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Qui fait confiance au monde sera trahi [Cletus&Valena]

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Qui fait confiance au monde sera trahi

An 300 Lune 6 semaine 2



Cletus&Valena

Le bureau était simple et austère, presque nu dans ses décors. La seule chose qui habillait les murs était la chaleureuse couleur orangée des rayons du soleil couchant. Ici, il n’y avait aucune place pour la distraction. Aucune jolie mosaïque représentant des formes complexes, aucune arabesque, aucune peinture chatoyante représentant des scènes de vie et invitant à la rêverie. D’ailleurs, la pièce en elle même n’était pas bien grande. Il y avait tout juste assez de place pour une large table de mélèze destinée à la rédaction et à la lecture de missive ainsi qu’à l’administration de la Grâcedieu ainsi qu’une immense pièce de mélèze recouverte de marbre blanc zébré de noir et de gris où une grande carte cornée représentant Westeros était étalée. Dans une alcôve, un petit coin intime constitué d’un grand tapi uni, d’un large sofa et de quelques coussins n’invitait pas vraiment à la détente. Finalement, tout dans ce salon de travail respirait encore la présence de feu lord Allyrion. Il semblait encore que sa longue et étroite silhouette sombre arpentait la pièce où se trouvait assise à la place même qu’occupait aujourd’hui sa fille. La délicate odeur de parchemin et d’encre rappelait encore à Valena le parfum de son père.

À moitié assise sur la table des cartes, la journée avait fait perdre à la jeune femme de sa superbe. Elle s’appliquait d’ordinaire à donner d’elle une image respectable, comme pour toujours honorer la mémoire de son géniteur. Chaque matin, elle revêtissait sa robe noire et s’abstenait de se parer de colliers et de bracelets. Elle n’avait jamais été coquette et ce trait de personnalité ressortait vivement depuis la mort du lord. Mais en cette fin d’après-midi, elle avait ôté ses sandales de cuir, retiré le voile de ses cheveux qui s’éparpillaient sur ses épaules comme des épais fils de soie sombre. Signe encore plus distinctif de la nuit qui approchait, elle avait troqué sa longue toge pour une tunique de lin beige, plus agréable et plus confortable. De toute façon, elle ne s’attendait pas à être dérangée. Personne n’osait jamais interrompre la Lady de la Grâcedieu lorsqu’elle s’isolait de la sorte durant des journées entières. Et l’approche de la lune décourageait les plus téméraires qui préféraient retrouver leur lit et leur quiétude plutôt que d’affronter les humeurs taciturnes de la jeune femme.

Le soleil disparaissait lentement à l’horizon, mais il était encore trop tôt pour allumer les bougies. Les yeux rivés sur la carte, l’unique fille de Ryon calculait mentalement le temps qu’il faudrait pour rallier la Grâcedieu à Hanrrenhal tout en tapotant distraitement une lettre contre sa paume ouverte. Elle avait reçu le matin même une missive venant tout droit de Port-Réal. Un tournoi serait donné dans deux lunes dans le Conflans, au sein même de ce château maudit qui avait si mauvaise réputation, en l’honneur des un an du fils de Daenerys Targaryen ainsi que pour la naissance de l’héritière de Sud. Valena n’avait jamais cru aux superstitions ni aux fantômes, mais elle n’aimait guère la réputation qui flottait sur la gigantesque forteresse conflannaise. Un instant, elle avait douté sur les véritables intentions de cette invitation. Dorne ne faisait plus partie des Sept Couronnes depuis la proclamation de son indépendance il y avait exactement douze lunes, après la prise de pouvoir de Viserys Targaryen. En quoi les Martell et les seigneurs de la région étaient donc concernés par ce banquet et ces joutes d’au-delà des Montagnes Rouges ? Le Nord les prenait-il encore pour des vassaux des reines dragons ?
Puis, elle avait réfléchi. D’une façon où d’une autre, il lui fallait rencontrer Rhaenys Targaryen pour mettre un point final au deuil de son père. Elle ne pourrait tourner la page qu’une fois qu’elle aurait discuté avec elle des choses qu’ils avaient commencé à entreprendre. Elle devait reprendre le flambeau. En allant à Harrenhal, elle pourrait rencontrer la Jeune Reine. Elle pourrait également revoir Ulwyck qui, elle en était persuadée, assisterait aux festivités du moment qu’il y ait des joutes, un banquet, de l’alcool et des femmes. Peut-être même verrait-elle Tyerne ? Ce n’était pas en restant cloîtrée dans la forteresse d’albâtre qu’elle risquait de revoir son amie… Et elle qui avait toujours rêvé de voyager, n’était-ce pas le moment idéal ? Le Conflans était si loin de Dorne ! Combien de régions visiterait-elle ? Combien de nouveaux visages croiserait-elle ? C’était un rêve devenu réalité. Un rêve pour Valena, non pas pour la Lady de la Grâcedieu. Car malheureusement, aucun sentiment d’excitation ne la faisait vibrer. Celui-ci était remplacé par le sens du devoir et des choses bien faites. Elle ne se rendait pas au Nord pour s’amuser, mais pour être une des représentantes de Dorne et rencontrer la fille de Rhaegar.

Un soupir mélancolique s’échappa de ses lèvres alors qu’elle promenait sur la carte l’emblème des Allyrion sur la carte de Westeros. La main dorée se promena de la Grâcedieu jusqu’au fief des Ferboys avant de s’enfoncer dans les Montagnes Rouges. Elle pensa un instant passer par le Bief, mais fit demi-tour, un rictus amer sur les lèvres. Elle s’arrêta à nouveau devant les Terres de l’Orage. Deux régions contre lesquelles elle nourrissait de profondes rancœurs. L’une avait été la mort de son père, l’autre lui avait presque volé son frère. Un frère qui lui rendait si bien sa volonté de l’aider et de l’épauler. Avec un sourire ironique et teinté d’amertume, elle traversa le fief des Baratheon. Puis, elle irait jusqu’à Port-Réal où elle rejoindrait la route royale jusqu’à l’est d’Harrenhal. Voilà, la route était tracée. Combien de temps cela prendrait-il ? Cinq semaines ? Peut-être six ? Elle se massa les tempes en réfléchissant, sentant une migraine se loger derrière son front. Il faudrait très vite penser à préparer des provisions et de quoi faire le voyage si elle ne voulait pas être prise de cours. Encore cela à rajouter sur sa longue liste de choses à faire… Il faudrait également sonder les gens de la Grâcedieu pour recruter des chevaliers prêts à combattre sous les couleurs des Allyrion durant les joutes. Elle n’obligerait personne.

Quitter le château immaculé pour un si long trajet lui faisait tout drôle. Elle n’avait jamais quitté Dorne et aujourd’hui, cela lui semblait être une aberration, en particulier depuis qu’elle était la lady de ces lieux. Il lui faudrait quelqu’un de confiance pour tenir le fief. Elle aurait volontiers désigné sa mère, mais cela serait trop de responsabilités pour son esprit encore fragile. Mestre Harrian était un homme fidèle, mais également un opportuniste –il fallait être aveugle pour l’ignorer- et si elle lui avait fois en ses jugements, elle n’osait lui confier la Grâcedieu. Peut-être Asmar… Elle ne comptait même pas sur ses frères qu’elle avait depuis longtemps banni de sa confiance.

Un toc-toc timide lui fit serrer les paupières. Pourquoi fallait-il que l’on vienne maintenant ? Elle n’était pas d’humeur. Toujours assise en tailleur sur la table des cartes, elle ne leva pas les yeux vers la porte. Si elle ne répondait pas, peut-être que le gêneur finirait par baisser les bras et s’en aller. Valena resta muette à faire tranquillement tourner la main dorée des Allyrion dans sa main en attendant que l’importun s’éloigne. Mais après quelques longues secondes, on frappa à nouveau. Elle posa rageusement l’emblème sur Harrenhal et soupira bruyamment.

« Oui, entrez, entrez ! » s’agaça-t-elle en ne descendant toujours pas de son perchoir.

Elle s’attendait à voir Harrian ou peut-être Asmar. Voire une domestique lui apportant de quoi grignoter ou boire.
Mais certainement pas Cletus. Depuis leur retour, à lui et Daemon, de Volantis, ils ne s’étaient guère adressés la parole. La jeune femme n’avait rien demandé sur leur voyage en Essos. Si tous les deux se bornaient à lui faire des mystères et à jouer aux grands dissimulateurs, grand bien leur fasse ! Elle ne leur demanderait plus rien. Et elle s’était tenue à cela, ne s’adressant à eux que pour des choses futiles et sans importance.

