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"Nul ne peut soutenir ses flammes." (pv- Zyha)

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"Nul ne peut soutenir ses flammes."


"Zyha & Euron Greyjoy"


Année 299, 9e lune, 4e semaine

“It's killing you, you're killing me
I'm clinging on to my sanity
All I need is a short term remedy
Come and hide me from this terrible reality...

Dreaded memories flood back to me
But there's still a willful mind behind these cold
psychotic eyes
Now I tread this path so differently
I've opened my mind and darkened my entire life. ”


Derrière la porte de bois sombre, une respiration se faisait entendre. Calme, presque chantante. Un coup d'oeil fut jeté à travers le judas, seulement pour rencontrer l'obscurité de la geôle. A l'exact opposé de la frontière entre l'emprisonnement et la liberté se découpait la silhouette du prisonnier dont le regard solitaire continuait de fixer l'horizon, sans préter attention à son geôlier qui le regardait à travers la porte. C'était un jeune garçon pataud et naïf aux yeux verts, et au pas lourd. L'habitude mélée à la lassitude avait appris à celui qui vivait entre ces murs à reconnaître sa démarche maladroite. Celle-ci claquait avec la volonté de celui qui cherche à se donner plus de contenance qu'il n'en a jamais eu vraiment, et parcourait la longueur du couloir d'un pas militaire, conquérant et pourtant solitaire. L'adolescent soupira avant de se pencher. Soudain, la petite trappe à l'articulation rouillée grinça et l'on poussa une assiette à l’intérieur de la cellule. La vaisselle de métal glissa sans mal sur les dalles humides qui couvraient le sol, tandis qu'un peu de son pauvre contenu éclaboussait la pierre. Alors qu'il se relevait, le jeune geôlier regarda à nouveau celui qu'il gardait, ou plutôt, celui dont il partageait l'ennui depuis des jours, avant de l'interroger d'un ton blasé.

"Toujours pas envie de causer? J'pensais que tu parlerais, à force... "

A nouveau le silence. Et de la silhouette noire qui regardait par la fenêtre, il ne vit ni geste ni indice qui  prouva qu'il prêta attention à son maigre repas. Le geôlier grimaça et un ronflement contrarié s'échappa de ses narines. Le Choucas dédaignait bien souvent ces rations ces derniers jours; et pour cause, c'était un bouillon si pâle et aux condiments si rares qu'il avait l'impression de trouver plus de satiété en respirant les embruns. La pluie tombait drue au dehors. Elle éclaboussait sa main et son visage pendant qu'il gardait, encore et toujours, son œil solitaire ancré vers la mer brumeuse et grise. Que regardait-il donc? Se demandait le jeune garçon, irrité, qui n'avait eu de cesse de rappeler son nom au prisonnier pour tenter d' arracher de ses lèvres bleuies une de ses précieuses anecdotes qui faisaient sa légende. Mais être un Valleuse n'avait guère inspiré le suzerain déchu à s’intéresser à lui. Cousin ou non, le Greyjoy s'était muré dans le plus parfait des mutismes, tant et si bien que son jeune parent s'était vite lassé de cette responsabilité prestigieuse. Autant garder la porte d'un mort.

"Un jour ou l'autre, tu parl'ras. Tu m'parleras. Ce n'est pas humain de rester comme ça. "

Le Choucas dédaigna encore une fois le garde, lui tournant le dos et regardant au delà des barreaux de sa cage. A demi-endormi, Euron se tenait assis près de la fenêtre, pourtant ni le froid, ni sa chemise partiellement trempée par l'averse ne semblait l'incommoder. Son visage éclairé par la lumière grise du jour était émacié, il s'était creusé et faisait ressortir ses pommettes saillantes et la moue cruelle de sa bouche. Dire qu'il n'avait pas souffert de ces quelques dix-neuf jours de captivité aurait été mentir. Sous son regard des cernes étaient apparues, et une barbe cendrée envahissait désormais ses machoires serrées. Ses cheveux, eux, tombaient en mèches sombres sur son front, collées à sa peau par le sel et l'humidité. Il avait faim, il avait froid, mais rien ne le faisait plus souffrir que de devoir tourner son regard vers les murs qui l'entouraient. C'était imaginer le plancher du pont du Silence sous ses pieds qui serrait sa gorge de rage impuissante, et non le sol glacé sur lequel il s'endormait tous les soirs. C'était imaginer le vent qui gonflait les voiles couleur de nuit qui avait fait découvrir la tristesse à son coeur, et non la soif qui lui asséchait la gorge. Il avait beau avoir essayé de s'en souvenir, jamais il n'avait demeuré si loin de l'océan. Les jours passaient, si semblables qu'ils mettaient sa raison à rude épreuve. Voilà des jours qu'Asha était venu le visiter, et des jours que les fer-nés étaient parti vers le Sud. Des jours qu'il avait été laissé là, enfermé dans ce tombeau qui l’enchaînait si loin de sa précieuse liberté. Sourd et aveugle. Que se passait-il au dehors? Il l'ignorait.

