The Circle of life | ft Harrion & Melior

Qu’il était bon d’être enfin chez soi, de retrouver les murs familiaux, le calme d’un château et sa chambre. Naerys avait enfin pu retrouver Mielbois après plusieurs années passer à Port Réal auprès de la princesse Margaery. Une expérience qui l’avait changé, marqué et qui ne lui correspondait définitivement pas. Elle ne s’était pas plainte, après tout, elle avait eu de bon moment, renouant avec des bouts de sa famille qui étaient éloignés géographiquement du fief de sa famille. Sa cousine Alla, sa tante Vaelle, son cousin éloignée Aenor, son cousin Monterys, plein de monde qu’elle avait appris un peu plus à connaître et pour cela elle ne regrettait pas les années passées à la Capitale. Mais elle ne pouvait le nier, elle était heureuse de rentrer dans son Bief natale, de retrouver les siens et la quiétude de ce lieu.
Cela faisait plusieurs lunes qu’elle était revenue, et le moins qu’on puisse dire c’était qu’elle avait eu la paix de la part des siens. Elle faisait presque tout ce qu’elle désirait. Et cela était vraiment très agréable. Elle avait l’impression de n’avoir nulle contrainte, toute la liberté dont elle avait toujours rêvé était à porter de ses doigts. Elle ignorait combien de temps cela allait durer, alors la jeune abeille en profitait autant qu’elle le pouvait.

La jeune fille aux cheveux argentés rentrait de sa ballade équestre matinale, sortant un des chevaux des écuries de la famille pour une promenade tranquille. Pas de grande galopade à en avoir les cheveux tout emmêlés, mais juste profiter du domaine dans le calme du matin et avant qu’il ne fasse trop chaud. Elle mit pieds à terre et guida l’animal vers les écuries pour lui enlever son matériel avec l’aide d’un garçon d’écurie. Elle entendit des pas délicats derrière elle, sa sœur, Leyla d’un an sa cadette. Bien plus lady qu’elle, elle était toujours fort bien apprêtée et délicate. Une jolie abeille promise à une rose. Naerys l’accueillit avec un grand sourire.
« En voilà une surprise. Ma petite sœur dans les écuries de bon matin. Qu’est-ce qui t’amène ?
- Père et mère veulent te voir Naerys. »

Elle annonçait ça avec son air sérieux et presque autoritaire. La tranquillité semblait prendre fin visiblement.
« Je finis de m’occuper de ma monture, je me change et je les rejoins. Merci pour le message Leyla.
- Je crois qu’ils voulaient te voir maintenant.
- Ah… euh… d’accord… »

Sa mine boudeuse venait de refaire surface presque de manière instantanée. Elle caressa une dernière fois l’encolure de son compagnon de balade et suivit sa sœur vers le château. Pourquoi ses parents désiraient la voir ? Surtout de manière aussi solennelle.  Cela devait être sérieux. Elle réfléchit si elle avait fait une bêtise quelconque mais rien ne lui vint à l’esprit. Ils ne pouvaient pas la réprimander pour ses promenades matinales, pas après plusieurs lunes à le faire.
« Tu ne sais pas pourquoi ils veulent me voir ?
- Non.
- Non tu veux rien me dire ou non tu n’en sais vraiment rien. »

Sa sœur s’arrêta net, faisant volte-face surprenant Naerys.
« Non j’en ai aucune idée.
- D’accord, ça va t’énerve pas. Tu ne deviens vraiment pas drôle avec l’âge. »

Boudeuse, Naerys la contourna et continua son chemin seule. Elles ne s’étaient jamais réellement comprises, trop différentes. Et les années passant, Leyla semblait pleine de reproche envers son aînée. Peut-être aurait-elle voulu prendre sa place à Port Réal ? En plus de se retrouver fiancée à un Tyrell ? Leyla avait bien plus le caractère d’une fille aînée dont on attendait plein de chose que Naerys, mais la vie en avait décidé autrement pour la fratrie des Essaims. Les deux jeunes filles devaient faire avec.