Elle le dévisagea un instant, son visage figé dans une expression oscillant entre la neutralité et la froideur. Elle finit par hausser les sourcils, vaguement blasée.

« Que viens-tu faire ici ? » demanda-t-elle d’une voix plate. « Je suis occupée. »

Tout dans son ton laissait deviner qu’elle ne voulait pas engager la conversation et qu’elle voulait se débarrasser rapidement de son jeune frère. L’ancienne Valena en aurait eu mal au cœur, elle qui avait tellement adoré le dernier né de la famille au point quelques fois d’agir comme une petite mère. Mais aujourd’hui, elle ne s’en voulait aucunement. S’il fallait pointer quelqu’un du doigt, c’était bien Cletus et non pas elle.

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An 300 Lune 6 semaine 2



Valena Allyrion & Cletus Allyrion

L’oiseau étendit son aile valide, cherchant l’équilibre, alors que le jeune Allyrion venait de le percher sur son bras gauche. Un cri strident s’échappait de temps à autre de son bec recourbé, répondant à ceux de ses congénères. Dans la volière de la Grâcedieu, il n’y avait aucune fenêtre. La bâtisse restait cependant, un véritable bijou d’architecture. Car du sol jusqu’au sommet du dôme qui surplombait l’endroit, la pierre avait été savamment taillée et percée en une multitude de motifs géométriques. Cette dentelle de pierre blanche filtrait la lumière du jour tout en procurant un ombrage reposant aux nombreux faucons que possédaient les Allyrions. A Dorne, la chasse se faisait avec ces oiseaux, et non pas avec les meutes de chiens comme c’était d’usage dans le Nord. Ce n’était cependant pas pour aller courir les dunes avec un de ces rapaces que Cletus était là. D’un geste délicat, il souleva l’aile blessée que l’on avait pansé et bandé afin que l’animal n’aggrave pas la meurtrissure infligée par un petit canidé sauvage. L’homme qui avait la charge des oiseaux de proie ne comptait pas vraiment sur le rétablissement du faucon tacheté, mais comme il s’occupait de ces animaux avant même que Ryon ne soit fait Lord, le vieux dornien avait fini par les aimer plus que les autres hommes, et n’avait probablement pas eu le courage de l’achever. Tenant dans sa main le lien de cuir qui entourait la patte du rapace, l’Allyrion sorti de la volière, l’oiseau tenant toujours son aile ouverte, et tanguant maladroitement sur le bras du jeune homme.

De sa main libre, le cadet débarrassa les livres qui se trouvaient sur une commode pour y installer un perchoir dont on usait habituellement pour présenter les oiseaux lorsqu’il y avait quelqu’un à impressionner. Il n’attacha pas l’animal, qui, avec sa blessure, aurait pour tout terrain d’évasion le sol couvert de tapis de la chambre. Cletus se baissa pour ramasser des parchemins qu’un coup de vent avait déplacés, pour aller les coincer dans les pages d’un manuscrit. Relié de cuir gravé, l’ouvrage était déjà bien rempli. Lentement, il en tourna les pages noircies d’une écriture soignée, où se mêlaient de grands textes, des croquis faits à la plume, et des annotations. C’était le travail auquel il s’était consacré depuis qu’il était revenu à la Grâcedieu, et cette tâche l’occupait jour et nuit. De son séjour à Volantis, il avait ramené une impressionnante quantité de parchemins, et il finissait tout juste de mettre au propre ses écrits. Il les retranscrivait en haut valyrien, même si certaines notes étaient en langue commune. Son apprentissage auprès des prêtres de R’hllor ne l’avait pas conduit à la piété, mais avait été extrèmement riche en découvertes. Quelques semaines lui avaient paru durer des mois, tant il avait passé de temps dans les salles du grand temple de Volantis en compagnie des prêtres rouges. Ce qu’il avait soupçonné lui avait été confirmé par ces hommes vêtus d’écarlate, et à présent, il se devait d’en faire part à celle qu’il avait volontairement laissée dans l’ignorance. L’après-midi était avancé, aussi la lumière ocre du jour déclinant venait s’apposer en flaque sur les broderies des tapis. Sur son travail acharné personne n’avait osé le questionner, et sans doute les servantes n’oseraient même pas se scandaliser de la présence du faucon blessé dans la chambre du cadet Allyrion. Les semaines étaient passées le mur de silence qui séparait les enfants de la Grâcedieu ne s’était pas brisé pour autant. Cette froideur où les non-dits s’accumulaient pesait sur l’atmosphère de la demeure des Lords. Cletus en souffrait beaucoup, bien qu’il savait en être en grande partie responsable. Lorsque le mestre Harian lui avait confirmé ses doutes, il était parti si vite, emmenant son frère avec lui. Il s’était servi de ce dernier pour cacher les véritables raisons qui l’avait poussé à quitter la demeure familiale si peu de temps après la mort du Lord. C’était avec une détermination teinté d’inquiétude quant à ce qui l’attendait qu’il avait quitté la chambre ensoleillée, refermant la porte derrière lui. Ses pas le menèrent jusqu’au bureau qui était à présent celui de sa sœur. Mais cette sœur, n’était pas celle qu’il connaissait. Valena avait disparu derrière le même masque d’autorité et de froideur qu’arborait leur père avant elle. Certains disent que le deuil change les Hommes, mais pour le cadet, il ne faisait que les révéler. De cela il en était convaincu, aussi peu flatteur que cette vérité puisse être pour lui-même ou le reste de sa fratrie.
Avec une certaine hésitation, il toqua une première fois à la porte, mais nulle réponse ne se fit entendre. Pourtant il le savait, elle était là. Il attendit avant de frapper à nouveau, et cette fois la réponse fut claire, aussi n’attendit-t-il pas avant de pousser les grandes portes et de pénétrer dans la pièce. Il s’arrêta à l’entrée, mais une certaine surprise le saisi en voyant sa sœur assise sur la table, ses cheveux détachés tombant sur ses épaules. Pour la première fois depuis des lunes, elle avait délaissé la couleur du deuil. Pour la première fois depuis tout ce temps, Cletus pouvait contempler Valena telle qu’elle était autrefois, telle qu’il l’aimait. Pourtant bien vite elle lui rappela de son ton froid et distant que des explications s’imposaient, aussi houleuses s’annonçaient-elles. Mais pas un instant il ne vacilla face aux prunelles noires qui le toisaient si durement. Car hélàs pour la lady, il n’en avait que trop l’habitude de par l’attitude qu’avait toujours eu leur ainé Daemon envers lui. Et cela ne l’avait jamais empêché d’aller vers lui. « Je dois te parler. » Il s’avança vers le bureau de bois sombre, et s’arrêta à un pas à peine de ce dernier. S’il s’était obligé à ne pas détourner les yeux du regard de son ainée, il ne put s’empêcher d’abaisser ses prunelles bleues vers l’immense carte que la lady avait étalée sur le bureau. Il remarqua bien vite la paume qui était posée sur la carte, et le lieu qu’elle indiquait. Harrenhal ? La forteresse du Conflans était si loin de Dorne, que pouvait donc bien vouloir Valena à ces lieux maudits ? Si la main des Allyrion posée sur la carte réveilla en lui une multitude de questions, il jugea plus sage de les garder pour lui. Il était trop tentant de détourner le sujet vers cela plutôt que d’affronter le courroux de sa sœur, aussi il préféra s’abstenir de les lui poser dans l’immédiat. Il leva de nouveau les yeux vers elle, cherchant comment il devait lui annoncer ce qu’il était venu lui dire. Il savait que s’empêtrer dans des dentelles de paroles pour mieux amener le sujet ne ferait qu’énerver Valena, mais que dire dans ce cas ? Sans vraiment savoir s’il avait vraiment voulu dire cela, ou si ces paroles lui avait échappé, le cadet brisa le silence qui les séparait, de sa voix basse et douce : « Je ne suis pas parti à Volantis avec pour seul dessein de rendre visite à Nymeria. Lorsque j’étais là-bas, je me suis rendu au Temple du Maître de la Lumière. Je devais m’y rendre. J’ai un don, Valena. Ils n’ont fait que confirmer ce que je savais déjà. Ils m’ont appris à m’en servir. C’est pour cela que nous sommes restés si longtemps. Je suis… » Il n’arriva pas à terminer sa phrase. Que devait-il dire, quel terme devait-il employer ? Un sorcier ? Un prêtre rouge ? Un hérétique ? La Grâcedieu n’avait pas été nommé ainsi par caprice, et les lords de la Maison Allyrion avaient tout au long de leur histoire fait montre d’une piété qui était bien peu familière à Dorne. Cletus, lui, n’avait cru aux dieux qu’au début de son éducation religieuse par sa mère, mais quand ses prières se trouvèrent sans réponse, il avait eut tôt fait de ne croire en rien, bien qu’il continua à prétendre le contraire pour faire plaisir à la douce Deria. « Je ne te l’ai pas dit parce que j’avais peur. J’avais peur de ta réaction. Peur de la réaction de notre mère. Et j’en ai encore peur. Mais j’ai un don, Valena, et il est hors de question pour moi de faire comme si ce n’était pas le cas, car ça m’est impossible. » Peut-être en avait-il trop dit. Peut-être aurait-il du laisser sa sœur se faire à la nouvelle avant de poursuivre trop loin. Autant qu’il le pouvait, il soutenait le regard sombre de son ainée, bien que l’envie de s’en détourner pris presque le dessus.


