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Rencontre dans les bassesses ❀ Næra & Ulwyck

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Rencontre dans les bassesses


Petite, j'ai appris que perdre n'était pas un choix que l'on pouvait prendre. Il faut toujours se battre. Se battre pour montrer ce que l'on vaut, se battre pour ne pas mourir, se battre pour ne pas sombrer. Petite, j'ai appris comment vivre. Depuis, j'essaie de survivre.
Ulwyck & Næra



Port Réal
An 299, lune 12


Elle était arrivée à Port-Réal dans la nuit. Son navire avait amarré dans le port de la vile à une heure si sombre que seules quelques torches les éclairaient lorsque, elle et le reste de l'équipage en descendirent. Le bateau était attendu ; plusieurs figures de la contrebande, toutes encapuchonnées et camouflées dans de longs vêtements noirs, patientaient et fixaient chaque personne qui arrivait. Après plusieurs lunes de voyage en eaux capricieuses, mettre le pied à terre était devenu un besoin viscéral que tous ressentaient. C'est avec une peine non dissimulée qu'ils descendirent avec hâte, portant tous sur leur dos de lourds bagages. Næra, elle, n'avait rien, hormis son poignard qu'elle avait camouflé sous ses couches de vêtement. Tous étaient dans un état déplorable après avoir baigné dans une hygiène des plus médiocres des lunes durant. Si Næra avait été séduisante un jour, nul ne se le figurerait en la voyant, cette nuit-là. Ses cheveux ne ressemblaient plus à rien. De larges et grasses mèches tombaient fébrilement sur son visage et de ses vêtements se dégageait une forte odeur désagréable. Elle portait le même vêtement depuis le début du voyage, sans avoir eu le loisir de le laver. L'atmosphère qui flottait autour d'elle était étouffante, et elle n'était visiblement pas la seule dans un état aussi lamentable. Elle avait passé le plus long de son voyage à respirer une odeur de pourriture, dont la provenance ne fut apprise que quelques jours avant l'arrivée : dans la cabine juxtaposée à la sienne demeurait un cadavre qui, d'après quelques sombres experts du bateau, devait bien pourrir depuis leur départ. Oublier ce voyage, voilà ce qu'elle allait faire en premier lieu. Autour d'elle, les gens semblaient savoir où aller. Certains même étaient attendus par de la famille, ainsi s'enchaînèrent des retrouvailles maladroites, de désagréables embrassades et de ridicules étreintes. Se frayant un chemin dans cette foule, Næra, sans plus de cérémonie, quitta le port et s'avança en direction de la ville.
Les premières nuits furent difficiles. Elle n'avait tout simplement pas de plan. Sans famille ni amis, elle était bonne pour survivre seule, et ô combien était-ce difficile, au milieu de ces mendiants et mal fortunés qui ne cessaient de voler et d'enchaîner les agressions. Dans cette nouvelle vie, tout semblait être rythmé par le besoin incessant de nourriture, qui ne faisait que croître au fil du temps. Tout ce petit peuple malchanceux vivait en répétant le même rituel encore et encore. À l'aube, lorsque les rues étaient mouvementées par le passage d'hommes se rendant sur leur lieu de travail et de femmes traînant leur bourse jusqu'au marché, il était temps de mendier. Là alors, toutes les ruses étaient au rendez-vous ; fausses mutilations, faux aveugles, des femmes tenant dans leur bras un cadavre de bébé qui n'était même pas le leur, et tant d'autres immondices. Quand on finissait de mendier, et que le soleil avait déjà atteint les zéniths, les pauvres se reposaient. Les plus chanceux d'entre eux pouvaient manger, les autres lorgnaient cette chance qu'ils n'avaient pas, pillaient ou tuaient ceux qui l'avaient. Dans l'après-midi, lors des heures les plus chaudes, il était vital de trouver un coin de rue à l'ombre, d'où on guettait les passants d'un air malheureux dans l'infime espoir d'attiser leur générosité qui se faisait de plus en plus rare. Enfin, quand la nuit tombait, une véritable guerre se déclarait. On assistait alors à des vols, à des agressions, à la mort des vieillards, des femmes et des enfants, les plus faibles qui n'en pouvaient simplement plus et dont les cadavres ne seraient débarrassés qu'au lendemain. Cela durait toute la sainte nuit, jusqu'aux premiers éclats du soleil, où le cycle reprenait de plus belle. Les nouveaux mendiants n'avaient point de traitement de faveur ; on les dévisageait du regard, on les chassait et on cherchait à les faire fuir la ville, dans l'espoir de diminuer la concurrence. Par expérience, Næra savait qu'il était préférable de ne parler à personne. Dans ce climat-là, les amis d'un jour devenaient rapidement les ennemis d'un autre jour, et les alliances ne tenaient point le coup face aux besoins de la vie quotidienne. Par conséquent, elle n'adressait la parole à personne et, pour la première fois de sa vie, baissait le regard, en fuyant une quelconque altercation. Elle était entrée dans cette danse effrénée, vivait au rythme de ce cycle sans y opposer de résistance. Son corps était devenu faible par manque de nourriture. De temps à autre, des bagarres entre mendiants se lançaient et aussitôt tous les pauvres du quartier s'approchaient pour y prendre part. C'était alors le seul moyen d'exister, de se faire voir, de se mesurer aux autres. Parfois, et presque à chaque fois en vérité, certains ne survivaient pas. Alors, la foule disparaissait, sans même un regard, en laissant un cadavre derrière elle. La jeune fille se demandait combien de temps elle allait devoir endurer tout cela. Sa période de mendicité à Pentos n'avait pas duré bien longtemps, la troue l'avait assez vite remarquée. Quel espoir avait-elle à Westeros, sur des terres où aucun de ses ancêtres n'avait posé les pieds ? Même si elle parvenait à survivre à la famine, aux maladies qui attaquaient en premier lieu les pauvres comme elle, aux agressions nocturnes et à la justice, qu'allait-elle bien pouvoir faire ? Ces questions la travaillaient, lui faisant perdre son sommeil en premier lieu, puis ses espoirs au bout du compte.
Après trois longues lunes, la routine s'était installée. Elle maîtrisait l'art de mendier à la perfection, parvenait à attendrir des chevaliers robustes et à les pousser à céder leur bourse entière tant elle semblait bouleversée. Ceux qui ne daignaient pas s'arrêter se faisaient voler à la tire, et ce dans une grande discrétion. Les rares fois où elle s'était fait chopée, elle parvint à fuir. Au bout de quelques temps, elle était parvenue à amasser suffisamment de pièces pour s'acheter elle-même à manger de temps en temps. Elle chassait parfois, mangeait souvent du pigeon et s'était trouvée un petit coin près d'un fleuve, loin des garde et de cette criminalité envahissante. Elle n'était ni dans le luxe ni dans le confort, mais elle pouvait au moins jouir à présent d'une agréable tranquillité et d'une satisfaisante stabilité. Avec un peu de temps, se disait-elle, elle parviendrait à réunir suffisamment d'argent pour se payer une place au marché, où elle vendrait des légumes frais et quelques plats au prix fort. Tout semblait mieux aujourd'hui que la situation d'hier, force à elle de se débrouiller pour ne pas retomber dans la situation précaire dans laquelle elle baignait autrefois.
Si la malchance était connue pour tourner, la chance ne dérobait pas à cette règle. Alors que sa vie reprenait des couleurs, sa nouvelle situation ne tarda pas à faire des jaloux parmi ses anciens camarades de pauvreté. Elle ne manqua pas de se faire agressée et y perdit tout son argent ainsi que ses rêves. Le visage de l’homme qui lui avait tout pris resta gravé dans sa mémoire, mais jamais plus elle ne rencontra. Elle retomba donc dans la routine des premiers jours, dans cette pauvreté crasseuse qu’elle était parvenue à quelque peu fuir. Il fallait à tout prix retrouver quelque chose, quelque chose d’autre. Elle ne pourrait plus continuer longtemps à chasser le pigeon, mendier et voler. Car s’il y avait une chose que Næra haïssait par-dessus tout, c’était bien l’ennui. Sans doute était-ce l’héritage d’une vie si pleine de tumultes.

* * *

Port Réal
An 300, lune 6


La Rue de la Soie était sa nouvelle résidence. À force de sillonner la ville, elle avait découvert ce quartier comme un chasseur tombant sur une proie facile. Elle savait qu'elle pourrait y faire de l'argent, et sa dignité, elle le savait, était restée perdue à Pentos. Il lui avait suffi de deux nuits avant de se faire remarquer. Rapidement, elle fut emmenée dans l'un des bordels qui peuplaient l'endroit. Présentée aux régents du lieu, elle fut directement engagée. L'affaire n'avait pas traîné. La jeune fille fut nettoyée, frottée, encore et encore, puis brossée, nettoyée derechef et épilée. Son corps était en pleine transformation, et tous ses souvenirs de crasse et de saleté disparaissait au lavage de sa jolie peau. De nouveaux vêtements et une nouvelle chambre attribués, elle était prête, physiquement. Mentalement, elle tournait en bourrique. En se haïssant d'être aussi faible, elle ne pouvait s'empêcher de penser à son père, le plus souvent avant de s'endormir entre ses draps roses. Elle se le figurait entrer un jour dans ce bordel et y découvrir ce qu’y faisait sa fille. Aussitôt, elle se demandait ce qu’il en penserait, lui qui l’avait forcée à être prise par ce prince de Pentos. Elle le tenait comme responsable de sa situation, de ce détour étonnant et incontrôlable qu’avait pris sa vie. À présent, aux yeux de beaucoup, elle avait sombré au plus bas, en séjournant dans cet endroit. Cependant, pour Næra, c’était l’occasion de revivre. Elle ne gagnait pas beaucoup, mais elle était nourrie et logée. Elle ne risquait plus de se faire agresser par des inconnus. Dans ces lieux, elle cernait ses ennemies, tout était plus simple. Elle savait parfaitement comment marchait ce genre d’endroits, de qu’il valait mieux se méfier ; il pouvait s’agir de la prostituée de Volantis qui, dès son arrivée, l’avait dévisagé d’un œil si jaloux. Ou alors cet homme, visiblement un habitué, dont les murmures du bordel racontaient qu’il aimait rosser les brunes. Tout ce petit monde avait un fonctionnement bien à et qui était important de maîtriser. Savoir qui respecter, qui éviter, connaître les dirigeants et se forcer un espace dans leur esprit, avant de s’y imposer et d’occuper toute la place. Elle y parvenait avec une étonnante facilité, sans même attirer les curiosités.
Son premier soir était arrivé. Un dernier regard dans le miroir ; tout était parfait. Elle était belle, vêtue de soie. Depuis l'épisode du navire, sa crinière avait repris de la splendeur. Ses cheveux ondulaient légèrement et tombaient joliment dans son dos nu en une cascade de boucles resplendissante. Son teint était relevé et ses lèvres peintes de mauve, une couleur qui s'était avérée être un véritable atout. Sa robe était ni trop longue ni trop courte, et suffisamment transparente pour y deviner le reste de ses atouts. Les bras longeant son corps, elle perçut dans la glace un léger tremblement de son corps. Elle soupira, en se contemplant derechef. Elle se trouvait belle, cette nuit-là. Après avoir contrôlé que le maudit tremblement n'était plus, elle quitta sa chambre et traversa le piteux couloir pour se trouver au sein du bordel. Malgré les murs tapissés et les portes cloisonnées, des bruits ne cessaient de traverser les murs et de résonner dans les couloirs. Des bruits tantôt masculins tantôt féminins, dont l'intensité augmentait graduellement. Elle ne croisa personne en se rendant à ce qu'ils appelaient l'accueil et vit, à son entrée, plusieurs têtes se tourner dans sa direction. Elle referma la porte derrière elle et, comme si elle était familière du rituel, alla prendre place auprès de ses consœurs sur les canapés. Cela fonctionnait ainsi ; les clients entraient, lorgnaient la marchandise et s'approchait d'elle. Ils échangèrent alors quelques mots, souvent dérisoires et inutiles, puis ils prenaient la porte par laquelle Næra avait fait son entrée, en direction d'une chambre vide. Un code était d'usage ; les femmes de grande expérience nouaient leurs cheveux en tresses, celles d'une expérience raisonnable les avait attaché en haut de la nuque et les novices laissaient leur chevelure libre. Ainsi pouvait-on choisir exactement ce qu'on voulait, et comment on le voulait. Les clients étaient principalement des hommes, mais quelques fois des femmes - souvent de grandes habituées - faisaient apparition. Toute une flopée de différents visages ; des souillards qui venaient ici déposer le peu d'argent qu'ils avaient dans l'espoir d'un quelconque réconfort, de jeunes lords fougueux n'ayant pas trouvé meilleur moyen de dépenser l'argent parental, des hommes mariés, repérables par leur tentative de discrétion, des roturiers, des chevaliers et, parfois même, des homme de Foi. Tout ce petit monde se réunissait en ces lieux, cherchant ce qu'ils ne trouvaient pas ailleurs, souhaitant assouvir fantasmes et pulsions.
 

