Crying wolves under the moon || Arya&Robb
The Young Wolf
Cela faisait plus de dix jours que le suzerain du Nord avait retrouvé sa demeure.
Dans l’émulsion de son retour, il n’avait pas remarqué tout de suite que sa jeune sœur, Arya, l’évitait. Il n’avait pas remarqué non plus, d’ailleurs, qu’elle évitait tout le monde, à Winterfell. Elle lui avait certes souhaité un bon retour, quand il était revenu, ce qu’il avait pris pour un gage de bonne entente. Il avait eu le temps d’apercevoir, sur son visage, les quelques bleus et cicatrices qui donnaient à sa face un air gonflé et violacé, et l’avait questionnée, à ce propos. Arya ne lui avait donné qu’une vague réponse, et pris par d’autres considérations, le seigneur n’avait pas insisté. Dix jours plus tard, retrouvant enfin un rythme ordinaire dans son fief, il se faisait la réflexion qu’il ne croisait que rarement la jeune fille, qu’il ne la voyait pas non plus dans la compagnie, autrement habituelle, de Lady Lyanna, et qu’à table, elle s’asseyait le plus loin possible de tout le monde, mangeant plus vite ou plus tôt que la masse pour en avoir fini le plus rapidement possible. Aux prises avec d’autres réflexions qui concernaient cette fois-ci son épouse, le suzerain n’avait questionné personne à ce propos, gageant qu’il devait se tromper.
Dix jours plus tard, toutefois, le calme revenu dans la demeure des loups, Robb fut obligé d’admettre que ça ne passait pas, et qu’il devait y avoir quelque chose pour qu’Arya choisisse d’éviter à ce point sa compagnie. S’il y réfléchissait un peu plus profondément et sans détour, d'ailleurs, le Seigneur Stark devait aussi admettre qu’avant son départ pour le Conflans, huit lunes plus tôt, il avait quitté sa sœur sur une dispute, ou tout du moins, sur une discussion qui s’était clôturée par des pleurs et des regrets. Il avait cru, toutefois, naïf, que le temps aurait effacé les chagrins. La jeune fille ne paraissait pas chagrinée, d’ailleurs, mais ça n'était pas rassurant pour autant : s'il laissait poser son regard sur son allure, elle apparaissait comme plutôt résignée. Robb était un frère en plus d’être un suzerain : il avait promis à sa sœur qu’il n’avancerait pas sur ce chemin-là sans son aval, et comptait bien tenir ses promesses. Trop troublé par l’issue qu’avait eue leur discussion dans la crypte de Winterfell, il n’avait d’ailleurs rien agit de ses idées matrimoniales à Port-Réal et avait laissé ces considérations à plus tard. Arya devait le savoir. Elle devait être assurée que son frère ne lui avait pas menti, surtout pas à ce propos.
Jugeant qu’elle rentrerait en fin de journée de sa sortie quotidienne à cheval, Robb, tracassé par ce sujet depuis trop longtemps déjà, attrapa un ouvrage qui traînait sur ses offices, et descendit jusqu’aux écuries où il se posta pour attendre la jeune fille. Bientôt assis sur un banc en bois glacé, il regretta de n’être point sorti avec une laine plus épaisse. L’été, dans le Nord, restait frileux, surtout le soir tombant, car l’air se chargeait d’une humidité qui vous gagnait les tripes. Levant une jambe contre lui, pour l’appuyer contre son torse et se tenir chaud, Robb attendait, non loin de la stalle du cheval d’Arya. Le menton posé sur son genou, ses yeux parcouraient les pages du livre sans le lire. Il réfléchissait.
Si elle ne voulait pas venir à lui, alors, il viendrait à elle.
Lord of Winterfell and Warden of the North ♛ by wiise
The Wild Wolf
Je regardai fixement la plume de corbeau que je faisais tourner entre mes doigts. Couchée dans l’humus près de la rivière, je laissai mes pensées devenir aussi noire que mon humeur. Cela me rongeait terriblement une colère rance et immonde assortit d’une tristesse qui me plongeaient dans une obscurité et une noirceur horrible, qui m’empêchait de m’approcher des autres. Parce que j’étais en rage contre le monde entier, contre moi… Contre tout le monde. Je détestais ressentir cela, j’aurais préféré ne rien justement ressentir… Et pourtant je ne pouvais pas. C’était là, quoi que je fasse. Dévorant… Catastrophique. J’avais l’impression que cela empoisonnait même l’affection que j’avais pour le reste du monde. Je préférais m’isoler, refusant de laisser ma rage et toutes mes émotions se déverser sur les autres.
Je laissai retomber mon bras au sol pour fixer le ciel. Est-ce que c’était bien ce que je faisais ? Qu’est-ce que je devrais faire ? Je savais que s’éloigner n’était pas la solution… Mais et si j’étais quelqu’un de mauvais, est-ce que j’aurais déversé ma rage et ma haine sur tout le monde ? Frappé ? Hurlé ? Non, je préférais ne même pas imaginer cela. Ce n’était pas moi tout cela. Mais je me sentais seule… la seule personne avec qui je tentais encore de vraiment communiquer, c’était Lyanna. Mais est-ce qu’elle pourrait comprendre ce qui était pour moi un malheur ? Je n’en étais pas sûre… C’était comme des vrilles de lierres enroulées autour de mon cœur pour m’empêcher de communiquer avec les autres.
