Walk on water (Aemma)

Aemma était lasse.


Lasse de toutes ces épreuves qui se suivaient, de ce bruit qu’elle tolérait de plus en plus mal, ne pouvant guère se reposer à son envi. Lasse de ces personnes qu’il lui fallait saluer, tolérer, accepter à ses côtés. Lasse de ces œillades et de ces mots qui étaient murmurés à son passage. Hereward avait porté ses couleurs durant la joute. Un hommage qu’elle avait accepté, aussi pâle qu’elle pouvait être flattée. Personne ne lui avait encore demandé ses couleurs et ce n’était pas ses frères déjà mariés qui auraient pu agir de la sorte. Depuis, certains semblaient s’être mis en tête que des fiançailles, si ce n’est un mariage soyons fous, se préparait à l’abri des regards. Lasse, oui. Lasse mais sans pour autant le montrer. Jouant de son éventail, elle offrait sourires mielleux, retenant à grand peine son venin. Hereward et elle, allons bon ! Sa grenouille de bénitier de père ne risquait pas d’apprécier l’idée, pas plus que son propre paternel n’y souscrirait. Les enfants de sa nature persistaient sans pour autant engendrer. Les choses étaient ainsi faites.


Un ami cher. Voilà ce qu’était Hereward à ses yeux. Un ami qu’elle chérissait sans pour autant espérer davantage. Elle s’était sentie nauséeuse alors qu’il chutait de son cheval. Sa faveur s’était envolée en même temps et Aemma l’avait retrouvée au détour d’une des loges. Elle l’avait ramassée et remise à celui qu’elle savait être un preux chevalier en se rendant à son chevet. Il n’avait pas à avoir honte de sa prestation et la Massey voulait s’assurer que ce n’était pas le cas. A son grand soulagement, le Graceford s’était vite relevé pour mieux participer à l’épreuve de tir à l’arc. Et force était de constater qu’il y avait gagné une supporter de taille en la personne d’Aemma !


« Shedda, est-ce bien vous ? s’étonna la Massey, alors qu’une voix familière lui parvenait. Je ne vous avais pas entendue arriver ! »


Un éclair de surprise passa sur le visage de la Massey avant qu’un sourire des plus lumineux ne prenne place sur ses lèvres. Voilà une rencontre plus que secourable ! Ainsi, elle ne s’était pas trompée, c’était bien Shedda qu’elle avait vu dans les tribunes aux côtés de la fine fleur de la noblesse bieffoise. D’un mouvement fluide et calculé, Aemma referma son éventail, le glissant à sa ceinture. Alors, avec une habitude retrouvée, les mains de Shedda vinrent envelopper les siennes dans une douce chaleur. Le papier pouvait faire passer bien des émotions et sensations mais il y en avait que l’encre ne pouvait décrire. C’était là ce que ressentait la jeune femme aux cheveux d’argent alors que son âme goûtait à la présence retrouvée de son amie.


« Eh bien vous m’avez retrouvée, votre esprit n’a plus de raison de se tourmenter. La jeune femme se tut, détaillant sa camarade du regard. Mais regardez-vous ! Le Bief vous fait une très bonne mine, j’en serais presque jalouse ! J’ose espérer que nulle obligation ne vous retient. Nous avons des années à rattraper et je ne vous laisserai pas me fuir sans m’avoir conté vos aventures depuis la dernière fois que nous nous sommes vues. »


D’autorité, Aemma défit doucement l’étau qui enserrait sa main, offrant son bras à Shedda, l’entraînant à ses côtés. Vaelle lui avait rendu sa liberté pour quelques temps. Elle avait fort à faire et si Aemma s’était promis de revenir assez tôt pour lui prêter son secours, elle avait tout de même plusieurs heures devant elle. Faisant tinter doucement ses boucles d’oreilles de bronze et de perles au passage, la Massey tourna la tête en direction de l’Essosie, tout sourire.