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An 300 Lune 6 semaine 2



Cletus&Valena

Cletus avait changé. Elle le voyait très nettement. Il avait grandi, sa carrure autrefois malingre et chétive s’était affirmée. Ses épaules devenues légèrement plus larges lui donnaient, pour la première fois peut-être depuis sa naissance, l’air d’avoir son âge. La cadet des Allyrion avait toujours été plus petit et plus timoré que la moyenne aussi, sa sœur l’avait toujours vu comme un garçonnet effrayé qu’elle devait protéger à tout prix des dangers du désert, de Dorne et plus largement, de tout Westeros. Cette peau si blanche qui craignait le soleil brûlant, ses yeux si pâles qui souffraient des rayons et ces cheveux si blonds qui attiraient l’attention témoignaient pour lui de sa fragilité si éloignée pourtant d la tempétueuse Deria qui, si elle partageait en tout point les traits de son unique fils, ne craignait rien ni personne. Pourtant, il n’y avait pas que cette apparence gracile qui avait souvent intimé l’ordre à son aînée d’être son bouclier. Timide, réservée et loin d’être vindicatif, il lui était longtemps apparu comme étant incapable de se défendre seul s’il venait à être la cible d’une attaque verbale ou d’une moquerie. Sa personnalité, loin d’être aussi éclatante et chamarrée que celles de ses ainés, préférait l’ombre et la réflexion.
Cependant, ce soir-là, en toisant le regard bleu de son cadet, Valena aperçut le changement qu’elle n’avait jamais voulu voir jusqu’alors. Il s’était affirmé. Depuis quand ? Depuis son écuyage chez leurs cousins Ferboys ? Depuis la déclaration d’indépendance ? Depuis l’exil de Nymeria et Rhaegar ? Depuis la mort de Ryon ? Depuis son voyage à Volantis ? La jeune femme avait beau y réfléchir, elle ne se rappelait pas depuis quand elle s’était voilée la face.

Il la regarda comme s’il ne la reconnaissait pas et elle lui retourna presque cette œillade étonnée, bien que pour sa part elle resta consciencieusement dissimulée sous le masque de l’ennui. Cletus retrouvait l’ancienne Valena, sans gêne et échevelée alors qu’elle-même découvrait un nouveau Cletus. Elle ne savait pas encore si elle appréciait ou non cette nouvelle image de son frère. Mais il était certainement venu pour lui faire part de quelque chose et depuis quelques lunes, les demandes et les déclarations de ses frères ne l’avaient pas ravie. Loin de là, même. Autrefois, elle l’aurait rabroué et mis dehors sans qu’il ne cherche à demander son reste, mais aujourd’hui, il était évident que cela ne serait pas le cas. Et la lady ne cherchait pas la confrontation. Elle désirait simplement se débarrasser de lui le plus vite possible pour retourner à ses affaires et surtout, éviter de laisser jaillir le fantôme de l’ancienne Valena qui grattait depuis quelques temps au creux de ses entrailles.

Son jeune frère s’avança vers elle sans qu’elle ne bouge un muscle. Elle l’observait sans ciller et il finit par laisser son attention dériver sur la vieille carte qui recouvrait la table sur laquelle elle était assise. Ni lui, ni Daemon, ni personne n’était encore au courant du futur départ vers Harrenhal. Elle souhaitait garder cela pour elle, le temps de tout organiser. Car elle en était persuadée, un mot de sa part à ce sujet et les esprits s’échaufferaient menaçant l’organisation déjà embryonnaire. Et la dernière chose qu’elle souhaitait était le chaos à la Grâcedieu. Or, Cletus était loin d’être un imbécile et son attention aux détails lui informerait bien que quelque chose se tramait sous son nez. Aussi, sa sœur ne tenta même pas de dissimuler les reliefs dessinés et les emblèmes se promenant entre les régions vallonnées.
Il se désintéressa pourtant et sa voix jaillit sans qu’il ne s’y attende trop. La lady le toisa, d’abord morne comme les pierres. Puis, à mesure que son récit se dévoilait, son sourcil droit se levait, toujours plus circonspect. Aurait-elle laissé libre cours à ses émotions, qu’elle lui aurait ri au nez. Il balbutia un instant, cherchant ses mots. À cet instant précis, il ressemblait à s’y méprendre au petit garçon perdu et maladroit qu’il avait été auparavant. Malheureusement, aujourd’hui, cela n’attendrissait plus le cœur de son ainée qui restait à le fixer.

« Oui, Cletus et moi je suis la Reine de Westeros. Oh, et je me transforme en dragon la nuit. »

Sa voix trancha l’air tendre du soir comme un poignard aiguisé dans la chaire dans ennemi. Que lui prenait-il ? Pourquoi venait-il ici lui jeter au visage des énormités plus grosses que lui ? Enfant, il n’avait jamais raconté d’histoires. Il n’avait même d’ailleurs grossi les faits pour se donner l’air plus féroce qu’il ne l’était réellement, usage don Valena avait longtemps été friande.

« Ne te cherche pas d’excuses. Tu es parti, tu as quitté la Grâcedieu pour Volantis. Tu as laissé derrière toi ta demeure, tes obligations… ta sœur, pour rendre visite à une soit disant « amie » ? »

C’était cela qu’il tentait de faire ? Se protéger derrières des contes ? En avait-il assez du visage et du cœur de pierre de son ainée ? Cherchait-il à se faire pardonner avec des inepties pareilles ? La jeune femme serrait les dents.

« Je te pensais plus mûr que cela… Mais inventer un tissu de mensonges ? Vraiment, Cletus ? Tu es venu ici me déranger pour te chercher des excuses abracadabrantesques ? »

Elle soupira, à la fois lasse et embarrassée devant ses tentatives de petit garçon pris la main dans le sac. Un don, vraiment ? Le seul don dont elle avait été témoin, les frères Allyrion le partageaient, était bien celui de disparaître lorsqu’elle avait eu besoin d’eux. Peut-être parlait-il de celui-ci d’ailleurs.

« D’ailleurs, tu devrais savoir que chercher à te justifier est bien inutile. Je n’attends plus rien de toi. »

Si son cadet soutenait son regard, elle le lui rendait bien. L’exercice semblait moins pesant pour elle que pour lui. Elle ne put empêcher un air désabusé de tordre ses lèvres en une moue fatiguée. Les légendes et les soit disant dons étaient pour les enfants. Et il y avait bien longtemps qu’elle avait cessé d’en être une.


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Valena Allyrion & Cletus Allyrion

