux de tête qui retenait quelques mèches de ses longs cheveux en place. Sous l'effet de leur libération, ils cascadèrent impeccablement le long de ses reins. « J'ajoute qu'il n'y a nul besoin de vous mettre en colère pour si peu... Nous discutons. Vous n'aimez pas le fait que j'ai grandi en contrées vertes, soit. Et bien sachez que je n'aime pas que l'on me traite avec aussi peu de considération. Nous sommes quitte ! »

Elle se leva gracieusement et alla tremper de nouveau ses lèvres dans sa coupe de vin. Dehors, une tempête commençait à agiter la mer, et les gouttes de pluie venaient frapper contre les fenêtres de la chambre, jetant encore un peu plus de pénombre dans la pièce et faisant ainsi briller d'avantage encore l'éclat des flammes des bougies. Après avoir bu, Mordane attrapa une grappe de raisin et se laissa de nouveau choir aux pieds de la bassine dans laquelle Denys se prélassait à nouveau. « Je vous l'ai dit : Lysa est ce que j'ai le plus proche d'une sœur. Elle mourrait pour moi. Une telle fidélité est rare à trouver de ce fait, elle est un trésor rare de ma dot. De plus, elle n'a plus de famille ; autrement, je vous aurais volontiers fait don de son défunt frère qui était de la même trempe. Il a plu au Dieu Noyé de le rappeler à lui...  » Elle se mua en un recueillement rapide à la mémoire du jeune homme, après quoi elle ajouta : « Si Lysa ne saurait vous suffire pour cette nuit, pourquoi ne pas appeler celle pour laquelle vous avez ordonné pitance et quartiers ? A deux, je gage qu'elles se feraient un plaisir de vous amuser... A moins que cela ne soit pas suffisant ? La bourse que j'ai là à ma ceinture contient cinquante dragons. Prenez-lez, si c'est à ce prix que l'on achète votre plaisir. » Elle n'avait pas su résister, et elle prenait un malin plaisir à tendre la corde de ses nerfs déjà à vif.


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LE FILS PRODIGE ET LA CHASTE FIANCÉE

An 300, Lune 7, Semaine 1 - Vieux Wyck



Mordane Pindepierre & Denys Timbal

Elle essayait de ruser avec lui. Il le sentait dans ses propos. Elle essayait d'argumenter afin qu'il se retrouve sans mot. Ce n'était qu'une frêle tentative de déstabilisation. Il en fallait bien plus pour faire flancher un roc comme le Timbal. Si elle s'était un tant soit peu intéressé à l'histoire de sa maison, elle aurait vite compris que les hommes portant le blason de la main d'os était souvent de véritables malins.

«J'ai servi sur un boutre avant d'avoir mon propre équipage. J'ai prouver ma valeur en restant en vie et en trucidant chacun des hommes qui s'est présenté sur ma route. J'ai payé le Fer-Prix pour leur loyauté et leur services. As tu déjà tué quelqu'un la Pindepierre ? As tu déjà senti le poids d'une hache dans ta main, ce craquement quand elle s'enfonce dans un crâne ? Cette étincelle qui disparaît dans la pupille d'un homme quand tu lui prend sa vie ? L'as tu déjà contemplé une fois dans ta courte vie ? »

Il continua de l'écouter et se sortit du bain pour se diriger vers un tissus posé sur le lit avec lequel il s'essuya. Se sentir propre faisait du bien même si les embruns de la mer sur sa peau lui manquait déjà. La mère nourricière semblait en furie à l'extérieur pendant qu'il s'essuyait en contemplant le panorama par la fenêtre. Le Dieu Noyé et le Dieu des Tornades semblaient en plein combat ancestral. Il l'écouta continuer de déblatérer et lui répondit du tac au tac en enfilant ses chausses.

«Ça veut dire que t'as pas une crinière entre les jambes et que t'as honte d'avoir vécu parmi eux ? Prouve le moi alors ! Demain fais toi de nouveau baptiser par un prêtre du Dieu Noyé. Montre que tu n'es pas une de ses moules fendues des contrées vertes et je commencerai peut-être à te considérer. Nous ne sommes pas quitte, femme ! Il y a deux personnes en ce bas monde qui peuvent me donner des ordres. L'une est celui qui a organisé cette mascarade de fiançailles, l'autre à son joli petit cul posé sur le trône de Grés.»

