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Laissons le passé être le passé | ft. Symon

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Vaelle Velaryon
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Vaelle Velaryon

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Laissons le passé être le passé | ft. Symon Qfvc
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Laissons le passé être le passé
An 310, lune 1, semaine 2

Le Destin jeta les dés. Autour de la grande table, l’assemblée retint son souffle. Même les oiseaux des jardins du Donjon-Rouge s’étaient tus.

Double six.

“J’ai gagné !” Vaelle sautilla sur son siège en applaudissant doucement.

Son adversaire, un musicien aux moustaches joliment recourbés, arracha son chapeau bariolé de sa tête pour y singer l’étouffement d’un hurlement de rage. La plume d’oie qui décorait son couvre-chef lui chatouilla le bout du nez et il éternua bruyamment.
Les autres joueurs rirent de bon cœur tandis que la Dame de Lamarck ramassait ses gains. Quelques dragons d’or, une bague ornée d’un rubis - certainement un morceau de verre poli - une fiole contenant une potion venant d’Essos - sûrement l’eau boueuse de l’estuaire de la Nera - et une petite flûte en bois, peinte de rouge et de vert. Cela lui rappelait la dernière fois que Marillion avait joué contre elle, à Lamarck, il y avait des années. Elle avait gagné son luth, précieusement conservé depuis dans sa malle aux trésors.

“Je suis imbattable aux dés,” fanfaronna-t-elle en riant, ses doigts bagués devant les lèvres.

“Vous trichez, assurément !” rétorqua le rhapsode dépouillé dont on ne savait s’il dissimulait ce qu’il pensait vraiment derrière la boutade.

Offusquée, la valyrienne fit descendre sa main jusqu’à son cœur où elle mima un poignard invisible qu’on y aurait planté.

“Comment ? Moi ? Une tricheuse ? Enfin, vous n’y pensez pas !” s’outra-t-elle faussement.

“Bah, nous vous laissons gagner ma dame !” lâcha une femme brune en se renversant sur son siège pour s’étirer. “On ne voudrait pas s’attirer les foudres des Velaryon…”

Les lèvres peintes de rouge de la brune s’étirèrent dans un sourire qui dévoila juste le bout de ses dents.
Elle et sa troupe de comédiens avaient été présents lors de la première soirée donnée en l’honneur du Roi Aerion. Ils avaient joué une très belle prestation de La Conquête d’Aegon. Ils avaient également été témoins des excuses publiques d’Aurane envers la Reine et envers son épouse, l’ombre des Frey dans son dos.

Vaelle sourit en retour.

“Je ne suis pas un homme, la manière dont je gagne m’importe peu… L’important est de gagner. Et gagner, j’adore ça !” pépia-t-elle en enfilant la bague à son index pour l’admirer.

“Je lui tordrai bien le cou à celle-ci !” pensa-t-elle derrière ses airs nonchalants. “Ouh, qu’est-ce qu’elle m’énerve !”

Désormais qu’il n’y avait plus rien à parier, les musiciens itinérants proposèrent de jouer un morceau de leur composition pour les inviter à une dernière danse avant le départ de la plupart d’entre eux. Le tournoi était terminé et il fallait retourner sur les routes, délaisser le Donjon Rouge et la noblesse pour retrouver les auberges et les voyageurs.

“Oh, Narya ?” Entre deux raclements de chaise, Vaelle interpella la comédienne qui tourna un visage surpris vers elle. “Faites attention, voulez-vous ? D’autres plus susceptibles que moi auraient pu mal réagir. N’oubliez pas à qui vous vous adressez.”

Des langues avaient été coupées pour moins que cela. Des têtes, également.

“Mais enfin, ma Dame, je n’ai fait que sourire,” répondit-elle, toujours le même rire dans la bouche.

“Et je n’ai fait que vous prévenir en toute amitié. Il serait intelligent de garder mon conseil en tête.”

“Si vous voulez conserver la vôtre.”

Narya acquiesça prudemment avant de retourner auprès de sa troupe qui entamait une gigue spontanée au rythme des violes et des guiternes.

Remettre une simple comédienne à sa place n’était pas compliqué. Pas vraiment, du moins. Vaelle se savait de rang supérieur ; l’offense pouvait être facilement lavée. Mais qu’arriverait-il si on l’ennuyait de la sorte, et que les mots venaient d’un Harte, d’un Slynt, d’un Solverre ? Il avait été montré que les Velaryon étaient faillibles. Et Vaelle connaissait assez la noblesse pour la savoir vicieuse et cruelle ; on se jetterait sur eux à la moindre nouvelle vulnérabilité. Elle devait se montrer implacable.

Par les Dieux, ce qu’elle détestait ça ! Dire que durant longtemps, ses aspirations se limitaient à manger du gâteau, à rester au lit toute la journée avec Monford et à lire de la poésie… “C’est drôle, comme la vie vous joue de mauvais tours…” songea-t-elle alors qu’un comédien la faisait tourbillonner et que la musique s’arrêtait sur une dernière note aiguë.

Le soleil qui déclinait à l’horizon sonnait la fin des festivités ; certains quittaient Port-Réal le soir-même et d’autres profitaient de leur dernière soirée dans une quelconque taverne de la ville. Avec des bises et des accolades bruyantes et la promesse illusoire qu’on se verrait bientôt, le groupe se sépara.

“Vous ne venez pas, lady Velaryon ?” demanda le musicien aux moustaches recourbées.

“Je vais profiter encore un peu de cette vue.” Elle désigna du bras la mer du Détroit qui s’étendait jusqu’à l’horizon. “Nous avons la même à Lamarck,” concéda-t-elle. “Mais je ne m’en lasse jamais.”

D’un dernier signe de la main, le flûtiste tira sa révérence et Vaelle demeura seule avec ses gains du jour. Les jardins étaient désormais silencieux.

Avec un soupir, la valyrienne s’affaissa sur son siège et bascula sa tête en arrière avant de fermer les yeux. Le soleil estival, mais clément de la fin de journée, chauffait la peau de ses joues d’une caresse tiède. “Quelle semaine,” pensa-t-elle en jouant mollement avec sa nouvelle bague en toc. “Lorsque nous serons rentrés à Lamarck, je dormirai pendant trois jours.” Une autre promesse en l’air, puisqu’elle savait la montagne de travail qui l’attendait (et Lucerys également, mais elle préférait de loin penser à ses tâches qu’à son oncle) : organiser les premiers jours du jeune Aemon, préparer les travaux à Carène… “Au moins, je retrouverai mes chiens…” Viserys et Gerold (affectueusement surnommés Vivi et Gege) l’attendaient de pied ferme, assurément.

