Like mother, like son (Alyria)

C’est une Alyria peu rassurée mais également fière qui arriva dans la salle du trône dans le courant de l’année 286. La rébellion de Robert Baratheon avait laissé une trace indélébile dans le cœur des gens mais le retour à la normale semblait se faire petit à petit. Ce qui alourdissait l’atmosphère de Port-Réal, à ce moment-là, était la mort récente de la reine Elia, laissant le roi seul avec deux enfants encore très jeunes. C’est dans ce contexte que la née-Farring entra au service de la famille royale pour s’occuper de la princesse Rhaenys. Ayant fait les frais d’un mariage stérile, Alyria aspirait à mieux alors qu’elle n’avait pas encore vingt ans. Sa présence à la cour royale lui offrirait sans doute un mariage plus prestigieux que celui dont elle venait d’être libérée. Elle était loin du compte. En attendant ce jour, elle était donc chargée d’éduquer et d’accompagner dans son quotidien la jeune princesse mais fut également amenée à s’occuper du jeune Aegon et d’autres enfants alors présents à la cour royale et qu’elle faisait se rencontrer parfois. Pour le prince, héritier, et la princesse, elle devint une mère de substitution qui aujourd’hui encore possède une place particulière dans leur cœur respectif. Bien sûr, pendant toutes ces années passées à leurs côtés, Alyria n’a, à aucun moment, souhaité remplacer Elia et lui a toujours fait honneur. Le sujet n’était aucunement tabou et elle se voyait parfois parler de la reine à Rhaenys qui était son portrait craché, ou encore à Aegon qui ne l’avait que très peu connu. Le lien qu’elle tissa avec ces deux enfants était précieux pour elle et aujourd’hui, elle les considérait tous les deux comme ses propres enfants. Elle les éduquait, les instruisait, les conseillait, les disputait lorsque cela était nécessaire et la venue d’Aerion, son fils biologique, n’avait rien changé à cela.

- Entrez !

Seule dans un salon proche de ses appartements, ayant libéré ses dames le temps de ses réflexions, Alyria relisait quelques notes de ses carnets intimes. C’était une activité qu’elle faisait beaucoup dernièrement. Les yeux imbibés de larmes, elle s’empressa de les essuyer tandis que le prince Aegon était annoncé. Affichant un sourire des plus radieux, elle l’accueillit chaleureusement, l’embrassant à son tour, allant même jusqu’à le prendre dans ses bras. Ils avaient tous deux convenus de se voir dans la matinée, comme ils faisaient dès qu’ils le pouvaient. Si Alyria avait une certaine affection pour Rhaenys, de l’ordre du coup de foudre, Aegon n’était pas en reste et avait su gagner le cœur de la Couronnienne au fil des années.

- Tu es tout pardonné, mon chéri. Je ne peux d’ailleurs que comprendre notre petite Daenera de ne pas vouloir te quitter.

Elle laissa échapper un petit rire. Aegon avait bien grandi, il était père désormais et même si sa renonciation au trône avait changé la donne, il demeurait un prince de la maison Targaryen à part entière. Alyria avait eu du mal à digérer cette soudaine décision, faisant alors de son bien trop jeune fils l’héritier des Sept Couronnes. Mais, le temps fait toujours son œuvre, guérit les blessures et apaise les maux. La reine-mère n’est pas une femme rancunière et jamais elle aurait pu en vouloir à Aegon. Aujourd’hui, ils avaient tous passé outre ce moment. Aerion allait sur ses dix ans et était roi. Aegon était un prince dont le fils était l’héritier du trône. La situation n’était pas idéale pour Alyria mais la paix régnait au sein de la maison Targaryen. Aegon était un père comblé. Rhaenys vivait enfin avec l’homme qu’elle rêvait d’épouser. Alyria était heureuse de voir tout ce petit monde grandir, évoluer, vivre. Personne ne pouvait dire combien de temps durerait encore.

- Je vais bien. Pour tout te dire, je me replongeais dans des souvenirs d’autrefois lorsque je suis arrivé au Donjon Rouge et que je vous ai vu pour la première fois, ta sœur et toi. T’en souviens-tu ?

Alyria, rangeant son petit carnet dans l’un des tiroirs du secrétaire, invita Aegon à la suivre et à venir s’asseoir avec elle. Elle avait fait mander une petite collation qui ne devrait sûrement pas tarder à arriver.