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Rencontre dans les bassesses

An 300, Lune 6 - Port-Real



Naera de Brisevagues & Ulwyck Uller

Les journées commençaient à se ressembler à Pot-Réal. Ulwyck avait passer la majeure partie de sa matinée à s'entraîner au maniement des armes. L'épée principalement et puis la lance même si pour cette dernière, son nombre de partenaire potentiel ses limitait considérablement par rapport à Dorne. Elia avait une fois de plus jouit des conseils et d'un entraînement avec son grand oncle Uller. L'après-midi, il l'avait consacré à passer du temps avec ses petites nièces. Bien qu'il n'ait pas d'enfants et ne se sentent pas la vocation de se voir un jour père, à l'exception du fait qu'une de ses nombreuses amantes pouvaient très bien avoir engendré un enfant suite à leurs ébats, il appréciait ces moments simples. Les enfants étaient facile à comprendre. Ils en faisaient pas de fioritures et étaient plus francs et sans doute bien plus purs et libres que ne le seraient jamais les adultes. Après un repas léger, il avait décidé de passer la soirée en ville. Comme souvent, il se rendrait un dans un bordel où il étancherait sa soif de désir charnel et se changerait les idées avec quelques coupes de vin. Cela en devait peut-être une routine mais il n'avait de cesse de chercher une femme, qu'elle soit noble, paysanne ou simple catin, qui lui donnerait l'envie de passer la nuit entière avec elle et non pas simplement de la faire monter au rideau et puis de s'en aller ou de s'endormir. Ces perles étaient plus rares que la chaleur à Port-Réal en cette période ou le ciel semblait plus souvent grisâtre que lumineux. Le jeune homme commençait à avoir ses adresses et ce soir il savait déjà où ses pas le conduiraient bien qu'il ait déjà goûter à toutes les prostituées qui lui faisait envie dans cet établissement. Peu avait réussit à garder son intérêt plus d'une chevauchée. Ces dernières semaines, il se lassait vite, trop vite. Pourquoi cet endroit en particulier ? Simplement parce qu'il en adorait l'atmosphère et que leur vin n'était pas infecte à boire.

Il n'attirait pas trop le regard dans les rues de la cité. D'une part parce qu'il portait des vêtements loin d'être aussi riches et criards qu'à Dorne. A Port-Real, Ulwyck trouvait qu'il faisait frisquet si bien qu'il s'habillait plus chaudement que la majeur partie des habitants. Ses vêtements n'étaient pas dignes de ceux de nécessiteux cependant. Ils étaient de meilleure qualité que ceux de la moyenne des habitants mais pas suffisamment pour qu'on le prenne pour un homme les bourses pleines.  Que celui qui désirait lui compter querelle vienne s'y frotter : le dornien ne sortait jamais sans son épée. Après une marche qu'il trouva plus longue qu'à son goût à travers les rues et les ruelles, il pénétra dans l'établissement poussant sa porte. Son visage commençait à être connu ici. Les filles savaient que le Uller les traitaient bien et qu'elle étaient loin de repartir déçue après avoir passé un moment en sa compagnie. Ses pas se firent mécanique et il se rendit dans la pièce d’accueil, celle ou les filles se présentaient à la vue des clients et faisaient en sorte d'attirer leur charmes. Dans la grisaille de la monotonie, il se demanda laquelle choisir. Il avait déjà goûté à toutes ces femmes et il était prêt à partir ou à en choisir une au hasard lorsque son regard s'attarda sur une prostituée qu'il n'avait encore jamais vu auparavant. De beaux cheveux, une robe qui en dévoilait suffisamment sans compromettre toutes les surprises de son corps. Du mauve sur ses lèvres qui lui donnaient un air intriguant.  Elle semblait plus jeune que lui mais suffisamment âgée pour une une femme accomplie quoi qu'elle manquait peut-être d'expérience. Les cheveux lâché était un signe d'une carrière jeune dans le milieu.

C'était un élément de nouveauté. Il n'en fallu pas plus pour inspirer Ulwyck et l'aider à faire son choix. Elle était peut-être un peu fine, peut-être un peu fragile mais cela ne faisait rien. Elle serait sans doute une affaire d'une nuit, comme toutes les autres. Le dornien se fraya un chemin et un homme l'évita comme la peste. Les dorniens ne jouissaient pas d'une excellente réputation et c'était une bonne chose dans ce genre d'endroit. Il faut du courage pour s'en prendre à quelqu'un que l'on croit capable de vous planter une lame dans le dos à la moindre occasion. S'approchant de la nouvelle catin, le Uller caressa sa chevelure du bout des doigts avant de parler sur un ton confiant et plein d'entrain juste à hauteur de son oreille.

«Tu es nouvelle. Je ne t'ai jamais vu ici et tu as lâché tes cheveux. Plutôt original cette couleur pour tes lèvres. On dirait de la mûre fraîche. J'espère que tu es aussi sucrée et délicieuse ha ha ha. J'ai déjà passé du bon temps avec toutes les femmes que je trouve désirable dans cette pièce mais aucune ne s'est révélée être à la hauteur de mes attentes. Te crois tu capable de me satisfaire, la nouvelle  au nom que j'ignore ? »

Même une catin, Ulwyck ne pouvait s'empêcher de la séduire. C'était plus fort que lui. Quelque chose d'instinctif qui sommeillait dans son fort intérieur. Mettre la prostituée au défi était un moyen de voir ce qu'elle avait dans le ventre mais aussi de lui mettre un peu la pression pour voir si elle était capable de faire des prouesses, au risque qu'elle se révèle encore plus barbante et commune que ses collègues.

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Petite, j'ai appris que perdre n'était pas un choix que l'on pouvait prendre. Il faut toujours se battre. Se battre pour montrer ce que l'on vaut, se battre pour ne pas mourir, se battre pour ne pas sombrer. Petite, j'ai appris comment vivre. Depuis, j'essaie de survivre.
Ulwyck & Næra