Devant la réponse de son ainée, le jeune chevalier resta sans voix, l’assurance de son regard laissant la place à l’incompréhension. Il en oublia presque les difficultés qu’il éprouvait à soutenir ainsi les prunelles noires et perçantes de sa sœur. Lui qui s’attendait se heurter au courroux de la lady, il n’avait en revanche pas prévu de se voir ainsi discrédité par elle. L’expression de ses yeux sombres, le ton de sa voix, et même son attitude, tout chez Valena ne traduisait que trop à quel point ses actes avaient consumé la confiance mutuelle qu’ils partageaient autrefois. Et cela blessa Cletus, dont le cœur s’était serré à l’écoute des paroles de la brune. Rien dans la façon d’être de cette dernière ne laissait deviner l’espoir qu’elle lui accorda un jour de réparer ses erreurs. La lady de la Grâcedieu, intransigeante, ne semblait pas éprouver le besoin de retrouver les liens qui appartenaient désormais au passé, et qui s’étaient transformés en rancune. Les non-dits gangrénaient depuis trop de lunes les rapports entre tous les enfants du Soleil Noir, à un tel point que la situation paraissait presque perdue, car la fierté des dorniens ne les poussait guère à assumer leurs tords. Le cadet Allyrion ne connaissait que trop bien cette froide indifférence affichée par sa sœur, car c’était d’un mépris semblable que le gratifiait leur ainé depuis sa naissance. Cependant, Cletus n’était pas prêt à laisser ainsi les dégats provoqués par ses choix. Il ignorait encore ce qu’il devrait faire pour regagner la confiance brisée de Valena, il était cependant certain qu’il ne reculerait devant rien pour elle. « Je ne te mens pas, Valena. Je ne t’ai jamais menti. » Son regard pâle parcouru alors le décor qui les entouraient tous les deux, un lieu si rattaché à l’image du Lord qu’il était difficile de ne pas voir chaque ombre de la pièce prendre la forme de sa silhouette sur les murs. Pourtant la présence de sa sœur imprégnait peu à peu l’endroit, où rien n’avait bougé depuis la mort du Soleil Noir. Du dehors leur parvenait le souffle caressant du vent, et qui amenait avec lui le chant des insectes. Sur les hauteurs du python rocheux sur lequel elle avait été construite, la demeure des lords de la Grâcedieu était aussi silencieuse et immuable que le désert qui l’entourait. Depuis le bureau de la jeune lady, le regard portait des rives de la Sang-vert jusqu’à l’horizon de dunes, un paysage que l’on pouvait admirer au gré de la brise qui venait de temps à autre soulever les voiles qui dansaient aux fenêtres. Leur père n’était plus. Ils ne pourraient jamais plus compter sur sa force, ni sur sa sévérité. Leur mère était brisée, et désormais ils étaient seuls maîtres de leur destin, quand Valena portait en plus sur ses épaules celui du fief de leur famille. « Comptes-tu réellement avancer seule, Valena ? » Tourné vers les fenêtres, le visage de Cletus s’était voilé de tristesse, alors que sa main venait se saisir du pendentif orné d’une pierre rougeoyante, qui ne le quittait plus. Autant qu’il pouvait réprouver l’idée d’un dieu de lumière, celles d’Anciens dieux nordiens, ou même encore celle de Sept divinités allégoriques, il comptait bien mettre à profit les connaissances et le pouvoir qu’il était allé chercher de l’autre côté de la Mer Etroite. Tout le savoir acquis au fil des quelques semaines passées à apprendre au sein même du Temple du Maître de la lumière, n’avait pas pour but de satisfaire son orgueil ou sa vanité, bien que se savoir doté d’un pouvoir hors du commun fut grisant, avant de paraître presque terrifiant. Il avait à l’esprit déjà une idée bien arrêtée de comment en user. Mais il hésitait encore, car si le temps ne lui laissait pas le choix d’attendre, la maîtrise toute nouvelle et encore bien insuffisante de ses dons le forceraient à prendre des risques qu’il savait pertinemment dangereux pour lui-même. Avant de mettre son plan en œuvre, il devrait se contenter d’oiseaux blessés pour exercer sa magie. « Je ne serais pas parti, si je ne pensais pas que ce que je suis allé chercher là-bas ne serait pas nécessaire pour le futur de la Grâcedieu. Pour notre futur, Valena. » Ses pensées allèrent alors à leur frère Daemon, qui, s’il récupérait peu à peu de son accident, avait indubitablement gardé des séquelles qui l’handicaperaient tout le long de sa vie, d’une façon telle qu’il était impensable de laisser les choses ainsi, surtout lorsque l’on voyait la vitesse à laquelle le saurien noir et sang gagnait en force et en taille. « Je ne vois pas les choses comme toi. Je ne t’ai pas abandonné. Je n’ai pas laissé derrière moi mes responsabilités. Tout simplement parce que c’était mon devoir de partir, c’était mon devoir d’aller à Volantis. » Se tournant à nouveau vers elle, il s’avança d’un pas, ses yeux bleus se posant sur la jeune lady, alors que sa main avait lâché la pierre montée sur un cadran de cuivre ciselé, pour aller se poser sur celle de la brune. « Valena. Crois-moi. Ce que j’ai fait là-bas, je l’ai fait pour toi. Je l’ai fait pour nous trois. » La voix du cadet était aussi calme et posée que de coutume, bien que sa gorge encore serrée par les mots cruels de son ainée l’obligea à parler plus lentement pour ne pas trahir les larmes qui menaçaient de surgir. « Père n’est plus. Mère n’est pas en mesure de t’épauler. Asmar ne sera jamais qu’un soldat. Et mestre Harian a beau avoir étudié à la Citadelle, il ne connait rien de Dorne, il ne connait rien du désert, des choses qu’il ne sera jamais en mesure de comprendre, car il n’est pas né ici. Alors je te le demande : Laisse-moi t’aider. Tu me reproche de t’avoir abandonné pour partir en Essos, mais c’est pour la Grâcedieu que je suis parti. C’est pour toi que j’ai choisi de revenir ici, plutôt que d’accepter la proposition des Ferboys et de demeurer dans les Montagnes Rouges. Toi, Daemon et moi. Nous devons rester unis. Nous le devons, car à l’avenir, notre fratrie sera la seul chose sur laquelle nous pourrons compter. »

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Cletus&Valena

Les mots étaient durs. Tranchants. Il lui semblait qu’ils parvenaient même à blesser celle qui osait les prononcer, lui griffant la gorge et tranchant sa langue. Quelle genre de sœur oserait parler de la sorte à son cadet, sans qu’un humour et aucune malice ne vienne soupeser ses propos ? Il aurait pu s’agir d’une farce. Elle se serait esclaffée après, brisant son masque d’arrogance froide, pour s’excuser entre deux hoquets, prétextant que la blague était simplement là pour pouvoir se moquer de la rédaction du jeune homme. Malheureusement, aucun éclat de rire ne vint détendre l’atmosphère. Quel genre de sœur, alors ? Une sœur qui s’était sentie trahie, abandonnée par ceux qu’elle estimait le plus dans une période où elle s’était sentie fragile et friable. Une sœur qui s’était sentie laissée de côté et dépassée par les événements alors que ses frères s’étaient embarqués dans un voyage pour Essos sans lui en donner la moindre raison. Alors qu’ils lui avaient promis de l’accompagner et de l’épauler alors qu’elle deviendrait Lady de la Grâcedieu. Elle s’était toujours sentie prête à prendre la suite de son père, convaincue de ses compétences et il avait fallu attendre la mort de celui-ci pour que, prise de cours et folle de chagrin, elle ne se rende compte qu’elle n’en était en fait pas capable. Pas capable seule du moins. Cette simple réflexion l’avait blessée dans sa fierté si bien entretenue depuis toutes ces années, mais elle s’était sentie prête à la mettre de côté pour recevoir de l’aide. Et voilà que, finalement, elle se retrouvait plus seule que jamais. C’était ce genre de sœur qui répondait au benjamin de la famille. Ce genre de sœur qui, après des lunes de silence, n’avait eu besoin que d’un mot pour aboyer toute la rancœur qu’elle s’était évertuée à contenir en espérant ne jamais avoir à la libérer.

La confiance de Cletus s’étiola pour laisser place à un regard dubitatif, comme s’il ne parvenait pas à croire aux doutes de son aînée. A quoi s’était-il attendu ? A ce qu’elle lui fasse confiance ? A ce qu’elle accorde quelques crédits à ses paroles hasardeuses et bien trop pleines de mystères à son goût ?
Valena s’attendait à ce qu’il batte en retraite, sa supercherie ainsi mise à mal. A ce qu’il bredouille et se précipite vers le couloir après une révérence maladroite. C’était ce que son frère aurait fait, devant l’implacabilité glaciale de son aînée. En revanche, ce ne fut pas ce que l’étranger aux yeux clairs en face d’elle fit. Au contraire, il campa sur ses positions et osa même s’obstiner à s’enfoncer. Aurait-il été pris dans les sables mouvants que réveillait parfois le désert que sa situation aurait été similaire.
A son assertion, les lèvres de la brune furent parcourues d’un spasme sardonique tandis qu’elle laissa échapper un reniflement ironique. Elle haussa les épaules avant de se désintéresser du dernier né de Deria, reportant son attention sur la main doré qu’elle se plaisait à faire voyager à travers tout Westeros.

« Tu te trompes, » trancha-t-elle, pleine d’amertume. « Tu m’as menti. Tu m’as menti quand tu m’as dit que tu resterais à mes côtés à la mort de père. Tu m’as menti que tu m’as dit que tu m’épaulerais. »

Les dents serrées, ses intonations s’étaient faites sifflement. Elle se détestait pour ce qu’elle venait de dire. Elle se détestait pour cette faiblesse qui avait autrefois rendu la présence de ses frères si indispensables. Quand ils étaient partis, elle avait alors eu l’impression d’être une petite fille déboussolée et perdue, à la recherche de ses repères. Des repères qui avaient disparu. Et elle haïssait cette fillette. Elle la haïssait tout comme elle en voulait terriblement à ceux qui l’avait fait se sentir ainsi, si vulnérable.
La voix teintée de tristesse de Cletus résonna à nouveau dans la tiédeur du petit bureau. Dans cette question, la lady y voyait presque un reproche. Une condescendance narquoise qui transforma le sang de ses veines en lave.