Les entrevues avec son fils étaient si rares qu’Alyria mettait les bouchées doubles lorsque l’occasion se présentait. Aegon avait, certes, renoncé au trône mais n’en demeurait pas moins un prince royal, père de l’héritier, représentant de la maison Targaryen. Renoncer au trône n’impliquait pas de renoncer à son devoir de représentation et au rang qu’il occupait. Il demeurait prince et les prérogatives qui l’accompagnaient l’incombaient. Avec un emploi du temps aussi chargé que celui de la reine-mère mais aussi celui du prince, ils trouvaient enfin le parfait moment pour se voir. Entre eux, pas d’étiquette mais beaucoup de tendresse et d’affection entre la mère et le fils. Bien sûr, jamais Alyria n’avait aspiré à remplacer Elia Martell, loin de là. Elle n’était qu’une mère de substitution pour les deux enfants qui se retrouvaient seuls avec leur père à un si jeune âge. Cela rendait la reine-mère nostalgique, repensant alors à tout ce qu’elle avait pu vivre avec le frère et la sœur.

- C’est ce que j’ai remarqué oui. Cela est fort plaisant de voir tous ces enfants grandir désormais.

La Maison Targaryen avait connu de bien sombres jours lorsque les deux seuls représentants demeuraient Aegon et sa sœur Rhaenys. Désormais, la nouvelle génération avait vu le jour et grandissait à vue d’œil. Il viendrait bien un jour où Aerion aurait des enfants mais il était encore si jeune que la question ne se posait guère. Seule celle de la succession avait suscité l’inquiétude de la reine-mère. Le roi va avoir dix ans. Son héritier, huit ans. Que dire des autres membres de la famille qui composaient l’ordre de succession. Des enfants en bas âge, ne permettant pas de consolider cette lignée en devenir. Par moment, lorsqu’elle réfléchissait à cela, elle en voulait encore à Aegon d’avoir renoncé au trône. Mais le pouvait-elle réellement ? Elle l’aimait comme son fils et sa rancœur disparaissait aussi vite qu’elle était apparue. Les souvenirs dans lesquels ils se replongèrent tous deux l’apaisèrent. Revoir la petite tête brune et la petite tête blonde l’accueillir la ravissait. Elle en avait presque les larmes aux yeux tandis que le prince rappelait à quel point cette époque révolue paraissait plus simple à vivre. Les années passent et les enfants deviennent parents, les parents deviennent grands-parents, les grands-parents ne deviennent que des souvenirs que leur famille chérit.

- Ce ne fut pas simple, tu t’en doutes. Je n’étais pas du tout la même à l’époque. Jeune, sortant d’un mariage qui a échoué, je n’aspirais qu’à vivre simplement. Je n’ai pas forcément voulu me rapprocher de votre famille au départ mais la place me fut donnée. Aurais-je osé dire non à ton père ? Pas à l’époque et si aujourd’hui on me demandait de le refaire, je le referai sans hésiter.

Beau, blond, belliqueux, Rhaegar était un bel homme à l’époque et il a su garder un certain charme jusqu’à son dernier souffle. Même dans les moments de folie ou de crise, le roi était élégant. Alyria se souviendra toujours de lui comme il lui paraissait. Elle ne l’aimait pas d’un amour passionné comme il en existait bien souvent en ce monde. Elle l’appréciait et avait beaucoup d’estime pour lui. Elle le revoyait en cet instant dans le regard d’Aegon qui lui ressemblait beaucoup. Prenant une gorgée de thé, bien chaud comme elle l’adorait, elle poursuivit ensuite sur le même ton, doux et quelque mélancolique.

- Mais, je me suis vite fait à la vie de cour. Vous m’y avez bien aidé, d’ailleurs malgré vos nombreuses bêtises. Surtout Robb et toi.

Si ses tâches concernaient principalement la princesse Rhaenys, il allait de soi que la jeune Couronnienne avait l’occasion de s’occuper du jeune prince Aegon et de son compagnon de jeu, Robb Stark, pupille du roi. Conséquence de la rébellion qui avait meurtri tout Westeros, l’héritier de Ned Stark avait été entre de bonnes mains. Aujourd’hui encore, Alyria tenait en grande estime le suzerain du Nord qu’elle avait connu enfant. À chaque fois qu’elle le revoyait, elle ne pouvait pas s’empêcher de penser au passé, aux années qui passent, au temps qui défile à une vitesse bien trop grande pour pouvoir tenter de le contrôler. Les premiers jours à Port-Réal avaient ainsi été stressants mais Alyria n’a jamais rien lâché et s’est bien vite accommodée de la vie à la cour. Sa priorité était les enfants du roi, leur éducation, leur vie. C’était simplement de ces choses qu’elle devait s’inquiéter, rien d’autre. Lâchant un petit rire amusé en revoyant son fils et son comparse courir à travers la pièce, cette même pièce dans laquelle ils se trouvaient présentement. Aujourd’hui, c’étaient Aerion et Orys qui perpétuaient la chose. Une tête blonde amie avec une tête brune, toujours prêts à faire les quatre cent coups.