Les chambres du bordel n’étaient pas toutes identiques. En effet, si quelques une étaient spécialement aménagées de façon à permettre de se faire certaines pratiques, d’autres, plus traditionnelles, avaient quant à elles des décorations qui variaient. Il y avait des chambres conçues pour deux, et d’autres pour de plus grands nombres. Rares étaient les fenêtres dans l’établissement, plongeant les lieux dans une semi obscurité constante. Les pièces étaient éclairées par de nombreuses chandelles ainsi que de fabuleux candélabres. Si on ne voyait pas très bien, c’était pour renforcer un réconfortant sentiment d’anonymat, apprécié des clients. La chambre la plus majestueuse était celle où l’on débouchait en gravissant l’escalier principal. Surnommée La Septa, un nom qui ferait grincer les plus saints, elle était réputée pour abriter toutes les perversions les plus inédites. Dotée de quatre lits doubles à baldaquin, elle était surplombée par un gigantesque chandelier centré au milieu de la pièce. Les lits étaient alors disposés aux quatre différents pôles géographiques. Oreillers et draps en satin, voiles transparents et rideaux de velours étaient au rendez-vous. Pour animer les foules, des rumeurs folles se murmuraient au sujet de La Septa. Certains juraient l’existence de passages secrets, permettant aux clients les plus fortunés de ne pas être aperçu au sein du bordel. Une minorité affirmait sur leur honneur avoir déjà croisé la Reine en sortir, se dépêchant de rejoindre la sortie. Si on ne pénétrait pas dans cette chambre-là, deux couloirs, l’un à droite et l’autre à gauche, vous étaient offerts. Celui de gauche permettait l’accès au troisième étage ainsi qu’à quelques chambres, tandis que celui de droite donnait sur une suite de sept chambres, toutes nommées selon les Sept ; la Mère était la première, juxtaposée au Père, puis il y avait le Guerrier, le Ferrant, l’Étranger, l’Aïeule et, finalement, dernière porte au fond du couloir, la Jouvencelle.
L’attente durait depuis une éternité. Des dizaines de regards répugnants s’étaient déjà posés sur elle, mais personne n’était venu à sa rencontre. Tous préféraient miser leur argent pour ces autres filles, les plus expérimentées. Le patron de l’endroit l’avait prévenue, des novices dans son genre pouvaient patienter des nuits durant sans ne rencontrer aucun client, ce qui n’était pas vraiment bon pour les affaires. Ici, elle était payée au nombre de clients qui payaient pour elle. Si personne ne venait, elle ne recevait rien et, au bout d’un moment, elle finirait par être débarrassée. Elle ne comptait absolument pas passer le reste de ses jours dans cet endroit, juste suffisamment de temps pour amasser une bonne fortune, afin de pouvoir mettre les voiles. Ce n’était qu’une situation passagère, à laquelle elle devait se faire. À présent qu’elle était là, elle ne pouvait plus reculer. Il fallait donc jouer le jeu, et se mettre en avant. Certaines de ses consœurs se crêpaient le chignon, de temps à autre, trouvant qu’une ne laissait pas la place à l’autre, ou pour d’autres broutilles. À nouveau, Næra choisissait le silence, et n’adressait la parole à aucune de ses collègues. Si l’univers de la rue était impitoyable, celui-ci pouvait s’avérer l’être tout autant. Elle se tenait droite, le dos légèrement cambrée et la tête relevée. Sa posture la vieillissait quelque peu, lui donnant un air assuré, comme si l’endroit lui appartenait. Elle n’attendait plus qu’on la regarde, mais venait au contact des hommes, en leur portant de lourds regards. Il fallait se démener, au risque de de finir seule et pauvre. Quand un inconnu s’approcha enfin, elle releva légèrement son visage dans sa direction et le lorgna du regard. Lorsqu’il tendit sa main pour la déposer dans sa chevelure, ce n’était plus Næra qui était là, mais Céleste qui refaisait surface. Elle sursauta très légèrement et manqua de peu de le repousser vivement. De vieux réflexes qu’il était bon d’effacer à présent. Elle n’était pas encore habituée à ce contact humain qui se trouvait être à présent son gagne-pain. Dans ce piteux endroit, elle devait se refaire. Réapprendre à bouger, agir et donner, lorsqu’elle n’avait fait que voler ces dernières années. Elle écouta sa tirade, mima un léger sourire qui vint s’imprimer sur la commissure de ses lèvres et, pour toute réponse, se leva silencieusement. D’une main pleine d’assurance, elle agrippa le bras de l’homme pour l’entraîner hors de la pièce, sans échapper aux regards. La porte refermée derrière eux, elle lâcha l’inconnu et, sans même prendre la peine de jeter un regard derrière elle afin d’avoir la certitude qu’il suivait ses pas, elle progressa dans le bordel. Ils longèrent deux ou trois couloirs différents avant d’atteindre l’escalier principal. Ils montèrent ensemble les marches, sous le craquement des planches de bois, puis passèrent devant la Septa et tournèrent à droite où, le regard attentif, Næra lisait les différentes pancartes. Mais elle ne s’arrêta qu’à l’extrémité du couloir, devant la Jouvencelle. Elle ouvrit la porte et entra sans plus de cérémonie. Lui faisant comprendre qu’il était bon de refermer derrière lui, elle continua de progresser dans la pièce avant de se tourner dans sa direction et de lui faire face, maintenant que plusieurs mètres de distance les séparaient. Elle se permit de le détailler quelques instants. Elle se trouva bien contente. En venant à cet endroit, elle s’imaginait qu’elle aurait affaire à de vieux hommes en mal d’affection, ou de véritables laiderons qui ne trouvaient leur compte qu’en monnayant leurs rapports. L’inconnu ne semblait ni pauvre, ni vieux, et n’était pas des plus laids. Au contraire, il s’avérait presque avoir du charme, bien que la situation ne contribuait qu’à dégrader son image auprès de la jeune fille. Elle avait un apriori pour chaque homme et femme qu’elle rencontrait en ces lieux. Celui-ci, au moins, semblait avoir une bonne hygiène, et peut-être était-ce uniquement pour cela qu’elle devait s’inquiéter. Elle se demanda si elle aurait un jour l’habitude de faire ce métier. Cette idée la répugnait. Elle s’en irait bien avant que la routine ne s’installe.
Et maintenant quoi ? se demanda-t-elle subitement. Son esprit allait commencer à la torturer. Qu’attendait-il ? Qu’attendaient les hommes en général ? Si le prince d’autrefois ne s’était pas gêné de prendre ce qu’il souhaitait, tout était différent aujourd’hui. Ses autres expériences n’avaient été que des rapports forcés, pendant lesquels la jeune fille ne bougeait pas, se laissant faire, presque totalement inerte. Elle ne pouvait se le permettre aujourd’hui. Il avait été relativement aisé, jusqu’à présent, de gravir ces marches en arborant un air sûr d’elle et de donner l’impression de maîtriser parfaitement la situation. Ce n’était pas le cas. Ils se retrouvaient seuls maintenant, l’un face à l’autre, et depuis plusieurs secondes, un silence les possédait. Et si les capacités d’action de la jeune fille s’arrêtaient là ? Si elle n’était pas capable de faire autre chose ? Qu’avait-elle l’air idiot à présent. Son sourire s’était envolé, son regard était redevenu simple et vide, tandis que le maudit tremblement passé lui était revenu. Son esprit se chamboulait et ses pensées s’embrasaient. Tout cela avait un arrière-goût de déjà-vu, largement entendu puisqu’ils se trouvaient dans la chambre de la Jouvencelle. Si cette ironie lui avait semblé drôle quelques secondes auparavant, ce n’était plus le cas à présent. Il fallait combler ce vide, parler, agir, mais au moins faire quelque chose. « Céleste. Vous m’appellerez Céleste. » Sa voix se faisait plus sèche qu’elle ne le souhaitait. Tel était son choix ; elle serait Céleste en ces lieux. « Et vous ? Comment vous appelez-vous ? » demanda-t-elle, en feignant de lui porter de l’intérêt. Il avait été étonnant tout à l’heure, en se montrant charmeur. Elle était contrainte d’accepter ses avances, quel intérêt y avait-il à user de son charme ? Son égo, comprit-elle alors, et, agissant comme la manipulatrice qu’elle était, décida de satisfaire ce dernier. « Si vous désirez entendre mon plein avis, vous étiez le plus beau en bas. J’ai espéré que ce soit vous qui veniez, et non un de ces gueux. » Elle sonnait parfaitement juste. Petit à petit, elle reprenait le contrôle de la situation. Le tremblement disparu, elle fit réapparaître son semblant de sourire et se montra heureuse. 



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An 300, Lune 6 - Port-Real



Naera de Brisevagues & Ulwyck Uller

Même pas besoin de négocier un quelconque prix. La jeune femme avait déjà prit le bras du Uller pour l'entraîner en direction des chambres. Il était déjà venu dans la chambre dans laquelle elle l'emmena. C'était un lieux connu de lui bien qu'il n'avait jamais pris le temps de s'intéresser aux noms des chambres. Lorsque l'on vient dans un bordel, c'est rarement pour la culture. La première chose qu'il fit en entrant fut de se servir une coupe de vin au pichet installé sur un meuble. Il but quelques gorgées calmement avant de se tourner vers la jeune dame et de déposer la coupe. Elle se nommait Céleste. Seul un moment passé entre ses cuisses pourrait affirmer ou infirmer le fait qu'elle portait bien son nom.

«Et bien Céleste, si tu désires du vin, tu n'as qu'à te servir. Il n'y a pas de raison pour que seuls les clients en profitent. Je suis étonné que tu ne connaisses pas mon nom. Tu dois vraiment avoir mis les pieds dans cet endroit depuis peu. Je me nomme Ulwyck, Ulwyck Uller. »

Le fait qu'il possède un nom de famille était déjà un signe de richesse en soit mais il se fichait bien qu'elle le considère comme un vulgaire citadins, un chevalier ou un noble. La maison Uller était certes connue à Dorne mais pour le péquin du coin, elle ne devait rien évoquer de particulier.  Elle lui avoua avoir espérer qu'il la choisisse. Si elle ne le connaissait pas de nom ou de réputation, elle avait dût être attirée par son charme indéniable. Le Chevalier de Denfert s'étira quelques instants avant de reprendre la parole sur un ton joyeux.

«Et moi je t'ai choisi car tu me semblait un brin nouvelle. Un peu de changement ici ne fait pas de mal et puis je dois dire que j'ai beaucoup apprécié la coloration de tes lèvres. Je trouve que cela se marie bien avec ta peau.»
Ulwyck s'approcha d'elle et la frôla. Une légère odeur d'agrume se dégageait de lui. Il avait toujours appréciés ces senteurs de chez lui pour se parfumer. Bien qu'il était un véritable guerrier, il demeurait un être coquet qui aimait plaire et séduire bien que la capitale ne lui offrait pas autant de possibilités en termes de vêtements aux coloris criards et léger qu'il pouvait porter dans sa chère région natale. Le jeune homme se glissa derrière elle et souleva sa chevelure pour dégager le cou de la jeune femme. Ses lèvres se posèrent dessus non pas de façon vulgaire ou ou poussives mais bien de manières sensuelles et lancinantes. Un véritable homme se devait d'offrir au moins autant plus de plaisir  à une femme qu'il en prenait. Bien sûr le Uller avait des moments où il pouvait se montrer plus égoïste mais si l'alchimie se créait, cela pouvait faire des étincelles, cependant loin de pouvoir rivaliser aux incendie ravageur que créait ses folles nuits avec Arianne. La peau de la jeune fille était blanche, trop blanche par rapport à son propre teint mât foncé. Il aimait ce genre de contraste même si personnellement il avait toujours apprécié les teins légèrement plus clair que lui par simple esthétique.

«Port-Real est une ville puante et froide. Je n'aime pas trop cette citée mais je dois dire qu'ils y connaissent un rayon en matière de prostitution malgré tout, je reste toujours sur ma faim. Ta peau est blanche, pas autant que le lait mais j'apprécie sa douceur sous mes lèvres. Pour la plupart des hommes, tu n'es qu'une vulgaire catin, juste bonne à servir à se vider. Un fourreau pour une épée. Le fourreau n'est qu'un objet alors que la lame est une arme. Pourtant un fourreau bien entretenu fournit une protection idéale pour une épée. Il n'y a que les idiots qui ne s'en rendent pas compte. » 

Il passa ses doigts sur ses épaules, doucement. Un simple effleurement qui se voulait sensuelle. Le Uller la prit alors par la main et l'attira contre lui, face à face. Un sourire arrogant sur le visage et le regard pétillant. Ses lèvres effleurèrent celle de la prostitué, comme s'il jouait avec elle alors que c'était lui qui payait pour l’avoir dans son lit, comme si les rôles était inversé. Le Uller voulait lui plaire, comme à chacune des femmes qu'il mettait dans sa couche, que cela soit par son charme, son argent ou toutes autres raisons. Il ne mit que quelques secondes à enlever son haut qui tomba par terre, offrant à la vue de la jeune femme une musculature fine et athlétique, fruit de longues heures d’entraînements. Le regard aguicheur et tentateur qu'il lui envoya avait déjà réussit à mettre le feu aux poudres dans le cœur de nombreuses jeunes femmes.

«Puisque tu me désires pour ma beauté, tu vas pouvoir assouvir tes envies tout autant que moi. Que désires tu de moi, Céleste ?» 