J’avais fui les salons de Winterfell, remplis de gens avec qui je n’avais aucune envie de discuter. De toute manière… Ma routine était toujours la même, entraînement, ensuite j’allais aux Bois Sacrés pour prier entre les racines du Barral puis j’allais voir père avant de rejoindre le mestre je travaillais, puis selon j’allais voir Kylis pour passer un peu de temps avec elle… Et après en fin d’après-midi, je partais me promener à cheval. En rentrant le plus tard possible. Et en balade… Ah… À croire que celui qui m’avait appris à monter à cheval était un charlatan… vu le nombre de gamelle que je me prenais… Je restais étendue, en étoile de mer, à même le sol en regardant le ciel qui commençait à devenir obscure. J’avais pris une gamelle dans les buissons si bien que j’avais des griffures sur le visage. Je soupirais un peu avant de me redresser et de siffler pour que ma louve revienne en courant vers moi. Elle posa sur moi ses beaux yeux d’or alors que je savais que les gardes, puisque je ne pouvais partir sans escorte. Robert et Norbert mangeaient quelque chose dans un coin avant que je n’aille récupérer Éclipse qui broutait. Je brossai à peine mes habits avant de me hisser sur ma jument à qui je frottai l’encolure.
Je franchis les portes de Winterfell au pas alors que le soleil était pratiquement couché… Qu’importe… Au pire cela me ferait une excuse pour manger dans ma chambre ou toute seule… Je mis pieds à terre avant d’entrer dans l’écurie. Robb. Je m’arrêtais net alors que ma jument me percuta. Et merde ! Tant pis.
« Salut. »
Fis-je machinalement avant de faire rentrer ma jument dans sa stalle alors que Nymeria se glissa à mes côtés. Je n’avais pas très envie… de parler alors je baissai soigneusement la tête sur la scelle de ma jument que j’étais en train d’enlever en silence.
The Young Wolf
Port-Réal avait été, pour Robb, tout ce qu’il aurait pu espérer. Il avait retrouvé, avec le plus grand des plaisirs, la ville dans laquelle il avait grandi. Il l’avait explorée au peigne fin avec ses frères, tous réunis à la capitale pour l’occasion. Il leur avait montré toutes les beautés de cette ville. Il avait acheté des cadeaux, fait peindre de portraits, bu des vins délicieux et mangé des mets exquis. Il les avait emmenés sur les hauteurs de la colline de Rhaenys pour leur montrer la mer sous la lumière estivale du sud. Ils avaient célébré la victoire de Jon dans l’intimité de leurs quartiers du Donjon Rouge, après l’avoir vu applaudi par le royaume réuni-là pour l’anniversaire du roi. Il leur avait aussi montré toutes ses limites de la capitale : il avait pointé la misère à chaque coin de rue, sans même qu’ils aient besoin de descendre jusque Culpucier pour la voir. Il les avait laissé entendre les protestations des habitants, qui soulignaient l’étalage dispendieux des nobles quand les simples gens crevaient de faim, quelques rues plus bas. Il avait témoigné de sa souffrance à évoluer dans un espace clôt comme pouvait l’être une ville portuaire et fortifiée, qui n’était désormais que plus grande qu’il connaissait l’immensité du Nord. Et puis, bien plus discrètement, il avait grimacé quand il avait entendu Aegon souligner leur familiarité retrouvée alors qu’il se tenait à côté de Jon, véritable Targaryen de sang mais jamais de nom. Il avait cherché son regard ; son frère-cousin semblait avoir été traversé par un harpon dans les côtes et peinait à respirer.
Port-Réal avait été un poison comme elle était un antidote. Elle était venue le remplir comme elle l’avait vidé, et désormais revenu à Winterfell après plus de huit lunes d’absence, il cherchait à retrouver ses marques sur ses terres ancestrales. Son loup, Vent-Gris, s’y était fait beaucoup plus vite que lui ; Robb ne l’avait plus beaucoup vu, depuis son retour sur les Terres du Nord. Il chassait, beaucoup, et courait, longtemps. Ce soir, par exemple, il ne l’avait pas accompagné dans les écuries pour attendre le retour d’Arya – et de Nymeria. Robb en aurait bien eu besoin, pourtant, il faisait froid, et la bougie qu’il avait emmenée pour l’éclairer était désormais plus cire que chaleur. Vent-Gris l’aurait réchauffé, et sans doute que sa présence l’aurait rassuré. La créature, énorme et dangereuse, l’apaisait par sa force surnaturelle. A ses côtés, il se sentait en sécurité.
Finalement, il entendit les sabots de la jument de sa sœur qui marchait tranquillement, et bientôt, ses pas lents à côtés de ceux de l’animal. Il ferma son ouvrage et le posa sur le banc, à côté de lui, mais ne bougea pas beaucoup plus, toujours silencieux. Il attendrait qu’elle le voie, sa présence était déjà suffisamment surprenante, il ne voulait pas lui faire peur. Arya s’étonna ainsi de le trouver-là, mais fut forcée de le saluer, machinalement. Robb se ravit : elle ne pourrait pas lui filer entre les doigts. « Bonsoir, Arya » glissa-t-il doucement, alors qu’il déliait l’étreinte qu’il avait sur sa jambe encore pliée sous son menton. Il l’étendit ensuite devant lui, pour la sentir réchauffée par le sang qui atteignait enfin ses orteils. Bientôt, il se redressait pour se lever sur ses deux pattes, plus grand que Vent-Gris ne le serait jamais. Nymeria, justement, le regardait attentivement. Arya, elle, évitait son regard.