"Je l'sais que tu parleras. Ils finissent toujours pas parler." lui assura son seul compagnon d'un ton qui ne manquait pas de conviction, le lorgnant toujours au travers de l'ouverture dans la porte de bois.
Enfin, le Choucas se détourna de sa fenêtre, mais ce fut pour poser son regard fatigué le sol poisseux de sa cellule. Se taire, cela il savait le faire. Mais attendre? Que savait-il de l'attente, lui qui ne supportait aucune patience? Et d'ailleurs qu'attendait-il ici? Il ne voyait devant lui que sa propre fin tandis que les jours qui passaient taillaient en pièces la vengeance utopique qu'il avait imaginé dans sa fureur première. Accepter son sort n'avait pas été facile. Il s'était habitué à cette sombre idée. Mais l'incertitude du jour, de l'heure, de la manière dont on l’achèverait était le plus difficile à supporter. Son aura autrefois brillante et dangereuse était devenue morne. La mélancolie suintait de la moindre de ses attitudes, aussi obscure que les murs qui l'entouraient.
Son menton se releva lentement, alors que son oreille exercée percevait au travers du tambourinement de l'averse des pas qui remontaient les couloirs de pierre.

"Quelqu'un vient..." murmura-t-il d'une voix rendue rocailleuse par la soif. Ni hâte ni réjouissance ne perçait dans ce filet de voix, seulement la neutralité d'une constatation.

"Qu'est-ce qu't'as dit?" sourit finalement le geôlier, approchant son oreille du judas pour mieux capter les bribes inarticulées du prisonnier. "Répète j'te dis!" rajouta-t-il en accompagnant sa demande d'un poing qui vint frapper la surface de la porte dans un bruit sourd. Soudain, son oreille perçue elle aussi les pas. Se reculant de la porte, il jeta un regard intrigué en direction de l'escalier en colimaçon dont remontaient les bruits de marche. Il n'avait jamais été un garçon très brillant, mais il savait que son tour de garde n'était pas fini. Les sourcils froncés, il cracha: "Qui va là?". Son ton était légèrement intimidé. Après tout, les jours étaient passés, et il se pouvait très bien que cette personne qui grimpait les marches fut le nouveau Suzerain, de retour de guerre.


   
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Euron & Zȳha
Dreaded memories flood back to me but there's still a willful mind behind these cold psychotic eyes. Now I tread this path so differently I've opened my mind and darkened my entire life.

Enveloppée dans une couverture de laine grossière, Zȳha veillait. Elle veillait comme tant de nuits auparavant, les yeux rivés sur les flammes, méditant, pensant, sourde et aveugle à l'agitation qui régnait autour d'elle. Son calme troublait. Les quelques âmes qui daignaient venir lui accorder la parole se heurtait à ce mur de chair, à cette étrange silhouette au coin de la pièce qui se contentait si peu des préoccupations mortelles. Oui, Zȳha veillait. Cela faisait plusieurs jours déjà, si le silence de la jeune femme écartait les quelques imprudents de l'entourage, il semblait exprimé une sagesse que l'on put vérifier lorsque celle-ci se décida enfin à parler. Derrière elle l'ombre, celle des flammes, un homme silencieux comme elle, Kerith Mains-Rouges, partisan d'Euron, qui l'avait assisté dans sa fuite et parmi l'assemblée un des seuls alliés dignes de confiance et voué à sa cause. Les autres avaient péri et il était prés à faire de même si nécessaire. «  Est-ce prudent ? » souffla un homme à la barbe broussailleuse. « Non. » répondit-t-elle alors qu'il lui jeta un regard interloqué en guise de réponse « Mais nous n'aurons pas d'autres occasions. », les yeux plantés dans ceux de l'homme. Une femme sel, c'était cocasse en aurait pensé certain. Et sûrement. Mais, sa présence et sa situation la démarquait et dans ce chaos il était nécessaire qu'elle s'imposa. La chose était moins ardue qu'on aurait pu le croire.