« Je ne souhaitais pas avancer seule ! » s’écria-t-elle en se redressant d’un bond. « Je ne voulais pas ! Tu sais pertinemment que je ne voulais pas ! Vous m’y avez contrainte, toi et Daemon ! Je n’ai pas eu le choix ! »

Debout en face de son cadet, elle se trouva dépassée par sa stature. Mais sa petite taille n’étant plus depuis très longtemps un complexe, elle n’en fut nullement décontenancée. Elle avait l’habitude de lever la tête. Elle le toisa d’un regard luisant d’amertume. Disparu le flegme et l’ennui feint. Les mains sur les hanches, le menton relevé et fier, elle bouillonnait.

« Et qu’es-tu donc allé chercher à Volantis ?! Un don ? » Grinça-t-elle. « Une envie d’aventure soudaine ? Le futur de la Grâcedieu avait besoin de toi ici, pas à vagabonder sur un continent étranger pour un prétendu devoir dont tu me tais depuis des lunes l’origine. »

Il s’avança vers elle et posa sa main blanche sur la sienne si brune dont les doigts étaient accrochés au rebord de la table. Elle remarqua alors pour la première fois l’étrange collier orné d’une gemme rouge qui pendait au cou de son cadet. Il n’avait pas été fait à la Grâcedieu. De cela, elle en était certaine. Cletus, comme elle, n’avait jamais été coquet. Pourquoi, par les Sept, arborait-il donc cette pièce d’orfèvrerie ? Souvenir nostalgique d’un retour de voyage ? Son hébètement la laissa quelques secondes à réfléchir avant de retirer prestement sa main, couverte par les doigts de son benjamin.

« Qu’as-tu fait alors ? » répéta-t-elle.

L’énumération des noms des résidents de la Grâcedieu pinça si fort le cœur de Valena qu’elle s’en pinça les lèvres. Son père disparu. Sa mère si bien rongée par le chagrin que sa fille unique craignait à chaque instant qu’elle ne sombre pour toujours. Et elle s’était occupée d’elle, seule, alors que ses frères vagabondaient. Cela aussi, ils semblaient l’avoir oublié comme ils avaient oublié leur sœur.

« Tous des incapables donc. Tu viens de le dire. Tu m’as donc laissée en pleine connaissance de cause avec des homme et des femmes qui sont pour toi des incapables ? Figures toi, Cletus, que ses incapables ont été là quand tu n'y étais pas. »

Elle luttait contre l’envie de l’applaudir.

« Tu veux m’aider ? Maintenant ? Tu ne comprends donc pas ? »

C’était avant qu’il fallait m’aider, pensa-t-elle. Elle avait été assez humble pour tendre la main une première fois. La fois de trop. Elle était incapable de plus de modestie.

« Rester unis ? Il est facile de demander une telle chose. C’était ce que je voulais avant que vous ne partiez sans m’en dire plus. C’est ce que j’ai toujours espéré. Mais je suis lasse d’être naïve. »



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Valena Allyrion & Cletus Allyrion

Les mots, les gestes de sa sœur étaient autant de coups qu’elle lui portait. Des coups que, sans doute, il méritait. Ce n’était pas une colère comme elle en avait de nombreuses fois fait la démonstration par le passé, quand son caractère tempétueux prenait le dessus devant la sévère austérité de leur père. La rancune que Valena avait si longtemps gardé pour elle, que les lunes qu’ils avaient passé loin d’elle ne lui avait pas permis d’exprimer avant ce moment précis, semblait impossible à surmonter. Car dans les yeux noirs de son ainée, Cletus voyait quelle peine il avait causée à la lady de la Grâcedieu. Il réalisait alors que ce qu’il avait estimé être la juste chose à faire avait créé plus de mal que de bien, et il le payait cher aujourd’hui. Des lunes plus tôt, lorsque le navire avait quitté les quais de Lancehélion, il avait été sûr de lui. Sûr de ce qu’il faisait. Il savait pourquoi il partait, il savait quel était le but de ce long voyage. Mais si Daemon l’avait accompagné à sa demande jusqu’à la cité de Volantis, Valena n’avait d’autre choix que de demeurer dans la forteresse blanche des Allyrions. Le temps en Essos lui avait paru être trop court, quand ses journées et ses nuits étaient partagées entre l’apprentissage auprès des prêtres rouges et son amante. Mais ces lunes, pour Valena, avaient laissé le goût amer d’une éternité à attendre leur retour. La brune avait sèchement retiré sa main de sous la sienne, dans un geste qui en disait autant si ce n’était plus que les paroles qu’elle lui adressait.  Il lui laissa tout juste le temps de terminer sa phrase avant de s’exclamer : « Pardonnes moi Valena ! » Il avait dit ces mots d’une voix forte, presque en les criant, alors que son regard clair rougissant trahissait les larmes qui menaçaient de s’en échapper. « Pardonnes moi… » Il l’avait trahie. Il avait trahi la confiance qu’elle lui portait jusqu’alors, une confiance dont il s’était joué pour aller chercher en Essos une magie qui ne lui permettrait peut-être pas d’accomplir son dessein. Sa respiration s’était faite plus profonde, sa poitrine se soulevant à chaque inspiration sous le lin rouge de sa chemise. Le cadet resta un long moment silencieux, avant de baisser les yeux. Un lourd s’installa dans le bureau du Soleil Noir, la tension qui régnait dans la pièce étant nullement allégée par le chant des oiseaux qui venaient parfois se poser sur le rebord des fenêtres avant de reprendre aussitôt leur envol, ni l’air parfumé de la brise chaude qui s’engouffrait en faisant danser les voiles translucides. Il n'était plus question de la convaincre de l’existence de la magie, et encore moins de ce que le jeune chevalier comptait faire avec ce savoir dangereux et loin d’être bienvenue à Westeros. Une confiance trahie ne redevenait jamais ce qu’elle avait été, et c’était lui qui l’avait brisée. Sans qu’il s’en rende vraiment compte, des tremblements subtils étaient venus prendre possession de ses muscles, des tremblements que son souffle laissait transparaître. Il avait voulu être fort. Il avait voulu paraître fort, quand le destin leur avait pris leur père. Devant l’attitude fermée mais digne de sa sœur, devant le masque de fer son frère, Cletus avait voulu faire de même. On avant tant de fois félicité son sérieux et sa sagesse, il s’était accroché à cela, oubliant trop vite qu’il n’était ni son frère ni sa sœur, qu’il était le Cadet de la Grâcedieu. Un enfant. La lady avait tant compté sur lui, et il s’était persuadé qu’il serait à la hauteur de l’appui que sa sœur avait eût l’humilité de lui demander. Mais à présent il savait que des deux c’était lui qui était le moins prêt à affronter la charge de l’héritage de leur père. C’était pourtant pour cela qu’il avait choisi de ne pas rester à Ferboys. Mais à peine sa sœur avait-elle pris ses fonctions que, déjà, il avait échoué. Il avait failli à sa tâche, et ce périple de l’autre côté du Détroit lui apparaissait de plus en plus comme une fuite à la recherche d’un pouvoir qui lui amènerait ce qu’il lui manquait d’années vécues, une fuite aussi, vers l’espoir de revoir Nymeria. Debout face à son ainée, il la dominait de presque une tête. Pourtant il se sentait redevenir le petit garçon d’autrefois devant la colère de cette dernière. Un petit garçon qu’il avait pensé à tort avoir laissé derrière lui depuis longtemps. Le timide enfant qu’il avait caché sous cette prétendue maturité, sous cette sagesse qu’on lui prêtait, surgissait de nouveau, sans crier gare, au moment où il aurait voulu faire perdurer l’illusion d’être plus apte à supporter les coups qu’il ne l’était en réalité. Il avait fauté. Lui qui avait vécu en enfant sage et sérieux, le petit dernier qui ne faisait pas de bêtises, l’enfant blond au comportement exemplaire, si loin du caractère tempétueux et prompt aux crises de colère de ses ainés. « Je ne voulais pas te faire du mal. » Son visage s’était abaissé vers le sol, pour ne plus affronter l’expression furieuse de celui de Valena. « Je comprendrai si tu ne voulais pas… » Si tu ne voulais pas me pardonner. Alors que ses yeux se remplissaient de larmes, le cadet pensait déjà à un retour à Ferboys, loin de la Grâcedieu et du désert que son ainée avait, malgré elle, pris en charge sans son soutien. Peut-être les choses seraient mieux ainsi. Les trois enfants Allyrions étaient si différents, qui savait ce qu’il pourrait advenir de bon mais surtout de mauvais s’ils devaient demeurer ensemble dans la forteresse blanche de leurs ancêtres ?