S’il ne s’était pas attendu à une averse de mots non plus, il avait rarement connu sa sœur aussi silencieuse. Il entama alors la conversation, pas encore certain de comment il avait envie de la mener : « jusqu’où êtes vous allées ? Je ne t’ai pas croisée de la journée … »
Lord of Winterfell and Warden of the North ♛ by wiise
The Wild Wolf
J’aurais largement préféré rentrer toute seule, ne pas avoir à discuter avec Robb. Pas que je n’aimais pas mon frère, c’était même tout l’inverse ! Je l’adorais, profondément, mais plus le temps passait, moins j’avais envie de discuter avec les gens, de les laisser s’approcher de moi. Comme-ci j’avais peur de les laisser voir ce qu’il pouvait se cacher sous mon silence. Seulement, je devais faire avec ce que mon frère voulait, n’est-ce pas ? Parce qu’il était mon ainé, bien sûr, mais parce qu’il était aussi mon seigneur. Qui avais-je en face de moi ? Mon frère ? Ou mon seigneur ? Je divisais ces deux entités, mais parfois, elles se mélangeaient devant moi, parce que lui-même ne savait pas qui de ses deux rôles s’adressait à moi. Je préférais faire en sorte d’être polie, mais je ne savais pas vraiment quoi dire, comme-ci j’avais perdu la capacité à faire une véritable conversation, ou alors n’en avais-je plus la force ? Possible également. Un salut c’était pas mal… Pas vrai ? Alors je rentrais dans la stalle avec ma jument pour m’occuper d’elle, j’évitais soigneusement le regard de Robb, gardant mon visage tourné vers la selle en cuir Nymeria observait toujours Robb sans que pourtant je ne tente de communiquer plus que cela, ni avec elle, ni avec lui. J’ôtais la selle pour la poser sur la porte de la stalle dans un geste emprunt d’habitude. Éclipse allait bien en tout cas, elle aimait toujours nos promenades. Il me vouvoyait ? C’était nouveau ça maintenant. Je tournais légèrement la tête vers Robb lorsqu’il me parla. Il ne m’avait pas croisé de la journée. C’était quelque part positif, cela voulait dire que mon emploi du temps fonctionnait bien pour que je ne croise que peu de gens. Mais je lui répondis malgré tout.
« À la rivière et avant que tu ne demandes, j’avais bien deux gardes avec moi, Robert et Norbert, les mêmes que d’habitude. Je ne pars jamais sans. Et pourtant, j’étais à Winterfell jusqu’à cet après-midi, j’ai mangé même avec Kylis. Je suis partie après et j’y suis restée un petit moment. »
D’accord, Robert et Norbert ce n’était pas le haut du panier, clairement, j’avais grande tendance à les semer, et me prendre des gamelles loin d’eux, mais on ne pouvait pas râler que je n’avais pas de garde ! J’en avais, pas collé à moi, mais j’en avais ! Et de toute manière, leur monture ne suivait pas la vitesse d’Éclipse. Ce détail était la faute de Robb, c’était lui qui m’avait offert ma jument après tout. L’une des rares bonnes choses qu’il avait ramené de ses voyages ! Une jument pour moi. Et en parlant de jument, celle-ci s’impatientait d’avoir encore du cuir sur elle. Si bien que j’ôtai rapidement de filet de sa tête et elle s’ébroua, de joie et de soulagement visiblement. Je tapotai son encolure avant de ressortir un court instant pour prendre une pomme et lui couper en deux pour lui donner une première moitié, croquant un bout de la seconde. Une fois cela fait, j’attrapai un bouchon de paille pour frotter ses côtes et enlever toutes traces de sueur de sa robe. Je savais que cette conversation n’allait pas me plaire… Mais soit… Ayons cette conversation qui me fera sûrement avoir envie de resseller Éclipse pour repartir en pleine nuit dans les bois et peut-être pousser même au cœur du Bois-Aux-Loups. Il y avait des fois où je me disais que Robb devrait faire poser des chaînes sur la porte d’Éclipse. Ou la mienne. Sauf que je n’allais clairement pas lui donner cette idée, non, je tenais à ma liberté. Mais soyons une bonne sœur et poursuivons la conversation sur le même ton de la discussion normale.
« J’imagine que tu m’as attendu longtemps. »
Il devait pourtant avoir d’autres choses à faire, non ? Et puis il ne faisait pas si chaud que cela dans les écuries. Enfin, s’il avait du temps à perdre, c’était son problème, n’est-ce pas ? Pas le mien. Moi je perdais mon temps très bien toute seule à base de promenade dans la forêt qui finissaient très souvent en gamelle. D’ailleurs les égratignures de mon visage me piquaient un peu, je devrais aller voir le mestre… J’irais demain. J’essayais une tentative de blague avec un petit sourire en coin en lui offrant même un regard qui se voulait amusé et blagueur.
« Tu avais besoin de me dire quelque chose ? Ou tu te cachais du courrier qui t’attend sur le bureau ? »
J’offris la seconde moitié de pomme à ma jument qui la dégusta joyeusement, j’aimerais être elle un instant pour profiter juste d’une pomme. Nymeria était toujours à sa place alors que je bouchonnais avec grand soin ma jument qui appréciait grandement le traitement. Non, vraiment, mon plan d’être assez en retard pour éviter de manger avec tout le monde… C’était loupé. Soit, discutons, puisqu’il était là. Et j’avais vraiment tenté d’être joyeuse sur la deuxième partie de ma phrase, mais je crois que je n’étais pas très douée à ça. Je désignai son livre abandonné d’un geste de la main.
« Tu lisais quoi ? »
J’essayais de le distraire, d’éviter quelque chose que je n’allais pas aimer du tout. Et par les Anciens, était-ce moi qui étais petite ou alors il était vraiment grand ? Put-être n’étais-je pas très grande et lui grand ? C’était possible aussi. Nymeria vient attraper le bord de ma tunique pour la tirer une peu. Je posai aussitôt un genou à terre pour frotter un peu sa fourrure.
« Hey, mais t’as fini d’être jalouse grosse boule de poil ? T’as eu des câlins toute l’après-midi ou presque. T’en aurais eu plus si tu n’avais pas chassé ! »
J’eus le droit à un coup de museau et je lui embrassai avec douceur avant de la serrer brièvement contre moi. Ma chère louve, tu es bien l’une des seules qui m’écoute déverser tout ce que j’ai sur le cœur sans même râler et tu sembles bien la seule à pouvoir me comprendre.
