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Sirène et Kraken [PV Euron]

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Sirène et Kraken

   
Blancport, lune 5, an 300

   


   
Euron & Wylla

    Je dévalais les escaliers de Chateauneuf sous les cris de ma mère qui me demandait de remonter pour assister à une leçon encore barbante. J’ignorais sur quoi cela portait mais j’en avais guère envie et ce n’était pas elle qui me ferait plier, ni mon père. Mon grand-père avait cessé l’espoir de me faire un jour apprendre les leçons pour être une lady parfaite comme pouvait l’être ma sœur Wynafryd. Il ne fallait pas rêver non plus. Je voulais bien m’assagir un peu, m’intéresser d’avantage à la politique et la diplomatie mais me transformer en statue de glace pour coudre et minauder devant les nobles que pouvaient recevoir la maison Manderly, c’était hors de question. J’avais réussi à leur faire accepter ma chevelure verte alors désormais j’allais leur faire accepter mon caractère de feu, et s’ils n’étaient pas content, ils n’avaient qu’à pas venir à Blancport.

Je croisais mon grand-père dans ma course folle ce qui me fit nettement ralentir voir m’arrêter. Il était toujours aussi énorme et il inspirait toujours autant le respect. Il était le seul à pouvoir me calmer dans mes colères et mes envies d’escapades. En entendant sa belle-fille hurler pour que je remonte, il leva les yeux au ciel. « Il faudra un jour qu’elle comprenne » râlais-je devant l’air amusé de mon grand-père. « File, je m’en occupe bourrique. »  Un large sourire vint scinder mon visage et je l’embrassais sur la joue avant de continuer ma course. J’attrapais une cape que me tendait un serviteur, afin de me protéger du froid. La neige avait cessé de tomber et le soleil qui était dans le ciel limpide l’avait même fait fondre, mais les températures restaient néanmoins glaciales et le vent iodé n’arrangeait rien. Mais je m’en fichais royalement, j’étais chez moi, à la maison.

Aujourd’hui j’avais envie de vagabonder sur le port de Blancport. Mais d’abord j’allais chercher une amie issue du peuple. Ce n’était pas parce que j’étais noble et elle roturière que nous ne devions pas sympathiser. Après l’avoir entraîner dans mon sillage, nous allions sur le port, où le temps clément était favorable au commerce. De nombreux vaisseaux marchants avaient mouillé dans la baie pour délivrer leur cargaison à terre et espérer en tirer un bon prix. J’étais toujours impressionner par la taille des bâtiments, par la force des marins grimpant au mat pour attacher les voiles, leur main calleuse faisant des nœuds avec rapidité et précision. Une odeur nauséabonde de poisson, d’urine et de sel régnait mais cela ne me dérangeait pas. J’adorais voir cette activité qui était caractéristique à Blancport. Nous étions le principal point de commerce du Nord, cela faisait notre richesse. Certains marins et capitaine me saluait, reconnaissant ma tresse verte qui reposait sur mon épaule. J’avais cette sensation de liberté, une sensation que rien ne pouvait venir m’entraver. Aucune règle, aucune étiquette. Je ne risquais pas grand-chose, la garnison de la ville était toujours sur place lors des jours de beau temps afin d’assurer la sécurité du peuple et des marchands.

J’entendis houspiller un marin, râlant à coup de cri donnant l’impressionnant qu’on égorgeait un porc. Curieuse comme à mon habitude, il était en face d’un homme grand, costaud qui semblait pas vraiment impressionner par les hurlements. Il était borne mais malgré ce détail, il n’en restait pas moins impressionnant et il ne donnait guère envie qu’on aille lui chercher des noises. Sauf ce marchand qui semblait hors de lui. Je m’approchais donc à moitié hilare. Le marin voyant ma chevelure verte su en un claquement de doigts mon identité, une sirène aux cheveux verts ne passaient que rarement inaperçu.« Ah l’dy Wylla. C’te bougre de borgne a pris la place d’mon vaisseau. Il ne veut pas s’bouger son cul de là pour déplacer sa carcasse. Dites le lui de se déplacer l’dy Wylla. J’vous offrirais mon meilleur poisson. Vous ne pourrez pas trouver m’lleur qualité l’dy Wylla. » J’éclatais d’un rire franc. Il était naïf. L’homme borgne m’intriguant particulier, je décidais d’envoyer paître le gueulard.
« Comme tu le dis si bien je suis un l’dy. Je n’ai pas besoin de ton poisson. Vas te trouver une autre place pour ton navire de pacotille ! La place ne t’est pas réservée. Allez déguerpis au lieu de beugler pour rien ! C’est pas comme ça que t’obtiendra gain de cause. »