Elle arriva devant le bureau de son père, toqua quelques coups légers pour annoncer son arrivée avant d’entrée dans la pièce. Sans surprise elle y retrouva son père et sa mère. Elle s’approcha du bureau de l’héritier de Mielbois en les regardant les yeux pleins de questions.
« Leyla a dit que vous vouliez me voir ? »

Du haut des ses quarante-et-un ans, Lewin pensait avoir vu bien des choses dans sa vie : il avait connu l'insouciance d'une jeunesse protégée dans le printemps éternel des terres bieffoises, l'appréhension d'un rôle d'héritier qu'il voulait honorer, la joie de devenir père se répétant avec la même magnifique intensité enfant après enfant. Et puis il avait connu la peur sur le champ de bataille, l'angoisse de savoir ses proches menacé, des deuils pour certains bien plus douloureux que d'autre. Quarante-et-un ans d'une vie qui ne lui avait rien épargné de la déception des amours déçus au désespoir incommensurable de la perte de Masha. Mais la vie était une roue qui tournait et si à chaque bonheur succédait sa peine, la joie finissait par revenir d'une manière ou d'une autre. Les tragiques évènements qui avait secoué sa maison ne le quitterait jamais, mais ils lui avaient apprit à apprécier les bonheurs simples, à remercier les dieux pour ce qu'il avait et à vouloir chérir, plus encore, ce à qui il tenait. Depuis plusieurs années, son père avait pris un peu de distance vis-à-vis du pouvoir : sans doute épuisé par la charge autant que par les émotions qui s'étaient si vite enchaîné, Warryn Des Essaims avait ainsi témoigné de la confiance qu'il avait en son héritier en lui laissant plus de place dans la direction politique et militaire de la famille et du domaine. Un devoir que Lewyn s'assurait de remplir avec son sérieux habituel, gardant en mémoire les faiblesses qui avaient valut à Mielbois d'être la cible des rebelles pour poursuivre les dernières directives de son père. Après quatre années, il lui semblait être revenu au bon vieux temps, à une époque où Mielbois n'était que rire et jours tranquilles, avant la guerre, avant la mort, avant la tristesse. Le retour de Naerys auprès des siens y était pour beaucoup, il en avait conscience mais, quoi que cela ne compenserait jamais la disparition de Masha ou le départ de Cayn pour Villevieille, la présence de sa fille aînée lui rappelait la douce époque où sa famille était encore heureuse et entière. Cependant, quelques semaines à profiter du retour de la petite abeille après ses années de service à la Capitale, il était temps pour tous de reprendre le cours normal de leur vie. Ainsi, alors même qu'il avait le sentiment de tout juste la retrouver, Lewyn avait eut une discussion des plus sérieuses avec son épouse, sondant l'avis de Saera avant de se décider à convoquer la demoiselle en question.

Car au sentiment de paix s'invitait souvent les festivités et, parmi les plus appréciées de toutes, les mariages. C'était les noces de sa cousine, Alla, qui l'avait ramené à la réalité. Quoi que la célébration eut demandé trop de préparatif et de voyage pour qu'ils puissent s'y rendre, forçant le couple à se désister, cela avait pu pour effet de lui rappeler les fiançailles de Leyla. Conclues après que Mielbois eut retrouvé sa liberté et la paix d'une allégeance renouvelée à Hautjardin, l'engagement liait sa seconde née au jeune Luthor Tyrell dont le père était gardien de Bandallon depuis que le siège avait laissé la famille entre les mains d'un petit garçon. Une manière, pour Willos Tyrell, d'assurer la plus grande réactivité de ses armées en cas de représailles des rebelles et rappelait l'amitié de Hautjardin pour Mielbois. La mesure s'était accompagnée d'une place à la Cour pour sa fille aînée et d'une aide financière plus que bienvenue qui avait permit de renforcer les défenses du domaine. A maintenant dix-huit ans passés, Leyla était plus qu'en âge de se marier et Lewyn savait que cela pourrait porter préjudice à la réputation de Naerys de voir sa soeur prendre époux avant elle. Oh non, il n'était jamais bon pour une demoiselle de demeurer célibataire lorsque ses cadettes entraient dans le monde marital : cela amenait un lot de question, de supposition, de ragots dont la société bieffoise raffolait et, plus que tout, il ne voulait pas que le nom de sa fille soit associé à la folie d'une Malora Hightower ou à la piètre réputation que d'autres pouvaient avoir, désintéressant les bons partis. Car il aurait suffit d'une étincelle, une brève question malintentionnée interrogeant le quotidien de la jeune fille à la Cour, une simple suggestion qu'elle avait du avoir son lot de soupirants pour que ne s'enflamme un possible scandale basé sur du vent : juste assez pour faire du mal.