Zȳha avait malgré tout sa réputation, cette femme mystérieuse, cette sorcière dont on ne connaissait pratiquement rien si ce n'était les rumeurs qui l'entouraient. Oui peut-être elle était fille de rien mais les hommes survivants de l'équipage d'Euron étaient fidèles, jusqu'à la mort comme une bonne partie d'entre eux l'avait prouvé. C'était grâce à leur présence, qui avait soutenu cette cause que l'on aurait pu juger comme désespérée et insensée qui lui avait permis d'entrer en contact avec quelques uns des alliés d'Euron. Certains avaient refusés : c'était là folie, d'autres avaient réussis à être convaincu.

L'initiative n'était pas sans risque, mais elle avait mûrit son plan, aux côtés d'autres, dans l'urgence de l'instant. Éloignée depuis quelques temps déjà de Pyke, depuis sa fuite plus exactement, elle s'était réfugiée sur une île voisine, sauvegardée par un des derniers partisans d'Euron survivants. Dernier mais pas des moindres, car en cette heure chaque soutien comptait. Et elle, fille d'au delà des mers, prenait peu à peu sa place aux côtés de ces hommes qui avaient dû se convaincre de la légitimité de la manœuvre. Réunir des soutiens n'avaient pas été chose aisée, mais elle avait réussis à réunir un équipage et des moyens conséquents pour une opération de ce genre, pour une aussi courte période de temps. La situation était idéale et il n'aurait plus une pareille occasion lors du retour des fer-nés : ils devaient donc faire vite. «  C'est l'heure. » Elle se releva, ses doigts à quelques centimètres des flammes, déposant sa couverture sur le sol. Il était temps de frapper.

On aurait pu croire que la nuit venait tombée, pourtant si la journée était déjà bien avancé l'activité témoignait de cette tromperie des cieux. Le ciel était couvert, et la pluie battait la roche. Ils avaient opté pour la discrétion, mais c'était par l'absence de la plupart des navires que leur sécurité était assurée. Mais le temps jouait contre eux, et une fois leur objectif atteint il faudra quitter Pyke. Prudente de nature, la jeune femme avait prévu plusieurs plans, reposant notamment sur plusieurs diversions qui leur offriraient tout le loisir de d'échapper. Elle songeait, détachée, ses pas résonnant sur le plancher du navire, à la cellule, au Choucas, détachée, les yeux dans le vague. C'était folie, en avait murmurer certains. Peut-être... Mais coincée pendant ces quelques semaines depuis la fuite qui les avaient séparé lui avaient fait se rendre compte d'une évidence : sans lui elle n'était plus rien, qu'une femme coincée sur les rochers d'une région étrangère. C'était cela le souffle qui la mettait au même niveau que ces hommes dont le sang avait éclaboussé la terre des îles de fer, prêt à mourir pour lui. Silencieusement, elle adressait quelques prières au Dieu Rouge, alors que, silencieux, les hommes à ses côtés se préparaient à accoster.

Il avait été convenu que seul Kerith et Zȳha s'approcherait de la cellule, tandis qu'un petit détachement de cinq hommes les attendraient à proximité du château. Quelques cris de protestation avaient accueilli cette nouvelle, rapidement tues par le regard du duo. Ils devaient compter sur l'effet de surprise, sur le manque d'hommes. Zȳha s'illustrait par sa discrétion, sa débrouillardise et par ses talents cachés. Kerith apportait la rapidité et la force. Les vêtements qu'ils portaient, leur apparence les rendaient invisibles parmi les invisibles et en cette heure alors que la mer et les cieux se soulevaient et que la nuit commençait à tomber, ils passeraient plus inaperçus en petit nombre. Ce n'était pas d'une lutte, d'un combat, d'une bataille dont il s'agissait, mais d'une manœuvre que l'on opérait dans l'ombre.

« Bien. » souffla-t-elle avant d'avancer, rabattant son capuchon sur son visage. « Allons-y. » Et c'était ainsi qu'ils s'étaient frayés un chemin jusqu'aux geôles, dans l'ombre des pierres. Kerith connaissait mieux l'endroit que Zȳha, il connaissait l'emplacement des geôles et c'était une des raisons pour laquelle il accompagnait Zȳha. Quand à la jeune femme, elle avait tenu à y aller en personne. C'était risqué, certes, mais elle savait pertinemment qu'elle ne devait faire confiance qu'à elle même et le meilleure moyen était d'intervenir.