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Cletus&Valena

Le cri soudain, mélange étrange de supplication et de conjuration, jaillissant de la bouche de Cletus laissa la brune à la fois étonnée et irritée. Le besoin dans sa voix rocailleuse avait résonné comme un appel à l’aide, adressée à l’ainée déchirée. La sœur mourrait d’envie d’essuyer les yeux embués de larmes de son cadet d’un geste brusque et de le serrer contre elle jusqu’à l’étouffer. Il semblait si chagriné, si profondément malheureux avec son visage baissé et rouge que Valena ne pouvait y voir que l’ombre tenue du petit garçon qu’elle s’était tant amusée à faire sauter sur ses genoux, qu’elle s’était tant plu à rassurer lorsque, les soirs sans lune, elle entendait les reniflements étouffés de l’enfant terrifié par l’obscurité…
Mais la lady n’était pas de cet avis. Comment aurait-elle réagi si ce n’était pas son benjamin devant elle, mais un homme ou une femme anonyme ? Aurait-elle hoché la tête, acceptant des excuses arrachées après des mensonges ? Après un abandon ? La fille du Soleil Noir s’étranglait elle-même, partagée, déchirée entre des réactions contradictoires que ses deux statuts exigeaient d’elle. Encore aujourd’hui, après les lunes passées à pleurer son départ, elle aurait voulu se retourner vers son père. Lui demander ce qu’elle était censée faire. Et lui, comment aurait-il réagi ? Elle n’en avait aucune idée. Incapable de l’imiter face à l’adolescent, elle se trouva soudain bien seule avec elle-même.

Les soubresauts de ses épaules et le souffle tremblotant s’échappant de ses lèvres laissa la Lady de la Grâcedieu muette. Incapable de se décider sur ce qu’elle se devait de faire, elle laissa son cadet lutter contre les larmes et les sanglots sans bouger un muscle. Lui en avait-elle trop demandé ? S’était-elle trop reposée sur lui ? Il le lui avait pourtant affirmé. Il l’aiderait. Il l’avait souhaité, lui aussi. Et la dornienne avait été convaincue qu’il aurait un rôle à jouer dans la gestion de leur fief et de leurs terres. N’avait-il pas le droit à l’erreur ?
Les murmures de la sœur se faisaient de plus en plus bruyants dans l’oreille de la dame qui luttait pour ne pas les écouter. Elle pouvait encore percevoir le timbre sévère de leur père qui lui avait un jour affirmé que Valena et Lady Allyrion seraient deux personnes bien distinctes, aux idées et aux opinions foncièrement différentes. Et que tous les jours, elles tenteraient de s’entretuer jusqu’à ce qu’un matin, l’une d’entre elle ait véritablement trépassé. Encore jeune à l’époque, elle avait haussé les épaules d’un air dubitatif, presque moqueuse. Elle allait rester Valena, quoiqu’il arrive. Et Valena serait Lady Allyrion et ceux qui oseraient se montrer mécontents pourraient bien brûler sous le soleil du désert. Elle se rendait aujourd’hui compte de sa sottise. Et de la pire manière qui soit.

« Ne me demande pas pardon. »

Sa voix n’était plus ni teinte de reproches ni d’acidité. Cependant, il n’y avait aucune douceur ni aucune bienveillance non plus. Simplement ces accents impériaux et autoritaires qu’elle avait tant détestés chez son géniteur.

« J’ai l’impression que tu regrettes ce que tu as fait. Que ton voyage n’a servi à rien. Ne saisis-tu pas que cela rends les choses encore plus difficiles pour moi de savoir que tout cela n’a été fait que pour satisfaire une envie passagère et éphémère ? »

En s’excusant, ne remettait-il pas en question l’objectif même de son séjour à Essos ? Malgré sa décision de venir lui parler à ce sujet, il ne répondait pas à ses questions et contournait habilement le problème.

« Ton départ avait-il au moins un but ? » déplora-t-elle. « Ou n’était-ce qu’un caprice ? Un désir de s’affirmer ou de se découvrir un prétendu don ? »

Qu’était-il allé chercher à Volantis ? Du vent ? L’amitié de Nymeria ? Qu’elle était déçue. Déçue et jalouse du choix évident qui apparaissait désormais devant ses yeux éteints.
Toute la colère contenue durant toutes ces lunes à attendre s’échappait lentement de ses muscles contrits et son visage fatigué s’affaissait presque, laissant ressortir les cernes des nuits sans sommeil à veiller sur Deria, sur le domaine, à préparer le long voyage auquel devait se préparer la Grâcedieu, mais également à s’inquiéter et à se soucier d’un futur qui ne l’avait pourtant jamais angoissée auparavant.

« Et pourtant, le mal est fait, » soupira-t-elle en s’appuyant à nouveau sur la table. « Aie au moins le courage d’assumer tes décisions. »

Le silence berça quelques minutes la pièce où deux cœurs lourds battaient en rythme désaccordés. Le regard de cendre de la brune ne quittait pas la silhouette embarrassée de son frère qui n’avait plus rien de celle si fragile qu’elle avait appris à adorer. Il lui semblait d’ailleurs étrange de voir l’enfant qu’il avait été grattait à le surface de ce visage si adulte.

« Ne pleure pas. »

Si, à la différence de Cletus, elle n’avait pas hurlé sa demande, celle-ci se drapait de la même violence où se mêlaient prière, chagrin et sévérité. Car quoiqu’en dise et quoiqu’en pense la Lady de la Grâcedieu, Valena demeurait une sœur. Une sœur incapable de rester de marbre devant le visage penaud de son petit frère. Cela demeurait et demeurerait probablement sa plus grande faiblesse, même si elle espérait encore se persuader du contraire. Même si elle se tenait là, séparée de lui par cet espace infranchissable qu'elle s’interdissait de réduire. La frontière entre elle et lui avait été dessinée dès le départ imprévu du benjamin pour Volantis et n'avait fait que se renforcer au fil du temps, du côté de la jeune femme tout du moins. Malheureusement, la demande suppliante de pardon n'était parvenue qu'à effleurer ce mur dressé, sans réussir à le fissurer. Elle s'étonnait elle même de ce cœur froid que la dame du fief arborait fièrement, sans ciller, et que l'aînée haïssait, mourant de honte sous la carapace d'acier du statut de la brune. Le soleil n'était pas encore couché, mais il semblait aujourd'hui qu'à défaut d'avoir tué Valena, la lady lui avait infligé une blessure mortelle. Ce qui ne pouvait que faire se débattre plus fort encore la fille de Deria, malgré les liens qu l'étouffaient.




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Valena Allyrion & Cletus Allyrion