Ce jour là, Lewyn avait convié Saera à le rejoindre avant de faire appeler leur fille, cherchant un peu de courage dans l'attitude calme de son épouse avant d'affronter l'aînée de ses enfants dont le caractère, s'il n'avait jamais été très simple, lui faisait redouter une conversation des plus complexe. Couple solide d'une amitié longue de vingt années, Saera compensait en douceur maternelle ce qu'il se devait d'avoir en autorité et s'ils avaient eut leurs différents, Cayn demeurant le plus houleux de tous, il devait reconnaitre la justesse de son jugement et la fidélité de sa loyauté à son égard. Il était en train de l'interroger sur sa grossesse, la née-Celtigar arborant les rondeurs d'une nouvelle naissance à venir, lorsque quelques coups furent donnés à la porte du bureau, cette dernière s'effaçant pour faire entrer Naerys. A l'image de sa mère, la jeune fille détonnait dans le Bief avec sa chevelure d'argent qui rappelait les racines Celtigar de l'honorable dame lovée dans son fauteuil. « Oui, installe-toi. Ta mère et moi voulions te parler. » répondit Lewyn en désignant le second fauteuil tandis qu'il allait s'appuyer contre le bureau. Par les sept enfers, ils y étaient : il n'y avait pas pire situation que de devoir discuter projets matrimoniaux avec du jouvencelle qui n'avait pas l'air plus intéressée que cela ... Si ce n'était peut être aborder le sujet des fleurs et des abeilles qui, concernant Naerys, serait du ressort de Saera si l'esprit de débauche de la Capitale ne s'en était pas déjà occupé avant. « Nous sommes heureux de ton retour, Naerys, mais j'espère que Port-Réal ne te manque pas trop, la vie y est bien différente ... » Il se retint de jeter un coup d'oeil vers son épouse, craignant que la demoiselle n'y voit là une marque de son hésitation quant à la manière de lancer une telle discussion. Parler de sa vie au Donjon Rouge était une bonne entrée en matière avant que ne se pose la question de l'avenir.

Elle souffle un peu en s’asseyant, Saera. Elle souffle de ce corps qui la fatigue de plus en plus alors que son ventre s’arrondit. Il lui arrivait de se demander à quoi elle pourrait bien ressembler dans deux lunes. Un nouvel enfant à son âge… Cela n’avait rien d’anodin. Aussi, la née Celtigar prêtait une grande attention au moindre petit détail qui aurait pu présager d’une mauvaise nouvelle. Le sort de ses enfants lui importait grandement, qu’importe qu’ils soient déjà en ce monde ou que leur venue se faisait attendre. Cette future naissance la ramenait immanquablement à Cayn, son pauvre Cayn. A Leyla aussi, qui connaîtrait sans doute bientôt cette situation. Malgré son état, Saera faisait en sorte de se montrer présente pour chacun de ses enfants présents. Sallei, Faera… Et Naerys, bien sûr. C’était son avenir qui les mobilisait à cet instant.


Il ne faisait pas bon pour une aînée, quand bien même elle n’aurait qu’une poignée de lunes d’écart avec sa sœur suivante, de rester célibataire. A ce sujet, Saera et Lewyn étaient rapidement tombés d’accord. Leur famille avait bien assez souffert et leur réputation restait entachée aux yeux des plus zélés. Il était hors de question de leur offrir une nouvelle raison de faire les gorges chaudes. Malgré l’urgence que revêtait la situation, Saera s’était installée dans le calme, tentant de trouver un peu de confort dans les quelques coussins qui avaient été déposés à son attention sur son fauteuil. Elle avait offert un sourire confiant à son époux. Tout irait bien, elle voulait y croire. Naerys avait mûri à la cour, c’était indéniable. Obligatoire, même.


« Si seulement je pouvais dormir un peu plus, je serais comblée. » répondait Saera à son époux, alors qu’on frappait à la porte.


Une main toujours posée sur son ventre, la mère adressa un sourire à sa fille lorsque cette dernière entra dans la pièce. Oui, Saera était heureuse de savoir leur aînée de retour parmi eux. Le mot était peut-être un peu trop faible, d’ailleurs. Il lui était douloureux d’imaginer un autre départ pour elle, quand bien même ce mal serait nécessaire. Chaque chose en son temps. Saera avait hoché la tête, alors que Lewyn débutait leur entrevue sur la vie que leur fille avait pu mener à Port-Réal. Le sujet épineux pouvait attendre encore un peu.