“Et cette maudite Narya…” bougonna-t-elle dans sa barbe. “D’autres plus susceptibles,” reprit-elle en imitant sa propre voix. “Comme si je ne l’étais pas, susceptible !”

Vexée comme un poux, Vaelle ruminait en imaginant mille scénarios : ce qu’elle aurait pu faire et ce qu’elle aurait pu dire différemment pour moucher Narya une bonne fois pour toute et dissuader quiconque oserait lui faire la moindre remarque sur ce qu’elle avait décidé d’appeler “l’incident des faveurs”.

Des bruits de pas dans son dos lui firent brusquement ouvrir les yeux. Des iris brunes l’épiaient curieusement.

“Ser Symon !” s’exclama-t-elle avec un grand cri. “Ne vous a-t-on jamais dit de ne pas surprendre une dame ? Regardez-moi, toute mal fagotée…”

“Et à parler toute seule !” Elle se redressa vivement tout en ajustant les plis de sa robe et les tresses de sa coiffure. “Est-ce qu’il m’a entendu marmonner comme une hystérique ? Dieux, faites que non.”

“Je vous en prie, installez-vous avec moi ! Asseyez-vous, asseyez-vous.”

Elle désigna une des chaises libres autour de la table désormais déserte.

“Quel dommage, vous avez manqué les musiciens. Vaemond m’a dit que vous étiez devenu un très bon danseur…” Elle marqua une pause en fronçant les sourcils. “Ou peut-être qu’il s’est encore moqué de moi…”

Après un bref moment de silence, elle reprit :

“Vous vous souvenez, lorsque nous dansions à Pince-Isle ?” Le souvenir la fit rigoler. “Comme nous étions maladroits !”

Elle avait évoqué le même souvenir à Vaemond la veille. Décidément, elle était d'humeur nostalgique, dernièrement.
Elle souffla par le nez.

“Mais je parle, je parle… Vous vouliez me voir ? Ou n’êtes-vous là que pour une balade de fin de journée ?”

Il était vrai que les jardins du Donjon Rouge étaient splendides au crépuscule.

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Laissons le passé être le passé
An 310, lune 1, semaine 2

Le tournoi était enfin fini, et Symon n’avait pas le sentiment le plus satisfait face à cela. S’il ne pouvait pas se plaindre de ses places aux deux épreuves auxquelles il avait participé, il n’arrivait pas non plus à s’en réjouir. C’était son défaut, trop vouloir être à la hauteur d’une version de lui qui n’existait probablement que dans ses rêves les plus fous. Il visait bien souvent trop haut et ses résultats, bien que bons, ne lui laissaient généralement qu’une légère amertume dans la gorge qu’il calmait bien souvent dans une taverne avec le goût plus doux d’une bière bien fraîche. Il tapa machinalement sur l’épaule du jeune qui avait été son écuyer le temps du tournoi et la secoua amicalement comme pour signifier que ce n’était qu’un au revoir.

« Allez, peut-être que dans quelques années, on se retrouvera face à face dans un autre tournoi. Je te préviens, je ne te ferai pas de cadeaux. » Dit-il, sourire aux lèvres. Le jeune homme répondit timidement par un sourire similaire avant de repartir vaquer à d’autres occupations. C’était peut-être là une promesse en l’air au vu des temps qui couraient et les incertitudes du futur, mais donner un peu de joie et d’espoir aux futurs générations était bien plus important que de les teindre du pessimisme de la réalité.

Resserrant ses vêtements comme il le fallait et réorganisant ses épaulières de cuir comme il en avait l’habitude, il regarda la ville avant de prendre une profonde inspiration, comme un bagnard à qui l’on aurait rendu la liberté. Beaucoup de nobles se plaignaient des odeurs de la ville et il était vrai que celle-ci était pour le moins présente, mais le Pynède ne semblait pas être plus choqué par cela qu’autre chose. Au contraire, toute cette vie lui plaisait, croiser de nouvelles têtes et quelques fois se balader au milieu des foules sans avoir la célébrité d’un Roi lui facilitait bien la tâche pour se fondre au milieu des habitants de Port réal. Monterys était probablement affairé à faire la fête aux côtés d’Aegon Targaryen et Symon avait bien appris en cinq années qu’il y avait certains moments où il valait mieux laisser le jeune Velaryon respirer un peu. Il devrait probablement bientôt prendre son envol et s’il avait été un garde du corps, il était maintenant bien plus un conseiller et un guide qui restait non loin de là au cas où le jeune écuyer aurait besoin d’un coup de main. Alors qu’il se sentait libre de ses obligations pour le reste de la journée, le chevalier marcha d’un pas décidé quoique guilleret vers le Donjon Rouge. S’il voulait profiter de la vue que la citadelle offrait alors que le jour se couchait, il espérait bien y croiser la mère de son protégé et l’une de ses plus proches amies, celle dont il avait porté les couleurs sur sa lance lors des joutes. Il se doutait qu’elle aurait probablement quelques démêlés à cause des frasques d’Aurane Velaryon et ne souhaitait pas la laisser seule dans ce pétrin.

« A l’heure qu’il est, c’est un miracle si elle n’est pas en train de pester sur quelqu’un. » Se dit-il alors, amusé à l’idée. Combien de fois avait-il était témoin silencieux de la scène, au détour d’un couloir quand la jeune Vaelle, à l’époque bien timide, extériorisait sa colère en se croyant seule ? Bien trop souvent pour en avoir pris note, et bien assez pour avoir des souvenirs de certaines scènes qui lui semblaient encore bien fraîches dans son esprit. Avançant alors bien plus discrètement, il remarqua au loin la silhouette reconnaissable de la régente des Velaryon qui semblait se séparer d’un groupe de musiciens. Un sourire malicieux se dessina sur le visage du chevalier qui se dissimula dans les ombres, jouant avec les pilonnes pour s’approcher, invisible. Il laissa les jardins se vider peu à peu, jouant avec les ombres des arbres taillés. Alors qu’un musicien lui lança un regard, il fit mine de mettre son doigt devant sa bouche, précisant qu’il n’était pas là pour discuter avec lui avant de lancer à ce dernier un clin d’œil amical, tuant toute possibilité de suspicion quant à ses intentions.