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Petite, j'ai appris que perdre n'était pas un choix que l'on pouvait prendre. Il faut toujours se battre. Se battre pour montrer ce que l'on vaut, se battre pour ne pas mourir, se battre pour ne pas sombrer. Petite, j'ai appris comment vivre. Depuis, j'essaie de survivre.
Ulwyck & Næra



La partie commença. Ils n'étaient plus que deux pour l'histoire d'une nuit, celle d'une pute et de son client. Il s'agissait de déjà-vu, Næra - ou plutôt Céleste - se sentait à même d'y parvenir. Il suffisait de faire taire l'ouragan de questions qui faisait rage dans son esprit et de laisser les choses arriver, sans jamais plus se poser de question. L'homme qui lui faisait à présent face semblait être habitué et, avec un peu de chance, il mènerait ce début de danse qui s'apparentait pour Céleste à une chorégraphie qu'elle ne maîtrisait pas réellement. Elle était mal-à-l'aise, mais cela ne se voyait que très peu. Elle savait agir comme si tout se déroulait à la perfection, et c'est ce qu'elle faisait actuellement. Au final, cet endroit ne reposait que sur le paraître. Il fallait paraître belle, paraître attirante et expérimentée. Il fallait imiter la prise de plaisir et feindre la jouissance, rire au lieu de pleurer et accepter plutôt que de refuser. Les femmes semblaient ne porter que des masques en ce lieu. Des masques si tenaces qu'ils ne tombaient jamais, même lorsque le reste de leurs vêtements se trouvaient à terre. Céleste suivait l'inconnu du regard et se surprit même à ressentir un semblant d'impatience. « Et bien Céleste, si tu désires du vin, tu n'as qu'à te servir. Il n'y a pas de raison pour que seuls les clients en profitent. Je suis étonné que tu ne connaisses pas mon nom. Tu dois vraiment avoir mis les pieds dans cet endroit depuis peu. Je me nomme Ulwyck, Ulwyck Uller. » Elle profita de l'invitation sans rechigner, se dirigeant ainsi vers le meuble afin de s'emparer du pichet pour se servir une coupe. En sentant le liquide caresser divinement sa gorge, elle se demanda soudainement si ses autres clients se montreraient autant aimables. Car oui, elle commençait à le caractériser comme tel en le voyant garder désespérément ses airs charmeurs au sein d'un pareil endroit. Bien sûr, cela n'empêchait certainement pas Céleste de lui trouver tous les défauts du monde. C'était cela, sa façon de procéder ; elle se démenait à creuser pour trouver les défauts. Elle pensait que l'on pouvait déclarer connaître une personne qu'une fois tous ses défauts ciblés. Pour elle, les qualités n'étaient qu'ornements, de simples trompe-œil qui vous écartait d'une cruelle réalité. C'est ce qu'elle faisait à présent. Elle guettait les défauts de l'homme, et l'assurance semblait être un de ses principaux. Quelque peu perdue dans ses réflexions, elle semblait sensible aux effluves qui émanaient de cet inconnu. Elle restait silencieuse et ne bougeait que pour porter son verre à ses lèvres. Si la jeune fille avait traversé un nombre étonnant de vices, celui de l'alcool n'en faisait pas partie. Elle en connaissait néanmoins les vertus, et si elle termina aussi rapidement sa coupe - alors que celle d'Ulwyck demeurait encore pleine - c'était bel et bien pour ressentir les effets du poison. Peut-être serait-ce un remède pour son esprit qui ne cessait de s'agiter. Ne désirant tout de même pas perdre la tête, elle reposa la coupe. Uller.. Rares avaient été ses rencontres portant un nom de famille. Il n'était visiblement pas n'importe qui. « Et moi je t'ai choisi car tu me semblais un brin nouvelle. Un peu de changement ici ne fait pas de mal et puis je dois dire que j'ai beaucoup apprécié la coloration de tes lèvres. Je trouve que cela se marie bien avec ta peau. » Accusant le compliment d’un bref sourire, elle n’était toujours pas décidée à parler. Cela ne semblait pas le déranger.
La partie devenait dangereuse, elle s'en rendit compte en le voyant s'approcher. Au frôlement des deux corps, elle eut un très léger frisson, imperceptible du regard mais pourtant si violent intérieurement. Il s’était hissé hors de son champ de vision, et cela ne la rassurait pas. Lorsqu’elle le sentit derrière elle, elle comprit que sa besogne allait commencer. Étrangement, cela ne se passa pas comme elle l’avait imaginé. Sa chevelure dégagée et les lèvres de l’homme se baladant le long de son cou, elle demeura stoïque. Si ses expériences avaient été nombreuses, aucune n’avait débuté de la sorte. Elle avait des souvenirs de violence, de combats de force et de coups, mais aucunement de sensualité. Cette sensation était nouvelle et elle n’allait pas sans la perturber. Une chaleur envahissait son corps, sans qu’elle ne se l’explique. Elle se sentit sotte, se rappelant soudainement qu’elle n’était pas là pour ressentir tout cela. Elle monnayait ce rapport, et tel que dans l’esprit des finances, il fallait rester… professionnel. Le reste du discours d’Ulwyck se brouilla quelque peu, et elle ne fut pas certaine de comprendre tous les enjeux de sa comparaison douteuse entre elle et le fourreau d’une épée. Souhaitant réagir comme si c’était le cas, elle tenta un nouveau sourire comme réponse. Il ne fallait pas se méprendre ; si la jeune fille se sentait toute chose, c'était principalement en vue de la situation qui s'offrait à elle. Elle se laissait guider comme une marionnette et se retrouva à nouveau face à lui, tandis que peu de distance les séparait. Son regard rencontrait celui d’Ulwyck par moment, et c’est à cet instant-là qu’elle le trouva réellement attirant. D’autant plus lorsqu’il fit tomber son haut. Elle se permit quelques regards, sans trop paraître insistante. Très vite, elle plongea à nouveau ses yeux dans les siens, frissonnant au contact de leurs lèvres que l’homme se faisait un plaisir de maintenir. « Puisque tu me désires pour ma beauté, tu vas pouvoir assouvir tes envies tout autant que moi. Que désires-tu de moi, Céleste ? » Le mot désir résonna plusieurs fois dans sa tête. Les femmes dans cet endroit étaient-elles censées en ressentir ? Et le désirait-elle ? Malheureusement, ces questions ne trouvèrent pas de réponse et elle resta là, sotte et interdite. La question qu’il venait de lui poser ne trouvait pas non plus écho dans son esprit. En toute honnêteté, ce qu’elle désirait à présent était de se trouver dans un autre endroit, n’importe lequel en compagnie de n’importe qui d’autre. Ou peut-être pas. « Vous posez de drôles de questions. » D’un coup, elle se glissa délicatement hors de son emprise, se servit une nouvelle coupe et s’éloigna de lui. Elle lui faisait dos à présent, la tête légèrement inclinée sur le côté pour compléter son semblant de réponse. « Peut-être devriez-vous arrêter de songer à ce que je désire et réclamer ce que vous, vous désirez. N’êtes-vous pas là pour cela, après tout ? » Elle ne maîtrisait pas parfaitement la langue commune et son accent – qui était un original mélange de son passé dans les Îles d’Été et à Pentos – transparaissait dans ses dires. « Sans vouloir froisser votre fierté mon lord, ser, ou je ne sais comment vous vous faites appeler, je ne désire pas grand-chose. Je n’ai jamais vraiment désiré, je me suis toujours contenté de ce en quoi j’avais accès. Mais maintenant, il semblerait que ce soit à vous de prendre ce pour quoi vous allez payer. » En prononçant les derniers mots de sa phrase, elle fit doucement glisser l'une des bretelles qui tenait sa robe le long de son bras.

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Rencontre dans les bassesses

An 300, Lune 6 - Port-Real



Naera de Brisevagues & Ulwyck Uller

La jeune femme ne sembla pas désenchanté par l'invitation de boire un peu de vin. Le vin rendait les gens différents une fois passé un certain seuil. Ils devenaient plus amusants, plus vrais, plus authentiques. Elle sembla se formaliser des questions qu'il posait en les qualifiant de « drôles ». Il était vrai que pour des personnes normales, Ulwyck pouvaient paraître étrange et c'était encore plus marqués en dehors de Dorne. Il était difficile pour le commun des mortels de comprendre le généralissime Chevalier de Denfert. Pendant qu'elle s'esquiva pour se servir une coupe de vin, le Uller s’assit sur le lit pour retirer ses bottes. Les pieds à l'air libre et ses grolles déposées un peu plus loin lui permettrait de ne pas être gêné pendant la suite de son effeuillement. Il s'installa sur le lit dans une position quelque peu suggestive lorsqu'elle lui parla à nouveau. Elle désirait qu'il prenne ce qu'il était venu chercher ici. Sa conscience professionnelle était admirable. Céleste désirait certainement que le travail soit vite fait et bien fait mais ce n'était pas au goût du Uller. La rapidité des ébats se choisissaient ou étaient le fruit d'un concours de circonstances malencontreux ou encore influencés par des paramètres extérieurs. Il avait assez de monnaies sur lui pour prendre le temps qu'il désirait.

«Ce que je suis venu chercher ? Je le prendrai certainement là n'est pas la question mais si ce que tu désires est ce que je te prenne sans ménagement comme le dernier des poivrots qui viennent se vider les bourses ici, je peux satisfaire ta requête.»

Le jeune homme se fit rouler sur le lit pour passer de l'autre côté et ses pieds se posèrent sur le sol. Il se releva et marcha lentement vers la jeune femme. Pendant ce temps, elle avait fait glisser l'une des bretelles de sa robe, dévoilant un peu plus de sa chair laiteuse. L'effleurement progressif avait quelque chose d'excitant. Une fois arrivé à sa hauteur, il l'attrapa avec une certaine force, sans pour autant chercher à lui faire mal. Il la retourna, la pencha en avant et commença à relever sa robe.

«Puisque c'est ce que tu désires ... non ce ne serait pas amusant !»

Il éclata d'un rire francs et la releva passant ses bras autour de sa taille et baisant sensuellement son épaule à la bretelle descendue. Ulwyck était un homme imprévisible, parfois violent, prompt à l'énervement mais c'était un homme qui aimait séduire et jouer avec les femmes. Lorsque ses lèvres eurent terminées leur office, il retourna la jeune femme pour lui faire face.

«Ulwyck, Ser Ulwyck ou autre. Tu peux m’appeler comme tu veux. C'est quand même mon prénom qui se dessinera sur tes lèvres quand je te ferais goûter à la passion enivrante d'un étalon dornien.» 

