L'avenir, c'est la trahison des promesses. (PV Andar Royce) [FB]

La conscience est la voix de l'âme, les passions sont la voix du corps. Est-il étonnant que souvent ces deux langages se contredisent, et alors lequel faut-il écouter ?

La brume matinale commençait à peine à se dissiper. Son lourd manteau grisâtre ne permettait pas encore de distinguer les ombres qui se mouvaient dans la plaine. Là, adossé à un arbre, paré de son carnet emplis de parchemins noircis de ses oeuvres, Garrel Stone patientait en croquant d'une main assurée le décor qui s'offrait à lui. A ses côtés, enroulé dans une couverture de fortune, grelottait un jeune homme d'à peine seize ans à l'air anxieux. Il ne semblait pas partager le calme et la résolution de son maitre, guettant d'une oreille craintive le moindre bruit suspect.

- Patience Daris ! L'aube vient tout juste de pointer le bout de son nez ! Marmonna Garrel sans lever les yeux de son croquis, indifférent à l'agitation qui émanait de l'adolescent.
- Mais m'sieur ! P'têtre qu'il m'a raconté des salades l'gars ! P'tête qu'le ser Royce...bha...y'viendra pas ! Répondit le dit Daris en lançant un regard navré au bâtard.
- Ah oui ? Garrel arqua les sourcils sans pour autant jeter un seul regard à son voisin. Dans ce cas, rends moi mon argent, bandit ! Sa main libre se tendit devant lui tandis que de l'autre il continuait de tracer les contours des arbres environnants.
- Non...non...m'sieur, attendons encore, il va v'nir ! Affirma rapidement le garçon.

Le bâtard du Val laissa échapper un petit rire amusé face au changement d'avis radical de son jeune serviteur. Quand de l'argent était en jeu, Daris leur prodiguait toujours les meilleurs augures. Le petit Valois était un orphelin de l'île de la Sorcière que Garrel rétribuait généreusement, souvent avec l'argent d'Elyane d'ailleurs, et qui, de ce fait, lui rendait tout un tas de services fort utiles. C'était un enfant débrouillard et discret, et s'il accompagnait l'architecte aujourd'hui, c'était avant tout parce qu'il était capable de garder un secret.

Ils avaient voyagé de nuit jusqu'à l'Est de Roche-aux-runes. Officiellement, Garrel était parti marchander à Goëville afin de récupérer certains outils et matériaux très spécifiques et nécessaires à son art. Ne sachant pas encore exactement à quoi il devrait s'attendre lorsqu'Elyane et lui se trouveraient à l'autre bout du monde, ni dans quelle condition il devrait travailler, il avait choisi de parer à toutes les éventualités : Système de mesure, de calcul, craie, fusain, charbon, divers parchemins plus ou moins résistants aux températures et à l'humidité etc... Ces achats avaient été bouclé dans la ville marchande en quelques jours seulement. Cependant, l'architecte avait souhaité prolonger son voyage sans informer son seigneur quand à ses intention. La raison ? Provoquer une rencontre avec le seigneur Royce.
Cette idée était née lorsque, dans ses nuits d'insomnies sans fin, le bâtard se promenait sur les remparts du fief Descarpe. Lorsque ses mains fines d'artiste frôlaient la pierre froide des murs, un sentiment de profond malaise s'emparait de son esprit. Qu'allaient-ils laissé derrière eux ? Jamais ces remparts, jamais les nouvelles tours de guet ne suffiraient à protéger les habitants de l'hiver sans un seigneur à leur côté. La pierre ne pouvait pas tout remplacer. Et que dire du sentiment d'abandon qu'ils ressentiront ? Que dire de la honte que lui-même ressentait ? Il comprit qu'il n'y avait qu'une seule façon de l'atténuer : en soulageant sa conscience.

La date de leur grand départ approchait et avec le tournoi d'Harrenhal dans quelques semaines, Garrel savait qu'il n'aurait jamais l'occasion de s’entretenir seul à seul avec le Royce. Ainsi, il força le Destin.

- M'sieur ! Là ! Les chasseurs ! 'Sont là m'sieur ! Beugla Daris en se levant d'un bond faisant sursauter Garrel au passage.
- Parfait ! Répondit le bâtard, les yeux pétillants de malice tout en constatant l'arrivée des cavaliers dans la prairie suivis par un charriot transportant deux grandes cages à oiseaux. Le groupe d'hommes s'arrêta comme prévu à l'endroit décrit par l'informateur de Daris. Garrel se releva en grimaçant, le froid avait engourdi ses jambes. Il s'étira les bras, souffla un grand coup et fit signe à l'orphelin de plier bagage. Le jeune serviteur empêtré dans sa couverture récupéra comme il pu les larges carnets à dessin de son maître et les flanqua sous ses bras avant de suivre d'un pas maladroit le bâtisseur qui franchissait déjà l’orée de la forêt afin de révéler sa présence.

Son informateur ne s'était pas trompé, Andar Royce était friand de fauconnerie et il ne manquait cette journée de chasse pour rien au monde. Les hommes d'Andar repérèrent immédiatement l'individu déterminé qui s'approchait de leur seigneur. Mains sur leurs pommeaux, les soldats interceptèrent Garrel quelques mètres avant qu'il n'atteigne Andar, bloquant son passage, l'empêchant de présenter son visage au seigneur de Roche-aux-runes.

- Seigneur Royce ! L'interpella alors le bâtard dans un sourire amusé et d'une voix assez forte pour porter jusqu'aux oreilles de l’intéressé. C'est un incroyable hasard de vous rencontrer par ici ! Garrel Stone, mon seigneur ! Allons, nous nous sommes battus côte à côté à Goëville ! Souvenez vous ! Je vous ai sauvé la peau à plusieurs reprises ! Les soldats froncèrent des sourcils curieux et hésitants, s'écartant légèrement du bâtisseur, assez pour qu'il puisse être mieux discerné par Andar. Garrel éclata de rire, il savait qu'il avait toute l'attention de la Main du Roi.