«  Qui va là ? » tonna une voix. Zȳha et Kerith échangèrent un rapide regard. Elle hocha imperceptiblement la tête, se taisant alors que son compagnon répondit d'une voix assurée. Ils s'arrêtèrent. «  Relève de la garde. » répondit Kerith d'un ton rauque.  La main de la jeune femme était enfoncée dans les plis de sa robe, effleurant la garde d'une dague soigneusement dissimulée. Elle était prête à frapper, serpent venimeux, sans pitié. Il avança de nouveau, tandis que cette fois-ci c'était Zȳha, encapuchonnée qui se trouvait dans son ombre. Il ne faudrait pas longtemps au garde avant de se rendre compte que quelque chose clochait, si ce n'était pas déjà le cas, mais l'homme était plus rapide, et prêt à frapper.
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"Nul ne peut soutenir ses flammes."


"Zyha & Euron Greyjoy"


Année 299, 9e lune, 4e semaine

Le jour était sombre, et le couloir, empli de ténèbres malgré les torches, traitresses, qui n'éclairaient que capricieusement les murs autour d'elles alors que le vent qui s'engouffrait continuellement dans la bâtisse les faisait tour à tour ployer et se redresser. Le jeune garde avait porté sa main à sa ceinture pour frôler le manche de sa hache. Ses yeux d'émeraude se plissaient à mesure que les silhouettes encapuchonnées s'approchaient pas à pas, presque tranquilles. Leur pieds claquaient sur le sol humide comme si l'averse tombait jusqu'à l'intérieur des murs de pierre et ils poursuivaient leur avancée, sans un mot. Juste le silence. Le Valleuse déglutit et parla plus fort pour se redonner une contenance:

"Qui va là, j'ai dit?!" Ses sourcils sombres se froncèrent et il lança un regard hésitant à la porte qu'il gardait comme dans l'espoir que son cousin, pourtant prisonnier, ne lui vint en aide alors que les secondes qui passaient ne lui faisaient que mieux comprendre que quelque chose n'allait pas. Nerveusement, il se saisit d'une torche et la tendit devant lui pour mieux éclairer les visages de ceux qui s'approchaient, dangereux et cachés. Son geste, brusque, lui fit presque laisser tomber au sol le trousseau de clé dont il avait la charge et il le rattrapa d'une main tremblante en s'accroupissant presque. Plus agité que jamais, il se redressa en tendant les flammes devant lui. Il ne pouvait discerner dans l'obscurité que la solide silhouette qui était la plus proche de lui, grande et intimidante. Assurément il s'agissait d'un guerrier, et les deux silhouettes stoppèrent enfin leur marche. Pour un bref instant seulement car, déjà, ils repartaient droit dans sa direction. Lors qu’enfin, le soldat lui répondit, un soupir de soulagement échappa au garçon qui lâcha un rire nerveux, pensant alors sincèrement voir arriver un garde. Au dehors, la pluie tombait si drue qu'elle tambourinait sur le toit de pierre et il semblait que les vagues venaient s'écraser jusque contre la forteresse. Mais alors qu'il relevait une dernière fois le regard, le feu découpa devant lui les traits de celui qui s'approchait, poignard à la main. Ce nez aquilin qui découpait une ombre large sur sa joue ornée d'une cicatrice, ce regard glacial, il les reconnaissait!

"Toi!"s'exclama le pauvre hère." Tu n'es pas un..." Il n'eut jamais l'occasion de finir sa phrase, ni le temps de se saisir de sa hache, lui dont les mains angoissées refusaient de lâcher la torche comme les clés.

La cape de Kerith s'étendit soudain comme l'aile noire d'un aigle lorsqu'il bondit en avant. Quand sa lame caressa la gorge de l'adolescent, un flot rouge sombre en jaillit et il tint dans ses bras le garçon après avoir refermé son énorme main sur la bouche de ce dernier, étouffant ainsi ses derniers mots. Ses grands yeux roulaient dans leur orbites, terrifiés comme ceux d'un cheval, verts comme les algues qui poussaient le long des quais. Il se débattait comme un beau diable et, lorsqu'il laissa tomber la torche dans sa lutte, il devina sous le chaperon de l'autre étranger la peau cuivrée et le menton finement dessiné. Elle. C'était elle. Et ce fut sa dernière pensée, alors qu'il comprenait mal que jamais il ne pourrait prévenir ses pairs, comme il pensait encore pouvoir le faire en se débattant toujours, épuisant ses poumons évidés et son corps qui se raidissait déjà. Comme les autres fer-nés, il avait fait l'erreur de la dédaigner, de l'oublier comme le souvenir de cet homme que tous avaient trop vite effacé en partant en guerre. Lorsque les mains rouges de l'assassin le relâchèrent, le corps du garçon tomba sur le sol détrempé comme une poupée disloquée.