Ulwyck ne s'interrogea pas sur l'accent de la jeune femme. Lui même possédait un accent dornien marqué. Il effleura ses lèvres des siennes avant de la pousser délicatement vers la chaise qui se trouvait à côté du meuble, la faisant s’asseoir. D'un doigt agile il fit glisser la seconde bretelle, dénudant une nouvelle portion de peau qu'il caressa de ses doigts chauds. Il s'installa à califourchon sur elle et prit chacun de ses poignets entre ses mains pour la faire poser ses mimines sur son torse ainsi offert. Contre toute attente, il ne se mit pas à parler de façon salace mais poussa plutôt la chansonnette.

«Aussi belle que le soleil était l'épouse du Dornien, et plus que le printemps chaleureux, ses baisers, mais d'acier noir était la lame du Dornien et chose effroyable que son baiser.» 

Lorsqu'il évoqua la lame, il posa l'une des mains de la prostitué sur son entrejambe où commençait à se réveiller sa propre lame, non pas faite de métal mais de chaire. Il approcha sa bouche de son oreille, plaquant son torse contre la poitrine de la jeune femme, tout doucement, continuant de chanter cette fois sur le ton du murmure.

«En se baignant chantait la femme du Dornien, d'une voix douce comme une pêche, mais sa chanson à elle avait la lame du Dornien, et le mordant glacé d'une sangsue. » 

A l'évocation du fruit, la jeune femme pût sentir quelques doigts effleurer le haut de sa poitrine puis le jeune homme rompit tout contact, se relevant. Il se mit à genoux et releva la robe de Céleste, s'offrant une vision de ses jambes plus précises. Tout en reprenant sa chanson, il les écarta délicatement.

«Comme il gisait à terre entouré des ténèbres, avec sur la langue le goût du sang, et qu'à deux genoux priaient pour lui ses frères, il se mit à sourire et à rire et chanta : « Frères, ô mes frères, ici s'achève mon séjour, ma vie m'a prise le Dornien, mais qu'importe ? Il faut tous mourir, et j'ai goûté à l'épouse du Dornien.» 

Tout au long de son couplet, ses doigts s'étaient promener, par effleurement, le long de l'intérieur des mollets, puis des cuisses de la jeune prostituée. Ses doigts suivirent leur progression jusqu'au fruit défendu. Lorsque le Uller termina son couplet, ses doigts avaient aussi goûté, non pas à l'épouse du Dornien, mais à l'intimité de Céleste.

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Petite, j'ai appris que perdre n'était pas un choix que l'on pouvait prendre. Il faut toujours se battre. Se battre pour montrer ce que l'on vaut, se battre pour ne pas mourir, se battre pour ne pas sombrer. Petite, j'ai appris comment vivre. Depuis, j'essaie de survivre.
Ulwyck & Næra



De l'autre côté du détroit, ville de Pentos
Grande place
An 293, lune quelconque


« Céleste, Jouvencelle des Mers », cria-t-on.
La foule n'en pouvait plus. L'atmosphère qui régnait sur la place de la ville ce jour-là était soudainement devenue festive. Çà et là des cris étaient émis, des gens sifflotaient de vulgaires chansonnettes, contaient de vieilles histoires à propos de vierges que l'on profanait. Deux femmes étaient la cible de tous les regards ; Céleste et une seconde fille, plus jolie, plus heureuse, plus tout, qui se tenait à côté. Le coeur de la nouvelle Jouvencelle des Mers battait la chamade. Jamais elle n'avait souhaité arborer ce titre et souhaitait tant le décliner. À présent qu'elle était sur scène, aucun mot ne daignait traverser la frontière qu'étaient ses lèvres. Son esprit était tourmenté et prisé dans un mal de crâne ahurissant, tant elle ne supportait plus la foule et ses cris. Le Prince prit la parole, l'assemblée devint silence, mais Céleste ne put écouter. De toutes les personnes présentes, elle fut bien l'unique personne à ne pas entendre une de ses paroles. Elle avait beau être à proximité de lui, être probablement la cible de ses paroles, tout n'était que silence. Tout était devenu flou ; les bruits qu'elle entendait, les silhouettes qu'elle apercevait. Ses sens la lâchaient peu à peu, si bien qu'elle crut durant de longues secondes avoir perdu connaissance. Lorsqu'elle reprit ses esprits, elle était faite ; le Prince avait fait d'elle sa captive, elle était contrainte de le suivre. Un des hommes de sa garde rapprochée la tenait fermement. Céleste quitta la scène précédée du Prince, suivie par l'autre jouvencelle et d'autres gardes. Ils traversèrent la foule en un lent défilé, cible de tous les regards. Les hommes lorgnaient Céleste avec tant d'envie dans les yeux. Ils jalousaient le Prince, jalousaient les libertés qu'il s'offrait ainsi annuellement. Les femmes, quant à elles, étaient partagées dans deux camps bien distincts : certaines auraient tout donné pour être à la place de Céleste et pour partager la couche de cet homme tandis que d'autres, plus vieilles, la prenaient avec pitié, imaginant déjà le sang de la profanation.

* * *

De l'autre côté du détroit, ville de Pentos
Appartements princiers
An 293, lune quelconque


« Par laquelle vais-je commencer ? »
Sa voix, insupportable murmure, puait le désir. Tout était plongé dans une obscurité bien sordide, bien que le soleil, lui, soit aux zéniths. Tout semblait être constamment froid en ces lieux : meubles et atmosphère. Céleste n'osait croiser le regard de quiconque, que ce soit celui du Prince ou celui de l'autre fille. Si Céleste paraissait mûre du haut de ses quatorze années, ce n'était pas le cas de la seconde jouvencelle. Elle semblait avoisiner les onze printemps, mais personne n'en avait cure. « Toi. » Sa voix s'était faite autoritaire, cette fois-ci. Puissante même. Suffisamment pour arracher un frisson à la jeune Céleste qui fut bien obligée, par la suite, de relever le regard afin de vérifier quelle était la première victime de la journée. Soupire de soulagement, ce n'était pas elle. Devait-elle ressentir de la pitié ? Cette question ne traversa pas son esprit une seule seconde. Ses talons étaient déjà tournés et elle se dirigeait vers la sortie, avant que la voix de l'homme l'arrête sèchement dans sa démarche. « Où vas-tu ? » Encore sa répugnante voix. Silence. « Où vas-tu ? » répéta-t-il. Il était derrière elle, elle pouvait le sentir. « Ce serait une honte si tu t'en allais. Non, ma douce, je veux que tu restes, et que tu regardes. »

* * *

Port Réal
An 300, lune 6


Elle émergea soudainement de ses flash-back. Ses souvenirs s’étaient embrouillés, sa mémoire lui jouait des tours. Toutes les émotions qu’elle avait jadis ressenti aux côtés de ce Prince lui revinrent subitement. Ainsi avait-elle ressenti de la peur, de la colère, de la douleur et tant d’autres sentiments teintés de noir. D’une oreille inattentive elle entendit le dénommé Ulwyck s’adresser à elle. Il ne faisait que répondre à la question qu’elle venait tout juste de poser, et pourtant il lui semblait que des années s’étaient écoulées. Elle ne l’écouta pas réellement, et se contenta de se laisser manipuler comme une marionnette. Ainsi se retrouva-t-elle assise sur une chaise, tandis que l’homme qui lui faisait face avait tout le loisir de s’amuser avec elle. Tourmentée, elle était. « Aussi belle que le soleil était l'épouse du Dornien, et plus que le printemps chaleureux, ses baisers, mais d'acier noir était la lame du Dornien et chose effroyable que son baiser. » Le chant résonnait dans sa tête. Les agissements de l’homme parvinrent tout de même à lui arracher un doux frisson, tandis qu’en elle montait une sorte d’excitation. Elle ne savait plus ce qu’elle était censée ressentir. Était-ce envie ou crainte ? Tourmente ou désir ? Son corps réagissait positivement aux démarches d’Ulwyck, si bien que lorsqu’il traversa certaines frontières, quelques faibles gémissements quittèrent l’embrassure de ses lèvres. Il était habitué, elle ne l’était pas. Si cela avait été un combat, elle serait déjà morte. Elle devait se ressaisir, elle qui ne supportait pas même l’idée de faiblesse. Toutes ses pensées parurent avoir disparu soudainement : elle reprenait contrôle d’elle-même. Sa main se dirigea aussitôt sur le menton d’Ulwyck, qu’elle agrippa sans trop de fermeté afin de diriger son visage. Elle le poussa à l’approcher du sien et goûta à ses lèvres, dans un baiser fougueux. « Vous n’êtes pas piètre chanteur. Cacheriez-vous d’autres qualités ? » Elle savait ce qu’elle comptait faire à présent. Coucher avec lui ne faisait pas vraiment partie de son plan, mais si d’aventure elle en avait envie, elle finirait peut-être par le faire. Ou peut-être pas.



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An 300, Lune 6 - Port-Real



Naera de Brisevagues & Ulwyck Uller

A en juger par les gémissements de la prostituée. Ulwyck touchait au but. Ce n'était pas bien difficile pour lui. Il avait plus que l'habitude d'aventurer ses doigts dans ce genre de recoin. Ce n'était pas ses nombreuses partenaires qui risquaient de le contredire. La jeune femme attira son visage vers le sien et l'embrassa fougueusement ce qui était une invitation à poursuivre. Tout du long du baiser, les doigts d'Ulwyck restèrent actifs. Il ne prononça aucun mot et se contenta de hocher la tête, continuant quelques dizaines de secondes son petit jeu de doigts avant de se relever et de l'embrasser à nouveau avec fougue et sensualité. Cette petite avait quelque chose de particulier mais il ignorait encore quoi. Le jeune homme la fit se lever et l'amena sur le lit sur laquelle il la coucha. Il fit descendre sa robe à hauteur de son ventre pour dénuder sa poitrine et resta là quelques instants à contempler ses petits seins d'un regard affectueux et gourmand avant de venir la rejoindre pour partager un nouveau baiser emplit de cette fougue qui le caractérisait si bien. Il ne s'attarda pas sur ses lèvres car les siennes se déposèrent sur ses épaules, puis parcoururent sa poitrine et pour terminer leur course sur le ventre de la jeune femme, qu'il continua de caresser lorsqu'il reprit la parole.

«Tu n'as jamais vraiment répondu à ma question. As tu déjà eu beaucoup de clients de Céleste ? Tu as une poitrine très mignonne. Tu as beaucoup de charme. »

Il termina sa phrase et reprit son œuvre, couvrant de baiser le ventre de la jeune femme pendant que ses doigts frôlaient ses côtes, telle la caresse du vent ou de la soie. Saisissant finalement le tissu entre ses dents, il tira légèrement dessus, tel un animal cherchant à attirer l'attention avant de soulever les jambes de la prostituée de faire glisser la robe le long de celle-ci, la présentant totalement nue aux attentions du jeune homme. Glissant un bras entre ses jambes, il reprit son jeu de doigts, celui que Céleste avait semblé apprécié quelques minutes auparavant, lorsqu'elle avait gémit avant de l'embrasser. C'était une excellente façon de faire parler les gens.