« Quatre lunes, est-ce vraiment suffisant pour à nouveau se faire à nouveau au calme ? commenta Saera, rhétorique. Nous espérons ne pas t’avoir arraché à quelques amitiés que tu aurais pu nouer à la capitale. Le temps te permettra sans doute de les entretenir. »


Saera tournait et retournait la situation en tous sens. Peut-être espérait-elle que Naerys avait elle-même des vues sur un noble jeune homme croisé alors qu’elle servait leur princesse ? Qu’elle se confierait à eux si elle lui en offrait la possibilité. La des Essaims ne voulait pas voir son aînée s’éloigner à nouveau d’elle. Pas de la sorte, pas pour cette raison. Et que dire d’Aenor ? Cette entrevue restait dans sa mémoire pour certaines raisons. Était-ce réellement une solution ? Saera n’avait pas pu y réfléchir davantage jusqu’à présent ou même d’aborder son frère pour cette raison.


« Avec ton père, nous ne voudrions pas que tu souffres de l’ennui, à présent. Plus encore avec le mariage prochain de Leyla. Saera se tut un instant, rassemblant prudemment ses mots. Ton avenir nous tient autant à cœur que le sien et nous souhaiterions étudier les opportunités que ton séjour à la capitale pourrait t’offrir, ma chérie. »


Elle avait mit toute la douceur possible dans ses mots. Saera connaissait le caractère de sa fille. Si elle se sentait piégée, il leur faudrait déployer de grands efforts pour instaurer à nouveau la confiance entre eux et elle. L’avenir pouvait être vaste et réserver bien des surprises. Si le mariage était une possibilité, il y en avait d’autres. Le choix restait possible, c’était cela que Saera voulait démontrer à Naerys.

Naerys s’installa dans le fauteuil désigné par son père, suspicieuse devant la formalité. Cela n’annonçait rien de bon. Elle allait devoir mettre en application toutes les leçons apprit à la capitale pour rester digne d’une dame. Elle avait grandi, prit en maturité et en contrôle de ses émotions et de sa langue parfois trop acérée. Mais au fond, elle restait toujours la même jeune fille pleine d’idéale et de rêves irréalisables. Son père se montrait prudent, prenant des pincettes donnant raison à la jeune abeille d’être sur ses gardes. Ses yeux se plissèrent légèrement. Sa mère également renchérit à la capitale.
« Non Port Réal ne me manque pas… Ni même les vipères qui s’y nichent…»

Car pour elle, la capitale n’était qu’un repère à serpent cherchant leur prochain repas ou cherchant à déverser leur venin à une victime désignée par la cour. Passez à travers les mailles de ce filet se révélait ardue et déplaisant pour la jeune bieffoise.  Elle n’avait pas aimé le Donjon Rouge et rentrer à Mielbois était un véritable soulagement pour Naerys.

Ce fut sa mère qui se jeta à l’eau. Aie. Son avenir. Elle avait toujours redouté ce moment-là, et vu toute la délicatesse de sa mère et la méfiance de son père, les messages qu’elle avait faits passer plus jeune était toujours ancré dans leur esprit. Elle voulait vivre librement, sans contrainte. Bien sur qu’elle savait que dans leur monde c’était parfaitement impossible mais elle était rêveuse depuis son plus jeune âge. D’où cela venait-il ? Difficile à dire, personne dans sa famille en dehors Manfred aurait pu insuffler cela à la petite abeille argentée.
« Souffrir d’ennuie ? Moi ? Vous n’êtes pas sérieux ? »

Elle regarda tour à tour ses parents. Parfois elle se demandait s’il la connaissait vraiment. Mais après tout, elle était partie pendant plusieurs années, et la capitale pouvait changer les gens radicalement. Saera le savait étant née dans les terres de la couronne, la cour ne lui était pas inconnue. Mais Naerys avait bien trop de caractère pour changer du tout au tout.  Elle avait juste pris un peu de plomb dans la cervelle, ce qui était en soit une grande chose.
« De quelles opportunités vous faites allusions ? »

Naerys se mettait un peu sur la défensive, elle ne piquait pas encore mais elle était prête à le faire si la conversation tournait au vinaigre à ses yeux. Elle avait toujours donné du fil à retord à ses parents, quatre années passées à la capitale n’allait pas changer cela.

