Prophétie & autres

Dans quelques jours à peine, cela fera trois cent ans.

Trois siècles que leur bannières flottent au dessus de Port- Réal, de Villevieille ou bien des Eyriés. Ce furent les dragons qui conquirent ces terres en des jours que seule la lassitude nous fait paraître lointains. Seuls trois siècles nous séparent du temps où ces étrangers sont venus prendre nos royaumes, brûler nos armées, et écraser quiconque refusait de ployer le genou au devant de leur règne sanglant. Trois siècles seulement, alors que les pères de nos pères avaient su tenir ce continent libre de toute domination étrangère pendant des milliers d’années. Trois siècles, de feu et de sang, ainsi que le promettait leur macabre devise.

Et qu’espérons-nous encore, en continuant de suivre aveuglément leurs ordres, à eux qui envoient au suicide leurs sujets, à eux qui n’ont de cesse de balayer les pièces que nous avons si durement mis en place?

Qui sommes nous aujourd’hui pour trembler devant des têtes couronnées, fruits de plusieurs générations d’inceste? Qui sommes nous pour ployer l’échine devant des reines dont les couronnes ne furent obtenues des mains du peuple, des sujets, mais bien d’un autre roi fou. Enlevées, séquestrées, violées par ce dernier, et pourtant on ne peut qu’admirer comme la parole de leur oncle est rentré dans leurs grâces lorsque le temps de régner fut enfin venu.

Est-ce donc ce qu’est devenu le peuple des andals, des premiers hommes? Un peuple éteint, qui se laisse donner en compensation du traitement nés de leurs unions monstrueuses à la fille d’un lâche, à la nièce d’un déséquilibré? Des hommes et des femmes qui s’effacent devant ce qui n’est plus que l’ombre du nom qui avait un jour réussi l’exploit de tous nous asservir?

Un nom qui semble désormais être abandonné de la faveur de Sept, alors qu’en l’espace de quelques lunes à peine un de ces faux rois est tombé, trois autres sont montés sur le trône, pour que deux succombent tour à tour; mais aujourd’hui, il n’en reste plus qu’une.

Une dernière reine.

Une reine qui a laissé sa tante libérer sur les terres de Westeros un dieu venu d’un autre monde, une religion d’au delà des mers et dont les prêtres rouges sèment le feu et le sang, Eux qui confondent mysticisme et spiritualité, et qui croient que l’homme ne peut que ramper, si la religion ne le soulève; dans l’oppression qu’ils ne peuvent plus exercer que par la dévotion, là où la force leur fait maintenant défaut. Une reine qui sacrifia la ville de son époux, siège sacré de la pensée et de la connaissance, et ses habitants, pour abattre ceux qui menaçaient son titre. Une Reine qui permet que l’on assassine jusque sous ses yeux, au sein même de sa cour, de son palais, les émissaires étrangers.
Une seule question se pose désormais: combien? Combien de temps encore resterons-nous silencieux? Combien d’hommes allez-vous, suzerains et seigneurs, consentir à sacrifier une fois encore au nom d’une dynastie à la couronne usurpée et aux mains rouges du sang de vos ancêtres, et de vos enfants à venir?

L’hiver arrive et avec lui vient le temps de choisir.

Une décision s’impose maintenant à nous tous, Lords et Ladies, du Nord au Val, du Conflans jusqu’à l’Orage. Choisirons-nous d’entrer dans ce nouveau siècle sous le signe du feu et du sang, subissant les caprices d’une race pourrie jusqu’à la moelle en attendant de voir quels malheurs viendront orner les pages des livres sous le règne de Rhaenys Hightower; ou choisirons-nous de nous relever? Dans ce premier pas que nous ferons dans le nouveau siècle, il ne tient qu’à nous de faire d’elle la dernière reine de cette lignée, la dernière de cette dynastie qui s’est abreuvée du sang de nos parents, et de la faire descendre du monceau de ruines dont ses ancêtres s’étaient fait un trône.