Il entendit alors Vaelle marmonner, pester contre une certaine Narya qui semblait l’avoir échaudée avec des propos peu accommodants. Après qu’elle ait pu reprendre son calme, le chevalier se décida à sortir de sa cachette, jouant les innocents ne faisant qu’arriver dans les jardins vides du donjon. Des bruits de pas plus entendus, un regard curieux, comme s’il était surpris de la trouver là à cet instant. La dame des Velaryon ne put s’empêcher de s’exclamer en le voyant arriver, lui disant qu’il ne devait jamais surprendre une dame. Un sourire narquois se dessina sur les lèvres du Chevalier qui s’inclina alors d’une manière presque caricaturale.

« Ho vous m’en voyez désolé, ma Dame. Souhaiteriez-vous que je refasse mon entrée pour que vous soyez moins incommodée ? Et si c’est votre apparat qui vous dérange, croyez-moi, j’ai eu le temps de voir pire en cinq années passées ici.» Une façon pour lui de calmer la dame tout en jouant comme il le faisait déjà à l’époque. Il n’avait jamais su tenir sa langue dans sa poche et savait aussi le malin plaisir que prenait Vaelle à entendre quelques ragots. Probablement que le simple fait d’imaginer le Pynède avoir vu des nobles dans des postures bien plus dérangeantes que celle dans laquelle elle se trouvait l’aiderait à souffler un peu.

Suivant la demande de la dame Velaryon de s’asseoir à sa table, il le fit sur la chaise qu’elle désignait de la main pour la rejoindre à cet endroit désormais presque vide de monde. Alors qu’elle lui dit qu’il avait raté les musiciens, il faillit lui échapper qu’il les avait croisés, mais cela aurait vendu la mèche sur son petit manège et il s’en abstint, répondant alors simplement aux affirmations de Vaemond concernant ses talents de danseur.

« Dommage oui, j’aurai pu vous montrer mes progrès. Vaemond peut bien rire, je crois que les pieds de son épouse se rappellent encore de ses talents pour la danse de leur mariage. » Dit-il alors, levant les yeux au ciel avec un léger sourire moqueur. Si rien de méchant n’était dit, les deux amis, le chevalier comme le Seigneur des Celtigar avaient toujours eu cette manie de se moquer l’un de l’autre dans un esprit bon enfant, comme pour faussement prouver que l’un était meilleur que l’autre. Une discussion qui semblait se teinter de la nostalgie pour les deux interlocuteurs puisque la dame Velaryon se remémora les piètres talents de danseurs qu’ils avaient pu avoir à pince-isle.

« Il faut dire que nous n’avions pas eu les meilleurs maîtres en la matière, mais je suis sûr que vous avez fait d’énormes progrès vous aussi. Peut-être pourrons-nous prendre notre revanche sur ces maladresses une autre fois ? » Dit-il alors, l’air mutin. Une vengeance sur leur passé, sur les pas maladroits qu’ils avaient pu faire à cette époque. La danse, pendant longtemps, n’avait pas été le fort du Pynède qui pensait avoir vu son père danser une fois pour au final remarquer qu’il ne faisait que s’empêcher de tomber sur un sol humide glissant. Un souvenir pas bien glorieux mais ho combien amusant. Alors qu’elle lui demanda s’il venait pour la voir ou profiter du paysage, le chevalier dit alors, sourire toujours aux lèvres.

« A vrai dire je me suis dit que je vous trouverai ici et que l’on pourrait profiter de la vue ensemble. » Les yeux pétillants de malice, il était tout simplement amusé à l’idée de retrouver quelques bribes de son enfance se superposant à son présent. « Je me suis dit que vous auriez probablement quelques questions au sujet de Monterys, mais peut-être me suis-je trompé ? En tout cas, simplement vous parler me semblait une bien belle manière de finir cette journée. » Acheva-t-il, regardant au loin le soleil tendant doucement à s’effacer pour laisser peu à peu sa place au ciel étoilé.

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An 310, lune 1, semaine 2 @Symon Pynède

Les yeux rieurs de Symon ne mentaient pas. Bien qu’il s’eut gardé de prononcer la moindre remarque, il avait définitivement entendu ses tergiversations orales. Nul doute que Vaelle y songerait avant de s’endormir et que la honte la ferait se lamenter dans son oreiller.
Pour le moment, cependant, elle rangea sa gêne dans un lointain tiroir de son cerveau.

“Oh… Alors, vous me cherchiez ?” Elle déploya son éventail de satin pour dissimuler un sourire mutin, les galons de dentelles à la lisière de ses yeux. “Vos flatteries vont me monter à la tête plus vite qu’un bon vin.”

Symon n’avait pas changé. Le même regard sombre et espiègle, les mêmes fossettes creusées dans ses joues par ses sourires. Le temps avait tracé de minuscules traits dans le coin de ses yeux. “Il a un peu plus de barbe, également.” Ils ne s’étaient guère plus vus depuis la fin de l’adolescence, mais le souvenir le plus vivace que la valyrienne gardait de l’ancien écuyer de son père datait de leurs huit ou neuf ans. À l’époque, les joues de Symon étaient lisses comme celles d’un bébé.
Vaelle, en revanche, avait changé. Du moins, elle se plaisait à le croire. La fillette timide et rondelette, incapable d’aligner trois mots sans bégayer et sans rougir était morte à Pince-Isle. Elle s’était convaincue qu’elle ne la regrettait pas. Elle n’aurait pas survécu en restant la même.

“J’ai toujours des questions au sujet de Monterys,” soupira-t-elle, soudainement lasse. “Mais vous le connaissez…” Elle appuya sur lui un regard entendu. “Ses réponses à mes lettres sont lapidaires… Quand il me répond ! Je sais, je sais… Il est grand maintenant, je devrai cesser de m’en faire, mais…”

Elle prit une profonde inspiration. L’odeur si particulière des crépuscules d’été ensoleillés la fit soupirer. Sel. Pierres chaudes. Océan. Si elle avait fermé les yeux, elle se serait peut-être crue à Pince-Isle, près de vingt ans en arrière. Un parfum doux-amer. Avec Symon à côté d’elle, la nostalgie se faisait d’autant plus cruelle.
Devant elle, la mer flamboyait des dernières lueurs du jour. Les premières étoiles piquaient déjà le ciel.