The Young Wolf
Arya lui parlait d’un ton froid et distant. Qu’on ne pense pas qu’elle pourrait le leurrer là-dessus. Il avait certes encore passé plus d’années à Port-Réal qu’à ses côtés, à Winterfell, mais ça ne serait bientôt plus le cas. Et pendant ces lunes passées dans le Nord à essayer de gagner l’attention et le respect de ses sujets, il avait aussi passé de longues heures à tenter d’apprivoiser sa jeune sœur – par manque d’un autre verbe, celui-ci irait bien. Arya, toute Dame qu’elle fut, ressemblait parfois plus à sa louve qu’à ses frères. Face à lui, ce soir, elle était parfaitement humaine, toutefois. Nonchalante, pour ne pas dire apathique, elle faisait mine de ne pas comprendre la question que sous-entendait Robb, et réfutait même son affirmation. Elle n’avait manifestement pas disparu toute la journée, puisqu’elle insistait sur le fait qu’elle était présente dans le fief jusque la mi-journée au moins. Ça ne rassura pas tellement le Seigneur, qui s’imagina ainsi qu’à défaut d’avoir disparu toute la journée, elle l’avait au moins évité, puisqu’il ne l’avait pas croisée. Winterfell était grande, certes ; mais pas à ce point. Et puisqu’elle avait déjeuné avec Kylis, c’était donc que la suzeraine ne comptait pas parmi ceux dont la jeune Stark s’éloignait.
Robb affichait une mine contrariée, alors qu’il tentait de démêler ce que tentait d’afficher Arya. Une attitude désinvolte, à laquelle Robb acquiesçait doucement, ne voulant pas risquer de la voir lui filer entre les doigts. Il voulut presque remercier la jument, Eclipse, qui elle non plus n’avait pas envie que sa maîtresse s’échappe en la laissant alourdie de tout son cuir et de toute sa sueur. Arya était bel et bien coincée là, il ne l’embêterait pas plus, alors, en lui demandant de se justifier sur ses absences : après tout, ses aventures avec Norbert et Robert ne l’intéressaient pas.
Laissant l’agitation de la surprise redescendre, Robb, redressé, la regardait faire : elle dessellait sa jument et lui passait sur le corps un peu de paille, pour la débarbouiller. La pression semblait redescendre d’un cran, et Robb, à vrai dire, n’avait pas très envie de briser le silence. Elle le fit à sa place, lui demandant depuis combien de temps il attendait là. « La nuit n’était pas encore tombée… » répondit-il distraitement. Ça n’avait aucune importance : il avait décidé de venir lui parler, et l’aurait attendue toute la soirée s’il l’avait fallu. S’attardant sur le visage de sa sœur dans la pénombre de la nuit tombante, il remarqua de nouvelles coupures, sur son visage, qui l’inquiétèrent. Il n’en dit rien, toutefois, mordant sa langue douloureusement. Tout ça n’était pas le sujet, ou en tous cas, ne servait que de distraction. Et la jeune fille savait y faire, en matière de distraction. La voilà qui attrapait une pomme en lui demandant nonchalamment pourquoi il l’attendait, basculant tout de suite la conversation en lui demandant ce qu’il lisait. S’il devait l’admettre, Robb ne le savait même pas lui-même. Il avait lu dix fois, vingt fois la même phrase avant d’abandonner tout à fait, laissant son esprit vaquer à ses préoccupations.
Incapable de trouver tout de suite quoi répondre, Robb restait silencieux, suivant Nymeria du regard alors que celle-ci, à son tour, réclamait l’attention de la jeune Stark. Bientôt, il faudrait faire la queue, vu les éclipses fréquentes de la jeune femme, avec ou sans sa jument, d’ailleurs. La louve et sa maîtresse échangeaient des tendresses, sous le regard contrit du suzerain. Il espérait que tout cela ne soit pas trop difficile. « Tu as pu réfléchir à ce dont nous avions parlé, avant que je ne parte pour Port-Réal ? » Robb s’était accroupi à son tour, pour se trouver à la même hauteur que sa sœur, tout près de la gueule de la louve. Nymeria ne lui faisait pas peur, toutefois. Si les Targaryen étaient du sang du dragon, il était de celui des loups. « De mon côté, il n’en a pas été question. » Robb choisissait d’éviter les mots qui fâchent, il en utilisait donc peu. La main à plat, il se présentait à Nymeria, n’espérant pas une caresse sans s’être trop introduit. Bien qu’apprivoisés, il s’agissait d’animaux sauvages, répondant à leurs codes et à leurs manières. Comme d’autres.
Lord of Winterfell and Warden of the North ♛ by wiise
The Wild Wolf
Si j’avais été une louve, ma fourrure se serait hérissée immédiatement aux mots de Robb. Je gardais mes mains enfouies dans les poils de Nymeria qui me regardait avec grande attention. J’avais l’impression qu’elle hésitait entre me sauter dessus pour me faire rire ou juste se poster devant moi pour me protéger. Je ne dis rien, mes doigts crispés dans sa fourrure en silence. Réfléchir. Réfléchir. Je me mordis la langue sans rien dire pendant de longues secondes. Pas été question ? Très bien. Je m’assis à même la paille, Nymeria observait avec attention Robb, reniflant juste sa main sans pour autant s’approcher ou l’autoriser à la caresser. Elle s’assit, contre moi, entre mes jambes.
« Tous les putains de jours. »
Réussis-je à dire sans regarder en frottant le cou de ma louve qui restait soigneusement contre moi. Mon bouclier. Jusqu’à ce que ma jument ne me frôle de sa tête. Je lâchais ma louve pour me diriger vers ma jument, reprenant une poignée de foin pour la bouchonner soigneusement. Et mettre aussi ma jument en second bouclier entre moi et mon frère. Nymeria se faufila aussi contre mes jambes avec grand soin. Je serrais les dents.
« Tu as de la chance de ne pas y avoir pensé. »
Je frottais plus fort ma jument en fixant sa robe qui pourtant était très propre et elle n’en avait plus besoin.
« Parce que je n’ai aucune solution pour… ça. »
Je ne voulais même pas dire le mot. Je détestais l’idée de devoir m’enfermer dans une putain de cage nommé mariage. Je détestais ça, je détestais l’idée de me foutre volontairement dans une cage et de la fermer à clé. Je regardais mon frère.