«Tu avais l'air ailleurs toute à l'heure. A quoi pensais-tu ? Serais-ce moi qui te trouble à ce point. Je connais mes compétences en la matière mais tu n'as encore rien vu.»

Elle semblait en bonne santé et ne pas posséder de maladie dérangeante au niveau de la partie la plus intime de son anatomie. Le jeune homme l'embrassa à nouveau puis descendit ses baisers jusqu'à son jardin des plaisirs. Il se mouvait avec l'aisance et la sensualité d'un félin. Il y alla progressivement avant de donner le meilleur de lui même, laissant agir ses lèvres et sa langue pour prodiguer de nombreuses douceurs à la jeune femme. C'était une expérience des plus délicieuses pour une femme. Pour l'avoir expérimenter un nombre incalculable de fois, Ulwyck était loin de l'ignorer. Il prodigua ses bons soins pendant de longues minutes, sa langue agile comme une vipère du désert. Lorsqu'il eut terminé, il remonta le long du corps de la jeune femme avec sa langue pour terminer son œuvre par un baiser langoureux. Ici, elle n'avait pas encore réussit à allumer le feu de la passion en lui et il adoptait une démarche assez instinctive et expérimentées. La question était de savoir si elle allait réussir à allumer le feu en lui par l'intermédiaire de celui qu'il avait essayé de bouter dans le corps de la jeune femme ou allait-elle continuer à se laisser faire ?

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Petite, j'ai appris que perdre n'était pas un choix que l'on pouvait prendre. Il faut toujours se battre. Se battre pour montrer ce que l'on vaut, se battre pour ne pas mourir, se battre pour ne pas sombrer. Petite, j'ai appris comment vivre. Depuis, j'essaie de survivre.
Ulwyck & Næra



Port Réal
An 300, lune 6


« Tu n’as jamais vraiment répondu à ma question. As-tu déjà eu beaucoup de clients Céleste ? Tu as une poitrine très mignonne. Tu as beaucoup de charme. » Elle accusa les deux compliments d’un sourire tandis que la question, quant à elle, la laissait quelque peu songeuse. Avait-il remarqué quelque chose ? Bien qu’elle n’ait été vraiment discrète, avec ses rêveries et son flux incessant de pensées. S’était-elle un jour figurée qu’elle en arriverait là ? À vendre son corps en échange de pièces ? Disons qu’elle ne s’était jamais réellement projetée dans l’avenir étant donné que par le passé, l’idée même d’un lendemain différent semblait être terriblement chimérique. Maintenant qu’elle en était à ce stade de son existence, les choses avaient quelque peu changées et ses sentiments étaient différents. À vrai dire, son arrivée dans ce bordel semblait avoir changé ses plans d’avenir. Elle avait troqué sa situation de mendiante pour un environnement bien plus stable que tous ceux qui avaient précédé. Elle devait une fière chandelle à l’homme qui était venu la dépêcher des rues du Culpucier pour l’emmener à cet endroit, où elle pouvait demeurer nourrie et logée. Après tant d’années, elle redécouvrait le sentiment d’avoir un semblant de confort ainsi qu’une situation qui se promettait d’être stable. Peut-être devait-elle arrêter de se poser toutes ces questions et faire ce qu’elle devait faire, ce pour quoi elle était payée.  Soucieuse, elle se mordit les lèvres et, tout en songeant à lui trouver une réponse adéquate, elle se laissa manipuler. Elle était à présent allongée sur le lit, en-dessous du jeune homme, sa poitrine nue. Elle n’abandonnait pas son sourire. « On m’avait conseillé de mentir à ce sujet, mais je préfère être honnête avec vous. Vous êtes mon premier client, l’auriez-vous par hasard remarqué ? » Elle lâcha un rire délicat, qu’elle ponctua par un léger sourire. Quant à sa seconde question, elle était encore moins sûre de la réponse qu’il fallait lui donner. « Je pensais à beaucoup de choses, en vérité. » Elle le suivait du regard, tandis qu’il s’orientait en direction de son intimité. Elle était parcourue de temps en temps par des frissons de plaisir, tandis qu’en elle une envie montait rapidement. « Peut-être devrais-je m’excuser pour mes rêveries ? Ce n’était pas vraiment professionnel de ma part. » Sa phrase fut entrecoupée de soupires de plaisir, puisqu’Ulwyck commençait son œuvre. Elle était bien loin de la véritable Céleste, à proposer des excuses de la sorte, mais cela faisait partie du rôle qu’elle endossait en travaillant dans cet endroit. Elle n’était pas idiote, elle savait ce que les hommes attendaient dans ce genre d’endroit. Ils cherchaient de l’attention, mais aussi à ressentir le sentiment d’être écouté, d’être important aux yeux d’une demoiselle. Elle voulut ouvrir la bouche, mais sous le traitement du jeune homme, il lui était impossible de parler correctement. Elle abandonna donc, le laissant poursuivre sa quête, tandis qu’elle s’accordait quelques temps pour tout simplement profiter. Lorsqu’il eut terminé, le cœur de la jeune fille battait la chamade et elle était passée par un long chemin de plaisir.
Elle n’allait sûrement pas se laisser faire bien longtemps. Contrairement à ce qu’il avait pu croire d’elle jusqu’à présent, Céleste était plutôt du genre à prendre le dessus. Et c’est ce qu’elle fit. D’un mouvement de hanche maîtrisé, elle inversa leur position pour se retrouver au-dessus de lui, à califourchon sur son bassin. « Mais cela n’as plus aucune importance, vous avez fait disparaître ces quelques rêveries frivoles. » Elle se pencha pour goûter à nouveau ses lèvres, mais s’échappa rapidement pour entamer elle aussi une manœuvre descendante. Elle suivit les traits de ses muscles en y laissant une trainée de baisers ardents. « Et si tu me racontais ton histoire ? Tu n’es pas comme les autres hommes de cette région. Je veux dire, physiquement. Je ne suis pas là depuis bien longtemps, mais je l’ai remarqué. » En vérité, elle ne s’intéressait pas le moins du monde à cet homme, et pourtant, elle montrait tout le contraire. Elle semblait réellement envieuse de connaître son histoire, de l’entendre la raconter. Et puis, c'était peut-être sympas à écouter. C’était cela qu’elle faisait, Céleste, elle manipulait les hommes. Plus le temps passait, plus elle sentait qu’elle était au bon endroit. Elle adoptait les bons comportements, usaient des bonnes recettes. Elle continua ses baisers, en les rendant toujours plus langoureux. Elle y allait lentement, elle cultivait la patience du jeune homme. Elle usait de ses charmes et s’amusait à titiller l’excitation que son client ressentait. Par pure pulsion sadique, elle fut tentée de le laisser là, bredouille, et de s’en aller. Cette pensée ne dura que quelques secondes, bien sûr, mais elle apparut.
Lorsqu’elle eut la sensation d’avoir suffisamment testé la patience d’Ulwyck, elle cessa les baisers et se redressa légèrement afin d’entamer un ultime acte ; celui de retirer les derniers vêtements. Elle ne mit pas longtemps avant que tout le tissu ne se retrouve au sol, laissant ainsi les deux êtres se découvrir mutuellement. Puis, sans vraiment plus de cérémonie, elle reprit ses baisers jusqu’à atteindre son but. Elle écoutait les paroles du jeune homme d’une oreille attentive, tandis qu’elle commençait d’abord par de légères caresses sensuelles sur l’intimité du jeune homme. Puis elle joignit ses mains et finalement ses lèvres. Est-ce que cela lui plaisait ? La question ne devait se poser. C’était un des compromis qu’elle avait dû faire, son plaisir passait en second plan à présent. C’était là l’essence même du métier ; il fallait donner sans jamais avoir l’intention de recevoir. Mais à nouveau, ce qu’elle pensait de tout cela ne se percevait et ne se ressentait pas. Au contraire, elle semblait satisfaite de le faire. Elle simulait même une volonté personnelle. Céleste était le genre de fille qui savait parfaitement ce qu’on attendait d’elle et qui, si elle y voyait une motivation suffisante, l’accomplissait avec succès. Cette motivation, c’était l’argent, et face aux autres, c’était la plus importante à ses yeux. Car bien avant tout cela, c’était une femme avide.



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Rencontre dans les bassesses

An 300, Lune 6 - Port-Real



Naera de Brisevagues & Ulwyck Uller

Bien que la jeune femme ne se soit pas montrée des plus entreprenantes, Ulwyck s'était douté qu'elle n'avait pas énormément d'expérience au sein de ses murs pour la simple et bonne raison qu'il n'avait jamais aperçu son visage parmi toutes les catins qui travaillaient dans ce bordel. Prenant quelques instants pour répondre, avant de continuer son oeuvre, le Uller parla rapidement.

«Un peu ... je ne t'avais jamais vu ici et pourtant cela fait quelques temps que je m'amuse à traîner dans cet endroit. Tu risques de regretter de m'avoir eut pour ta première journée. Les autres clients te paraîtront si fade après m'avoir goûté !»

La prostituée avait du mal à parler. Cela n'avait pas échappé aux oreilles attentives du jeune homme. Elle gémissait sous ses attentions ce qui signifiait qu'il ne la laissait pas indifférent. A force de traîner dans les bordels, vous finissez par reconnaître quelle femme prend vraiment du plaisir et quelle femme donne simplement dans le jeu d'acteur, espérant ainsi donner à leur client ce qu'il était venu chercher entre leurs cuisses. Sa technique était rodée et lorsqu'il eut terminé la jeune femme sembla reprendre de la fougue puis qu'elle fit en sorte de se retrouver au dessus de lui, lui donnant une vue plongeante sur ce corps qu'il désirait maintenant prendre. Pourtant ce ne fut pas ce que la jeune femme semblait avoir prévu. Elle lui parla de sa rêverie et Ulwyck n'hésita pas à répondre du tac au tac.

«Tu n'es pas la première, et sûrement pas la dernière, qui me confère de tel pouvoir, Céleste. Tu semblais grandement apprécier mon traitement comme si tu n'avais jamais goûté à pareils délices ?  »

Le Uller sentit les lèvres de la jeune femme parcourir son torse. Céleste semblait s'appliquer à la tâche et le Chevalier de Denfert ne montra aucune résistance face à ce doux supplice. Elle lui demanda de raconter son histoire mais Ulwyck ne parla pas, s'appliquant plutôt à regarder la jeune femme s'affairer sur son corps. Au lieur d'ouvrir la bouche, il laissa ses mains caresser les cheveux de la prostituée, ses épaules, son dos, ses côtes, allant d'un simple effleurement du bout des doigts, à des gestes plus langoureux. La brune finit par retirer le pantalon du Uller et commença à s'intéresser à sa virilité, d'abord avec ses mains et puis avec ses lèvres. La jeune femme sembla mettre du cœur à l'ouvrage. Ce fut à ce moment qu'Ulwyck décida de narrer son histoire, tout en laissant échapper quelque soupires de plaisir.