Monterys n’était déjà presque plus un adolescent. À son âge, certains enfants malchanceux avaient déjà hérité du fief de leur père depuis de nombreuses années. Pourtant, il lui était encore difficile de le voir comme un homme. Pendant dix ans, il avait été son fils, son enfant chéri, qu’elle avait aimé, protégé, gâté, alors que Monford disparaissait durant des lunes entières en Essos. Monterys écrivait des poèmes, peignait avec elle dans les jardins de Marée-Haute, jouait de la flûte pour égayer ses journée… Un enfant paisible et sensible.
Désormais, il appréciait les combats à l’épée, rechignait à l’embrasser et parlait politique et stratégie avec des adultes.
Comme sa mère avant lui, Monterys changeait. Et elle avait du mal à l’accepter.

“C’est plus fort que moi.”

Sa main trouva l’avant-bras de Symon.

“Il faut tout me dire ! Enfin… Pas tout, peut-être… Mais dites-moi, mange-t-il bien ? Comment se déroulent ses entraînements ? Se débrouille-t-il bien ? Le Prince Aegon est-il patient ? Et la cour… S’y fait-il ?”

Mille autres questions attendaient aux portes de ses lèvres, mais elle les ferma d’un rire embarrassé :

“Il ne fallait pas me lancer sur le sujet ! Si nous continuons ainsi, je vous tiendrai éveillé toute la nuit et le soleil se lèverait que je n’aurais toujours pas terminé.”

Elle retira sa main pour venir tripoter les perles à son cou. Un cadeau de sa cousine Aemma.

“Je crois vous l’avoir dit par lettre, mais jamais à voix haute… Merci. Merci d’avoir accepté ma requête, il y a de cela cinq ans. Vous n’étiez pas obligé… Et vous l’avez fait quand même.”

À l’époque, la perte de Monford et le départ précipité de son fils pour Port-Réal l’avaient plongée dans une telle détresse qu’elle avait fait fi du moindre sentiment de honte qui aurait pu germer en elle lorsqu’elle avait contacté Symon. Depuis combien d’années ne s’étaient-ils pas vus ? Ne s’étaient-ils pas parlés ? Et voilà qu’elle arrivait avec ses gros sabots pour lui demander un service. Et un service de taille.
Ses doigts continuaient de triturer son collier.

“Et vous ?” demanda-t-il finalement. “Comment se passe votre vie à Port-Réal ? Vous y plaisez-vous ? Vous m’avez confié vous êtes beaucoup déplacé à travers Westeros durant toutes ces années… De vous trouver vissé au même endroit durant si longtemps ne vous pèse-t-il pas trop ?”

Nourrie aux livres d’aventures et d’exploration, Vaelle avait toujours été fascinée par les voyages. Combien de fois s’était-elle imaginée les confins du monde connu ? Les mystères d’Essos ? Les déserts suffocants de Dorne ? Les neiges éternelles du Nord ? Des rêves qui resteraient des fatasmes. Parcourir le monde n’était pas l’apanage des dames ; en particulier lorsqu’elles représentaient leur maison. “Je serais morte en deux jours, dans la nature,” songea-t-elle avec un fatalisme réconfortant. “Et cela après m’être faite voler toutes mes affaires et jetée dans un fossé.” Un frisson remonta le long de son échine. Elle pouvait presque sentir la boue dans ses chaussures et l’acier sur sa gorge.
Ses yeux tombèrent vers ses petits souliers à talons ornés chacun d’une boucle d’argent ouvragée. Elle aurait été une terrible exploratrice. “Je ne sais même pas si je me débrouille mieux en tant que seigneuresse…” Les récents événements n’allaient décidément pas en sa faveur.

“Et ne croyez pas que j’ai oublié…”

Elle rapprocha son fauteuil du sien pour lui chuchoter avec un air de cachotière :

“Il faut me dire qui vous avez vu en fâcheuse posture… et ce qu’ils faisaient. Après, peut-être, vous ferais-je l’honneur d’une danse… Mais seulement si les potins sont croustillants !”

Elle gloussa en s’éventant.

Il était plus facile de parler de frivolités que de s’autoriser un instant de vulnérabilité. Peut-être avait-elle tort, finalement. La petite fille réservée était belle et bien toujours là, mais elle s’évertuait à l’étouffer sous un masque de superficialité, comme l’eau prisonnière sous un lac gelé. Heureusement, aucun rayon n’avait été assez chaud pour la fissurer.
Et pour ce soir, le soleil s’était définitivement couché.


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« Un bon vin, voilà bien ce qu’il me manque quelques fois, par ici. » Dit-il, en réponse légèrement amusée à la tirade de son amie. Il fallait dire qu’Essos était reconnu pour la qualité de ses boissons alcoolisées, prisées dans les sept royaumes de Westeros et qu’il avait eu tout le loisir de s’en délecter pendant ses deux années à parcourir les trois sœurs et plus encore. Bien entendu, ce qui venait à Port-Réal était bien loin de certaines piquettes auxquelles il aurait pu goûter ailleurs, la principale différence était qu’il fallait bien entendu y mettre le prix de l’importation, ce qui amenuisait la fréquence à laquelle il pouvait s’abreuver d’autre chose que du vin des terres Westerosiennes. « Cependant, pour en avoir faire l’expérience, je ne peux qu’être ravi d’avoir l’immense plaisir d’avoir cet effet avec des simples paroles. Ce n’est pas de la flatterie lorsqu’elles sont sincères après tout. » Laissa-t-il entendre, sourire légèrement charmeur aux lèvres qu’il avait développé depuis longtemps, devenu presque un automatisme lorsqu’il parlait aux autres. Après tout, un sourire laissait souvent bien plus de souvenirs que quelques paroles et ouvrait bien des portes, stratagème dont il n’utilisait pas là, se sachant déjà bien vu par la dame de Lamarck.

Bien entendu, la discussion dériva très vite sur l’une des personnes qu’ils avaient en commun dans leur connaissance : Monterys. Il fallait dire que l’inquiétude d’une mère était tout ce qu’il y avait de plus normal pour le chevalier et qu’il était en première ligne pour répondre à ses interrogations. Symon était bien loin d’être une langue de bois qui passerait par quatre chemins pour dire ce qu’il pensait du jeune homme qu’il se devait de protéger. Il sentait la lassitude et la mélancolie s’insinuer dans les paroles de Vaelle, entrecoupées des soupirs de lassitude face aux réponses évasives de l’écuyer d’Aegon Targaryen qui l’amusèrent en silence. Après tout, n’avait-il pas été pareil lors de ses premières années à Pince-isle, avant que sa mère ne disparaisse en donnant naissance à sa petite sœur ? Un regret qui avait pu lui serrer quelques fois la poitrine le soir et qu’il n’avait jamais montré, de ne pas avoir été plus loquace, plus démonstratif envers elle, croyant comme tout enfant que ses parents étaient éternels. Ecoutant chaque question qu’elle lui posa, il laissa transparaître un air réconfortant sur son visage malgré la malice qui se lisait dans les plis de son regard tandis que sa main vint retrouver le bras de la Velaryon qui s’était posé sur le sien en l’attente de réponses.