Le Choucas n'avait pas bougé d'un pouce. Son corps marqué par la captivité se tenait toujours assis près de la minuscule fenêtre dans une passivité qui n'était qu'apparente. Il avait tué et vu mourir trop de fois pour ne pas reconnaître le gargouillis infect qui résonnait au travers du bois de la porte, ni le bruit sourd d'un cadavre qui rencontre le sol. Son oeil solitaire s'était tourné vers l'encadrement de bois dont les fissures étaient percées de la lumière de la torche. Les flammes léchaient le sol, il pouvait voir la lumière danser en bas de la porte, à même la pierre humide. Ce n'était qu'un pauvre éclairage qui n'illuminait guère le cloaque dans lequel il vivait, à l'image de cette exécution sommaire qu'il avait deviné mais qui ne dessinait pour lui qu'un espoir amer. Car Euron était bien des choses, mais il n'était pas idiot. Une fois renversé de son trône, il lui était apparu comme une évidence que la sagesse -aussi réduite fut-elle- de Victarion et de sa nièce les auraient poussé à abattre tout être qui aurait un jour eut un lien avec celui qui trahissait comme il respirait, et dont les ambitions ne reposaient que sur le socle de son orgueil. Aussi, derrière cette porte, il ne devinait que la silhouette d'un, ou de plusieurs parias, échappés des rangs de la bataille, et qui seraient venu lui soutirer quelque information ou encore obtenir le privilège de sa mise à mort. Mais, car il y avait toujours un mais, infime, fragile comme un fil de soie et pourtant présent dans sa pupille sournoise à la lueur éteinte. Cette voix qui avait grommelé la réponse à la question de son gardien, il l'avait reconnue. Et quand bien même il avait de nombreuses fois combattu avec Kerith, il savait ses partisans aussi vicieux que lui et ils étaient tant à s'être retournés contre lui lorsque le sort avait décidé de le jeter à bas. Venait-il lui trancher la gorge comme un chien qui viendrait finalement mordre la main qui l'avait nourri, ou venait-il dans un tout autre but? Si son statut d'autrefois avait fait de lui un homme plein d'assurance, aujourd'hui il se découvrait méfiant comme la bête en cage qu'il était. Mais, dans son pessimisme, il n'en était pas moins amusé par la situation bien que la gravité marquait ses traits. Patient de ces quelques secondes qui seraient peut-être ses dernières, il attendait qu'enfin la porte s'ouvrit pour lui découvrir les visages qui étaient venus à lui en ce jour de grisaille. Nonchalant, il observait droite devant lui, le dos appuyé contre le rebord de la fenêtre. Le poing serré, il dégusta presque sans s'en rendre compte la moindre bouffée d'air marin qu'il prenait. Qui savait? C'étaient peut-être là ses ultimes...






   
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Euron & Zȳha
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Les lueurs des torches les guidaient dans l'obscurité. Située en retrait, toutefois proche de son allié, Zȳha avançait, avant de s'arrêter. Il fallait faire preuve de prudence, elle n'avait de cesse de se le répéter, bien qu'il s'agisse d'une seconde nature chez elle. Ses doigts serraient fermement la garde de sa dague tandis que en partie dissimulé au regard du garde, elle se découvrit devant lui en s'écartant de l'ombre de Kerith. Le garde n'était pas dupe, mais jamais le duo n'avait pensé entrer dans la supercherie.

Il serait bien vite évident au jeune homme qu'ils étaient là pour d'autres fins, mais cette arrivée teintée d’ambiguïté avait eut pour but de semer quelques graines de doute dans son esprit. Son regard se riva dans celui du garçon, tandis qu'elle lisait cette expression de désespoir  qui se dessinait au fur et à mesure que ses derniers instants approchaient. Ô oui il avait sans doute compris. Ce que tant d'autres avaient négligés. Elle la présence rouge dans l'ombre d'Euron. Femme-Sel, celle que l'on ignorait par son statut. Mais si l'on se méfie de l'homme, une créature comme le Choucas, ne devrait-t-on pas se méfier de l'ombre qui le suit ?

