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Winter has come (PV Genna Borrell )

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Winter has Come

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Euron Greyjoy & Genna Borrell



An 300, Lune 5 semaine 3
Dans l'obscurité du port, où brillaient faiblement quelques torches agitées par la brise, les coques des navires se cognaient entre elles, grinçaient et craquaient, portées par le mouvement de l'eau qui frémissait de la tempête jusqu'au cœur de la rade. Les bâtiments amarrés étaient à l'image de ceux qui faisaient commerce dans les eaux troubles des Trois Soeurs. Certains étaient férocement bigarrés, tels que les aimaient les lysiens, d'autres avaient manifestement été retapés par leurs nouveaux propriétaires après que leur précédent capitaine ne les aient éventrés sur les rochers qui entouraient les îles. Tous, en revanche, avaient l'allure à la fois solide et peu avenante des navires marqués par le temps.
Parmi toutes ces carcasses, l'une d'elle se dressait, plus sordide à sa manière que ne l'étaient ses soeurs. Il n'y avait pour la parer, ni ornements d'or  ni couleur. Le bois de la coque était d'un brun sombre et noirci, et ses voiles, autrefois d'un bleu nocturne, avaient été délavées par l'âge en des teintes sombres, grisées, à tel point qu'elles en paraissaient désormais noires. Un navire lugubre, et sans aucun indication qui ne put permettre de deviner sa provenance, ni même l'identité de son propriétaire. Le pont semblait être celui d'une galère westerosi, la coque paraissait être fer-née, le bois lui-même provenait visiblement de Braavos alors que l'agencement des mats rappelait celui des bâteaux-cygne. Un engin hétéroclite,  construit pour voyager loin et longtemps. Sur la coque, aucun nom. Il n'y avait, pour le distinguer des autres bâtiments, que sa figure de proue. C'était une jeune femme pâle aux orbites vides et noires qui crevaient tels deux trous béants son beau visage blanc. Ses mains étaient cachées, liées dans son dos et, sur son épaule, était posé un imposant oiseau noir. Le gueule du corbeau était ouverte dans un croassement moqueur et silencieux adressé à l'horizon qui lui faisait face. Légère et fine, la pluie hivernale saupoudrait ce couple étrange. Elle luisait en une fine pellicule d'eau sur les épaules de la fille et coulait sur ses joues comme des larmes. Si les grands marchands avaient fait l'erreur de s'approcher de l'aveugle sans crainte, les brigands des mers, eux, n'avaient pas été long à reconnaître la jumelle de la proue du Silence , privée de ses yeux par le corbeau qui siégeait près de son cou gracile là où sa soeur était condamnée au mutisme. Freux-Linceul. C'était ainsi que les piratesl'avaient baptisée.

Les vagues s'écrasaient sur les falaises, abattant leurs bras sur la pierre devant l'oeil patient du capitaine. Debout sur les docks malgré le froid, il s'était attardé, emmitouflé  dans un épais manteau de laine noire et dont le col relevé cachait à moitié son visage crispé par la bise glaciale. Ses paupières plissées avaient orné le coin de son oeil solitaire de quelques ridules et l'air venu du Nord avait marqué ses pommettes d'une teinte rougie. Immuable parmi les badauds et marins qui s'affairaient sur les quais, et qui le contournaient, pliés en deux par le chargement qui pesait sur leur dos, le Choucas observait la silhouette morte du navire Braavosi qui avait essayé de le suivre jusque dans ce piège à loup forgé par la nature. Les falaises s'étaient refermés sur lui comme des machoires. Dans les éclats de lumière lunaire qui traversait partiellement les épais nuages, l'on pouvait voir les corniches escarpées qui déchiraient la nuit de leurs silhouettes affûtées. Haute et violente, la marée montante avait apporté dans son sillage la main du dieu des tempêtes qui brassait les vents autant que les eaux d'une égale force, une force qui avait attiré contre les rochers le bâteau dont la cargaison était maintenant collectée par les insulaires. L'agitation qui régnait dans le port pourtant, n'avait pas comme seule origine ces cales débordantes de soierie et d'épices. Un mariage avait eu lieu, plus tôt dans la soirée. Le festoiement à venir faisait briller les yeux des mousses, et déjà, des rires se faisaient entendre parmi les ouvriers malgré le labeur. Ils accompagnèrent le Choucas tout le long de sa marche vers le Château des Brisants, où il comptait se rendre. Il dut, pour ce faire, traverser une foule compacte de badauds dont la plupart était déjà ivres morts et dont certains, trop saouls pour reconnaître le Greyjoy, furent violemment écartés de son chemin par les quatre hommes d'équipage qui l'accompagnaient. Ses bottes claquaient sur le sol qui, lorsqu'il n'était pas dallé grossièrement, n'était que du gravas mêlé à un sable sombre pâteux d'humidité. Les torches accrochées aux murs ou pendants des balcons éclairaient d'un éclat orangé les ruelles étroites ainsi que l'orée des tavernes. Malgré l'Hiver, les rues étaient étouffantes comme celles d'un village des îles Basilic, bien que l'odeur fut bien différente, plus froides, plus pierreuse aussi. Tout autour, on s'amusait, on avait des filles sur les genoux et une bière brune à la main, mais lorsque paraissait le cache en cuir noir du capitaine, souvent, on se levait, pour le saluer, ou simplement pour mieux le voir lui dont on ne leur avait apporté pendant de longs mois, que des rumeurs.

Lorsqu'enfin il pénétra dans le demeure des Borrell, l'odeur de la potée que l'on avait servi au banquet lui sauta aux narines remuant en lui de vieux souvenirs. Trente ans le séparait de sa dernière venue au coeur du domaine de la maison à l'araignée de mer. Pénétrant une salle de taille modeste mais tant garnie de monde qu'elle paraissait devoir bientôt exploser, il entra de plein pied dans une atmosphère de célébrations bien avancée. Les convives eux-mêmes, dont certains semblaient pourtant de haute naissance comme en témoignaient les Frey qu'il put apercevoir, ressemblaient davantage à des clients de tavernes qu'à des nobliaux venus célébrer une alliance. Euron les jaugea d'un oeil distrait et cynique, s'amusant de voir quelques têtes s'enfoncer dans les épaules de quelques uns des invités. Les petits seigneurs fer-nés, s'ils n'avaient pas ou peu participé à sa chute, ne semblaient pourtant pas près de soutenir leur nouvelle reine en face du Choucas et encore moins à le regarder dans les yeux. Ils savaient qu'ils étaient en territoire ennemi dès lors qu'il s'y trouvait lui, d'autant plus que tout autour d'eux étaient assis tout ce que les mers du Detroit faisait de contrebandiers et de naufrageurs. Des pirates plus que des continentaux, malgré la patte des Stark, malgré les serres du faucon. Et le plus sinistrement célèbre d'entre tous venait d'entrer dans cette salle où la race des brigands pullulait.
Au fond, trônant derrière une longue table où débordait ce qui semblaient être les desserts, se tenait Godric Borrell, entouré de sa marmaille et de son nouveau gendre. Plus imposant et gras que dans son souvenir, le seigneur de Dolcesoeur riait aux éclats lorsqu'il croisa son oeil solitaire.

© DRACARYS