Vexé il s’éloigna surement en me maudissant tandis que mon amie dernière mois était toujours aussi hilare. Je me tournais vers le borgne toujours aussi curieuse, me fichant bien de son identité ou de ces capacités. « Vous êtes qui ? Surement pas un marchand vu votre accoutrement. Vous semblez être un guerrier, vous v’nez de quel contrée ? On a pas l’habitude d’avoir des gens de votre carrure ici.» Je n'avais aucun scrupule et j'y allais avec mon franc parlé habituel.

   

   
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Sirène et Kraken

Blancport, lune 5, an 300



Euron Greyjoy & Wylla Manderly

La blanche lumière de l'hiver caressait les eaux noirâtres, s'y reflétant en autant d'éclats immaculés et illuminant les façades des habitations qui longeaient les docks. Blancport avait toujours bien porté son nom, et sa réputation d'oasis nordien ne pouvait qu'être confirmée par le boucan qui y régnait ce jour. Sur les quais, on se bousculait joyeusement, dans l'ivresse soulagée de ceux qui avaient traversé le Détroit et pouvaient enfin commercer ainsi qu'ils l'entendaient, fermant leurs mains sur les pièces d'or, d'argent et des marchandises diverses. Les odeurs portées par le vent froid emplissaient les narines du Greyjoy qui traversait le pont de son propre navire. Sel, pierre encore humide de la neige fondue, fragrances d'épices refroidies par l'air glacé du Nord, sueur, poisson. Le tout marquait l'identité du port, dont la rade était pleine à craquer de vaisseaux bigarrés. Quelque part par dessus l'amoncellement impressionnant d'échoppes et de navires amarrés on pouvait entendre le rythme régulier du marteau des armateurs qui réparaient les bâtiments qui devaient bientôt reprendre la mer. L'automne avait pris fin, mais si les tempêtes s'étaient enfin raréfiées, au grand soulagement des marins, celles de l'Hiver surpassaient leurs sœurs en violence à défaut de pouvoir les concurrencer en nombre. Aussi, les mats brisés, les cabestans abîmés et proues malmenées s'étaient multipliés ces dernières semaines, enrichissant considérablement les ouvriers des chantiers navals. Le soulagement se lisait sur bien des visages alors que le soucis en frappait d'autres. Le visage d'Euron, comme bien souvent, n'étaient pas de ceux là.
Si la lumière rasante du soleil blanc le forçait à plisser son œil solitaire et accentuait ses traits taillés à la serpe, elle coulait en revanche sur sa paupière gauche qu'il tenait close. Cette dernière était ornée d'une fine cicatrice pâle dont personne ne connaissait l'origine, corroborant son déguisement de borgne alors que l’œil dessous la peau était en réalité intact, et noir comme la nuit. Dans ce bastion acquis à la cause nordienne ainsi qu'à la défense de ses marchands contre les pirates du Détroit, il n'aurait pas été prudent de sa part de se présenter avec le visage sanglé de ce cache œil qui précédait sa réputation, partout où il allait. Rares étaient les pirates à en arborer un sur l’œil gauche désormais, tant l'ombre du Choucas semblait se l'être approprié. En porter un, c'était prendre le risque d'être pris pour lui, et tué par cette faute, mais c'était aussi prendre le risque de croiser le véritable Euron Greyjoy, et qu'il s'en senti insulté. Alors, il n'y avait plus d'échappatoire.
Un banc de mouettes se mit soudain à vociférer, attirant instantanément la pupille bleue qui repéra les oiseaux posés en taches blanches et grises sur le toit d'une des bâtisses. Son regard se fit rêveur, comme entraîné par un souvenir enfoui qu'il se plaisait à revisiter l'espace d'un instant. Il demeura debout près de la balustrade de bois sombre, une main posée sur la rambarde, l'autre enfoncée dans la poche de son pantalon. Une brise épaisse des embruns qu'elle soulevait venait s'engouffrer dans les pans de sa cape couleur de nuit. Le vêtement avait vu de meilleurs jours, et avait été griffé par le