Appuyé contre le rebord de la fenêtre, il contemplait les éléments se déchaîner. Ce genre de phénomène avait le don de réveiller ses instincts primaires et brutes. Les démonstrations de force l'avait toujours excité. Il terminé d'essuyer sa chevelure en passant à proximité de la Pindepierre qui continuait de s'adresser à lui. Il l'écoutait ensuite déblatérer sur le fait de ramener sa propre prise dans son lit et lui fit même miroiter une bourse pleine d'or. Il n'en fallu pas plus pour énerver le jeune homme.

«Tu penses pouvoir m'acheter femme ? Avec de l'or ? Pour qui me prend tu ? Un de tes prétendants là bas dans les contrées vertes ? S'en est trop !»

L'attrapant par les cheveux, il l'attira vers la bassine et la bascula sans difficulté. Sa force était déjà prodigieuse pour un homme. Elle ne pouvait pas lutter. Sans aucun états d'âme, il lui plongea la tête dans l'eau pendant une dizaine de secondes avant de la ressortir et de lui éructer quelques mots à l'oreille.

«Tu hais ton père pour ce qu'il t'impose ? Je suis aussi écœuré que toi par la situation. Alors montre moi ta colère ! »

Il la replongea à nouveau, cette fois pour une trentaine de secondes, la maintenant sans aucune difficulté. Il tira à nouveau sur ses cheveux pour la remonter. Cela ressemblait à un baptême du Dieu Noyé, de façon plus expéditive.

«Prend une hache la Pindepierre ! Montre moi qui tu es ! Une Fer-née, une lionne ? Qu'est ce que tu es au fond ? Tu l'as vois la vérité au fond de la bassine. REPOND ! REPOND !»

Il ne lui laissa pas le temps de reprendre son souffle et elle reparti pour une vingtaine de secondes d'apnée. Il pouvait très bien la tuer. Il en avait le pouvoir mais jamais au grand jamais il ne prendrait la vie d'une femme des îles qui ne l'avaient pas mérité.
«Et si je te baisais maintenant, là comme ça ? Qu'est ce que tu ferais ? Tu te laisserais faire ? Si je prenais ta servante devant toi ? C'est ce que tu veux hein la Pindepierre ? REPOND REPOND !»

Elle reparti à nouveau pour une période de souffle coupé, plus courte cette fois. Il l'attrapa comme un fétu de paille et la jeta sur le lit.

«Qui est tu ? Que veux tu ? Répond moi ! Assume tes paroles ! »»

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Le fils prodige et la chaste fiancée

An 300, Lune 7 - Semaine 1 ; Vieux Wyck



Mordane Pindepierre & Denys Timbal


Elle comprit vite qu'elle était arrivée au bout de sa patience. Et comme pour tous les hommes, les sujets sensibles tournaient autour de l'autorité, de l'argent et du sexe. Un mélange dangereux qui avait le don d'exciter leur orgueil et leurs sens. En toute honnêteté, Mordane ne savait plus vraiment pourquoi elle avait laissé leur conversation atteindre un point de non retour. Elle savait que ses manières policées ne résisteraient pas longtemps à la vie brute de tout confort qu'il avait menée jusqu'ici. Il fallait être suicidaire, ou tout simplement idiote pour ne pas mesurer à quel point ils étaient aux antipodes l'un de l'autre. Ce pourquoi, lorsqu'on lui avait annoncé son mariage avec Denys Timbal, elle avait ressenti ce mélange de fierté et de peur. Fierté parce qu'elle serait l'épouse de la fine fleur du guerrier fer-née, peur parce que si elle n'était pas prudente, elle ne passerait pas la Lune auprès de lui. Et si elle avait, à bon escient, cultivé sa différence, elle s'était préparée à cet instant où tout finirait par basculer. Cet instant où, lassé du jeu des mots bien posés et décochés comme des coups de couteaux, il en viendrait aux mains avec elle. Il s'emparait de ce qu'il voulait pas la force ; il n'avait rien appris d'autre, et elle ne pouvait pas espérer de lui une quelconque clémence. Et malgré tout cela, consciente de la réaction violente qu'elle provoquerait, elle avait enchainé les insolences. Mais il avait réveillé en elle l'étincelle farouche qui sommeillait sous les tulles et les fards, l'étincelle cachée tout au fond de son être pour se faire une place dans les contrées vertes. Une petite voix intérieure laissée trop longtemps en bâillon, et qui voulait cracher toute sa bile. Et à cette instant, la colère contenue lui brûlait les lèvres cependant que l'homme méprisait son ignorance de la mort. 