« Et tu sais quoi, je le ferais. Parce que tu me le demanderas. Je le ferais et puis c’est tout. »
Mes états d’âmes, qui en avait quelque chose à faire, hein ? Qui s’en souciait vraiment ? J’avais perdu la seule personne qui aurait pu m’écouter et vraiment me comprendre. Je finis de bouchonner ma jument avant de lui offrir une caresse à nouveau. La fuite, même pour quelques heures, c’était la seule chose que j’avais trouvé pour me canaliser un peu. Et rester seule. C’était la seule chose que j’avais trouvé, aucune idée si c’était ce qu’il y avait de mieux.
The Young Wolf
Robb se félicita, finalement, de n’avoir point forcé Vent-Gris à l’accompagner dans les écuries. Il pouvait sentir, dans le souffle chaud de Nymeria qui ne quittait pas sa maîtresse du regard, le niveau de tension. On voyait presque, à l’œil nu, le frémissement de son épaisse fourrure s’il osait approcher d’un peu trop près sa main pour la caresser. Connaissant bien ces animaux, le Stark ne s’y essaya pas ; malgré les guerres, il avait réussi à garder tous ses doigts, et n’avait pas l’intention d’en perdre un pour une pareille imprudence. Son loup aurait détesté cela, il aurait plus vite sorti les crocs que Nymeria face à tant de pression et la paille se serait envolée, dans l’écurie. Les bêtes se seraient tirées de leur bagarre avec rien de plus que quelques égratignures, mais Arya et Robb, créatures bien plus fragiles, auraient eu à protéger la jument, et eux avec, des coups de pattes et de crocs perdus de loups trop protecteurs. Non, non.
Robb s’était relevé en même temps qu’Arya, qui évitait son contact autant que Nymeria, apparemment. Il n’avait pas halluciné, alors, l’éloignement qu’il avait senti de la part de sa sœur depuis son retour à Winterfell, et malgré leurs huit lunes de séparation. Autant de temps pendant lequel elle n’avait cessé de penser à cette perspective de mariage, lui confiait-elle alors. Le Seigneur s’en surprenait : il s’était plutôt imaginé qu’elle aurait déployé tous les efforts du monde pour tenter de maintenir cette réflexion le plus loin possible de sa conscience. Peut-être l’avait-elle tenté, d’ailleurs, mais elle n’y était manifestement pas parvenu. C’était plus simple pour lui, comme elle le soulignait cruellement. Il avait de la chance, sans doute. Ce n’était pas de son futur, dont il était question. Quoi que … « Tu sais, Arya, si j’ai maintenu cette idée loin de ma pensée, c’est parce que j’ai l’impression qu’elle va irrémédiablement abîmer ma relation avec toi. Je ne veux pas de cela. » Qu’elle modifie leur relation, certes. Ce serait irrémédiable, comme son mariage avec Kylis avait modifié leur équilibre fraternel, comme la naissance de Lyarra l’avait fait aussi, une année plus tard … Quand on ajoutait, à la famille, on prenait le risque de voir modifier, pour le meilleur et pour le pire, ce que la meute connaissait déjà. Robb ne voulait pas du pire, toutefois. Il était de ces hommes ambitieux qui ne voulaient que le meilleur, et ressentaient ainsi douloureusement toute perte à ce grand jeu de l’optimisme auquel il ne pouvait s'empêcher de jouer, toutefois, et avec la plus grande des appétences.
Arya, douloureusement, lui fit savoir qu’elle lui obéirait. Quand viendrait le jour où il exigerait d’elle, elle s’exécuterait. Ils s’étaient quittés là-dessus, huit lunes plus tôt, et elle n’avait pas bougé d’un iota. Peut-être s’était elle-même enfermée dans cette idée de complaisance aux ordres du Seigneur, par devoir. Robb ne savait pas ce qu’il pourrait bien faire de cela. S’en satisferait-il, lui, de cette soumission ? Il comprenait bien qu'il ne gagnerait pas cette partie-là, mais pouvait-il perdre à ce point ? Il s’agissait-là de sa sœur, pas de la moindre sujette ou vassale. « Je sais, Arya. Je te remercie de me … faciliter, là-dessus. » fit-il, aussi douloureusement que sincèrement. Elle aurait pu être capricieuse, certes, et se refuser tout à fait à son exigence. Ç’aurait été mal la connaître, toutefois. Arya avait été élevée par Ned et Catelyn Stark. C’était une jeune femme honorable et dévouée, malgré ses allures sauvageonnes. Si Arya était plus animale que ses frères et sœurs, ça ne déployait que plus ses instincts de louve : elle était attachée à sa famille, et ferait tout pour eux. Non, justement, c’était le propre de son humanité que de souffrir de cette situation qu'elle ne désirait pas. Ils tournaient en rond, et Robb s'en désespérait. « Comment puis-je t’aider à trouver … ton compte ? Veux-tu continuer de te tenir loin de moi, veux-tu que je me charge seul de trouver un homme qui pourrait te convenir, ou souhaites-tu me rejoindre dans cette quête ? Je te laisserai lire tous les courriers qui me sont adressés, si tu le souhaites. Et je te laisserai aussi passer des heures le plus loin possible de moi, si c’est comme ça que tu préfères faire … » Robb savait que s’il cédait maintenant, il ne pourrait jamais y revenir. Voir la tristesse, proche du désespoir, sur le visage de sa sœur, lui était trop douloureux pour qu’il ne veuille pas aller au bout de son mouvement. Il n'était pas cruel : s'il lâchait l'affaire, ça n'était pas pour la poignarder à nouveau plus tard. Lui aussi avait appris la dignité, dans ses nombreux courriers d'enfance avec ses parents. Non, non. Il devait poursuivre, maintenant, et tenter, plus que tout, de ne point abîmer plus ce qui semblait déjà gâché.