sel et la mer, témoin de cent voyages et d'autant de tempêtes. Le tissus ne touchait pas terre et était coupé de manière à s'arrêter à mi-cuisse, évitant ainsi au capitaine qui aimait tant se frotter aux éléments déchaînés de s’empêtrer dans un habit trop long. Tandis qu'il descendait le ponton que ses hommes avaient installé pour lui permettre de rejoindre le quai, un fin sourire s'était dessiné sur ses lèvres. Il goûtait son anonymat avec la gourmandise d'un renard qui se serait introduit dans le poulailler. Le temps était frais et beau, les étales remplies à raz-bord. L'Oeil-de-Choucas n'aurait aucun mal à trouver ce qu'il était venu chercher. Il aurait presque pu se sentir de bonne humeur si seulement la voix de goret du marchand qui s'évertuait à faire valoir son droit face à lui n'avait pas infesté l'ambiance sonore tout le temps de sa contemplation rêveuse. Il n'avait pas posé le premier pied sur la pierre des quais que l'homme bourru l'avait interpellé, et il avait jacassé sans aucune attention ni réponse de sa part, alors que le capitaine descendait tranquillement le ponton. Le silence du Greyjoy ne fit qu'attiser l'énervement du commerçant dont le visage rougeaud était brillant de sueur. Ce fut alors que le plaignant se tourna sur sa gauche, hélant un couple de fillettes. Ce choix fit froncer un sourcil intrigué au pirate dont les traits semblaient figés dans l'expression froide et narquoise qui avait tant énervé celui qui était venu lui souhaiter la bienvenue à force de grands cris. La gamine à laquelle il s'adressait avait le cheveu aussi vert que les algues qui ornaient la coque des navires et sa bouche avait l'assurance et l'espièglerie des mouettes. Son intervention fit vite décamper le mécontent, qu'Euron regarda s'éloigner avant de reporter son attention sur l’intrigante fillette. Il laissa échapper un léger rire devant l’enthousiasme de l'effrontée."Tu as beaucoup de questions pour un homme qui ne vaut pas plus qu'un poisson!" Bien qu'il eut parfaitement entendu le terme que l'homme avait utilisé pour s'adresser à la demoiselle, il la tutoyait sans gène. Il était presque Prince après tout, et bientôt, il serait bien plus. Les fioritures de l'étiquette ne l'impressionnaient plus depuis longtemps.
"Je ne suis pas un guerrier." assura-t-il. "Juste un voyageur qui souhaite se rendre au sud d'ici avant que les tempêtes ne nous emportent, mon navire et moi. Je suis né sur une île loin d'ici, mais je n'ai d'autre patrie que l'océan." Si je te disais mon nom, ce serait la dernière chose que tu entendrais jamais petite." Semblait dire l'azur lumineux de son oeil unique malgré les accents rieurs de sa voix. Disant cela il jeta un rapide coup d'oeil au Freux-Linceul qui mouillait juste derrière lui et dont la couleur lugubre camouflait les prouesses d'artisanat dont il était le fruit. A nouveau, il se tourna vers la jeune fille à la tresse verte. Euron devinait la fillette trop futée pour gober le mensonge presque éhonté qu'il lui servait. Sans doute ne lâcherait-elle pas facilement l'affaire. Mais que pouvait-il être de si dangereux qu'elle n'eut jamais vu, si ce n'était un énième brigand en quête d'une terre promise où sa tête n'était pas mise à prix? Il passa son regard sur les échoppes ainsi que la foule qui les entourait et dont le regard était inexorablement attiré par la chevelure inhabituel de la jeune fille.
"J'ai beaucoup de marchands à visiter aujourd'hui. Hélàs, cela risque d'être bien long sans compagnie." Il feignit un léger soupir lassé, puis posa à nouveau un regard brillant de malice sur celle dont il avait deviné l'identité.
"Oserai-je demander l'honneur d'être accompagnée par ma sauveuse?"Demanda-t-il un lui proposant galamment son bras. A cet instant, il était plus semblable que jamais à l' adolescent aux cheveux de jais, au regard bleu et aux manières langoureuses qu'il avait été autrefois.