Et puis il y eut l'insulte. Le soufflet ultime porté à sa face. L'entendre lui ordonner se faire baptiser selon les rites du Dieu Noyé lui arracha un véritable cri de stupeur, cependant qu'elle se relevait d'un bon. Sous le coup, l'un des pans de sa robe se pris dans ses souliers hauts et craqua sous le talon. La déchirure fit gémir le tissu dans un long craquement, où les coutures sautaient une à une jusqu'à la commissure de sa cuisse. Mais elle n'en avait cure. « Ose répéter ce que tu viens de dire. » C'était la première fois qu'elle le tutoyait. Le sourire poli avait laissé place à un rictus qui la défigurait littéralement, faisant apparaitre sur le côté droit deux fines canines d'un blanc étincelant. Elle respirait fort, soulevée par la rage qu'il avait fait naitre en elle en insinuant qu'elle était païenne, qu'elle avait vendu son âme aux Sept. Le sombre idiot ! Lui qui se vantait tant d'avoir bravé les mers et enfoncé sa hache dans tout ce qui pouvait se rapprocher d'une cavité, n'avait jamais eu à vivre le pire des combats : les batailles silencieuses, les batailles de faux-semblants, celui que seuls doivent mener des survivants proches de tomber sous le couperet de la honte. « Moi ? Me faire baptiser sur ton ordre ? Alors que les miens ont noyé leurs terres dans le fer et le sel pour les rendre infertiles en offrande au Dieu Noyé, pour lui montrer que seuls ses fruits de la mer sont dignes des fer-nés ? Pour qui te prends-tu donc, Timbal ? Les Arbres de Fer payaient déjà le fer-prix quand tes aïeux mouillaient encore leurs couches ! » Elle portait déjà la main à sa ceinture lorsqu'il se jetait sur elle. Il venait d'éructer qu'il n'était pas de ceux qui s'achetaient et d'une poigne surhumaine, agrippait Mordane par les cheveux et lui fit basculer la tête dans la bassine. L'eau bouillante lui brûla la peau, et elle cria de douleur ; mais sa voix était étouffée par l'eau qui trempait jusqu'à sa gorge. Elle ne l'entendait pas éructer de plus belle, ponctuant sa colère de nouvelles noyades où elle crut perdre toute orientation. Un instant même, elle cru qu'elle allait en mourir. Mais décidément, Denys Timbal en avait décidé autrement.

Il finit par la faire émerger brutalement, pour la jeter sans ménagement sur le lit où elle resta quelques secondes, reprenant avidement son souffle. Ses yeux noyés cherchaient la lumière, quelque chose à fixer pour reprendre contenance, cependant que ses mains se crispaient autour des draps. Elle savait qu'elle n'était pas de taille à l'affronter : elle n'avait pas le quart de sa force. Mais elle était bien plus souple, et bien plus rapide. Aussi, d'un bon d'acrobate, elle bascula son corps en avant et s'agrippa, ongles dehors, au visage de son fiancé. Les petites mains pointues s'enfoncèrent alors dans la chaire du guerrier, cependant qu'elle enroulait ses jambes autour de sa taille pour l'en crocheter fermement. Tel un bénitier, Mordane s'était accrochée à lui et lui tailla une imposante balafre sur l’œil droit, partant de la commissure du sourcil pour arriver au milieu de la joue. « Enflure ! Comme si j'étais capable de porter une hache avec les bras que j'ai ! Tu m'as regardée ? Ah non ! Monsieur est bien trop occupé à se pâmer devant moi, à exhiber ses cicatrices et à me parler comme si j'étais une fille prise dans une ville !  » Elle était toujours fermement accrochée à lui, et dans un élan de fureur accru, lui mordit la jugulaire pour en faire jaillir du sang. « C'est ça que tu veux ? Du sang ? Et quoi, après ? Me violer ? Mais je t'en prie ! Fais ce que tu sais faire, comme tous les autres qui croient pouvoir me faire peur avec leur parler brut et leur gouailleries. La vérité ? C'est ça que tu veux ? Je vais te la donner ! La vérité, c'est toi qui a peur ! Tu as peur de ce que tu ne peux pas trancher en deux avec ta foutue hache ! »