« Pas tout, donc ? Et moi qui pensais déjà devoir vous parler des regards doucereux qu’on lui lance quelque fois à la cour… » Commença-t-il, s’amusant un peu de la situation et de la gêne qu’il pouvait provoquer chez la Velaryon. « Monterys est un bon garçon et un bon écuyer. Il écoute, il apprend et surtout il ne veut pas vous décevoir. Peut-être essaie-t-il de grandir trop vite et de jouer le distant pour montrer qu’il a mûri, mais n’allez pas croire qu’il ne pense pas à sa famille un seul instant. Le Prince Aegon est patient avec lui, enfin… Pour ce que j’en sais d’un écuyage patient, on ne peut pas dire que Ser Ardrian était un exemple de patience. » Dit-il, le regard se perdant légèrement dans le lointain, se rappelant du nombre incalculable de fois où il se fit rabroué par le chevalier dont il était écuyer à l’époque. Il fallait dire que Symon n’avait pas été l’élève le plus tendre et studieux que l’on puisse vouloir non plus. Des souvenirs qui, s’ils avaient pu être durs à l’époque, lui semblaient maintenant emplis d’une nostalgie amusante. « Quant à la cour, il s’y est bien fait. Je ne joue que l’observateur et le laisse vivre sa vie comme il l’entend et croyez-moi, il a appris à s’y plaire. »

La discussion dévia alors, la dame de Lamarck le remerciant encore d’avoir accepté sa requête. Comme elle l’avait dit elle-même, ce n’était pas la première fois qu’elle l’avait fait même si ce n’était que par lettre, et elle semblait tenir à le faire de vive voix. Lorsqu’elle lui dit qu’il n’était pas obligé de le faire, il sourit avant de répondre tout bonnement. « N’est-ce point-là le principe d’agir « par plaisir » ? Je l’ai fait car je voulais le faire, ne vous en faites donc pas pour cela. » Dit-il alors, se voulant réconfortant après de la dame. S’il avait agi, c’était bien en souvenir du bon vieux temps, de son amitié avec les Celtigar, et non par ordre ou par intérêts personnels.

« Et moi ? La vie à Port-Réal me sied étrangement bien ! » Dit-il, l’air presque surpris de sa découverte qui avait pourtant duré cinq années. « J’ai effectivement parcouru les terres ici et là, comme mes deux années passées en Essos, ou encore au Bief. » Une légère amertume dans la gorge lui vint alors. Il n’avait pas pu être là lors de l’attaque du domaine Des Essaims et s’en voulait personnellement de ne pas avoir pu protéger la jeune Masha alors qu’il était déjà parti par-delà les mers sur demande de son frère. « Toujours est-il que Port-Réal n’est pas en reste et que l’on y croise du beau monde de tous les horizons. Et si jamais je m’ennuie dans les jeux de cour, je peux toujours me faire passer pour quelqu’un du peuple. Je n’ai pas l’apparat d’un Targaryen et je sais me grimer pour passer incognito dans les auberges. Croyez-moi, il y a de quoi s’amuser lorsque l’on sait où chercher. » Dit-il alors, l’air à la fois amusé et mystérieux. Ho, il se doutait bien que ce ne serait pas le genre de la dame de Lamarck de se faufiler dans les auberges ou les spectacles de rue pour voir ce qu’il s’y faisait, mais elle avait l’esprit bien assez affûté pour en avoir une idée.

Revenant à la charge en chuchotant, Vaelle semblait vouloir des potins, promettant une danse s’il en trouvait quelques-uns. Un léger rire vint à sortir de la bouche du chevalier. « A jouer l’ombre, on en voit, des choses, croyez-moi ! » Dit-il alors, comme pour attiser la curiosité de son amie avant de jouer à celui qui laisserait cela en suspens. « Mais que voudriez-vous come Histoire ? J’en ai une tout à faire récente d’une dame qui semblait maudire une certaine Narya qui l’aurait, je pense, quelque peu touchée dans son orgueil. » Se tenta-t-il, sachant qu’elle verrait très certainement qu’il en parlait avec amusement, s’empressant alors de dire « Mais cela reste entre nous, bien entendu ! », léger clin d’œil à l’appui, confirmant qu’il emporterait ce secret léger jusqu’au bout. « Plus cocasse, pendant mon voyage en Essos, j’ai vu le fils d’un Riche marchand faire le fier à bras sur son cheval pour épater la gallerie. A croire qu’il ne l’avait pas assez bien dressé car le cheval se braqua et le m’as-tu-vu s’est retrouvé la tête la première dans un chariot de… Matière fort peu amicale. » Dit-il alors, préférant tout simplement esquiver des mots plus crus pour parler de compost, même si le rire étouffé qu’il produisit en se rappelant de la scène ne laissa aucun doute quant à ce qu’il avait vu. « Alors, ai-je gagné le droit à cette danse, ou pensez-vous qu’il faudrait des anecdotes plus croustillantes ? » Lança-t-il, préférant tout simplement ne pas parler de l’affaire d’Aurane que tout le monde avait sur les lèvres en ce moment. Après tout, elle était aussi la cible de ces quolibets et il préférait laisser les mauvaises nouvelles au loin le temps d’un soir.


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Laissons le passé être le passé
An 310, lune 1, semaine 2 @Symon Pynède

La bouche de Vaelle s’arrondit en un “o” de stupéfaction. Évidemment qu’il l’avait surprise en train de se parler à elle-même ! D’un mouvement du poignet, elle ferma son éventail dans un “clac” sonore avant de l’abattre sans méchanceté sur la main de Symon.

“Oh vous !” se vexa-t-elle faussement. “Alors vous m'espionnez, n’est-ce-pas ? J’en étais sûre ! À jouer l'ombre comme vous dites… J’espère bien que cela restera entre nous ! Sinon je devrai vous faire couper la langue… Cela serait malheureux, assurément.”