Une erreur que beaucoup comprendrait bien trop tardivement. Alors qu'il commençait à pourtant croire à la tromperie, la torche qui jetait une lueur farouche sur leurs deux visages, lui permit de les identifier comme des ennemis. Il n'eut pas l'occasion de saisir son arme que Kerith avait déjà fondu sur lui. Zȳha sortit son arme, s'apprêtant, en cas de fuite du garde, de se jeter pour lui pour le finir mais elle n'en eut pas besoin. Celui-ci rencontra sa fin aux mains d'un homme bien plus expérimenté que lui au combat. La torche tomba sur le sol, ses flammes heurtant le sol. Il n'avait eut aucune chance et cela se confirma lorsque la lame trancha sa gorge.

Imperturbable, Zȳha observa d'un œil détaché le corps secoué de soubresauts qui bien vite s’immobilisa. Elle releva la tête, une étincelle victorieuse au creux du regard, que celui qui agonisait ne pouvait percevoir. Elle s'écarta du trépassé alors que Kerith essuyait sa lame. A l'affut, elle laissa s'écouler quelques secondes. Aucun bruit. La mort avait été rapide, et aucun cri n'avait pu attirer l'attention, de plus les couloirs étaient pratiquement vides, les geôles isolés, et le bruit rageur de la mer et de la pluie battante, avaient offert les conditions parfaites.

Sans attendre, La jeune femme se pencha sur le cadavre, évitant la mare de sang qui s'agrandissait à vu d’œil, glissant sa main d'une poche à l'autre, dédaignant les piécettes ou autres objets qu'elle pouvait y trouver, avant de retrouver le lourd trousseau de clé aux côtés du corps du jeune Valleuse, s'empressant de le saisir. D'un bond, d'une allure qu'elle aurait voulu moins empressée elle franchit le mètre qui la séparait de la porte. Après quelques tentatives, Zȳha trouva la clé associée qu'elle rentra dans la lourde serrure. Quelques secondes plus tard, un déclic se fit entendre. Kerith s'écarta, restant en retrait juste à côté d'elle, tandis qu'elle poussa la lourde porte qui émit un lourd grincement. Elle essuya ses paumes trempées par la surface humide sur le tissu de sa cape, avant de s'enfoncer dans la geôle.

Il était là. Euron. On lui avait coupé les ailes au Choucas. Du moins, on avait tenté. Bien entendu ils n'étaient pas sortis d'affaires, mais, tout en restant réaliste, la jeune femme se plaisait à se sentir optimiste. Ses doigts se posèrent sur la capuche de laine grossière qu'elle rejeta en arrière. Un sourire sibyllin se dessina sur ses lèvres avant de disparaître aussi vite, tandis que sur son visage se peignit l'habituel mélange de respect, d'admiration et d'affection sobres entremêlées. Mais muettes, toujours.Les manifestations futiles d'affection la répugnait tandis qu'elle favorisait les flammes, et la passion dévorante qui prenait le cœur et les entrailles. Zȳha restait réaliste. Elle n'était pas femme à s'épanché futilement, brûlant de bien d'autres façons. La jeune femme rangea de nouveau sa dague, n'en ayant pas d'utilité pour le moment alors que ses yeux ne pouvaient quitté le visage émacié de son amant.

« Euron. » murmura-t-elle, impassible. Kerith était à côté d'elle, silencieux. Les jours qu'il avait passé, cloîtré dans cette cellule, l'avait marqué que ce soit son visage ou son attitude. Ses yeux balayèrent rapidement l'endroit. Morne, étriqué, humide... le genre qui offrait une solitude amère, le mauvais genre, qui embrumait l'esprit et le laissait vogué sur quelques étendus mélancoliques. C'était un homme de peu de mots après tout qui adressa toutefois un geste de la tête à son ancien seigneur. « Nous devons nous partir. Maintenant. » trancha la jeune femme à l'adresse de Kerith, faisant claquer le dernier mot avant de reporter son attention sur le prisonnier. L'homme d'armes se contenta d'approuver silencieusement, n'émettant pas la moindre protestation. Elle se baissa, soupesant, tirant la chaîne qui traînait sur le sol, jusqu'à remonter jusqu'aux poignets emprisonnés. C'était la seule chose qui les séparaient de la liberté... ou presque.

