Dog days are over || Ned&Robb

Un rayon de soleil avait percé son œil. Un de ces raies de lumières qu’on ne connaissait pas, dans le Nord. Robb Stark, pourtant, s’y croyait. Il pensait qu’en ouvrant ses paupières, il apercevrait les tapisseries lourdes et noircies de suie de sa chambre. Qu’en se tournant, il trouverait, sous les épaisses peaux de bêtes, le visage endormi de Kylis et que, du bout des doigts, il pourrait toucher sa peau nue.

Rien de tout cela, malheureusement. Ce soleil n’était pas celui du Nord, rasant et orangé. Il était fier, déjà haut dans le ciel malgré l’heure matinale, et doré. C’était l’astre réalais, qui le réveillait, après une nuit trop courte. A côté de lui, point de suzeraine. Plutôt, un corps large, inerte et épais, couverts d’hématomes violacées et d’entailles plus ou moins fines. Jon Snow ronflait terriblement. Robb Stark ne se rendormirait pas. Il lâcha un grognement las alors qu’il sentait, dans son crâne, un bourdonnement terrible. Comme si son cerveau prenait trop de place dans sa boîte crânienne, et qu’il y flottait mal. Comme si au moindre mouvement, ça venait s’écraser à l’intérieur de ses tempes, ou derrière son front. Comme s’il avait trop bu. Un autre grognement.

Robb posa un pied, puis l’autre, sur le sol élégant de la chambre qui avait été réservée aux Stark dans le Donjon Rouge. Ils étaient drôlement velus, pour des pieds. Tout tournait terriblement, il s’en attrapait le crâne, pour tenter de maîtriser la nausée qui montait. En fait, il lui semblait que ses pieds pouvaient être poilus, mais pas à ce point. Peut-être était-ce … des cheveux ? Si son regard se prolongeait, un peu plus loin, il en comprenait la raison : Brandon dormait là. Il avait dû tirer un matelas pour être juste au pied de la couche du Seigneur, bien loin des convenances de leur rang. En fait, il y avait aussi Rickon, emmêlé dans des couvertures, ses cheveux apparaissant presque roux sous cette lumière estivale. Il paraissait plus jeune encore, dans cet état de dénuement qui le rendait presque chétif. Robb en fut attendri. Il releva la tête, lentement, trop hagard pour le moindre mouvement brusque. Apparut ainsi dans son champ de vision le dernier membre de la meute Stark, un peu élargie le concernant : Ned Omble dormait en chien de fusil dans son lit, encore tout habillé. Un sourire apparu sur le visage du suzerain, qui songea qu’il voudrait, toute la vie, se souvenir de cette image. Tous les héritiers de Ned Stark réunis dans une même pièce, célébrant une victoire pour leur clan sur des terres pourtant bien étrangères.

Robb se leva, tentant de ne pas réveiller Bran en marchant sur ses cheveux. Le jeune homme méritait de dormir sans doute encore plus qu’eux tous réunis. Une main toujours accrochée à son front, comme s'il pouvait ainsi maîtriser le tournis, il traversa la chambre aussi silencieusement que possible. Il atteignit douloureusement la pièce attenante, où les malles de leur voyages semblaient vomir soies et fourrures un peu partout. Il attrapa quelque chose pour couvrir ses jambes nues, un pantalon en cuir qu'il laça grossièrement, enfilant sa tunique malodorante dans laquelle il avait dormi – entre autres choses – à l'intérieur. Il voulait sortir de là aussi rapidement que possible, pressé d'atteindre les latrines et une salle d'eau où il pourrait se rafraîchir.

« Anciens », souffla-t-il douloureusement. Les dieux le félicitaient de ses excès de la veille par une cruelle gueule de bois.


Près d'une heure plus tard, Robb revenait dans cette antichambre Stark. Ses cheveux étaient encore humides, mais son air était plus frais. Il avait croisé une servante à qui il avait demandé d'aller chercher son courrier, et sur un coin de table, dans l'antichambre, il préparait une note rapide pour Winterfell. Quelques mots, seulement : Jon Snow, vainqueur de la mêlée au tournoi du Roi Aerion. Avec la date, pour garder un souvenir de ce jour mémoriel. Il entendait qu'à côté, dans la chambre, quelqu'un s'agitait, ce qui fit naître un sourire joueur sur ses lèvres. Il était encore tôt, le seigneur ne s’était pas attendu à obtenir si vite de la compagnie, vu la soirée de la veille. En attendant que la servante revienne, pour lui apporter son courrier et repartir avec le parchemin qu’elle enverrait en direction des terres des Stark, il se dirigea vers l’un des coffres, duquel il sortit une autre tunique : celle qu’il portait puait définitivement trop.

Alors qu’il s’appliquait à en nouer le col, encore engourdi par les restes d’alcool de la veille, quelqu’un poussa la porte derrière lui. Un sourire sur les lèvres, Robb se retourna pour découvrir, gaiement, son pupille.

