Le retour du fils prodigue (Vaeron)

Le temps était pluvieux a Goëville, je faisais les cents pas dans des corridors de la riche demeure des Grafton, le long des couloirs somptueusements décorés, je restais un instant face à une tapisserie représentant Jaehaerys Ier et son épouse Alysanne en visite à Goëville. Le plus long règne de notre dynastie… J’eut un instant l’idée qu’une fois ma victoire assurée il faudra moi aussi que je voyage, une pérégrination royale. Je ne resterais pas cloîtré dans le Donjon Rouge comme mon frère. Je crois d’ailleurs que le destin des rois qui visitent leur pays et leurs gens est toujours plus glorieux, un roi vif reste en contact avec la réalité. C’était cette idée qui m’avait poussé, entre autres, à organiser un tournoi chaque année après ma victoire sur le Val. De Sortonne aux Portes de la Lune, il était naturel qu’un roi connaisse ses sujets et ses vassaux. Mon esprit quittait la contemplation de cette tapisserie et je reprenais ma marche à travers les couloirs du fief des Grafton. Finalement, la porte de mon salon se dessinait au tournant d’un virage. Un domestique portant mes couleurs m’attendait, le visage fermé. Ser Bonru de la garde émeraude attendait lui aussi, droit comme un piquet devant ma porte.

“Oui ?”
“Ser Antaryon pour votre Majesté.”
“Oui, faites le entrer. Il attend depuis un moment ?”
“Depuis que sa Majesté à quitté son Salon.”

Cela devait bien faire une demi heure que je m’étais absenté. Je n’avais pas pour habitude de jouir de l’attente que subissent mes vassaux, cependant, le temps est l’objet du Roi comme tout autre chose. Cela me rappelait qu’il faudrait que je monte Némésys aujourd’hui, j’avais envie de voler un peu mais cela attendrait mon rendez-vous avec le braavien. C’est moi-même qui avait exigé de le voir, je savais qu’il avait désormais avec lui mon fils bâtard Maegor, qu’il en avait fait son écuyer. Je ne voulais pas insulter ma Reine et faire naître des peurs, les rébellions causées par des bâtards Targaryen avaient été une douloureuse étape de notre histoire et je ne comptais pas donner des chances à mes ennemis de palabrer contre moi, l’identité du garçon devait rester un secret. Maegor avait été une de mes erreurs de jeunesse, son nom même était une erreur, aujourd’hui je l’aurais nommé bien différemment. Vaegon aurait été un nom plus juste, le seul Targaryen à avoir refusé le trône, il aurait conseillé à son père la tenue d’un Grand Conseil pour lui éviter cette charge… Le nom du Cruel ce n’était pas particulièrement judicieux. Mais c’était ainsi, jeune j’avais été un peu stupide, trop pousser à me différencier de mon frère, trop rebelle surement. Néanmoins, le garçon était mon fils et le sang des Targaryen coulait dans ses veines. J’avais même pensé un moment qu’il puisse m’être d’un quelconque secours si Jayne avait échoué à me donner un vrai garçon digne des Targaryen, mais cette crainte était bien loin de nous désormais. Il était ici comme le cousin braavien de Vaeron, une tromperie qui ne m’avait pas coûté chère, la promesse d’un fief pour les Antaryon, leur installation comme famille noble de Westeros.

J’étais un homme cultivé et j’avais encore en tête l’histoire tragique des Rogare et leur installation ratée dans les Sept Couronnes, il fallait avouer que contrairement aux lysiens mes petits braaviens avaient fait de grands efforts pour se mêler aux coutumes westerosi. Quant au fief, j’en devais de nombreux et avec la récente nomination de Grafton à la tête du Val et comme Main du Roi je savais pertinemment que je m’étais prouvé digne de confiance pour mes promesses. Mais il était pour l’instant hors de question de donner des fiefs valois, mes fidèles devraient attendre la suite de notre conquête pour mériter leurs récompenses. De plus, je ne voyais pas les Antaryon siéger autre part que dans les terres de la Couronne, près de moi.
C’est du moins l’idée que je m’en faisais pour l’instant. Je ne doutait pas que ce genre d’idées n’étaient pas gravées dans la roche et que les opportunités où  les événements viendraient changer les meilleures prévisions.
“Votre Majesté, ser Vaeron Antaryon.” Le domestique avait fait son apparition, je marchais d’un pas décidé vers le braavien. “C’est bon laissez nous maintenant.”

J’attendais que les portes se ferment, ser Bonru faisait la garde devant. “Alors, l’arrivée de votre cousin s’est bien passée ? Est-il bon écuyer ?”