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Sirène et Kraken

   
Blancport, lune 5, an 300

   


   
Euron & Wylla

    Je me retenais de pouffer face à l’homme qui se disait ne pas valoir plus qu’un poisson. Il me tutoyait mais j’en avais que faire, cela arrivait régulièrement de la part des marchands ou autres dans Blancport. Il en fallait bien plus pour que je m’offusque et que je monte sur mes grands chevaux. Non, en fait j’étais amusée et il me rendait d’avantage curieuse, d’avantage avide d’en savoir plus sur cet homme mystérieux à la large carrure. J’osais les épaules de façon indolente. Je choisirais si l’homme valait plus qu’un poisson ou pas. Une fois que je me serais faite une idée de l’homme que j’avais en face de moi. Il me sortit le discours de tous les marins. Nombres de fois j’avais entendu cela de la bouche de marins.
« Oui comme tous les marins. Votre seule femme est la mer, c’est votre seule maison. Vous dîtes tout cela ! Aucune originalité. Vous avez juste un physique peu commun…c’est tout… »

J’étais insolente, provocatrice. Je n’avais pas peur, j’étais insouciante et impulsive. J’ignorais qu’il était vraiment et je m’en fichais royalement. J’étais chez moi et je menais ma vie comme je l’entendais. La cité vivait parfois aux rythmes de mes caprices. Cela n’était pas rare qu’on me voit traverser Blancport en courant la mine furieuse ou frustrée. J’étais la sirène aux cheveux verts, tout le monde me connaissait ou presque. Et j’étais quasiment sur que mon caractère piquant avait manqué à beaucoup dans la ville portuaire du Nord. De nombreuses lunes d’absences qui avaient du être bien calme, du moins à Chateauneuf mon retour leur avait fait tout drôle. La vie n’était plus aussi calme depuis que j’étais revenue quasiment inchangé. Le vieux lion ne m’avait pas changé et si cela dépité ma mère, je savais que mon grand-père était soulagé de cela.

Je regardais l’homme de façon choqué et à la fois en lui demandant s’il était sérieux. Je n’avais pas que ça à faire à tenir compagnie à un homme devant voir des marchands. Entendre parler commerce ou négociation allait vite me lasser, m’ennuyer. Et s’il y avait bien une chose que je n’aimais pas c’était de m’ennuyer. Parler affaire, m’ennuyer profondément. Plus que la coutume. Déjà que je fuyais mes leçons alors devoir entendre cet homme négocier avec d’autres marins en m’enchantait guère.
« Votre sauveuse s’ennuie horriblement dans ce genre de situation. Le commence, les négociations…tout ça…c’est d’un ennui mortel qui en plus ne m’intéresse absolument pas. Et j’aime pas m’ennuyer et devoir écouter ce genre de bavardage. Cela m’agace. Et je ne peux accepter malgré votre galanterie. »

Diplomatie zero pointé. Effort on en parlait même pas. Je croisais mes bras sous ma poitrine.
« Et c’est quoi votre nom ? Les voyageurs ont toujours des noms pour les faire passer pour des héros à leur retour. Comme ça, ça fait rêver les gamins des ports. C’est quoi vous ? Le borgne galant ? »

Mon amie pouffa derrière elle, et un large sourire provocateur s’installa sur mon visage. J’étais vraiment invivable.

   

   
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Sirène et Kraken

Blancport, lune 5, an 300



Euron Greyjoy & Wylla Manderly

Il laissa son visage se fendre d'un sourire sincère -rare pour un homme tel que lui-quand la jeune fille lui fit reproche de son manque d'originalité. Comme il s'y était attendu, la fillette aux cheveux verdoyants ne s'était pas laissé trainer dans son pitoyable mensonge qui avait pour seul mérite de leur faire passer pour un très mauvais menteur. Et personne ne pourrait soupçonner un menteur aussi exécrable de tout ce qui se cachait derrière son oeil azuré, du moins, pas tant que ce charmant jeu de dupe durerait. Comme pour s'excuser de cela, il inclina légèrement la tête avec une lueur amusée dans le regard.
Autour d'eux les regards continuaient de se poser sur l'étrange duo. Certaines mines jaugeaient, avec l'air frustre des citoyens qui aimaient à protéger la famille du seigneur, l'étranger a la cicatrice, et semblaient lutter pour ne pas céder à l'envie de trouver un prétexte pour éloigner la jeune fille de cet homme. Le marchand qui avait plus tôt communiqué sa colère au Greyjoy avant d'acheter la défense de la jeune fillette avec un poisson frais n'était plus en vue. Mais il y avait des mousses qui s'arrêtaient parfois, une expression intriguée sur leurs faces juvéniles, en remarquant le Choucas. Certains paraissaient même le reconnaître mais avaient vite fait de déguerpir, la tête basse, tandis que d'autres comprenaient et allaient avertir leurs supérieurs. S'ils l'avaient croisé et avaient survécu, il ne pouvait s'agir que de membres d'équipages profitant des bonnes grâces du nouveau maître des Degrès de Pierre, pour ne pas dire du Détroit. Il serait donc bien mal avisé de leur part de dénoncer l'identité de celui dont dépendaient leurs capitaines. Son bon vouloir était aussi changeant que les marées, et personne n'ignorait qu'il était tout à fait capable de reprendre ce qu'il avait octroyé, et plus encore. Le bruit commençait à se propager que le pirate avait "généreusement" distribué des laisser passer à certains navires marchands mais personne ne savait encore comment ni pourquoi il jetait son dévolu sur tel ou tel navire quand on savait que pour chaque navire favorisé, cinq autres étaient appréhendés par ses hommes. On disait que les bâteaux rejoignaient vite les profondeurs, que les hommes étaient réduits en esclavage lorsqu'ils n'étaient pas tués. Tout ce qui était certain, c'était qu'on ne les voyait jamais ressortir des tempêtes qui ornaient les côtés de Peyresang.  