Sa bouche se crispait alors que le cadet luttait contre les larmes qui venaient perler aux coins de ses yeux. Plus douloureux encore que de découvrir l’inconnue qui se tenait devant lui, le sentiment d’avoir consciemment brisé la confiance de son ainée venait tordre son estomac. Les hauts murs blancs qui les entouraient donnait la sensation d’étouffer dans la sévérité dont le souvenir de leur père imprégnait l’endroit, une sévérité que la lady avait désormais faite sienne. Quelle expression revêtait alors le visage de cette sœur qu’il découvrait, quand elle lui répondit enfin ? Il ne pouvait que s’imaginer la figure austère et fermée qui ne rappelait que trop ce qui leur avait fait craindre leur père pendant tant d’années, son visage restant abaissé vers le sol. Mais aux paroles de sa sœur, il se redressa légèrement, presque soudainement, sans pour autant lever à nouveau les yeux vers les prunelles sombres qui le jugeaient. Car de regrets, il n’en avait qu’un seul : l’avoir laissée seule à la Grâcedieu. Il était incapable, ne serait-ce que de prétendre éprouver la moindre culpabilité ou le moindre regret d’avoir traversé la Mer Etroite. Il ne regrettait pas d’avoir pris le large pour retrouver la chaleur des bras de Nymeria. Il ne regrettait pas d’être parti de Dorne pour faire prospérer un don qu’il se serait méprisé d’avoir laissé mourir s’il était resté dans le désert. Il avait certes porté un coup fatal à la promesse faite à sa sœur de l’aider dans la maintenance du domaine, mais qu’aurait-il fait de plus qu’elle n’était parvenue à accomplir sans son aide ? Il avait ses torts et en avait conscience, mais pour autant rien ne le ferait changer d’avis quant à la décision qu’il avait prise. « Je n’ai pas dit que je regrettais. » Sa voix était basse, alors qu’il réalisait cela en même temps qu’il le disait. D’autant qu’il se souvienne, Cletus ne s’était jamais disputé avec son ainée, la différence d’âge et sa nature douce ne l’ayant pas poussé à chercher la confrontation. Pourtant il savait que cette simple phrase aurait pu faire sortir de ses gonds la sœur d’autrefois, mais serait-ce le cas de la froide lady qu’elle était depuis leur retour de Volantis ? Le mal était fait. Un silence pesant s’installa entre eux,  toute trace de complicité ou même de tendresse était absente de cet échange fraternel. Pour la première fois, le cadet se sentait véritablement seul. Seul face à ses fautes, face à ses choix, mais aussi seul dans cette demeure qui était pourtant son foyer. Sa mère était brisée, murée dans un silence inquiétant qu’elle ne quittait plus. Sa sœur et lady n’était plus loin de lui afficher le même mépris dont le gratifiait déjà leur frère bâtard. A ce moment-là il n’avait plus rien d’autre à se raccrocher que la dangereuse promesse que lui avait faite l’aspic en se donnant à lui malgré son récent mariage. Une affection qu’il se garderait bien de révéler à son ainée, d’autant plus que le séjour forcé de la nouvelle Targaryen à Volantis ne laissait que peu d’espoirs quand à de nouvelles retrouvailles à l’avenir, bien que les flammes lui aient fait entrevoir le contraire. Ne pleure pas. A ces mots, une grande inspiration vint gonfler sa poitrine. Enfant, il n’était pas si rare de la voir pleurer, pourtant, lui qui voulait tant voir ressurgir la sœur qui se cachait derrière ce masque de lady, voilà qu’il se refusait soudainement à redevenir le petit frère qu’elle avait connu. Sans essuyer les larmes qui avaient coulé sur ses joues, son visage perdit les traits du chagrin pour revêtir une expression qui se voulait neutre, mais trahie par une lueur de défi qui vint tout à coup animer son regard pâle. « Je ne suis pas parti pour rien. » Ses yeux jusque-là abaissés vers le sol de tapis rencontrèrent de nouveau le regard sombre de Valena. « Daemon va guérir. Je vais le guérir. » Qu’elle décida de le croire ou pas lui était désormais égal. Quoiqu’elle lui répondrait, il ferait ce qui l’avait amené à quitter la Grâcedieu, le but presque insensé pour lequel il avait passé des semaines à étudier auprès des prêtres rouges. Il était pourtant loin d’être près. « La créature qu’il a trouvé deviendra rapidement un danger pour nos terres et la population. Dans son état actuel, il sera bientôt incapable de maîtriser cette bête. Nous serions forcé la supprimer. » Ou était-il d’ailleurs, ce saurien noir et sang dont il lui avait semblé apercevoir la silhouette reptilienne dans les cieux au-dessus du navire qui les transportaient jusqu’aux côtes du continent oriental ? Avait-il suivi celui qu’il semblait avoir choisi pour maître, et avait retrouvé les dunes dans lesquelles il se cachait, ou bien était-il resté de l’autre côté de la Mer Etroite ? La force et le feu de cet animal légendaire pourrait leur être nécessaire à l’avenir, car le dragon de la Grâcedieu n’était pas le seul à parcourir Westeros. « Il y en a d’autres. Nous ne pouvons nous permettre de tuer ce dragon, quand il pourrait être l’unique défense capable de nous protéger. »Une nouvelle fois, comment faire comprendre à son ainée que c’était le feu qui avait léché les ailes et les gueules de nombreux autres sauriens, révélant au cadet l’existence de semblables à la bête qui hantait le désert de la Grâcedieu. « Ce que j’ai appris là-bas. Va me permettre de rendre à Daemon ce que le feu lui a pris, et qu’aucun mestre ne sera jamais capable de lui rendre. »



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Cletus&Valena

Les deux uniques enfants de Deria se tenaient là, l’un en face de l’autre, comme deux étrangers, comme deux inconnus que rien n’aurait pu rapprocher, en dépit de toute l’affection et de tout l’amour qu’ils s’étaient jadis portés. Les quelques pas qui opposaient la sœur à son frère lui paraissaient infranchissables. Des obstacles, elle en avait connu. Mais jamais comme celui-ci. Jamais comme cet espace à la fois ténu et immense. Jamais comme cet espace qui la séparait autant de Cletus que d’elle-même. En les franchissant, elle renouerait avec Valena, mais elle s’arracherait également à la Lady de la Grâcedieu. Enfant et même adolescente, elle n’avait pas compris cette dissociation des rôles et avait même longtemps détesté son peur pour sa froideur et sa sévérité de lord, si dénuée d’attention et d’élans paternels. Aujourd’hui, elle comprenait tout cela et de la manière la plus cruelle qui soit. Bizarrement, pour la première fois de sa vie, elle éprouva un formidable élan de compassion pour son géniteur. Comme elle s’était montrée ingrate avec lui. Comme cela avait dû être difficile pour le vieux dornien de tenir tête à son idiote de fille, sans jamais se laisser aller à la facilité et à la faiblesse. Quelles épreuves lui avait-elle faites endurer…

A ses mots, le benjamin releva soudain le visage, plantant son regard dans le sien, comme cherchant désespérément l’ombre de son aînée, cachée et hurlante derrière le masque neutre et crispé de la lady. Il espérait y voir le pardon, la compréhension de son geste, le désir de renouer avec lui… Et ces sentiments étaient bel et bien présents chez sa sœur. Mais pas chez la suzeraine du fief.
Une lueur d’incompréhension éclaira ses iris bleus. Il semblait décontenancé, comme si elle ne saisissait pas ce qu’il tentait, en vain de lui dire. Désaccordés. C’était cela. Ils étaient complètement désaccordés, malgré les efforts du jeune homme pour parvenir à l’atteindre, elle qui était recluse derrière ce mur froid de rancœur et d’amertume.

Lorsque sa voix rauque et grave résonna à nouveau, ce fut au tour de Valena d’être surprise. Surprise, déçue et écœurée.

« Tu ne regrettes donc pas, » répéta-t-elle d’une voix sèche. « Alors pourquoi demandes-tu pardon si cela n’a aucun sens ? Est-ce seulement pour que tu aies bonne conscience ? Je ne veux pas de tes excuses si elles ne sont pas sincères ! Je ne veux même pas les entendre ! »

Elle se détourna de lui, lui offrant uniquement son dos à observer. La brune ne voulait plus le voir. Déjà, elle sentait la bile remonter dans sa gorge, brûler sa tranchée et laisser un goût d’acidité sur sa langue. Elle le voulait dehors. Elle voulait le chasser. Ses dents se serrèrent si forts qu’elle les sentit grincer. Dans le silence pesant du bureau blanc de l’ancien lord, elle s’avança vers la fenêtre et laissa son visage se perdre dans les dunes dorées, baignées du soleil couchant. La vue de la confluence des trois fleuves, vision tranquille et sereine, ne l’apaisait cependant en rien. Elle se sentait à deux doigts de passer son poing à travers les vitres à et les faire voler en éclats, quand bien même elle se blesserait dans l’exercice. Elle ne retint son geste quand serra fermement ses bras contre sa poitrine, emprisonnant ses mains sous ses coudes.

Enfin, il se décida à aborder les raisons de son voyage jusqu’en Essos, mais la dornienne ne se retourna pas pour autant. Ce ne fut qu’au ton confiant, presque de défi dans sa voix qu’elle osa légèrement tourner le visage vers lui, le gratifiant d’un regard en coin. Il la toisait également, sans ciller.
La mention de Daemon dans cet échange la fit sourciller. Depuis son accident, leur demi-frère n’était plus que l’ombre de lui-même, à peine plus vaillant qu’une coquille vide, malgré ses tentatives de garder la tête hors de l’eau. La brune avait beau ne pas le considérer comme un homme diminué et brisé, le regard des autres l’affectait. Et il aurait été idiot de se voiler la face, le bâtard était et resterait estropié et faible, risquant de s’envoler à la moindre brise trop violente du désert. Même si cette réalité la peinait et renforçait encore plus la colère qu’elle éprouvait envers les époux Targaryen, responsables de son état, elle l’avait acceptée. D’entendre que Cletus voulait le soigner la remplissait d’un espoir douloureux. Elle avait eu tant de mal à regarder le chevalier ! A le considérer comme cassé, incapable ! Et désormais que c’était chose faite, le benjamin venait attiser les cendres d’une espérance qu’elle avait crue oubliée ?