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LE FILS PRODIGE ET LA CHASTE FIANCÉE

An 300, Lune 7, Semaine 1 - Vieux Wyck



Mordane Pindepierre & Denys Timbal

Elle avait déchiré sa belle robe toute seule. En plus d'être stupide, la garce était empotée. Elle avait osé le défier, lui tenir tête. Cela il lui accordait. Il ne s'y était pas attendu. Rares étaient les hommes à le faire et encore plus rares les femmes qui avaient osés et en étaient ressorties vivantes. Elles se comptaient sur le doigt d'une main. Elle essayait de le ceinturer avec les deux baguettes qui lui servait de jambes. Il serait si facile de les briser et de l'entendre crier comme une vulgaire catin. Il avait sentit ses ongles s'enfoncer dans sa chair et creuser un sillon dans sa peau d'où le sang commença à perler et à tomber en fine gouttelette sur sa robe.

«Tu parles de ce que tu ignores femme. Ma lignée remonte à l'âge des héros. Peut on en dire autant de la tienne ? Ose tu insulter le nom que tu porteras bientôt ? »

Sa main se referma sur son menton et le serra entre ses puissants doigts pour l'empêcher de mordre à nouveau et de lui créer une nouvelle blessure d'où le sang s'échappait. Ses yeux étaient injectés de sang et de rage. Ses muscles étaient tendus, prêt à entrer en action au moindre de ses mouvements. Était-ce ce que son père avait prévu ? Qu'ils se disputent et qu'il finisse par lui fracasser le crâne sur le sol ?

«Porter une hache ça s'apprend. Vas y, elle est là pas loin. Plante la moi dans le coup ou demeure l'être faible que tu es.  Une fille prise par les Lannister, c'est ce que tu veux être non ? Alors retourne y. Prend un bateau et sauve toi ! Brave la mer et retourne d'où tu viens ! Je te ferais affréter un bateau si c'est ce que tu désires.»

Il plaqua la tête de Mordane contre le lit et son souffle chaud vint caresser la peau du cou de la jeune femme. Denys était et serait toujours un prédateur. Le temps ne le changerait pas. Pour devenir un homme et survivre, il le fallait sur les îles de fer et en mer. Ses lèvres s'approchèrent de son oreille et il y glissa quelques mots.

«Détrompe toi, je n'ai pas peur de toi. Ce n'est pas que je ne peux pas te tuer mais plutôt que je ne veux pas te tuer. Je ne prend pas la vie d'une Fer-née, ni encore moins son con de force. Par chance, le sang des îles coulent dans tes veines. C'est ta seule chance, Pindepierre.»

Il essuya sa joue sur celle de Mordane, répandant son sang sur son visage. Il ne la tuerait pas non. Il ne céderait pas à cette facilité car il était un homme d'honneur. Il tenait les rennes de sa vie en main avec force. Sa main se cala sur l'extérieur de sa cuisse gauche qui le retenait à la taille. En quelques mouvements, il échapperait à son emprise. Un simple coup de boule, un nez cassé et il se dégagerait avec une extrême facilité.

«Toi et moi on est sur le même bateau, femme. Seulement, c'est moi le Capitaine ! Tu as fais coulé mon sang, dois je aussi faire couler le tien ?»

Ses ongles s’enfoncèrent dans la chaire de la cuisse de Mordane peu profondément mais suffisamment pour rougir sa peau. Un peu plus et elle saignerait bientôt. Elle était face à un choix, un simple choix à faire. Denys pouvait facilement la faire sortir de l'île assez facilement. Les conséquences, il les assumerait par la suite même s'il serait difficile de le relier à une quelconque évasion.  Il appuya d'une pression ferme pour se dégager et remonter son bassin contre celui de la Pindepierre. Le sang, la violence avait toujours eu un effet aphrodisiaque sur lui. Si on rajoutait le bruit du vent et de la mer déchaînée on obtenait un cocktail explosif. Il n'était pas difficile pour la Pindepierre de sentir la protubérance qui naquit dans les chausses du jeune homme et qui se collait maintenant contre elle.