Elle prit un air comiquement désolé, observant du coin de l'œil le visage rieur de Symon avant de se fendre à son tour d’un grand éclat de rire en écoutant la nouvelle histoire saugrenue du chevalier. Elle aurait voulu se représenter l’entièreté de la scène : le décor de la ville, les vêtements des passants, les odeurs de la rue… Malheureusement, c’était autant de choses qu’elle ne pouvait pas apprendre des livres dont elle gavait son imagination. Quelle merveilles les yeux du chevalier avaient-ils vus ? Quelles villes exotiques ses pieds avaient-ils foulés ? Quels mets étonnants avait-il goûtés ? Enfant, elle avait espéré, dans des émois naïfs de petite fille, qu’elle se marierait avec Symon. L’aurait-il emmenée avec lui explorer le monde ? Quelle genre de femme serait-elle aujourd’hui ? Elle observa ses doigts couverts de bagues. “J’aurais certainement moins de bijoux,” songea-t-elle. Peut-être aurait-elle troqué son unique paire de boucles d’oreilles contre un cheval pour faire la route de Pentos à Norvos…

“Vous auriez pu me raconter la plus mauvaise des rumeurs, je vous aurais tout de même proposé une danse,” dit-elle simplement, un petit sourire charmant ornant ses lèvres. “C’était un prétexte.”

Elle se redressa pour se planter face à lui. Ses mains attrapèrent les siennes pour l’inciter à se lever à son tour. Maintenant qu’il se tenait debout face à elle, elle se rendait compte d’à quel point il était plus grand qu’elle. Il y avait longtemps, c’était elle qui le dépassait en taille. Pas de beaucoup, mais elle en avait, à l’époque, tiré une petite fierté insoupçonnée.
D’autorité, elle guida ses doigts jusqu’à sa taille.

“Je vous laisse me guider. Montrez-moi à quel point mon frère avait raison.”

La mise au défi dansait sur sa langue. Le soleil venait de plonger dans la mer et pourtant, elle pouvait encore sentir son étreinte, la tiédeur de ses rayons irradiant dans son dos, dans sa nuque, dans ses bras.
Lorsque Symon fit le premier pas, elle le suivit docilement, calquant chacun de ses mouvements sur les siens. Une moindre pression de sa main contre sa taille et elle anticipait. Un pas à gauche. Deux pas à droite. Il leva le bras pour la faire tourner. Un tour. Deux tours. Trois tours. Et elle riait, presque comme une enfant lorsqu’il l’immobilisa contre lui. Sa chemise sentait le vin et l’été. Ses cheveux sombres contrastaient dans le ciel crépusculaire, auréolant son front d’étoiles naissantes.

“Je vais perdre mes chaussures,” rigola-t-elle en tentant de repositionner ses pieds.

Danser sans musique aurait pu être étrange… Déstabilisant, presque, elle qui aimait tant que tout soit parfait, millimétré. Sans note, sans rythme, il aurait normalement été beaucoup plus difficile de s’y retrouver. Mais Symon rendait l’exercice facile, l’amenant là où elle devait être au moment où elle devait y être. Elle pouvait sentir chacune de ses intentions dans le froissement de ses muscles, les imperceptibles mouvements de ses doigts contre les siens ; elle y obéit avec plaisir. Il y avait longtemps qu’elle n’avait pas dansé comme cela. Il y avait longtemps qu’on ne l’avait pas fait danser comme cela.

Lorsqu’ils s’arrêtèrent, le soleil était définitivement couché. Les grillons, encore timides, chantaient doucement et invisibles dans les jardins du Donjon Rouge.
Vaelle déglutit en reprenant son souffle. Un grand sourire barrait son visage.

“Mon frère ne m’a donc pas menti !” s’esclaffa-t-elle en recoiffant ses tresses, son coeur battant contre sa poitrine. “Ser, vous êtes un excellent cavalier. Quel dommage que je ne le découvre que maintenant… J’aurais aimé que vous me fassiez danser tous les soirs de ce tournoi.”

Elle s’inclina bien bas. Son collier de perles quittant un instant sa poitrine avant de la retrouver lorsqu’elle se redressa.

“À quand remonte notre dernière danse ? Vingt ans ? Plus ? Quel âge avons-nous ?!” s’exclama-t-elle, toujours aussi choquée de compter le passé par paquet de dizaines d’années.

La nuit étant l’apanage des drôles et des filous, quelques convives s’invitèrent à leur tour dans les allées fleuries, profitant de la nouvelle obscurité pour se laisser aller à quelques messes-basses ou à quelques rires sous capes.
Les domestiques, qui étaient toujours là où ils pouvaient être utiles, suivaient. Vaelle en appela un qui passait pas là, les bras chargé d’un plateau d’argent où attendaient des coupes pleines en rang d’oignon.

“Tenez, que je ne sois pas la seule à être étourdie après tout ça !” Elle lui offrit la coupe. “En espérant qu’il plaise à votre délicat palais, ser Symon.”

Le cépage était succulent. Comme à peu près tout ce qu’elle avait eu l’opportunité de goûter à Port-Réal pendant les festivités. Il était vrai qu’elle ne s’était pas faite prier, oubliant un peu ses malheurs dans le réconfort des plats exquis de la capitale. En espérant qu’elle puisse encore enfiler ses robes, lorsqu’ils rentreraient à Lamarck… Elle étouffa sa grimace et ses craintes dans une nouvelle gorgée de vin.

Elle tournait dans sa tête ce que lui avait dit le frère de lord Pynède sur son fils. Elle était rassurée de le savoir épanoui au Donjon Rouge. Le lieu n’était pas pour tout le monde ; sa nièce Naerys ne s’y était jamais faite. Un élan de tendresse maternelle la secouait même. Monterys voulait qu’elle soit fière de lui. Elle l’était déjà. Quoiqu’il entreprenne, que cela se solde par une réussite ou par une défaite. S’il restait fidèle à ses valeurs, aux mots de leur maison et surtout, à lui-même, alors il ne pourrait jamais faire naître en sa mère autre chose que de la fierté.
Il se plaisait à la cour… et il plaisait. Rien d’étonnant. Il ressemblait à son père. Des cheveux argentés, des yeux lavande et des joues qui, débarrassées des rondeurs de l’enfance, laissaient apparaître des pommettes et des traits élégants. Y en avait-il une qui lui plaisait en retour ? Son statut de seigneur de Lamarck déterminait pour lui un avenir marital dénué de choix. Vaelle craignait pour le cœur de son fils. Elle espérait qu’il soit moins tendre qu’elle.

“Je suis désolée,” reprit-elle après un moment de silence. “Pour mon père. Pour mon grand-père. On ne peut pas dire qu’ils étaient… faciles.”