«N'y a t-il pas position confortable pour raconter son histoire ? Je viens de Dorne, la région la plus au Sud de Westeros. J'ai grandi à Denfert, un château qui se situe près de la source du Souffre, un petit fleuve. Un fleuve des plus particuliers. Ses eaux sont jaunes et fumeuses et elles puent. Réellement ! Il faut le sentir pour le croire. Denfert se situe au milieu du désert. Tu as déjà vu un désert ? C'est magnifique ! J'ai longtemps fréquenté la cours du Prince de Dorne. J'étais l'Amant de Cœur de sa fille aînée et héritière. Oh je n'ai aucun mot pour te décrire sa beauté, ni les prouesses qu'elle était capable d'accomplir avec son corps. Tu dois te demander ce qu'est un Amant de Cœur ? C'est ce qu'on appellerait chez vous un concubin illégitime mais qui possède une certaine reconnaissance. Je viens d'une région libre d'esprit et indomptable, comme l'est mon désert. Tu as déjà été à Dorne ?»



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Rencontre dans les bassesses


Petite, j'ai appris que perdre n'était pas un choix que l'on pouvait prendre. Il faut toujours se battre. Se battre pour montrer ce que l'on vaut, se battre pour ne pas mourir, se battre pour ne pas sombrer. Petite, j'ai appris comment vivre. Depuis, j'essaie de survivre.
Ulwyck & Næra



Port Réal
An 300, lune 6


Les promesses du dornien la faisaient sourire. Il n’avait décidemment rien de modeste, cela se lisait sur lui et s’entendait à sa façon de parler. Il faisait partie de ces hommes qui vous possédaient, qui faisaient de vous leur chose en deux temps trois mouvements. Sans doute était-ce monnaie courante dans ce genre d’endroits, bien que cela ne choquait pas vraiment la jeune femme. L’attitude qu’il adoptait avec elle n’était pas différente de celles qu’avaient les autres hommes, ceux qu’elle avait connu par le passé. Que ce soit le prince qui lui vola jadis sa virginité, le chef de la troupe de Myr dont elle fut obligée d'être l'amant secrète, le groupe d’hommes qui l’achetèrent aux enchères ou le présent Ulwyck, tous se rejoignaient sur un point : ils avaient fait de Céleste leur chose. Elle ne tenait aucune rancune pour Ulwyck, contrairement aux autres. Si par le passé elle avait tenté de se rebeller, elle avait fini par abandonner. À être traitée de la sorte, elle n’avait jamais connu de véritable amant. Elle n’avait jamais partagé la couche d’un homme parce que tel était son choix. Elle considérait le traitement que lui administraient les hommes comme de la normalité. À dire vrai, le temps l’avait conditionnée. Elle avait une idée du sexe archaïque, pensant qu’il ne pouvait être guidé que par le pur et simple désir masculin. Avoir le choix de son amant semblait frivole : si ce n’était pas pour y gagner quelque chose, à quoi cela servirait ? Ses amants passés l’avaient usée et l’expérience l’avait rendu idiote. Ce bordel n’allait rien arrangé à sa situation. Mais ce constat, elle le ferait bien plus tard. « Nous reparlerons de la qualité de vos délices une fois ceux-ci achevés, qu’en pensez-vous ? » Elle n’était pas si facilement déconcentrée lorsqu’elle était à l’œuvre, et elle œuvrait bien, sans laisser transparaître ses tergiversions. Si elle fut perturbée un instant, ce n’était qu’à cause d’une terrible question qui s’empara d’elle : faisait-elle tout cela bien ? Si en premier temps elle n’avait pas désiré le faire, elle remettait à présent ses 'talents' en doute. C’était plus une question de fierté pour elle, que de le satisfaire. Une façon pour elle de se sentir maître de sa vie, de sa situation. Elle devait avoir l’impression de pouvoir tout faire à tout moment, de pouvoir se sortir de n’importe quelle occasion. Son passé le lui avait obligé : elle avait dû trouver stratagèmes, artifices et subterfuges rusés pour se sortir de certaines situations. Pour celle-ci, il était question de résistance, pas de fuite. Elle devait jouer de ses sens pour plaire et agir pour donner du plaisir. C’était la seule clé de la réussite, le chemin qu’elle devait emprunter si elle désirait se faire de l’argent dans cet endroit. Probablement que les choses se déroulaient ainsi, par pur bouche à oreille. Il fallait donner bonne impression, cela était nécessaire. Ne pas trop avoir l’air d’être une novice et dégager un air sûr de soi.
Elle était belle, Céleste. Le corps entièrement nu, les cheveux détachés : rien n’y faisait, elle ne semblait pas vulgaire, elle demeurait pure. Pourtant dans sa tête régnait pensées lubriques et envies charnelles. Sa chevelure qui tombait sur son dos dénudé, sa peau immaculée et ses douces lèvres mauves. Elle savait que ce qu’elle faisait n’était pas mauvais, elle comprenait petit à petit comment ce petit monde fonctionnait : comment satisfaire les hommes et obtenir son dû. Elle n’était plus l’idiote qui avait accueilli le dornien dans la grande salle du rez-de-chaussée : elle était la putain qui le servait dans la chambre à l’étage. De tous les hommes de tous les bordels, il était son client. De toutes les femmes de tous les bordels, elle était sa servante. Leurs chemins s’étaient croisés pour être scellé dans cette chambre : elle y mettrait du sien pour que l’univers n’agisse pas dans le vent. Sans doute était-ce cela, l’état d’esprit qu’elle devait avoir, et elle ne le comprit que maintenant, en écoutant le récit de l’inconnu. Elle l’écoutait réellement pour une fois, était attentive aux histoires qu’il lui contait, son histoire. Elle entendait des mots inconnus, des régions qui semblaient éloignées, des logiques qui lui étaient inconnues. Lorsque l’homme s’arrêta, elle le fit aussi, puisqu’il l’invitait à le faire. À nouveau, les positions étaient inversées, et elle se retrouvait au-dessous. Si elle aurait préféré rester au-dessus, elle ne devait pas le montrer. Après tout, le client était roi – ou, dans le cas présent, il était prince. Le baiser attisa sa curiosité, tant il était fougueux, mais il libéra chez elle une excitation équivoque à sa passion. Si elle n’avait aucune idée d’où il venait, son caractère et ses gestes lui firent deviner que c’était une région chaude et aux mœurs plus ouvertes qu’ici, à Port-Réal – et ce, avant qu’il n’ait eu le temps de préciser que c’était une région libre et indomptable. Pour avoir fréquenté quelques personnes de la capitale, elle devinait assez vite que beaucoup de sujets étaient tabous et que, pour une bonne partie de la population, la foi était solide et inébranlable. Ce constat avait néanmoins été tacheté par l’hypocrisie de cette même population, que l’on retrouvait constamment aux différents bordels de la ville. Mais Ulwyck, lui, semblait être un habitué. Il semblait avoir des mœurs bien plus légères que les autres, du moins, pour ce qu’elle en connaissait. Non, Céleste ne savait pas d’où il venait, ni ce que Dorne pouvait bien être comme genre d’endroit, mais elle était maligne. Son souffle se coupa lorsqu’il acheva leur union corporelle, et quelques murmures de plaisir glissaient hors de ses lèvres. En entendant ses questionnements, elle paniqua quelques instants, puis émit un léger rire pour ne pas paraître trop embêtée. Pendant qu’il était occupé à pratiquer son art, elle réfléchissait au sien : le mensonge.
« Ma vie n’est pas bien intéressante. Mais vous avez bien raison, je ne viens pas d’ici. À vrai dire, pour répondre à vos précédentes questions, je ne connais pas Dorne. Je n’ai jamais vu de désert, du moins pas comme il doit en avoir à ce Dorne. Je n’y ai jamais mis les pieds, et pour dire vrai, je ne suis jamais allée en dehors de cette ville. Je viens de l’autre côté du détroit, d’une famille modeste. Mes parents ont pensé que je devais commencer une nouvelle vie. Ils m’ont mises sur un bateau et me voilà, fraîchement arrivée sur ces nouvelles terres. J’entends les gens appeler ça Westeros, et cette ville Port-Réal. Je me plais ici, je pense que je vais rester bien longtemps. » C’était une histoire fictive, mais de sa bouche, cela sonnait si juste. Son récit n’avait cessé d’être entrecoupé de gémissements et autres murmures. Elle avait fermé ses yeux, tandis qu’elle aussi mouvait son corps contre celui du dornien. Ses mains venaient tantôt caresser son dos, tantôt le griffer. Après s’être improvisée un passé, elle fut perturbée par ses derniers mots, qui s’étaient échappés de sa bouche bien trop rapidement. Une lourde question se souleva dans sa tête : allait-elle rester ici ? Encore longtemps ?



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Rencontre dans les bassesses


Petite, j'ai appris que perdre n'était pas un choix que l'on pouvait prendre. Il faut toujours se battre. Se battre pour montrer ce que l'on vaut, se battre pour ne pas mourir, se battre pour ne pas sombrer. Petite, j'ai appris comment vivre. Depuis, j'essaie de survivre.
Ulwyck & Næra