La fuite avait soigneusement été pensé, mais il faudrait désormais s'enfuir avec le prisonnier ce qui était une tâche moins aisée que leur arrivée. Si eux, Kerith et Zȳha,  se fondaient dans ce décor, sans trop de soucis, nul n'ignorerait le Choucas. Après quelques tentatives, les chaînes tombèrent enfin des poignets d'Euron et elle se redressa. Kerith s'écarta avant de disparaître, revenant avec une lourde tenue, dotée d'un capuchon qu'il remit à Zȳha, accompagné d'une épée.  « Une partie des hommes nous attendent à l'extérieur. Les autres sont à bord du navire qui doit nous emmener hors des îles. » Elle se tût, tendant la cape de tissu grossier et l'arme à Euron.
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"Zyha & Euron Greyjoy"


Année 299, 9e lune, 4e semaine

Pour la première fois depuis les jours interminables qu'il attendait entre ces murs noirs, la lourde porte de bois s'ouvrit dans un grincement sinistre. Enfin, ou déjà? Tout dépendrait de celui qui tenait les clés. La gorge du Greyjoy se serra un instant à la vue de la silhouette encapuchonnée qui se tenait là, devant lui. S'il défiait presque du regard son étrange visiteur, un frisson vint pourtant agiter sa pupille et faire trembler ses paupières-tremblement infime qu'il ne put retenir, malgré son regard fixe, malgré la résignation qu'il avait ancré dans son âme autrefois si libre. Lorsque des mains fines surgirent des plis du vêtement, Euron déglutit, les machoires involontairement crispées par l'appréhension naturelle de cet intrus et de cette lame qu'il craignait. Il pouvait déjà imaginer le froid du métal posé sur sa peau, prête à trancher la jugulaire. Il pouvait voir cette main si fine soudain devenir traîtresse. Et chaque seconde de doute oppressait un peu plus sa poitrine lourde de peur et du chagrin que lui inspirait non pas l'idée de la mort, mais bien celle de n'avoir pu accomplir tout ce qu'il aurait souhaité. La douleur de voir cette impasse venir dérober ses rêves, tout ce qu'il avait été, tout ce qu'il aurait pu être, lui était presque insupportable. La voir si proche, à quelques pas à peine... Le Choucas avait peur. Et quand bien même un guerrier plus orgueilleux encore que lui aurait pu prétendre le contraire, c'était bien l'idée de disparaître qui le tenait coi sur son siège de pierre. Car que ressentir, sinon la peur, lorsqu'il n'y avait rien de plus naturel pour lui qui n'avait aucun dieu à rejoindre dans l'autre monde que de craindre ce néant dont il voyait la promesse dans ces mains qu'il croyait étrangères?

La lumière entra dans la pièce, aveuglante et pourtant faible, caressant les murs malmenés par le temps d'un terne éclat doré, verdi par la moisissure et la rudesse de l'endroit. Le silence s'était fait, seulement troublé par le tambourinement de l'averse qui embrassait les îles. Son dos s'appuya davantage contre la pierre de son dossier. Le Choucas contemplait, impuissant,  la silhouette de son libérateur qui s'avançait dans le bruissement sourd des jupons et de la robe qui frôlaient le sol. Le capuchon avait été rabattu en arrière, et il avait découvert le visage de celle qu'il connaissait si peu, et qu'il connaissait pourtant si bien. Lorsque ses lèvres pleines murmurèrent son nom, il ne réagit pas. Lorsqu'elle le rejoignit dans un but qu'il savait exempt de sang désormais, il demeura tel qu'elle l'avait trouvé: aussi immobile et froid qu'une statue. Seul veilleur animé de vie, son oeil scrutait avec une certaine distance cette présence. De son corps engourdi, il ne se dégageait ni joie, ni hostilité, dans une neutralité inanimée qui aurait inquiété tant d'autres mais qui n'effraya nullement la prêtresse.
Quand ses mains remontèrent jusqu'à ses poignets, ses doigts glissant sur les chaines rouillées, frôlant sa peau, Euron ne bougea pas. Il ne se dégagerait pas. Ni par fierté, ni par orgueil. Avec elle, c'était inutile. Puisque c'était elle qui le libérait, il voulait bien lui confier sa vengeance et ne lui retirerait pas le mérite d'avoir brisé ses chaines en prétendant ne pas avoir besoin d'elle, lorsque rien n'était plus faux. D'un calme si parfait qu'il en était presque sinistre, le Choucas se contenta de caresser celle qui lui venait en aide d'un regard sombre et où se refletait une lueur que peu lui connaissait.  Ses cheveux sombres embaumaient l'odeur du sel et de la mer. Le parfum de la liberté. Sur ses épaules, la pluie avait laissé sa marque. Tandis qu'elle s'affairait à ouvrir les fers qui ceignaient ses poignets, le borgne ne regarda pas une seule fois ses chaines, pas plus qu'il ne regarda au dehors de sa cage. Il ne regardait qu'elle. La voir ici, devant lui qui ne l'avait pourtant pas espérée une seule fois durant son emprisonnement, lui paraissait désormais si naturel, qu'il était calme de l'évidence qui s'imposait à lui là où la hâte l'aurait certainement poussé devant n'importe qui d'autre à se montrer agressif, prêt à bondir vers la porte. Ses bras étaient détendus, son pouls extraordinairement régulier malgré les chaines, malgré la dague ensanglantée du guerrier qui se tenait quelques pas derrière, malgré la porte ouverte. Immobile, il se laissa libérer avec la patience d'un enfant qui regarde sa mère soigner une de ses blessures.