Lorsque la jeune fille refusa son bras, il le ramena contre son flanc et sa cape revint le couvrir comme une aile. Si une pointe de contrariété devant l'ennui capricieux de la fillette orna son oeil unique, il ne se départi pas de sa nonchalance. Euron n'avait jamais été d'une grande patience avec les enfants, les siens comme les autres. Il n'avait jamais rempli son rôle de père et mieux valait souvent pour ses bâtards qu'il se tint le plus loin possible d'eux et de leurs vies. Pour peu qu'un de ses gamins l'irrita ou qu'il se trouva simplement au mauvais endroit au mauvais moment, le Choucas n'avait pas hésité à en molester gravement plusieurs. Certains n'avaient pas survécu. Il n'aurait pas cependant la bêtise de se livrer à ce genre d’obscénités avec la fillette Manderly, pas au coeur de son fief. Après avoir ri devant l'honnêteté de la gamine, à nouveau il lui adressa un sourire aimable et amusé.
"Négociations? Je ne suis pas venu pour marchander. Mais je suis d'accord avec toi. Les bavardages me fatiguent. " dit-il d'une voix suave et malicieuse. Elle était bravache et lui rappelait un peu les mouettes qui venaient embêter les marins et les frégates au large. Lorsque l'amie de la jeune fille pouffa son regard se posa un instant sur elle, une lueur étrange dans le regard. Elle lui rappellait malgré elle son jeune frère Aeron qui, à l'image de celle-ci, le suivait partout comme un petit animal obéissant et admiratif. Peut-être appartenait-elle à la même race que son cadet, même s'il imaginait sans peine qu'elle était loin d'avoir subi les sévices qu'il avait pour sa part infligé à son cadet. Cette manie de le suivre comme un chien bien dressé n'avait pris fin que tard dans leur adolescence, à la mort de leur plus jeune et dernier frère. Ce souvenir fit briller la pupille du pirate.
"Tu es une jeune fille très entêtée! " Sourit-il sans pour autant daigner répondre à sa question."Si tes marins ne sont des héros que parce qu'ils reviennent tes garçons de quai ont de bien piètres modèles, et des ambitions encore moindre. " Decidemment les nordiens ne comprenaient rien à la mer, à l'Océan. Un marin qui rentrait à bon port, un héro? Autant féliciter un corbeau pour avoir atterrit dans la roukerie..."Appelle moi comme tu veux, peu me chaut.  " Son regard se porta autour de lui. Puis il s'éloigna sans un autre regard vers les jeunes filles.
Sa longue silhouette fendit sans peine la foule de marchands et de marins qui grouillait sur le port. Le Choucas savait exactement où il devait aller. Il n'avait guère de temps à perdre, et devait reprendre la mer avant que le soleil ne fut à son zenith. Sans doute aurait-il préféré avoir la fille de Manderly à ses côtés mais à défaut d'obtenir des informations sur les seigneurs de Blancport, il était au moins soulagé de ne plus être entouré de cette nuée de questions qui glissait de la bouche de la jeune fille dès lors qu'elle entrouvrait ses lèvres. Il entra bien vite dans une échoppe à l'allure biscornue. L'intérieur était bondé, mais à nouveau, cela ne l'empécha pas de se frayer un chemin. Les cris résonnaient contre les palissades de bois qui ornaient les murs à l'intérieur de la salle.
"Vingt dragons d'or pour ces livres! Allons messires celui-là à lui seul vaut plus du double de cette somme, faites monter!" Un homme à l'allure extraordinairement fine et efflanquée comparé à la voix de stentor qu'il possédait et qui aurait fait pâlir de jalousie une trompette de guerre hurlait à tout va pour encourager les enchères, couvrant sans peine le brouhaha des acheteurs. Parmi eux se trouvaient de riches marchands de Lys, des négociants de Braavos, des Tyroshis aux barbes et cheveux teints, des amiraux du Bief et même un mestre spécialement envoyé par la Citadelle. Les objets qui étaient mis en vente ici étaient réputés à Westeros et même en essos, et les prix dépassaient parfois l'imagination. Venant des quatre coins du monde, des hommes descendaient de leur bateau