- Vous n'avez pas pris une ride, vous êtes toujours aussi beau mon Seigneur ! L'ancien mercenaire se permit un trait de plaisanterie, il savait pertinemment qu'Andar ne l'avait pas oublié. Il était difficile d'oublier les cris, le sang et les morts tout comme la bravoure de ceux qui se battaient à vos côtés dans les moments les plus sombres de votre existence. En plus du respect qu'éprouvait Garrel pour l'homme d'honneur qu'était Andar depuis cette bataille, l'architecte se souvenait de ce qu'ils avaient partagé et qui ne pouvait pas s'oublier: le réconfort de ne pas mourir seul.

La conscience est la voix de l'âme, les passions sont la voix du corps. Est-il étonnant que souvent ces deux langages se contredisent, et alors lequel faut-il écouter ?

Tout était calme dans le château, les brumes entouraient le château de Roche-aux-runes tandis que le seigneur des lieux se préparait pour une matinée de chasse. Le Royce était un adepte de la fauconnerie, trouvant réconfort et calme dans cet exercice. Ils possédaient plusieurs faucons et leur sorti se retrouvaient plus rares depuis que leur maître avait accepté le poste de main du roi d'Elbert Arryn. En tout cas, alors qu'il était de retour sur ses terres pour quelques jours, Andar avait décidé de partager un moment avec ses faucons et surtout un moment ou toute charge serait loin de son esprit, ne se retrouvant qu'avec une seule obsession, celle d'observer ses oiseaux volés. Il n'y avait pas plus belle vision pour lui, le seigneur pouvait passer des heures à voir ses animaux évolués dans les airs, puis le lien qu'existait entre eux lui était indescriptibles. Ensemble, ils gagnaient une liberté qui ne leur appartenait pas réellement, mais rien que de ressentir cela quelques heures pouvaient leur permettre de se rebooster jusqu'à la prochaine chasse en haut vol. 

Il pouvait arriver que Robar l'accompagne, mais cette fois-ci, il n'y avait que ses gardes et son soigneur qui viendrait avec lui. Tous savaient le calme que recherchait Andar dans ces moments précis, ce fut donc en silence que tous, ils quittèrent le château. Le seigneur se trouvait sur son étalon noir. Entouré d'un tel paysage d'apaisement et de mystère, provoqué par les brumes, Andar ne pouvait que se sentir à son aise, un moment précieux à savourer vu la rareté que ceci s'offrait à lui. Sa tâche de main lui prenait quasiment tout son temps, surtout en vue des préparations du tournoi et du mariage de son roi avec la jeune Stark, c'était même un miracle qu'il eut réussi à s'échapper du fief de son cousin quelques jours, mais outre voir son épouse et sa jeune soeur, Andar avait dû rentrer pour une affaire qui concernait ses terres et qu'il devait régler en étant présent et non par une missive quelconque.

Finalement, la petite troupe arriva au lieu de chasse favorite du seigneur. Ici, la portée du vent grâce aux collines environnantes était propice à l'envol de ses oiseaux. Andar descendit de cheval et tout en enfilant son gant de fauconnier, se dirigea vers une des grandes cages mises sur la charrette. Tout en l'ouvrant, il fit un simple sifflement de la bouche pour que son faucon vienne s'installer sur son gant. Lui caressant le haut de sa tête, c'était un des rares moments où il était facile de voir le seigneur s'aller à sourire. Ce fut à ce moment qu'il entendit derrière lui ses gardes réagir envers un intrus. Prêtant un regard en arrière, il ne pouvait apercevoir le visage de celui qui osait le déranger durant sa chasse, mais très vite, il put entendre sa voix.

- Seigneur Royce ! C'est un incroyable hasard de vous rencontrer par ici ! Garrel Stone, mon seigneur ! Allons, nous nous sommes battus côte à côté à Goëville ! Souvenez vous ! Je vous ai sauvé la peau à plusieurs reprises !

Garrel Stone ! Là, comme ça, il n'arrivait à mettre un nom sur un visage, surtout d'une personne qui l'aurait sauvé à de nombreuses reprises. Ce ne fut qu'au moment où ses gardes se décalèrent qu'il reconnut les traits du visage du bâtard de l'ile de la sorcière. Un personnage tout à fait particulier, mais qui avait eu l'honneur de se faire remarquer pour le seigneur Royce lors de l'attaque de Goëville.

- Vous n'avez pas pris une ride, vous êtes toujours aussi beau mon Seigneur !

Ses gardes ne bougèrent pas, même s'il était facile de voir sur leur visage qu'ils étaient étonnés de la familiarité du bâtard envers leur seigneur. Peu osaient parler ainsi à Andar, surtout dû à sa froideur naturelle, mais le seigneur n'était pas un homme à se montrer fermer à l'humour, même si ne s'en servait que très rarement.

- Je vous apprends que depuis notre dernière rencontre, je me suis marié.

Il avait prononcé ses paroles, comme si la situation était normale, même son visage était resté impassible alors qu'au final, il venait lui-même de faire un brin d'humour. Faisant signe à ses hommes de laisser Garrel le rejoindre. Son oiseau se tenait toujours majestueusement sur son gant.

- Et si vous me remémoriez, tout en m'accompagnant durant ma chasse de haut vol, les fois où vous m'avez sauvé la vie.

Andar ignorait ce que lui voulait le conseiller d'Elyane Descarpe, mais cette rencontre semblait être tout sauf être un hasard, que ce que pourrait bien faire le bâtard dans un coin si éloigné de ces terres ?!