Lord of Winterfell and Warden of the North ♛ by wiise
The Wild Wolf
Je frottai le pelage de mon cheval, c’était Robb qui m’avait offert Eclipse il y a de nombreuses années maintenant. Une jument sur laquelle je montais au quotidien pour fuir aussi bien que pour revenir. Je n’y arrivai pas, j’étais dans un entre deux qui déchirait mes entrailles, mon coeur et mes relations à chaque jour qui passait. Huit lunes à souffrir ainsi, en essayant de protéger tout le monde, en faisant fuir tout le monde, en construisant mur après mur tout autour de moi pour essayer de ne plus souffrir, de ne faire souffrir personne. Mais visiblement, même ça je n’en étais pas capable. Je me mâchouillai la lèvre en silence, les yeux rivés sur la belle robe de ma jument, ma Nyméria collée à mes jambes. Je relevai les yeux vers Robb à ses mots avant de secouer la tête.
« Ce n’est pas le cas. Je ne veux pas abîmer les relations avec qui que ce soit. C’est… Pas cette idée qui va tout abîmer. C’est mon foutu impossibilité à l’accepter. »
Et ce depuis toujours, jamais je ne m’étais vue dame, porter des enfants ou quoi. Je jetai la poignée de paille dans le tas de la stalle avant de flatter Eclipse d’une main distraite. Après une infime hésitation, je refis le tour pour faire face à mon frère. Il voulait briser la distance alors j’allais aussi le faire. Faciliter… Je soufflai un étrange rire entre mes lèvres.
« Tu sais très bien que nous avons pas le choix. Ni toi ni moi. Si je ne t’obéissais pas, je passerais pour… Une putain ou je ne sais quoi… Et toi si tu n’arrivais pas à me faire obéir tu passerais pour un idiot incapable de se faire obéir de ses sœurs… Alors, c’est sans doute pour le mieux qu’on se plie tous les deux… A ces putains d’idées et d’obligations… »
Je me laissa tomber à côté de lui dans la paille, le dos appuyé sur le mur de la stalle les yeux dans le vague. Nyméria revient aussitôt contre moi et j’enfouis mes mains dans son pelage en silence. Ce n’était pas avec Robb que je pourrais parler de ce que je ressentais face au mariage, pas vrai ?
J’eus un rire rauque à ses mots. Je ne trouverais pas mon compte dans un mariage et il le savait parfaitement. Mais il tentait, d’apaiser autant que possible mon coeur d’épine et de ronces. Je posai ma tête contre le mur en regardant le plafond. Qu’est-ce que je pouvais bien dire pour le rassurer.
« Je... »
C’était difficile à expliquer tout ce que je ressentais. Tellement dur.
« Je ne serais jamais une dame Robb. Enfin, pas celle que Mère aimerait que je sois. Je ne serais jamais une Sansa. J’aurais adoré explorer le monde, faire comme nos ancêtres, aller même au-delà du Mur… Explorer… »
Il en avait strictement rien à foutre ce n’était pas sa question.
« Je… Je me sens tellement… En colère, et triste de pas pouvoir le faire parce que… J’ai juste pas un pénis entre les jambes… J’en veux à tout le monde et je ne veux pas… Blesser les autres à cause de ce que j’ai dedans… C’est loupé ? »
C’était plus une affirmation qu’une question.
« Je ne sais pas même pas si c’est bien ce que je fais… Je ne pourrais même pas dire ce que je rechercherais chez un époux… C’était tellement loin de ma pensée… De même mon plan de vie que… Lq seule chose que je pourrais faire c’est te dire ceux que je ne veux pas… On dirait que c’est un début. »
J’eus à nouveau un rire rauque.
« J’imagine que pour le bien de toute la maison… Cela serait mieux que je t’assiste… Rien qu’un peu, voir si’l y en a un qui me répugne moins que les autres. »
Oui, répugne, c’était le mot. Je passai une main sur mon visage en repoussant de l’autre Nyméria qui voulait encore me débarbouiller.
« Les courriers… J’en sais trop rien. Tu en reçois tant que ça pour vouloir m’en déléguer ? »
A nouveau je tente la plaisanterie.
The Young Wolf
Arya ne pouvait même pas dire les mots. Elle disait « idée », elle disait « obligation », elle ne disait pas mariage. Pour Robb, toutefois, il ne s’agissait que de cela. D’un mariage, d’une alliance, rien de plus. Pour elle … Il était manifeste que ces huit lunes n’avaient pas suffi à amoindrir la montagne qu’elle s’en était fait. Le frère et la sœur, là-dessus, passaient à côté l’un de l’autre. Robb, toutefois, n’avait d’autre choix que d’avancer dans la direction qu’il s’était lancé. Il avait choisi de lancer la machine, de la mettre en route, et ne pouvait plus revenir en arrière, désormais. Sinon, comme sa sœur le soulignait, il serait tourné en ridicule, et elle … Il claqua la langue en l’entendant se qualifier de putain. Quiconque avait déjà croisé la route d’Arya aurait été bien incapable de la qualifier ainsi, et puis, elle n’avait que vingt ans. On avait connu des jeunes femmes mariées avant cela, certes, mais d’autres étaient mariées plus tard sans qu’on n’en dise rien. Et puis, Arya Stark n’était pas n’importe quelle jeune femme ; elle était la sœur du suzerain du Nord. On pouvait bien imaginer qu’elle patiente un peu pour se trouver le meilleur parti. Et Robb, pour sûr, cherchait cela pour elle : le meilleur parti, même s’il n’était pas des plus conventionnels.