Port Réal
An 300, lune 6


« Sûrement désapprouveraient-ils ce que je fais de mon temps sur ces terres, mais je dois avouer n’en avoir cure. Mais nous ne sommes pas là pour parlementer à propos de ma mère et de mon père, le sommes-nous ? » Elle se sentait étrange à présent. Parler de sa mère de la sorte, comme si elle était encore en vie lui procurait un doux sentiment. Ce n’était pas saint, mais en songeant à l’histoire qu’elle venait de s’approprier, son cœur se réchauffait. Il lui était courant de mentir, mais elle ne s’abandonnait jamais à tant de bassesses émotionnelles. Il était parvenu à lui faire penser à tout cela, à ses paternels, tandis qu’il s’agitait au-dessus d’elle. Une nouvelle fois, elle dut se retenir et ne rien laisser transparaître. Elle le regarda quand il le fallait, sourit à ses quelques fins mots et laissait échapper de continuels râles de plaisir. Sa seconde question ne s’éloignait pas vraiment des sujets sensibles, mais la simple évocation de la Citée libre de Lys contribua à l’élargissement de son sourire. « Tout m’a l’air plus aisé, là-bas. Ces terres, celles de Westeros, elles semblent froides. Violentes. Comme si l’on devinait l’héritage historique sanglant qu’elles recèlent. Je ne la connais pas, cette histoire, mais elle semble tachée de sang. Là d’où je viens, nous sommes plus libres. Ici, j’ai l’impression que la survie de quiconque est une bataille. Je me pose des questions sur ces terres que je ne me suis posée nulle part ailleurs. » Elle avait parlé avec tant de facilités qu’elle en fut étonnée. Pensait-elle réellement tout cela ? Ou était-ce la continuité de son récit fictif qu’elle avait entamé précédemment ? Elle n’en était plus vraiment sûre. Elle était parvenue à se tromper elle-même. « … Mais ne vous méprenez pas. Je ne suis pas prête à repartir, je n’ai pas envie de repartir. Je suis certaine que ces sombres terres possèdent mille occasions. » Elle fut prise d’un léger rire. « Vous devez me trouver bien sotte, de parler d’occasions, moi qui ne suis qu’une putain quelconque dans un bordel quelconque. Mais je compte bien tirer mon épingle du jeu à un moment ou à un autre. Je vous en fais le pari. » À présent était-elle vraiment sincère, et elle ne le savait que trop bien. Ces quelques derniers mots relevaient parfaitement d’elle, du véritable elle. Ce n’était plus Céleste qui parlait, mais la nouvelle Naera, qui avait plus d’ambitions que de raison. Peut-être cela s’était remarqué dans sa voix, ce changement subit de sincérité. Elle se sentait en sécurité dans ce lit. Ce n’était pas un sentiment épris d’émotions, d’amour ou même d’affection, c’était un réflexe. Sous sa forte emprise, ses gestes expérimentés et son regard rassurant, elle ne craignait plus grand-chose. Dans la chaleur des draps et le bouillonnement corporel, au milieu de la lourde atmosphère charnelle et des effluves des corps, il y avait de quoi être confortable. Les menaces extérieures n’étaient plus, ou ne semblaient plus être. C’était une parfaite illusion, mais elle était plaisante. Elle se perdait avec lui, reprenait ses esprits, puis s’oubliait une nouvelle fois. Elle répétait ce schéma continuellement, et rien n’était plus agréable que lorsqu’elle s’oubliait. Elle était tantôt frisson, tantôt gémissement.  
Si les forts hommes guerroyaient sur des champs de bataille, les plus beaux d’entre eux s’attelaient à d’autres sortes de guerre, celles que l’on gagne sous les draps. Dans les deux cas, les aspirations étaient les mêmes : être en position de pouvoir. C’était de cette façon que Naera envisageait les choses. Ce qui se passait dans les chambres de cet établissement n’était que batailles. Lorsqu’elle se vit obtenir les pleins pouvoirs, cela changea la donne. Elle ne laissa qu’une poignée de secondes s’écouler avant de véritablement prendre les rênes. Sans grand étonnement ni même grande cérémonie, elle inversa leur position et confirma alors sa position de maître du jeu. Elle n’était pas sainte, mais elle en donnait l’air. Elle n’était pas expérimentée, mais elle en donnait l’air. Finalement, elle n’était que cela : un air, tantôt sous une forme, tantôt sous une autre. Elle avait cette habilité de pouvoir enfiler de nombreux rôles et elle en usait à outrance.
En dessous d’eux, la salle d’accueil vivait ses plus belles heures de la journée. Il y avait cette fameuse heure qui était celle de pointe, où la réelle compétition débutait. Les plus belles filles du bordel étaient mises en avant, servies aux premiers clients. Car cette compétition ne prenait pas ses formes les plus fines au sein des prostituées, mais elle le faisait auprès des clients. Eux aussi étaient en connaissance de cause : la terrible loi du ‘premier arrivé, premier servi’ sévissait et il fallait le prendre en considération, au risque d’hériter d’une fille de bas-de-gamme. C’était cruel, mais humain. Injuste mais logique, explicable mais discutable. À la droite de leur chambre, une jeune fille prénommée Verveine vivait les mêmes instants que Naera, contrairement à Lyana qui, dans la chambre d’en-face, terminait sa besogne. Pour ainsi dire, le bâtiment entier vivait, sans se soucier de la chambre de la Jouvencelle. L’histoire de Naera et d’Ulwyck était celle d’une prostituée et de son client, une histoire banale, connue et reconnue de tous. Ce fut cette banalité qui dérangea la jeune fille en premier lieu. Si à cet instant elle songeait à cela, ce n’était-là que l’amorce d’une longue réflexion qui aurait lieu par la suite. Un long chemin cérébral qui mènerait à sa fuite du bordel, pour la guider ensuite vers d’autres horizons. Mais l’instant ‘zéro’, la préface de sa vie dans le Royaume débuta là, dans cette banale chambre, avec ce banal client.
Leurs ébats durèrent bien longtemps. De longs moments de plaisir éprouvés des deux côtés : Naera avait pris le dessus et s’était assurée de garder cette place. La besogne terminée, les climax dépassés et le souffle coupé, elle se glissa sur l’autre côté du lit, tentant désespérément de reprendre le rythme de sa respiration. Elle souriait, couverte de quelques tissus qui faisaient office de couverture qu’elle tenait fortement, comme si sa notion de la nudité lui était revenue soudainement. Allongée aux côtés du dornien, qui était dans le même état qu’elle, elle s’interrogea sur la suite des événements. Que devait-elle faire à présent ? Réclamer son dû ? Cela sonnait si mal dans sa tête. Pendant quelques secondes, elle voulut s’éclipser sans rien ne lui demander, pour ne pas ressentir la sensation désagréable d’être une putain, qu’elle voyait arriver à l’approche de sa paye. Mais elle resta là, en pensant que lui saurait probablement que faire. Après tout, c’était lui l’habitué, pas elle.



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Rencontre dans les bassesses

An 300, Lune 6 - Port-Real



Naera de Brisevagues & Ulwyck Uller

Parler de son passé ne semblait pas être la chose qui l'intéressait le plus. Céleste lui avait donné l'impression d'être plus intéressée par l'histoire du Uller que par sa propre vie, qu'elle connaissait forcément déjà mieux que quiconque. C'était somme toute normale. Lorsque l'on rencontrait « la fierté de Dorne », on en sortait pas totalement indemne. Il ne pût que la contredire lorsqu'elle parla de terres froides.

«Quitte ce bordel et part à Dorne. Tu découvriras que ces terres sont aussi chaudes que ton corps et bien plus, Céleste. Le sang doit couler, c'est nécessaire. C'est le sel même de la vie. Pour connaître les plaisirs charnels, une femme doit offrir sa vertu et saigner. Ainsi elle découvrira un nouveau monde de sensation et donnera peut-être la vie.»

Sa théorie était très personnelle et en partie inventée sur l'instant. Le Uller n'avait jamais été un grand penseur ni un grand philosophe. Il lui lança un regard de défi comme pour répondre à sa proposition de pari.

«Je ne parierai pas avec vous. Les hommes sous-estiment souvent les femmes dans ces contrées. J'ai vu des putains plus nobles d'esprit que ne le seront jamais des dames bien nées. J'ai vu des femmes de hauts-rangs bien plus lubriques que la plus vulgaires des catins. J'ai vu des femmes dominer des hommes en combats. Vous êtes capables d'accomplir ce que vous désirez, si vous vous en donnez les moyens. J'ai toujours tailler mon destin, avec ma lame et ma queue. A chacun ses armes.»

Le Uller comme promit, lui laissa les rennes de leurs ébats. Y avait-il un plus beau spectacle qu'une femme qui prenait l'autorité et se donnait à fond ? C'était un spectacle aussi agréable pour son bas ventre que pour les yeux. Il avait trouvé en elle, une partenaire de qualité qui lui fournissait suffisamment de divertissement par rapport à toutes les autres prostituées qu'il avait lutiné depuis son arrivée à Port-Réal. Céleste était une dame d'une beauté à la fois discrète et innocente mais dans cette position et cet état d'excitation mutuel, elle lui semblait susciter chez lui une attirance que peu de femmes pouvaient se vanter d'avoir provoquer en lui. Quelle ne fut pas satisfaction de trouver en elle une partenaire qui se révélait au final à la fois entreprenantes, compétentes et endurantes. Ils firent durer le plaisir un long moment qui ne parut pas si court pour le Uller étant donné qu'il ne vit pas le temps passer. Ils reprenaient leur souffle et il remarqua qu'elle se tenait de lui. Le Chevalier se rapprocha alors d'elle et passa un bras autour de sa taille tout en lui se frayant un chemin pour bécoter l'une de ses épaules nues.

«Tu m'as creuser l'appétit Céleste. Je prendrai bien un bon repas. Si tu savais comme les épices de Dorne  me manque. Si on était à Dorne, je t'aurai emmener manger de délicieuses merveilles mais je dois t'avouer que je ne connais pas de bonnes adresses dans cette ville puante.»

Il l'enlaça contre lui quelques minutes, ne disant rien, laissant le silence s'installer. Il respirait l'odeur de ses cheveux et de sa peau calmement. Il avait toujours été un goujats après s'être envoyé en l'air, s'endormant souvent ou faisant mine de s'endormir pour qu'on ne l’entraîne pas dans une longue conversation. Naera faisait exception et rentrait dans le groupe très fermés des femmes qui pouvaient se vanter de susciter encore son intérêt après l'acte. Il se leva et sortit du lit, passant à sa hauteur pour récupérer ses vêtements, il se baissa pour déposer un baiser sur ses lèvres. Un baiser fugace et doux comme la soie.

«Je le dis rarement et l'avoue rarement mais tu es une femme qui vaut le détour ! J'ai côtoyé et lutiner beaucoup de prostituée et tu n'es pas une putain. Tu ne fais pas l'amour comme une putain mais avec tes tripes. Tu es une véritable femme, sûre d'elle et de sa sensualité. Si un jour tu cherches à faire autre chose de ta vie, demande moi au Donjon Rouge ou si tu te rends à Dorne, arrête toi à Denfert ou chez les Allyrion et dis que tu viens en mon nom.»

Complètement habillé, le Uller se saisit de sa bourse et déposa les pièces nécessaires à sa prestation, sur la table de nuit. Il en déposa encore, bien plus que nécessaire. Presque trois et demi le prix habituel.

«Et le reste c'est un cadeau. Met le de côté, si un jour tu songes à changer de vie. Si jamais tu connaît un endroit où on peut manger quelque chose de correct, tu peux me suivre et me montrer. Cela me ferait plaisir de passer un moment avec toi dans un autre cadre que celui-ci. Tu es libre de ta destinée Céleste. C'est toi qui choisit ce que tu veux être et ce que tu veux faire. Et si jamais, je repasserai te voir à l'occasion.»

Se baissant une ultime fois, il lui offrit un baiser passionné avant d'ouvrir la porte et de lui faire signe de le suivre ou de rester là. Qu'elle le suive ou non ne changerait rien pour lui. Encore fallait-il qu'elle sache ce qu'elle perdait en ne le suivant pas. Le jeune homme tourna alors les talons. Seul le destin et la volonté de Céleste pouvait dire s'ils se reverraient un jour.

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