Un petit rire triste s’échappa. Toutes ces années, elle s’était désespérée de leur plaire. Peut-être Symon avait-il éprouvé les mêmes sentiments. Un jeune garçon issu d’une famille mineure de la Presqu’Île de Claquepince au service d’une illustre maison de l’Ancienne Valyria… Lui aussi s’était peut-être escrimé à faire ses preuves, en vain.
Pourtant, en dépit de tout, elle refusait de dire du mal d'eux.

“Vous savez, j’étais un peu amoureuse de vous, quand nous étions petits,” avoua-t-elle en sirotant son vin.

Plus d’une fois, elle s’était retrouvée à faire les cents pas dans sa chambre, priant les Sept pour lui donner la confiance de demander à son grand-père l’autorisation de se fiancer avec Symon. Elle n’en avait jamais parlé à l’intéressé, bien sûr, estimant que le consentement de lord Celtigar suffirait à ce que Symon l’aime. Car il n’y avait que sous la contrainte qu’on aurait pu aimer une créature timide et renfermée comme elle.

“Je m’imaginais… Nous aurions pris le bateau pour Essos, pour le Val, pour le Bief… Nous aurions visité des endroits que je me représentais comme fantastiques. Nous aurions rencontré d’incroyables créatures, vous m’auriez appris à me battre à l’épée.”

De le dire à voix haute la fit éclater de rire. De sa main libre, elle frotta ses doigts contre sa paume. Immaculée. Douce. Tendre comme la peau d’une pêche. Cette main aurait-elle pu tenir le manche d’une arme ? La anse d’un bouclier ? Certainement pas.
Elle glissa sur Symon un regard amusé.

“J’aimais beaucoup lire,” expliqua-t-elle. “Je me faisais tout un tas d’idées saugrenues là-dedans.”

Elle fit tourbillonner son index à côté de sa tempe. Son regard tomba à nouveau vers la mer qui s’étalait jusqu’à l’horizon. Une grande flaque noire que la lune peignait de quelques éclats argentés. Quelques navires formaient des silhouettes plus sombres encore contre les vagues. Les voiles avaient été baissées pour la nuit.

“J’espère que mon fils sera plus pragmatique. Moins romantique que moi.”

“Ce n’est pas comme s’il avait le choix,” songea-t-elle tristement. Monford avait été un choix raisonné. Un choix raisonné qui s'était transformé en adoration, pour elle. Une chance, puisque chacun de ses regards sur elle l'avait comblée d'un amour infini. Un drame, puisque chacun de ses mots blessants l'avait entaillée plus profondément qu'une épée. Et la dernière lame était restée plantée dans son coeur. Cinq ans qu'elle la portait partout avec elle comme une éternelle compagne. Et il y avait une telle familiarité, un tel réconfort dans cette douleur, qu'elle refusait que quiconque ne touche à cette épée pour tenter de la soulager. Ce désespoir n'était que le prolongement de son amour. Personne ne devait jamais tenter de l'apaiser.

“Et vous, alors ?” Elle se tourna complètement vers le chevalier. “Vous avez mon âge, je crois ? Pensez-vous à vous marier ? Il y a sûrement quelqu’un, charmant comme vous êtes… Vous pouvez me le dire ! Je serai muette comme une tombe. Que les Sept me maudissent si j’en parle !”

Vaelle sourit derrière l’index qu’elle avait posé sur ses lèvres.



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Laissons le passé être le passé
An 310, lune 1, semaine 2

[color=#009900]« Ho non, je n’espionnais pas ! Tout juste suis-je arrivé à un moment opportun. Les affres de la coïncidence ! Et effectivement, il serait dommage de perdre ma langue, j’ai cette fichue manie d’aimer m’entendre parler et cela deviendrait bien plus compliqué. »

Et ils rièrent de bon cœur, comme deux enfants. Après tout, c’était ce qu’ils avaient toujours été et s’il en manquait quelques-uns au tableau, chaque rencontre qu’il avait avec Vaemond aussi se paraient du manteau de la nostalgie, rendant au Seigneur et au Chevalier leurs années d’écuyers à se lancer des piques qu’aucun autre n’oserait prononcer en publique. Quand le respect et la loyauté pouvait enlever cette parure de formalité, c’était bien là la preuve d’une proximité indéniable, d’un passif que personne ne pouvait nier. Des histoires comme celle qu’il avait raconté, il en avait plein ancrées dans ses souvenirs, d’autres où lui-même avait pu quelques fois se tourner en ridicule, ne comprenant pas certaines coutumes d’Essos, se perdant dans les rues pour se retrouver dans des tavernes qui ne le laissèrent pas ressortir sans tituber. S’il partageait certaines de ses aventures à Lucya, c’était bien souvent pour la faire rêver. Il enjolivait, pouvait se donner le bon rôle, essayait de paraître auprès de sa sœur comme l’aventurier qu’elle s’imaginait, plus grand que le monde. Avec Vaelle, c’était bien différent, et les histoires se pouvaient d’être moins rêvées, car elle connaissait ses défauts tout comme il connaissait les siens. Bien entendu, elle accepta la danse, assumant qu’elle aurait accepté quoiqu’il dise, ce qui le fit souffler du nez, dessinant un sourire sur ses lèvres.

Ce fut elle qui se leva en premier, et la Dame de Lamarck guida les mains du Chevalier vers sa taille. Il n’aurait pas voulu qu’il en soit autrement, ne se le serait pas permis si elle ne l’avait pas autorisé, de toute façon. Vaelle se laissa alors guider par les pas assurés du Pynède, qui lui-même se laissait emporter par les sonorités qui avaient parcouru ses périples et s’étaient ancrées dans son esprit comme tant de musiques qu’il pouvait entendre en songe sur ce soleil couchant. Le son des instruments que peu connaissaient à Westeros parvenait à ses oreilles comme si c’était hier, leurs aigus si mélodiques le transportaient dans ce dépaysement qu’il avait vécu et avait fait battre son cœur à maintes reprises face à des spectacles qu’il n’aurait jamais pu rêver s’il ne les avait pas vu de ses propres yeux. Chaque pas qu’il faisait en guidant l’hippocampe était imprégné de la grâce caractéristique qu’il avait pu voir dans le Bief, de ces odeurs florales qui emplissaient encore ses narines de souvenirs doux, de regrets amers avec lesquels il devait vivre. Il n’y avait pas fait attention, mais le bief ne l’avait pas épargné avec ses ronces, même au plus loin de ses jardins qu’il pouvait être. Chaque regard dans les yeux bleus de sa partenaire de danse était un plongeon dans le passé à Pince-isle, dans une jeunesse qui l’avait forgé, qu’il ne pouvait pas regretter. Il y avait connu la malice, l’amitié et l’innocence de la jeunesse, des choses que l’on regarde toujours avec tendresse, quoiqu’il arrive. Tout ce chemin, tous ces souvenirs étaient une mélodie jouant dans son esprit et lui permettant d’improviser cette danse, cumule de ses expériences et qui vint à se terminer, comme sa cavalcade, pour revenir à la Couronne, face à ses souvenirs de jeunesse, tandis que le soleil couchant avait laissé place à la lune et les quelques étoiles dont la lumière percé les lanternes de la ville.