« Tu es cruel, » asséna-t-elle. « Tu sais pertinemment que tu es incapable de tenir tes promesses. Tu ne tiendras pas celle-ci non plus. C’est pour ça que tu es là ? Pour me tourmenter ? Pour me faire croire à des illusions ? Si tu es si capable, prouve le. »

Elle grimaça lorsque le sujet dévia sur le dragon qui avait souillé la dépouille de leur père. Elle ne savait ce qu’était devenu le reptile ailé qui devait probablement gambader dans le désert à dévorer quelques carcasses carbonisées. Cletus n’avait cependant pas tort. Il allait devenir incontrôlable, la blessure cicatrisée de sa main pouvait en témoigner, et il allait falloir soit le maitriser, soit l’abattre. Et un saurien était un allié non négligeable, en particulier lorsque l’on constatait les nombreux troubles zébrant le continent.

« D’autres ? Comment le sais-tu ? » demanda-t-elle, perplexe.

La créature de Daemon était la seule qu’elle n’ait jamais vue de sa vie et elle n’avait rien reçu lui indiquant que des frères ou des sœurs de ce monstre vivaient ailleurs, menaçant des cieux leurs flammes et les griffes.

La dernière phrase mystérieuse de son cadet la fit enfin se retourner, mais elle gardait ses bras devant elle, sur la défensive. Pieuse, Valena n’en restait cependant pas moins lucide. La foi n’allait pas rendre à Daemon ses bras et ses jambes. Mestre Harian l’avait sauvé de justesse grâce à ses capacités de soigneur et sa patience.

« Vas-tu donc enfin cesser de me parler par énigmes ? » s’agaça-t-elle. « Vas-tu me dire une bonne fois pour toute ce que tu as f- »

Elle s’interrompit brusquement alors que les mots de son frère la percutaient enfin. Ce que le feu lui a pris. Son regard tomba sur l’imposant collier rougeoyant qui pendait à son cou et qu’elle n’avait encore jamais vu. Volantis. N’y avait-il pas une importante communauté de prêtres rouges résidant au cœur de cette ville ? C’était ce que le mestre de la Grâcedieu lui avait dit, peu de temps après le départ de ses frères. Un détail auquel elle n’avait prêté aucune importance. Un détail qui prenait aujourd’hui tout son sens.

« Non, » lâcha-t-elle. « Non. »

Impossible. Impossible. Impossible.





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Qui fait confiance au monde sera trahi

An 300 Lune 6 semaine 2



Valena Allyrion & Cletus Allyrion

Dans le flot d’émotions qui étaient venues troubler l’azur d’ordinaire si serein de son regard, il n’y avait aucun regret. Cette simple évidence était aussi vraie qu’elle devait paraître cruelle et injuste à cette sœur qui se bornait à le voir et à le considérer comme l’enfant effacé qui se tenait souvent à l’écart de tout. Avant qu’elle ne lui tourne le dos, il avait pu les voir briller dans les prunelles aussi sombres que l’étaient celles de leur défunt paternel, il avait pu voir cette déception, et même ce dégout qu’il lui inspirait à cet instant. Et tandis que la lady traversait la pièce, il la suivit du regard, encaissant difficilement, mais sans rien en laisser paraître, ce jugement qu’elle portait sur lui. L’éloignement physique qu’elle imposait alors était loin d’égaler celui qui semblait les séparer depuis qu’il était entré dans ce bureau. Depuis quand les choses étaient-elles ainsi ? Depuis quand ne pouvaient-ils que difficilement supporter la présence de l’autre dans une même pièce, devenus si différents qu’ils ne reconnaissaient plus rien d’eux-mêmes dans l’autre, sinon ce nom qui pesait de tout son poids sur leurs épaules ? Où étaient passés la Valena certes tempétueuse mais tendre et protectrice, le petit frère timide et candide, qui avait eût tant besoin d’elle quand dans sa puérile envie d’arriver à briller de la même façon que ses ainés, il avait puisé en elle la force de caractère qui lui manquait alors ? La mort du Soleil Noir avait mis fin à leur insouciance de la plus tragique des manières, mais ne leur avait-elle tout simplement pas ouvert les yeux sur ce qu’ils étaient devenus l’un pour l’autre, plutôt que de laisser trop facilement penser que le deuil les avait changé ? Ce deuil les avait révélé, et il était étrange de constater que dans la fratrie, le seul qui n’avait pas été aveugle à cela était le plus cynique des trois. Tant d’années les séparaient des derniers instants passés en tête à tête, à jouer ou à parler dans les jardins et les chambres. Des lunes et des lunes passés loin l’un de l’autre, à vivre l’un sans l’autre, ignorant presque tout de ces petits détails du quotidien qui faisaient que frère et sœur vivaient la même vie. Et ce dos qu’elle lui présentait presque comme une insulte, ce visage qu’elle tournait vers les dunes baignées de la lumière de la fin du jour plutôt que de le regarder lui. La silhouette qui se découpait dans les rayons du couchant semblait plus être une inconnue que cette sœur qu’il avait tant aimé, et qu’il aimait toujours. Mais il ne connaissait pas cette personne, ou plutôt ne la connaissait-il plus.

Le regard de sa sœur s’était de nouveau porté sur lui, alors qu’au dehors seul le vol de quelques oiseaux venait troubler l’immobilité solennelle du désert. Volantis semblait déjà un lointain souvenir, pour lui qui avait n’avait pas perdu le temps interminable du trajet du retour à attendre de voir le port de Lancehélion poindre à l’horizon. Il n’avait eût de cesse d’approfondir le savoir qui, il le savait, il en était persuadé, leur rendrait leur frère ainé. Soudain, Valena s’interrompit, ses yeux brillants d’une lueur qui démontrait qu’elle avait compris. Le regard pâle du cadet s’abaissa vers le médaillon où trônait la gemme rouge sang, imitant les prunelles sombres de son ainée, avant de calmement se relever vers le visage de cette dernière. Enfin, elle avait compris. Elle avait compris que ce qu’elle s’était hâtée de qualifier de mensonges, de chimères, n’en étaient pas. « Un tissus de mensonges » dont elle commençait tout juste à appréhender l’existence. Un long silence s’ensuivit, et devant le désarroi de sa sœur, il resta obstinément muet, la pierre rougeoyante qui reposait sur sa poitrine s’abaissant et s’élevant au rythme de sa respiration sereine. Il avait dit tout ce qu’il voulait lui dire, au moment où elle ne voulait rien entendre. Le culte de R’hllor trainait derrière lui une bien mauvaise réputation, particulièrement sur les terres où la foi des Sept rayonnait. Et Cletus avait conscience de tout le mal que l’on prêtait à raison et à tort à ce Dieu, un jugement qu’il avait reconsidéré dès lors qu’il s’était lui-même trouvé doté d’étranges pouvoirs, il y avait quelques lunes de cela. Il n’avait eut besoin de personne pour trouver l’origine de ces phénomènes, et n’en avait jamais parlé jusqu’alors. Ce secret, il l’avait enterré, jusqu’à ce qu’il ait eut vent des miracles de guérison qu’accomplissaient les prêtres rouges. Alors que son ainé était à moitié mort, brisé par les flammes, pourquoi aurait-il feint de ne pas être l’un d’entre eux ? Il n’avait jamais cru à un Dieu, qu’il soit forgeron, Père, Etranger, ou bien fait de flammes et de lumière. Et si les lords de la Grâcedieu se distinguaient du reste de Dorne par leur foi, le cadet Allyrion accordait aux prêcheurs de R’hllor d’apporter à leurs fidèles un aperçut du divin bien plus palpable que les figures de pierres que l’on trouvait dans les septuaires. Malgré ce qu’il pouvait lire sur le visage de son ainée, alors qu’elle lui offrait enfin cette réaction qu’il avait tant crainte de voir, il était désormais libéré du poids d’un secret qui serait plus terrible aux yeux des autres qu’il ne l’était pour lui-même. « Daemon va guérir. » Affrontant quelques instant de plus le regard qui ne rappelait que trop le Soleil Noir, il s’en détourna lentement, attendant peut-être une ultime réponse emplie de colère, avant de se diriger vers la porte. Sa main était déjà posée sur le bois sculpté lorsqu’il s’arrêta, ses yeux baissés vers le sol ne se tournèrent pas vers la lady lorsqu’il s’adressa à elle. « Il n’est jamais trop tard, Valena. » Parlait-il de leur frère bâtard, du destin qui semblait s’acharner sur eux, ou même de ce pardon qu’il était venu chercher ? Parlait-il de tout cela à la fois ? Ce serait à son ainée de décider ce qu’elle voudrait bien entendre de ces derniers mots,  alors que la silhouette du cadet disparaissait derrière la porte qui se referma derrière lui.




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