La petite garçonne et sa Brodeuse

Ma Brodeuse,

La route est sans doute longue mais les corbeaux sont assez intelligents pour trouver même une épine dans une meule de foin. Les mauvaises nouvelles ne cessent d’affluer et je suis toute déboussolée par ce qu’il se passe dans notre Royaume. A croire que même les Sept sont impuissants face aux péchés mortels que les plus vils d’entre nous osent commettre. Sachez en tous les cas que jamais je n’ai porté le moindre crédit à ces abnégations affreuses qui courent sur votre personne. Nous nous connaissons depuis bien trop longtemps pour ne pas avoir confiance l’un en l’autre. Sachez d’ailleurs que vous pouvez compter sur mon plus fidèle soutien dans cette route semée d’embûches que vous affrontez bien malgré vous. Je vous sais bon chevalier, espérons que le Guerrier protégera votre épée et que l’Aïeule saura vous montrer la bonne route pour pouvoir vivre en toute quiétude.

Souvenez-vous des champs dorés aux pétales bleus et rouges dans lesquels nous nous baladions étant enfants, l’un et l’autre se parant de ces fleurs délicates pour imaginer des vies où vivre serait plus simple et sans difficulté, riant aux éclats tandis que les soleil enclenchait son déclin pour parer les plaines d’une douce lumière rosée. J’espère que vos yeux ont l’occasion d’admirer des paysages semblables avant que l’Hiver ne vienne… La Brodeuse est pleine de surprises et je suis sûre que vous possédez l’aiguille qu’il faut pour tous nous surprendre et protéger votre broderie avec la plus grande des ferveurs. D’ailleurs, comment va votre petite broderie ? Les points de sa rose naissante sont-ils solides ?

Je vous envoie ces quelques mots également pour vous mettre au courant que la Jouvencelle a enfin entendu mes prières et que me voici fiancée à un de vos proches amis. J’espère que cette union future sera bénie. Je ne m’étendrais pas plus longtemps sur le sujet, en espérant avoir rapidement de vos nouvelles.

Ma chère Brodeuse,

Que ces mots me font plaisir et me rassurent à l’approche de cet hiver que d’aucun appellent comme un des pires que Westeros n’ait connu depuis des décennies. Certains disent même que l’Hiver apporte d’autres menaces que le froid ou la glace, mais qu’un ennemi mystérieux serait caché dans les froides contrées du Nord, bien au-delà du Mur, et que cette menace pourrait éteindre le feu de nos vies. Vous le savez, je ne suis pas femme à croire en de telles histoires, les Sept et l’Aïeule en particulier m’ayant toujours gardé éloigné de ces fables, préférant la vérité pure et crue de la Foi plutôt que les racontars des vieux fous à l’haleine plus chargé d’alcool que d’honnêteté. Néanmoins, cette fois, je commence vraiment à m’inquiéter. Un novice se trouve en effet au sein e ma demeure et m’a confié ces sombres rumeurs qui inquiètent beaucoup la Citadelle. Ce jeune homme semble très versé dans les arts occultes et je suis sûr que vous auriez adoré sa compagnie tout comme je l’apprécie pour ma part. Espérons donc que les paysages que vous et moi adorons ne seront pas défigurés par cet Hiver mais seulement différents… Comme je vous image avec la plus grande joie, le menton fin, le rire facile, le timbre de votre voix résonnant d’hilarité malgré votre situation compliquée. Je n’ai point de crainte pour vous ou votre Broderie, je vous sais tous deux très fort pour résister au froid de l’Hiver comme à l’âcre fiel de certains insectes venimeux, néanmoins voir ces mots écrits de façon si ferme ne peut que me rassurer davantage. Vous savez à quel point votre existence a toujours eu de l’importance pour moi, et mon cœur peut ainsi brûler de la même flamme qui l’a toujours agité. J’ai conscience de la difficile épreuve qu’est ce Bourgeon, un Bourgeon fragile et précoce à l’approche d’un hiver rude.  N’ayez pas honte de qualifier ce Bourgeon d’épine, la Mère sait à quel point élever une jeune pousse est difficile, et quiconque peut attester que votre situation n’arrange rien.  Je crois en votre endurance et votre force pour le protéger de la neige et des autres dangers sur votre route, et vous verrez qu’un jour vous ne regretterez pas ces dures épreuves. Ayez la Foi comme je l’ai, et les Sept vous apporteront toute la protection dont ils sont capables sur cette terre. Croyez-moi, la vie de pèlerin est parfois plus aisée que celle de vagabond… Sachez tirer de cette faiblesse une force insoupçonnée, j’ai foi en vous pour y parvenir, vous avez toujours su faire preuve de la plus grande imagination et créativité.

J’aimerai tant être dans la possibilité de vous apporter un soutien autre que moral, vous aider à porter cette lourde charge qui pèse sur vos épaules, et croyez que si je pouvais vous aider de quelque façon que ce soit, je m’y emploierais avec une énergie telle que le souvenir de votre petite garçonne en culotte courte avec une épée de bois vous frapperait comme si la scène s’était passé hier.  Les Sept connaissent votre tâche difficile et ils auront vous récompenser. Ce qui compte le plus aujourd’hui  est votre sécurité, et votre bonne santé. Nos terres si fertiles ne pourraient se remettre de la perte d’une de ses pousses si précieuses comme vous l’êtes ma Brodeuse.

N’ayez crainte et n’ayez point honte, même si vous serez physiquement absente lors de la cérémonie, vous serez dans un coin de mon cœur, comme une âme bienveillante veillant sur sa petite garçonne. Notre lien est bien plus puissant qu’une simple assistance physique, nos âmes sont connectées, et je penserai fortement à vous le jour venu, d’une manière qui je l’espère vous comblera.

Je compte sur vos lettres pour me rassurer sur votre situation et être sûre de votre sécurité.  Vous avez raison de garder espoir, car il sera la lumière vous permettant d’avancer sur ces chemins pavés de pierres irrégulières aux abords sombres et menaçants.