Alors que Vaelle s’inclinait en le félicitant pour la danse qu’il lui avait offerte, il ne put s’empêcher de répondre sur ton amusé. « Un cavalier sans une excellente cavalière n’aurait pas pu se permettre une danse sans musique. Vous avez aussi bien gagné en expérience que moi à ce sujet. » Dit-il, s’inclinant lui aussi, préférant ne pas prendre tous les honneurs pour lui-même. Il fallait être à deux pour une danse, et si l’un guidait, il fallait bien que l’autre suive à la perfection pour que tout se passe sans encombre. « Et si je vous avais fait danser tous les soirs, je crois que tout Port-Réal s’en serait fait une joie de pouvoir raconter des quolibets à ce sujet. Certains me prennent déjà probablement pour un arriviste pour avoir osé vous demander vos couleurs lors de la joute. Et puis… Certaines choses sont plus mémorables car on ne les vit que rarement, ne croyez-vous pas ? » Cette danse se serait peut-être perdue entre toutes les autres, comme une goutte d’eau dans l’océan, si elle avait fait partie de leur routine, perdant alors probablement de sa magie, de sa scène avec pour toile de fond le ciel cobalt tissé d’or et d’argent.

« Notre âge ? J’ai arrêté de compter. » Dit-il amusé. « L’esprit reste jeune, c’est bien là le plus important. Et si cela vous inquiète réellement, ne vous en faites pas. Votre sourire est toujours plus malicieux que celui de certains enfants de la capitale. »

La Velaryon s’empara de coupes de vin et lui en donna une, espérant qu’il soit à son goût, et il l’était. Dans ces soirées, ce n’était pas le vin des auberge qu’ils servaient et il remerciait fort bien les hôtes des festivités pour cela. Puis vinrent les excuses, pour son père, son grand-père, son écuyage. D’abord surpris, c’est d’un sourire réconfortant qu’il accueilli les paroles de la dame de Lamarck.

« Il n’y a aucune excuse à avoir. Sans eux, je n’aurai pas été qui je suis, et peut-être n’aurai-je pas les mêmes liens que j’ai avec Vaemond, Saera et vous. Peut-être même ne serions-nous pas là aujourd’hui. Je pense malgré tout que si je devais leur dire quelque chose, ce serait merci pour tout cela. »

Le passé, les rencontres… Tout cela semblait aussi revenir à Vaelle qui avoua une attirance passée. S’il le savait ? Au fond… Peut-être. Il l’avait probablement su et avait joué l’ignorant au point de se berner lui-même. Il savait bien qu’il n’avait pas grand-chose à apporter à cette époque. Il était le second fils d’une maison mineure, pas même un chevalier encore, et c’était les Celtigar qu’il avait en face. L’une était devenue la future dame de Mielbois, l’autre la future dame de Lamarck et son ami le Seigneur de Pince-Isle. Lui ? Il était devenu un chevalier parcourant les terres comme bon lui semblait, suivant le vent là où il le portait. Elle continua, expliquant les aspirations qu’elle avait eues bien jeune.

« C’était de belles idées, pas si saugrenues que cela si j’avais pu être mieux né. » Dit-il alors. Il n’allait pas réécrire le passé et se connaissant, il n’aurait pas aimé être à la place de son propre frère. Et puis… Plus jeune, il n’aurait jamais imaginé pouvoir lutter contre la réputation de la famille Velaryon quoiqu’il fasse. « Et pour les épées, il n’est jamais trop tard. Il en existe des fines et si légères qu’un enfant pourrait s’en servir sans en enlever le caractère mortel, par-delà les mers. » Pour le reste, il ne savait quoi en penser. Le passé n’avait pas besoin d’être remué, que ce soit celui de Pince-Isle ou celui de Lamarck, chacun avait suivi des routes différentes mais qui avaient fini par se recroiser, les amenant à se retrouver, chacun forgés dans les joies et les drames de la vie. Si elle espérait que Monterys soit plus pragmatique qu’elle ne le fut, Symon lui dit cependant. « Et moi je lui souhaite au contraire d’être romantique, de rêver. C’est à ses rêves qu’on mesure la grandeur d’une personne, et aucun rêve ne doit être limité par la réalité. Au contraire, je crois que c’est plutôt à eux de nous aider à la forger. Moi-même, je rêvais d’être un aventurier, d’avoir mon nom dans les livres, dans les histoires qu’on raconterait aux enfants, d’être ce chevalier au grand cœur des contes qui arrête les bandits et fait battre le cœur des princesses… J’étais un idiot mais regardez où j’en suis : Ne suis-je point un noble chevalier aux aventures trépidantes… Et qui peut se targuer d’avoir été le premier émoi de la charmante dame de Lamarck ? » Dit-il dans un murmure inaudible de tous sauf d’elle en se penchant vers son oreille, s’amusant de sa propre bêtise qui lui vaudrait probablement un nouveau coup d’éventail.

Il se releva alors en regardant la mer. « Me marier ? Il est vrai que le temps me rattrape et mon frère me le répète bien assez, mais je fuis cette responsabilité. Je ne me vois pas rester enfermé entre quatre murs avec quelqu’un par devoir et non par des sentiments véritables. J’ai cette liberté et ce serait honteux de ne pas en profiter pour tous ceux qui ne l’ont pas. Et je ne me vois pas imposer mes envies de voyage et d’aventure à quelqu’un qui n’en voudrait pas. »

Bien sûr, quelques fois ses yeux s’étaient posés sur des courbes féminines au détour de ses voyages, il n’était ni un saint, ni un prude. Mais jamais encore il ne s’était imaginé rangé, à vivre comme un parfait châtelain dans un mariage. Peut-être bien la seule aventure qu’il rechignait à vivre sans être sûr d’être bien accompagné.


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