et venaient mettre en vente des biens précieux sous la protection de l'intégrité des hommes du Nord. Derrière l'homme qui dirigeait les enchères se tenait un petit négociant vêtu de mauve, et qui observait d'un oeil gourmant et satisfait la vente de ses livres."Oui! Le monsieur à la barbe rouge, combien me dites-vous? Trente! Cinquante, le Braavosi à la boucle d'oreille double presque la mise! Soixante à ma droite!" Le Mestre levait désespérement le bras, empétré dans sa bure pour attirer l'attention de l'homme sur l'estrade mais il se fit voler l'enchère par un vieil oriental. Le maigre s'exclama de plus belle:"Le lysien surenchérit! Cent dragons d'or messieurs, voilà ce que j'appelle un prix! Mais je vois qu'on souhaite à nouveau surenchérir, vous au fond! Combien proposez vous?" Les enchères allaient bon train, et lorsqu'enfin le Choucas-non sans lutter- arriva enfin à rejoindre le premier rang elles avaient atteint les quatre-cent dragons d'or. Il fallait dire que les volumes étaient rares, et certains acheteurs specialement dépéchés par leurs maîtres n'ignoraient pas qu'on les soupçonna fort d'être les seuls tirages complets de cet ouvrage. De quoi impressionner les autres nobles pour peu qu'on le posséda dans sa bibliothèque. La citadelle surenchérissait lorsque le regard du commissaire-priseur croisa soudain celui d'Euron.
"Cinq-cent pour le mestre! Qui dit mi...?"En avisant le Greyjoy sa voix s'était éteinte, faisant jouer ses doigts sur sa cuisse il reprit un peu de contenance et leva le menton pour encourager les acheteurs à poursuivre, ce qu'ils firent sans peine mais cette fois le commissaire ne répondait pas à leurs offres. Son expression était contrariée, et lorsque le marchand derrière lui s'avança pour lui chuchoter à l'oreille, il devint blème. "Je...Le propriétaire retire l'objet! Vente suivante un extraordinaire ensemble de..." Aussitôt des protestations fusèrent dans la pièce, demandant des explications, exigeants que l'on remit les livres en vente immédiatement. Le petit marchand s'avança péniblement et d'une petite voix contrite déclara: "Je ne peux pas vendre ces livres car...car le véritable propriétaire vient d'arriver. Oui, oui si vous voulez, je les ai volé!"répondit-il précipitamment  , agacé et sans prendre la peine de réfuter les accusations qui n'avaient pas tardé à fuser, d'un ton pressé comme pour se décharger au plus vite de l'oeil menaçant qui le fixait et de l'oppression des revendications qui éclataient dans la salle. Son excuse plus que bancale laissa la pièce bourdonnante de discussions outrées tandis qu'il descendait de l'estrade et que les nouvelles ventes étaient annoncées. Des regards étonnés se posèrent sur le Greyjoy qui avait gardé le silence et se contentait de regarder le commissaire priseur et le marchand avec un léger sourire, dans l'attitude qui n'était pas sans rappeler celle d'un enfant tyrannique qui attendait de pied ferme une faveur d'un adulte. Bon gré mal gré, les enchères suivantes furent présentées alors qu'un jeune mousse était chargé d'apporter les précieux livres au Greyjoy. Si certains sortirent aussitôt à la recherche d'un représentant du seigneur des lieux pour qu'on les défende -eux qui, ayant enchéri, s'estimaient en droit de réclamer les livres- d'autres  affichaient une moue fermée. Etrangement, il s'agissait exclusivement de lysiens et de Tyroshis. Ces hommes là n'étaient pas dupes, et étaient parfaitement au courant de la pègre qui avait fait son nid dans le Détroit sous l'égide du Choucas. Sans doute avaient-ils deviner son identité mais ils se gardèrent bien de le dire à leur voisin. Quand Euron sorti, suivi du mousse qui portait son butin ainsi que du marchand qui trainait la patte derrière lui en le priant de l'excuser il remarqua un groupe d'acheteurs encerclant une petit silhouette verte, vociférant leurs plaintes comme des gamins dénonçant un garnement qui aurait triché. Il sourit et poursuivit sa route sur les quais. 