Arya lui confirmait à nouveau qu’elle se plierait à cette obligation, en se laissant tomber d’un geste désespéré dans la paille, à côté de lui. Nymeria vint la consoler instantanément, alors que Robb soufflait bruyamment, ému de la scène qui s’offrait à lui et de la détresse de sa sœur. Il resta debout à côté d’elle, écoutant en s’appuyant sur un mur de la stalle ce qu’elle voulait lui transmettre de ses sentiments et de ses ressentis. Elle lui parla d’une vie qui n’était pas la sienne, et qui ne le serait sans doute jamais, s’il devait l’admettre. Explorer, l’au-delà-du-Mur, et d’autres choses encore. Arya était une femme, Arya était noble. Il n’y avait aucune façon de contourner ces deux états de fait. Il en rougit, toutefois, quand elle en arriva à la même conclusion que lui : puisqu’il lui manquait quelque chose entre les jambes, elle ne pouvait pas, à la manière de deux de ses frères, aller visiter le peuple libre au Poing des Premiers Hommes. Heureusement qu’il regardait le plafond, au moment où Arya évoquait son absence de pénis, autrement, il aurait eu trop honte ; il n’était pas habitué à parler aussi crûment avec sa sœur, même si ce n’était pas lui qui avait prononcé ce mot. Il en sourit, même, songeant que ça ne lui aurait pas fait le même effet si ce mot était sorti de la bouche de Ned ou de Rickon. Arya avait sans doute raison : tout cela n’était pas très juste, mais les Dieux l'avaient faite ainsi.
Arya lui demanda si ça le blessait, qu’elle se sente comme ça. Son abnégation provoqua au suzerain un autre soupir. Il en ferma les yeux, ému par sa sœur qui s’inquiétait que d’autres soient heurtés alors que c’était elle, l’écorchée vive de cette affaire. « Il en faut plus pour que tu me blesses, ma sœur. Tu y arriveras plus facilement avec un arc et des flèches qu’avec tes sentiments. » Il avait soufflé cela d’une voix rauque, avant qu’elle ne poursuive, avouant ce qu’il pressentait déjà : elle n’avait jamais songé à ce à quoi pouvait ressembler un époux, pour elle. Contrairement à Sansa qui voulait épouser un Prince depuis qu'elle savait aligner deux phrases – et qui s’était contentée d’un fils cadet – Arya savait seulement ce qu’elle ne voulait pas. Il s’amusa avec elle, souriant en répondant : « il faut bien commencer quelque part. » Il se décala un peu, toujours debout à côté d’elle, de façon à ce que sa jambe la touche, s’appuyant un peu sur elle. Il voulait lui faire sentir sa proximité, sans toutefois pouvoir prétendre aux mêmes caresses que Nymeria. Vu d’en haut, Arya paraissait encore plus jeune qu’elle ne l’était véritablement.
Elle accepta de l’accompagner dans la lecture de sa correspondance, pour lui donner son avis sur ceux qui la dégoûtaient moins. Cachant son affliction face à cette nouvelle remarque acerbe, Robb se rassura en songeant à nouveau qu’il fallait bien commencer quelque part. Elle plaisanta sur le nombre de courriers qu’il pouvait recevoir, mais le Seigneur Stark ne répondit trop rien : s’il devait l’admettre, bien sûr qu’il recevait beaucoup de propositions. Toutes n’étaient pas recevables, mais certaines l’étaient, et pas des moindres. « Tu es la sœur du suzerain, Arya … » sa voix était lasse, cette discussion le drainait, mais il voulait aller au bout de cet effort pour elle, bien certain que des deux, c’était elle qui souffrait le plus. Il lui sourit, tout de même, puisqu’il avait bien compris qu’elle essayait de plaisanter. « Je te ferai lire celles qui me paraissent sérieuses. Venant d’hommes, pas de gamins ni de vieillards. Les ivrognes et les idiots seront bien sûr écartés, comme ceux chez qui Vent Gris reniflera la lâcheté ou la traîtrise. Que penses-tu de cela, déjà ? » C’était la base de la base, mais ça permettait déjà de formuler les choses comme Arya l’avait fait plus tôt : il s’agissait là toutes les choses qu’il ne voulait pas pour sa petite sœur. Elle seule, toutefois, pourrait trouver ce qu’elle convoitait véritablement, chez un époux. Robb pouvait parler d’honneur ou de force physique, de magnanimité ou d’ambition, de curiosité ou de conservatisme, seule Arya, toutefois, saurait ce qui lui conviendrait le mieux. Il voulait qu’elle cesse d’éloigner toutes ces pensées de son esprit, mais essaierait de commencer par là où elle en était.
Nulle part, ou très loin, manifestement.
Lord of Winterfell and Warden of the North ♛ by wiise
The Wild Wolf
C’était toujours particulier d’expliquer ce que j’avais sur le cœur. Est-ce que cela m’aiderait vraiment à me sentir mieux d’en parler à Robb ou à d’autre ? Est-ce que Robb pourrait vraiment comprendre tout ce qu’il se passait dans ma tête ? Pourquoi est-ce que c’était si difficile pour moi de penser au mariage et de l’accepter ? Est-ce que j’étais la seule dame à le refuser ? À le refuser ainsi ? J’avais l’impression de ne pas être normale, à me cabrer ainsi, à me bouffer ainsi juste pour un mariage. Pourquoi les autres, elles y arrivaient, et pas moi ? Parce que je savais très bien que cela ne me rendrait pas heureuse du tout. Parce que ce n’était pas, parce que je ne voulais pas cela, qu’est-ce que j’étais censée faire ? Porter un masque ? Non, je ne pouvais pas. J’essayais, en fait, un peu, mais ce n’était pas assez, vraiment pas assez. Parce qu’on me demandait d’enterrer tout ce que j’étais, tout ce que je voulais. Et pour l’honneur de mon frère, celui de ma famille, j’allais le faire. Parce que c’était la seule voie pour éviter qu’ils soient insultés et moqués. Moi, je pouvais le supporter, mais je ne supporterais pas qu’on touche à la meute. La seule qui pouvait blesser ma famille c’était moi-même. Même sans le vouloir. Je m’appuyais contre mon frère lorsqu’il posa sa jambe contre moi, il était chaud, je fermai les yeux, laissant également ma louve se blottir contre moi. J’eus un sourire amusé à ses mots.