« Habille toi, gamin. Je t’emmène. »

@Ned Omble | maurawrites on tumblr |  #7b242c

Le suzerain passa une main en arrière dans ses cheveux, perplexe face à l’allure décharnée de son pupille, qui s’agitait autour de lui à la façon d’un jeune chiot pour obéir à ses ordres. Ned n’avait manifestement pas mieux dormi que lui, mais la vigueur de sa jeunesse lui donnait un air espiègle qui n’était plus accessible à Robb Stark qui, manifestement, avait vieilli. Une bassine d’eau gaiement larguée sur le haut de son corps, faisant ressortir ses boucles noires désormais luisantes d’eau ruisselante, et le jeune Omble était désormais réveillé et frétillant. Le Stark lui souriait largement : ils n’avaient passé que peu de moments seul à seul depuis le début du voyage, et vu les ronflements qui émergeaient de la chambre des loups, c’était le moment ou jamais pour en profiter. Ned, gaillard comme l’étaient souvent les Ombles, admettait à tue-tête que le Sud savait faire la fête. Cette fois-ci, le suzerain riait, comme pour confirmer ce qu’il avançait sans trop se laisser aller à complimenter les couronniens. « Sans nous, la fête aurait été moins bonne ! » affirma le suzerain, rugissant. Et puis, il s’était agit d’une fête pour célébrer les victoires de trois hommes, vainqueurs de leurs épreuves, parmi lesquels un homme du Nord, et pas des moindres : le Bâtard de Winterfell, selon la seule identité qu’il avait le droit de vanter, ici-bas.

Ned Omble, désormais vêtu d’une tunique propre et du baudrier de son épée, vint se présenter fin prêt devant lui pour le questionner sur leur destination. Le suzerain lui attrapa le menton de sa poigne large et chaude : le garçon se faisait homme, songeait-il, examinant ses tempes, ses joues et son menton, à la recherche de ses premiers poils de géant. Lui laissant le menton bien haut, bien fier, il glissa, taquin : « Nous allons aller t’acheter ta première lame de rasoir, comme le Roi Rhaegar l’avait fait pour moi, quand j’avais ton âge. » Robb ne précisa pas que le Roi n’était pas allé jusqu’à l’accompagner dans les rues de Port-Réal, mais il ne mentait pas quand il disait qu’il lui avait fait ce précieux cadeau. Le parallèle serait amusant, Robb avait été le pupille d'un homme généreux, il le serait à son tour. Le Stark gardait toujours le précieux cadeau d’un temps qui lui paraissait désormais si éloigné qu’il était presque révolu. A Port-Réal, toutefois, il en trouvait des réminiscences, avec lesquelles il s’amusait à essayer de rembobiner le temps.

Pour aujourd’hui, Robb abandonnerait quelques convenances, parmi lesquelles le vouvoiement et les pirouettes, laissant derrière-lui les lourdes capes de fourrure et les sombreloups encombrants pour s’aventurer dans les rues de Port-Réal plus discrètement. Il aurait tout le temps, ces prochaines semaines, de sauver les apparences en se parant de ses titres et de Glace, pour une matinée, il pouvait les laisser de côté. Avant de partir, il attrapa tout de même Gardienne, son épée, qu'il enfourna dans son fourreau, une bourse de quelques dragons d’or, mais rien de plus, pour ne pas se faire trop remarquer. Le bougre n’était pas un visage inconnu, à Port-Réal, mais vêtu plus simplement, il serait plus discret.

Faisant volteface, il avança dans le Donjon Rouge, passant avec aisance de couloirs en salles, de salles en salons, et de salons vers d’autres corridors qui les mèneraient, par des escaliers monumentaux, jusque l’extérieur du palais royal. Robb opta pour une porte plus discrète que celle par laquelle ils avaient été accueillis, une dizaine de jours plus tôt, depuis laquelle ils retrouvèrent tout de même la Grand Rue qui descendait de la colline d'Aegon sur laquelle était perché le Donjon Rouge. Le suzerain n’alla pas jusqu’à s’embarrasser d’une capuche, mais il tint ses yeux rivés vers le pavé quelques minutes, le temps de descendre, petit à petit, la Rue du Roi, Ned sur ses talons. Pour atteindre la rue de l’acier et ses fins forgerons, ils pourraient passer par la rue aux Farines, derrière le grand Septuaire de Baelor qui leur offrirait un bon déjeuner et une belle vue. De quoi remplir la panse du géant et lui en mettre plein la vue, n’était-ce pas là une bonne idée ?


Les deux hommes s’élançaient ainsi, dans une ville grouillante de vie. Malgré l’heure, l’air était déjà chaud, comme c’était toujours le cas à Port-Réal pendant l’été. Robb tournait la tête vers son jeune pupille : « Je pense que nous resterons une lune de plus. Tout le temps pour que tu te familiarises avec ces rues. » Les Targaryen les accueilleraient sans mal quelques semaines de plus, et Robb voulait désormais profiter de moments plus tranquilles, à la capitale, après l'agitation qu'avait représenté tout ce voyage, et en particulier cette dernière semaine de Tournoi.

Les yeux rivés sur la place Crépin qu'il pouvait apercevoir au loin, Robb en oubliait le Nord. Il en oubliait Winterfell, sa suzeraine, son héritière, Serena et Jonie, sa plus jeune fille qu'il n'avait pas encore rencontrée. Il était bien certain, toutefois, qu'il ne le regretterait pas.

Emballé, il s'arrêta dans une boulangerie de la rue des farines pour demander au tenant du lieu deux petites tourtes de cresson et d'agneau, et quelques petits pains au miel. Ils allaient se régaler.

@Ned Omble | maurawrites on tumblr |  #7b242c