«Tu as peur, je le sens. Je sens cette odeur d'animal traqué partout sur toi. Tu as peur mais tu ne fuis pas, tu te défends. Tu sors les griffes, tu te bats avec tes armes. C'est ce que tu es Mordane, une combattante ? Où est tu une femme de plus sans intérêt, sans rien de marquant, sans rien d'excitant ! Répond !»

Ses doigts ne griffaient plus à présent mais semblaient vouloir se frayer un chemin jusqu'à l'intérieur de ses cuisses. Il était temps qu'il voient si elle était capable de mordre réellement ou si ses coups de griffes n'étaient qu'un maigre artifice. L'arbre Pindepierre était-il celui qui cachait la forêt ?

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An 300, Lune 7 - Semaine 1 ; Vieux Wyck



Mordane Pindepierre & Denys Timbal


Elle était hors d'elle. Jamais elle n'aurait penser sortir autant de ses gongs lors de leur première rencontre. Au contraire, elle s'était voulu modèle de bienséance et de dignité. Au lieu de cela, il l'avait métamorphosée en une furie furieuse qui griffait et crachait comme un chaton enragé. Ses mains délicates étaient rouge de sang, ses yeux injectés de colère, ses cheveux en bataille. Son cœur cognait lourdement contre son sein, jusqu'à parfois s'emballer et manquer de la faire s’étouffer. L'eau avait trempé sa robe qui se faisait plus lourde, mais elle ne décrochetait pas ses jambes de la taille de l'homme qui du reste, ne faisait rien pour la détacher. A croire que la situation l'amusait ! D'ailleurs, sa remarque la fit rire. « Parce que toi tu n'insultes pas le nom de la mère de tes futurs enfants ? Ça aussi, c'est l'apanage réservé aux grands guerriers ? Ne te fais pas plus important que tu ne l'es : quand on n'est pas capable de se prendre une gifle verbale, on se ta...it... ! » Il venait de la prendre furieusement à la gorge, et Mordane pouvait sentir l'air lui échapper des poumons. Il vociférait toujours, menaçant de  la faire retrouver les contrées vertes sur le premier boutre. Des contrées auxquelles il lui prêtait un attachement tel qu'il pensait que leur seule évocation suffirait à lui faire baisser les bras. Décidément, il la connaissait aussi mal qu'elle le connaissait ; mais après tout, quelques minutes seulement s'étaient écoulées depuis leur rencontre.

Elle sentit alors sa grande main empaumer à elle seule sa tête et la plaquer contre le lit. Son petit corps frêle s'enfonça dans les courtines alors que celui de son fiancé pesait de tout son poids sur elle, mettant plus que jamais en péril sa respiration. Mais elle se refusait de tousser. Au contraire, elle le défiait de tout son regard étincelant de fureur, et elle cherchait par tout moyen de se débattre. Peine perdue : elle n'était pas de taille contre un homme qui pouvait briser un fer à cheval entre ses doigts. Elle pu alors sentir son souffle chaud contre sa gorge, tandis qu'il lui accordait la vie. Pour un peu, elle lui aurait craché à la figure, mais il vint alors poser sa joue rugueuse contre la sienne pour y laisser une trace de sang. Elle pouvait sentir les larmes de chaire couler le long de son visage, et son goût de fer se perdre sur sa lèvre supérieure. Elle sentit alors un long frisson lui parcourir l'échine, frisson qu'il prit pour de la peur. Mais il se trompait. Elle avait dépassé ce stade dès l'instant où elle avait posé les yeux sur lui. Il n'était pas de ceux dont on pouvait se payer le luxe d'une frayeur : mieux valait accepter tout de suite que la vie ne serait pas un long fleuve tranquille à ses côtés. Et même son désir de fauve ne lui arracha pas un cri de terreur. Au contraire. Elle n'était pas peu fière de pouvoir être à l'origine d'une telle excitation ! Pour une petite vierge qui n'avait eu que ses yeux pour apprendre l'amour, on ne pouvait espérer meilleur début. Mais cela ne lui suffirait pas. D'ailleurs, sa main froide remontait à présent le long de la déchirure de sa robe, pour planter à son tour ses ongles dans sa peau. Peur ? Mordane était sur le point de lui répondre, lorsqu'elle l'entendit prononcer son nom. Elle le dévisagea alors, la surprise si visible sur son visage qu'elle lui coupa un instant toute force, et il s’aplatit d'avantage encore sur elle. Jusqu'alors, il ne lui avait donné que de pauvres sobriquets, dédaigneux et méprisant. Avait-elle réussi à percer cette carapace de violence qui semblait avoir atteint son apogée ?