« Ne me tente pas de m’entraîner à tirer à l’arc sur cible mouvante. Tu ferais une excellente cible. Comme ça, tu apprendras à zigzaguer en esquivant les flèches. »
On ne savait jamais quand cela serait utile, et je m’obligeais toujours à plaisanter. Mais oui, il fallait bien commencer quelque part. Je ne savais pas du tout ce que je voulais absolument pas. Cela me semblait impossible de tomber amoureuse de quelqu’un, vraiment pas. Je n’avais jamais trouvé un homme attirant, je n’avais jamais trouvé une femme attirante non plus. Non, rien de tout cela. C’était comme-ci je n’arrivais pas à trouver les autres attirant pour l’amour. Peut-être que c’était pour cela que je ne pouvais pas me marier, parce que j’étais incapable d’amour ? Que je ne pouvais pas imaginer vivre d’amour et d’eau fraîche comme Sansa ? Il faut bien commencer quelque part. J’inclinai la tête.
« Oui. C’est toujours mieux que rien. »
Savoir ce qu’on ne voulait pas… C’était déjà ça n’est-ce pas. Je ne voulais pas vraiment savoir combien il y en avait réellement par jour qu’il devait recevoir par jour. Je levai les yeux vers lui :
« Et je ne suis que ta sœur. Imagine pour ta fille d’ici dix ou douze ans. »
C’était un entraînement, c’était déjà ça. Je lui servais d’entraînement pour sa fille, quoi qu’elle aurait en plus le devoir de faire un mariage matrilinéaire. Il ferait visiblement une pré-selection, c’était déjà ça. Pas de vieillard, je souris lorsqu’il évoqua Vent Gris. Je levais les yeux vers lui.
« Si Nymeria grogne aussi sur l’un d’eux, je le refuse immédiatement. Mais je comprends pas pourquoi t’acceptes la proposition de Nob, c’est un bon garde, il a que cinquante ans et juste un léger penchant sur la boisson ! »
J’eus un rire amusé, Nobert, ou Nob, était un garde qui était stupide, mais pas méchant. Je soutiens le regard de mon frère en continuant de caresser Nymeria.
« Tout ce dont on a besoin, c’est d’une bonne alliance, avec un homme que je supporterais plus de dix minutes. Et qui est dans le Nord. Ça ne devrait pas être si difficile que ça… »
Autant deux critères, ça devrait aller, autant le critère de le supporter… Cela serait beaucoup plus difficile ! Je tapotai le genou de Robb machinalement :
« Qu’est-ce que ça représente pour toi… le mariage ? »
Je n’étais pas sûre que sa réponse serait celle que je donnerais, mais c’était intéressant.
The Young Wolf
Le frère et la sœur étaient là, l’un contre l’autre, dans la stalle d’une juments, les pieds dans le foin. Quelle scène offraient-ils aux manants qui passeraient par-là, aux garçons d’écuries, aux palefreniers, aux autres gens de la cour de Winterfell qui pourraient trouver le Seigneur et sa sœur dans la fange ?
Robb ne s’attarda pas sur cette pensée, qui lui avait tout de même traversé l’esprit. A cet instant, les apparences lui importaient peu : ce qu’il voulait, c’était permettre à sa sœur de s’ouvrir à lui, au moins un peu. Il y parvenait, manifestement, puisqu’à nouveau, il la voyait sourire – ou grimacer, plutôt, sous ses cicatrices. Elle avait accepté sa proposition de l’accompagner dans sa recherche de l’alliance idéale. Elle suggérait même une autre technique que celle d’étudier l’arbre généalogique du prétendant : celle de l’offrir en pâture à Nyméria. Sans doute n’était-ce pas une mauvaise idée, puisque le bougre devrait partager son épouse avec la louve, sans aucun doute. Mieux valait qu’elle ne le dévore pas la première nuit venue. Robb voulut lui répondre qu’elle ferait bien comme elle voudrait, pour tester ses fiancés, mais elle poursuivit sa tirade en plaisantant. N’était-ce pas là bon signe ? Elle suggérait qu’il avait refusé la proposition de mariage de Nob, faisant mine de ne pas comprendre pourquoi son garde ne ferait pas pour elle un bon parti. Robb lui adressa un sourire affectueux, ses yeux brillants toutefois d’une tristesse particulière. Arya devait le savoir : elle méritait bien mieux qu’un ivrogne inférieur à son rang, vieux et croupissant. Il espérait lui trouver un époux qu’elle pourrait respecter, et qui lui adresserait la même cordialité. Quant au reste … ça se construit, n’est-ce pas ?
Le silence était revenu depuis quelques instants avant qu'Arya ne le rompe à nouveau, proposant à son frère une question philosophique : elle voulait savoir ce que représentait le mariage pour lui. Robb, les yeux cette fois-ci perdus sur la silhouette de la jument, cherchait quelle réponse apporter à sa soeur. Il n'y avait jamais réfléchi, et pourtant, il était certain que sa vision avait changé tout au long de sa vie.
Quand il avait demandé la main de Wynafryd Manderly, il avait joint l'utile à l'agréable. Il était épris de la jeune femme, qui de sa place, devait un jour hériter de sa maison. Il avait cru qu'un mariage permettrait de sceller cette amour. Il s'était trompé. Puis, il avait écouté sa mère lui rabâcher à l'oreille qu'avant la fin de l'Hiver, il devrait avoir trouvé une épouse. Il avait alors pensé que le mariage n'était qu'une question d'alliance. Que le Nord avait besoin d'avoir à sa tête deux jeunes gens issues de puissantes familles, qui lui permettrait de traverser la tempête. Désormais ... désormais ...
« Le mariage c'est l'agrandissement de la meute. Père le disait toujours : pendant l'Hiver, le loup solitaire se meurt tandis que la meute survit. Kylis est rentrée dans cette famille comme dans un gant. Elle est une bru généreuse pour notre mère, une sœur attentive pour toi, je l'espère, et une confidente pour Rickon et même pour Brandon, de loin. Et moi, j'ai gagné en son père l'un de mes plus proches alliés, en son frère un pupille, et en elle, un soutien indéfectible. C'est tout ce que je veux pour toi, Arya : que tu agrandisses notre meute avec ton époux, ou que tu fondes la tienne. »
Lord of Winterfell and Warden of the North ♛ by wiise