Le cliquetis des chaines qui retombaient sur le sol humide et le choc métallique des menottes qui les rejoignirent vite arracha un frisson au dos glacé du pirate. Le Choucas se releva tranquillement, à la limite de la nonchalance, frottant ses poignets endoloris qui portaient la marque de sa captivité, quittant enfin des yeux sa femme-sel. A la vue du vêtement qu'elle lui tendait, ses épaules s'affaissèrent quelque peu. L'idée de quitter cette île sur laquelle il avait regné comme un vulgaire voleur ne l'enchantait guère. Mais le temps n'était plus au coup de théatre, et leur fuite à elle seule suffirait à marquer les esprits. Aussi, il était inutile qu'il prit des risques, surtout au devant les efforts que la brune avait du faire pour lui offrir cette chance inespérée. Il revêt donc la lourde cape et rabattit le tissus sur sa tête, l'ornant d'une ombre qui venait cacher son oeil unique, si reconnaissable et qui menaçait de sa seule solitude leurs vies à tous trois. Tout en refermant la broche, Euron sentit pourtant ses muscles ravivés malgré cette chape qui couvrirait ses épaules et la faiblesse de sa condition. Il n'était plus temps de s'étonner d'avoir encore des hommes loyaux pour l'attendre au dehors, le Choucas avait déjà déployé ses ailes. Et il refusait de regarder en arrière.
Il prit l'arme par la lame dans sa main gauche, et s'avança soudain d'un pas décidé vers la porte, saisissant au passage la main qui lui avait rendu ses ailes avec force, dans un geste qu'il n'avait jamais eu vers elle jusqu'alors. Sa cape glissait sur le sol lorsqu'il quitta enfin sa geôle. Kerith surveilla une dernière fois les alentours, vérifiant la solitude qu'ils avaient momentanément arraché a la forteresse en supprimant un garde, avant de suivre le capitaine et la sorcière qu'il tenait par la main. Il ne voulait plus qu'elle marcha derrière lui, comme une ombre menaçante et fidèle. Désormais, il l'avait décidé, elle se tiendrait ainsi qu'elle le faisait en traversant le couloir avec lui, à ses côtés. Pourtant il n'y avait que ce geste pour trahir cette volonté, alors que son esprit semblait déjà renouer avec le bouillonnement incessant qui l'habitait avant qu'il ne fut jeté à bas de son trône. Avançant d'un pas rapide, traversant ces couloirs dans lesquels il avait grandi et desquels il n'avait que rarement imaginé fuir, il regardait droit devant lui mais ses pensées étaient déjà au delà de cet horizon sombre qu'était leur évasion.

"Cragorn, est-il en vie?" Demanda-t-il d'un ton neutre et posé. Euron n'était pas comme Asha, capitaine à se soucier du sort de ses propres hommes, de leurs vies, ou  de leurs états de pensée. Mais il avait confié à Cragorn un objet bien trop précieux pour qu'il se contenta de rejoindre le navire sans s'inquiéter de lui. Ils arrivèrent à une croisée de couloirs, et il laissa le soin au féroce guerrier qui les précédait de vérifier la voie, avançant toujours du même pas assuré sans s'arrêter ni regarder sur ses côtés. "Et Marwyn? " malgré son ton rude, il était évident que l'évadé souhaitait voir l'archimestre faire partie de cet étrange équipage qui l'attendait déjà sur le pont d'un navire tout aussi étranger.




   
base cracles bones, modification lawina

   
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