Il ne la tuerait pas. Tel était du moins ce que lui permettait sa naissance fer-née, selon ses propres dires. Alors que voulait-il ? Qu'elle se jette sur lui ? Un rapide coup d’œil à la table de chevet la fit réaliser que gisait là un ouvre papier. Un semblant d'arme, car le nacre était coupé bien pointu et surtout, la coupure n'était pas nette : des minuscules pics brutes émergeaient de la lame. Retrouvant quelque peu ses forces, la jeune fille tendit le cou pour frôler de son nez la bouche de son fiancé. « Si je suis de peu d'intérêt, il l'est suffisamment pour que tu daignes enfin m'appeler par mon prénom... » murmura-t-elle alors contre son cou, tout en tâtonnant doucement en direction de l'objet pointu. « Dire que depuis tout ce temps, ce sont mes fesses que tu veux ! Non ! Ne me dis pas le contraire, tu n'aurais pas ta main là où elle est à présent... » objecta-t-elle rapidement, avant qu'il ne puisse la contredire, un sourire dans la voix. Au même moment, ses doigts attrapaient l'ouvre papier. « Mais avant qu'on en arrive là... Il va falloir attendre un peu ! » fit-elle, plus fort et d'un coup rapide et sec, planta l'ouvre papier dans son avant bras. Ce n'était pas suffisant pour le détacher d'elle, mais cela l'obligeait à retirer sa main de sa cuisse. « Je ne me suis pas préservée pour être prise dès la première envie ! » Elle lui replanta un coup, cette fois-ci au niveau de l'articulation de l'avant bras. La peau y était fine et transpercée, elle faisait déjà bien plus mal que lorsqu'elle avait coupé à même le muscle. « J'ai quitté mes îles une fois. On m'y a trainée de force, le Dieu Noyé sait combien j'ai bataillé. Et si j'ai enduré la honte d'en être séparée, ce n'est pas toi qui va me remettre à flot pour les quitter à nouveau ! » Elle porta un autre cou, cette fois-ci dans la main. « Tu as compris, Denys Timbal ? Je ne suis peut-être pas une fer-née comme les autres, mais je reste une fer-née. Et mets-toi ça dans la tête : j'y suis, j'y reste ! »


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An 300, Lune 7, Semaine 1 - Vieux Wyck



Mordane Pindepierre & Denys Timbal

Dans sa robe de princesse et coiffée comme une dame, il l'avait trouvé quelconque. A présent que ses cheveux étaient en bataille, que du sang ornait sa peau et que son vêtement avait souffert de l'eau et de l'hémoglobine et qu'il pouvait lire de la colère dans ses yeux, elle lui semblait plus attirante. Denys avait l'art de révéler le meilleure chez ses hommes et chez les femmes qui en valaient la peine. Il avait repéré du potentiel chez la Desdaings mais celle-ci s'était révélée incapable de se montrer à la hauteur des promesses qu'elle augurait ce qui expliquait qu'il s'en était lassé et avait passé ses nerfs sur son corps quand elle avait abusé de sa patience. Il se fichait bien d'insulter sa maison. Un Pindepierre s'était déshonoré en suivant Euron et cela suffisait à justifier qu'il la prenne de haut. Elle ne semblait pas lui résister lorsqu'il avança sa main pour lui mettre au panier ce qui lui déplu quelques peu jusqu'à ce qu'il sente une piqûre moyennement douloureuse dans son avant bras et qu'il pose les yeux sur un coupe papier qu'elle venait d’enfoncer dans sa chair. Un autre coup se porta à l'articulation et un troisième à la main ce qui lui fit échapper deux grognements de douleur, suffisant pour qu'il attrape de sa main valide le poignet de la jeune femme, le serre entre l'étau de ses doigts et la force à lâcher le coupe papier qu'il s'empressa de ramasser en éclatant de rire. Passant la lame sur la gorge de Mordane, il planta ensuite l'objet à quelques centimètres de son visage, dans le tissu du lit. Il éclata d'un rire franc qui dénaturait tellement avec la situation. Un simple coup de poing dans le ventre pour la surprendre plus que pour lui faire mal et il se libéra de l'étreinte de Mordane tout en continuant de rire. Se levant du lit, il la tira par les cheveux hors du lit et la mit sur ses pieds. Sa main puissante et blessée se referma alors sur le cou de la jeune femme et la souleva à plusieurs dizaines de centimètres du sol. Son regard était emplit de fureur.