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Blancport, lune 5, an 300

   


   
Euron & Wylla

    Je l’écoutais tandis qu’il me répondait sans réellement me répondre. J’étais vexée qu’il ne réponde pas à ma question, d’ordinaire tout le monde s’empressait de me répondre. C’était ainsi. Alors quand il tourna les talons pour s’en aller, je croisais mes bras sous ma poitrine, levant mon petit nez en mimant l’indignation. Mon amie le traita de malotru et je ne pus qu’exploser de rire. Nous reprîmes notre chemin, marchant au grès des évènements qui se produisait. Les gens me saluaient avec des sourires chaleureux, avec des signes de la main et je ne pouvais que leur répondre que par mon large sourire enjoué. Ainsi allez ma vie à Blancport quand je me promenais sur les quaies sans but précis.
« Pourquoi l’hiver a décidé de poindre le bout de son nez ? J’ai une envie folle d’aller me transformer en sirène… » Soufflais-je à mon amie « mais les sirènes ne craignent pas le froid… »

Mes yeux clairs prirent un air malicieux tandis qu’elle prenait un air horrifié à l’idée d’aller nager dans les eaux si froide de Blancport à cette saison. J’éclatais de rire avant de la rassurer que je n’étais pas encore assez folle pour tenter de mettre un orteil dans l’eau glacé. Ce serait un coup à tomber malade et à devoir supporter ma mère à longueur de journée. Et rien que cette idée, m’enlever mon envie d’aller nager dans l’eau de mer. Et je préférais me priver de cela, que de supporter la femme qui m’avait mis au monde quinze années plus tôt.

Mais soudainement je me fis assaillir par des marins, marchands et autres me vociférant dans les oreilles. Entre des plaintes et des supplications ponctuer de « m’lady », je ne comprenais pas un strict mot dont on me racontait. Visiblement il y a avait eu une vente aux enchères…et la suite était très flou. Je comprenais enchères, livres, volés, propriétaire. Cela commença à me donner un mal de crâne monstre. Je poussais un long soupire, tandis que je me pinçais l’arête du nez avec mes doigts.
« BOUCLEZ-LA ! Je m’entends même plus réfléchir… »

Je vis au loin repasser l’homme borgne avec un léger sourire satisfait. Décidément il n’attirait que des ennuis aux habitués de Blancport. Qu’avait-il encore fait ? Arnaque ? Vérité ? J’ignorais complètement ce que je devais croire ou ne pas croire. Je ne voulais guère faire de mauvais pas pouvant embêter mon grand-père. Il avait suffisamment de chose à gérer, notamment avec la mort récente de Wendel, mon oncle. Je réfléchis en toute vitesse.
« Voyez ça avec les gardes ou tenter de demander audience à mon grand-père. Ce n’est pas mes affaires, et je ne veux pas faire d’esclandre au nom des Manderly. Laissez-moi passer. »

Je me frayais un chemin, mon amie sur les talons complètement effrayé par la situation. A coup de coude et de regard sévère je réussis à m’extirper de l’attroupement ne prenant pas garde aux râleurs et aux derniers suppliants. Je fonçais droit vers le borgne pour venir me planter devant lui, l’œil furibond et les points sur les hanches. Oui j’étais un peu énervée, de voir la pagaille qui régnait sur les quais. Cela se retournerait surement contre moi si mes parents l’apprenaient. Et je ne laisserais surement pas cela arriver.
« Bon vous allez arrêter votre cirque, vous mettez une pagaille monstre dans ce port depuis que vous êtes arrivés. Et cela ne me plait guère. Blancport est toujours un endroit tranquille, et je n’aime pas voir le port de ma cité dans un tel état. Qui êtes-vous et que venez-vous faire à Blancport ?


   

   
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