[Flashback] Peut-être est-il temps de faire connaissance ♦ Ryon Allyrion

Rhaegar ne se serait pas décrit comme nerveux, cela n'aurait pas été dans sa nature, mais il n'était pas à l'aise à l'idée de rencontrer le patriarche Allyrion. À vrai dire, l'ancien monarque ignorait quelle affection envers Nymeria avait pu supplanter l'animosité héréditaire entre la main dorée et le dragon rouge. Déjà que cet élan n'était pas pour lui plaire, bien qu'il ne puisse reprocher à son amante les choses qu'elle avait pu connaître avant lui. Mais il y avait là quelque chose de plus dérangeant encore, c'était de ne pas savoir si cela allait pouvoir jouer en sa faveur ou non.

Seulement, on ne pouvait savoir ce qui se cachait dans le cœur des hommes. Aussi, tout monarque des sept couronnes qu'il fut, Rhaegar ne pouvait qu'attendre que Ryon daignât exprimer le fond de sa pensée. Alors, patientant dans ce délicat riad savamment décoré, le dragon se distrayait, remuant le fond de ses pensées en attendant l'heure exacte du rendez-vous avec le vénérable dornien. Sûrement qu'en un autre temps, les deux hommes auraient pu s'apprécier, mais là, rien n'était moins sûr. Il était incapable de prévoir les possibles de cette entrevue et le quadragénaire se bridait pour ne pas imaginer le pire. Peut-être que cela n'était qu'un procédé pour l'éloigner de Nymeria et le mener de façon bien plus amère aux pieds de Doran.

Rhaegar se pinça l'intérieur de la joue en dénouant une énième fois ses doigts coincés sur ses genoux. De la contenance, de l'assurance, voilà ce qu'il aurait dû manifester pour faire face à l'Allyrion, mais l'absence inaliénable de sa dornienne le mettait sur les nerfs. Il tremblait pour elle chaque fois qu'elle s'éloignait trop de lui et, comme depuis leurs premiers émois, le poète qu'il avait toujours été assurait qu'il aurait livré Westeros entier au destin le plus abominable si cela pouvait lui apporter le bonheur de sa douce. Mais qui pouvait s'en douter ? C'était bien là une réflexion qui aurait enorgueillie l'insatiable bâtarde, pourtant, il ne l'avait pas même couchée sur l'un de ses recueils.

Ces pensées fantasques ne pouvaient pas continuer. Il ne pouvait raisonnablement se torturer ainsi et encore moins passer sa nervosité sur les quelques douceurs et rafraichissements attendant sagement les deux interlocuteurs. De quoi aurait-il l'air si Ryon le découvrait à se goinfrer comme un môme à qui l'on aurait ôté son cheval à bascule ? Il le trouverait sans doute ridicule, insoutenable...mais passionné, ô combien dévoré d'un feu contre lequel nul sang de dragon ne pouvait rien.
Alors, le roi se leva, son regard d'améthyste ayant trouvé bonheur dans quelques bas reliefs finement exécutés, et son esprit s'évada vers cet ailleurs qui lui avait valu tant de moqueries dans sa jeunesse. Le Savoir était quelque chose d'irremplaçable et terriblement sous-estimé, mais comme cela lui plaisait d'interpréter les symboles permettant de décrypter telle légende ou tel événement. Pourtant, son regard se voilà quelques instants en se demandant si, dans quelques décennies ou centuries, quelqu'un se pencherait à son tour sur ce genre d'ouvrage pour découvrir l'étrange histoire d'amour d'un roi ayant mené son royaume à sa perte pour les beaux yeux d'une bâtarde à nulle autre pareil. Il était temps que son hôte se présente, avant que le dragon ne se décidât à briser les murs afin de retrouver la chaleur de celle qui l'inquiétait tant.