«J'ai tué des gens pour moins que ça, Mordane. Si c'est ce que tu cherches, je serai contraint d'exaucer ton souhait mais tu commences à m'intéresser. Tu as pris les armes, des armes faibles et ta technique laisse à désirer.»

Il desserra sa prise et la laissa tomer au sol mais il n'en avait pas finit avec elle. L'attrapant par les cheveux, il tira sa tête en arrière de son bras blessé et deux de ses doigts valides vinrent se tremper dans le sans de son bras blessé. Ses doigts imbiber de liquides carmins, il traça deux lignes guerrière sous les yeux de Mordane avant de la tirer littéralement jusque la fenêtre. Posant son pied, sur son cou pour la maintenir au sol, il ouvrit alors la fenêtre et la souleva ensuite des deux bras. Elle était légère comme une plume, même avec un bras entamé par la douleur. La tempête battait son plein à l'extérieur, pluie et vent se mêlant comme deux amants. Passant la moitié du corps de Mordane dans l’embrasure, Denys la suspendit dans le vide. De sa taille à la tête, la jeune femme était offerte au vide. La voix austère de Denys retentit alors à ses oreilles. Il parlait d'un ton conventionnel, comme si la possibilité de défenestrer sa promise était une chose tout à fait normal pour lui.

«Arraché à tes racines, tu as grandit dans les contrées vertes, entourée de chiffe-molle, dans le luxe et le confort. Tu es revenue sur les îles en tant que femme. Tu ressembles à ces catins de Westeros, tu parles comme ces putains mais dans tes yeux, je peux voir la rage de l'île, la fierté des insulaires. Tu te bats comme une donzelle mais tu as la rage en toi. N'est ce pas ? Je l'ai réveillé cette colère dans laquelle tu te baignes et que tu n'as jamais exprimé.»

Denys fit mine de la lâcher mais ce n'était qu'une simple feinte, il la maintenait toujours, juste moins fermement mais il assura sa prise pour lui montrer qu'il était là et qu'il décidait. Il était Capitaine, un fier guerrier.

«Je n'ai que faire d'une femme qui m'attend sagement au coin du feu, qui attend que je la saute en brodant ou en parlant avec d'autres dames comme une godiche. Je veux une femme forte, une femme qui sait se battre, qui a vu la violence de ses yeux., qui possède cette rage, cette fierté digne d'une guerrière. Une femme qui se battra pour défendre sa progéniture quand les contrées vertes reviendront ou que le Choucas jettera à nouveau son dévolu sur les îles de Fer.»

La pluie et le vent battait le visage et les bras de Denys. Le vent se déchaînait et la pluie était froide, à vous glacer les os. C'était un florilège, une ode guerrière à la nature austère et dure des îles de Fer qui s'offrait à eux.

«Je peux t'apprendre à te battre, te montrer comment tenir une hache et un bouclier. Je peux faire de toi une véritable femme, une guerrière. Tu as l'apparence d'une dame des contrées vertes mais dans ton sang coule la mer salée. Tu peux choisir ce que tu veux être mais toi seul sait ce que tu désires êtres ! Tu n'as jamais répondu à mes questions parce que tu as peur ! Tu es effrayé par la réponse. Contemple le vide, contemple le froid, contemple la mer déchaîné, ressent les gifles du vent, la froideur et l'humidité de la pluie, hume l'air salé de nos îles et répond à ma question. Hurle ce que tu es et ce que tu veux être, Mordane ! Montre moi !»

C'était maintenant ou jamais pour Mordane, le moment où elle pouvait commencer à montrer qui elle était vraiment. Le temps de faire un choix et de montrer sa véritable nature mais le temps pressait. Le tissu commençait à émettre des bruits annonçant la déchirure. Denys allait bientôt devoir la remonter s'il ne voulait pas la voir réduite en bouillie après une chute mortelle.

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