Pour Lewyn qui n'avait jamais vécu à la Capitale, imaginer la vie que sa fille avait mené lui demandait un certain effort. Il pouvait se la dépeindre sur les traits du reste de ses enfants, la voir déambuler dans les couloirs du Donjon Rouge comme elle avait pu le faire dans ceux de Mielbois, mais sa créativité s'arrêtait là. Principalement parce qu'il n'avait ni le temps, ni le loisir de se laisser aller en vaines fantaisies mais surtout car il ne pouvait réellement se dessiner le quotidien de la jeune fille qu'au travers des lettres qu'elle envoyait et, en la matière, il avait sans doute droit à moins de détails anodin que Saera. Il fronça les sourcils à l'évocation des possibles amitiés laissées à Port-Réal. Bien sur, il espérait que Naerys ait saisi l'opportunité de lie quelques complicités avec des dames de la cour, cela pourrait se révéler utile dans les années à venir, mais il craignait d'entendre parler de certaines affections dépassant le stade de la franche et innocente camaraderie. Après tout, la Capitale pouvait être autant un lieu de piété qu'un attentat à la décence et il ne pouvait s'attendre à ce qu'elle se soit enfermée dans le Grand Septuaire durant les quatre dernières années. Peut être, finalement, lui ressemblait-elle plus qu'il ne voulait bien le voir, songea Lewyn face à la réserve que sa fille montra à l'égard de ce temps passé loin de chez elle. Des vipères. Certes, il y en avait partout mais jamais en aussi grande concentration que là où s'exerçait le pouvoir et si Naerys tenait pour beaucoup de Saera, il avait le sentiment que cette méfiance envers l'hypocrisie des grandes cours venait de lui. Quelque part, au fond de lui, il savait que même si la paix était revenue dans le Bief et dans le royaume, il ne pourrait jamais oublier les évènements qui l'avaient conduit à Trois Tours et Noircouronne. La paix venait vite, le pardon, lui, se méritait.

Ce fut Saera qui entra, en premier, dans le vif du sujet, abandonnant toute mise en condition pour épargner à la jeune fille des tensions inutiles : sa venue dans ce bureau, la présence de ses deux parents, il ne fallait pas être un archimestre pour comprendre que la discussion serait sérieuse. Il s'en remettait à la née Celtigar pour choisir le bon moment. Cependant, des années de service à la Cour n'avait pas rendu Naerys plus docile ou disposée à écouter en silence et, au simple ton de sa voix, il savait que la chose se préparait à être ardue. « Tu n'es plus une petite fille, Naerys. » dit-il, d'une voix plus froide qu'il ne l'aurait voulu. « Le mariage de ta soeur va amener son lot de question à ton égard, surtout maintenant que tu es rentrée de Port-Réal. » Bien sur, ils pouvaient garder le silence à ce sujet mais Saera comme lui savaient que cela ne serviraient qu'à faire naître les plus folles rumeurs. Un fait qu'une adolescente pouvait avoir du mal à comprendre, du mal à considérer dans l'entièreté des conséquences qui la suivrait à vie. Naerys était peut être volontaire et bornée, mais il ne serait pas éternel et il ne pourrait pas empêcher les gens de jaser. La fierté juvénile ne valait pas un tel sacrifice. Il se radoucit cependant, conscient de la violence que pouvait engendrer pour elle qui revenait tout juste de s'imaginer déjà troquée au premier venu. « Les choses n'ont pas besoin d'être décidées aujourd'hui, mais il est important de pouvoir y réfléchir. » C'était peut être une chance, finalement, ces quelques années à Port-Réal. S'ils mariaient Leyla à un Tyrell, ce n'était qu'en raison des évènements qui avait tant couté à leur famille, telle une concession de Hautjardin pour compenser son absence dans un moment si crucial et dramatique : la main de Leyla a Luther Tyrell, tout comme la présence de Naerys auprès de Margaery Tyrell, Lord Willos avait payé son dû. C'était à eux de prendre l'opportunité qui se présentait pour assurer le futur de la famille : les anciennes dames de compagnie avaient généralement fait de beau mariage, Naerys ne pouvait pas faire moins. L'avenir n'était pas défini que par la chose maritale, Lewyn le savait très bien, mais il n'imaginait pas Naerys désirer rejoindre la foi ou envisager une carrière de dame d'atour. Mais si c'était ce qu'elle voulait ... songea Lewyn, alors il devait lui laisser la possibilité de l'exprimer pleinement.