« Sacré tournoi, n’est-ce pas ? J’ose espérer que nous aurons encore du beau spectacle d’ici la fin de ces réjouissances. Marée Haute est un endroit magnifique mais vous savoir ici rend Port-Réal plus attrayant. La jeune femme se tut, avant de rire. Mais j’en oublie la politesse ! Mon ventre crie famine, accepteriez-vous de me joindre à moi pour y remédier ? J’offre  les douceurs, bien évidemment. »

Si cela n’avait tenu qu’à elle, Aemma aurait étreinte Shedda de toutes ses forces, trop heureuse de la revoir après tant d’années de séparation ! Seul l’agacement d’imaginer de nouvelles rumeurs à son encontre acheva d’écarter ce projet. Le temps filait et la Massey se réjouissait de toujours d’avoir quelques amies proches, bien qu’il faille toujours de grands évènements pour espérer les revoir. Falyse et Marla en faisaient évidemment parties, au même titre que Shedda. Et force était de constater que la distance était toujours douloureuse à vivre. L’encre adoucissait un peu cette peine, il est vrai. Elles étaient à cet âge où leurs vies changeaient aussi rapidement que les frémissements des ailes des libellules.


Falyse était mère, et son amie de toujours chérissait ses enfants comme s’ils étaient les siens. Marla serait mariée un jour prochain, sa royale tante y veillerait avec la clairvoyance nécessaire. Shedda et elle-même auraient des destins différents. Après tout, pouvait-on imaginer marier une septième enfant, une fille de surcroît, ou une étrangère ? Dans un monde comme le leur, Aemma ne pouvait s’empêcher d’en douter. Était-ce grave pour autant ? La Massey n’arrivait pas à s’en attrister. Après tout, la cape de l’épouse, le voile de la Septa ou le masque de la Sœur du Silence n’étaient pas les seuls colifichets dont il pouvait être bon de s’encombrer. Et ces années de trêve étaient teinté d’une douceur qu’Aemma était bien heureuse de connaître libre de toute attache, si ce n’étaient celles de l’amitié.


« Il est vrai que votre carrure et la finesse de vos traits rendraient jalouses plus d’une dame bien née. affirma Aemma avec un hochement de tête décidé. Je sais que cela n’est guère à votre goût mais souligner vos prunelles d’un trait sombre serait du meilleur effet. La jeune femme baissa d’un ton, se piquant d’un peu de verve. Cela ferait enrager quelques vipères mais craignons-nous réellement leur venin ? Je n’en crois rien. »


Avec ses cheveux et ses yeux sombres, Shedda aurait pu porter le corail avec goût ne pouvait s’empêcher de songer son amie. Les perles auraient été trop banales pour elle. Dans les faits, la Meerienne en avait la bouche pleine ! Son sourire était éclatant et aussi pétillant que son parler, n’en déplaise à la bonne société du Bief. Ou à la bonne société tout court. Aussi, ce fut avec un soulagement profond qu’Aemma apprit que son amie se trouvait à son aise à Hautjardin malgré tout. Elle accueillit cette confidence avec un réel sourire, le premier qu’elle esquissait depuis longtemps.


« Oh, vous m’apprenez-là une bien sombre nouvelle. commenta la Massey, dont les traits étaient marqués d’une gravité nouvelle. Il me semblait avoir entendu cette rumeur de quelques Bieffois mais de là à l’imaginer réelle… La jeune femme se tut quelques instants. Il n’empêche, je suis heureuse de savoir que vous avez trouvé un foyer à Hautjardin et d’apprendre que Lady Delena vous traite bien. S’il y a bien une personne qui le mérite, c’est bien vous. »


Aussi venimeuse qu’Aemma pouvait l’être, la joie qu’elle ressentait pour Shedda était réelle.  Aussi réelle que l’était son envie de bavasser avec elle. Naturellement, la Massey guida sa camarade jusqu’à quelques étals qu’elle avait remarqué les jours précédents. Ses neveux et nièces, tous âges confondus, avaient vu en elle une bonne excuse pour toutes leurs promenades. Dès lors, la jeune femme avait pu faire quelques repérages. Prenant le soin de garder Shedda à son bras, il y avait foule et mieux valait éviter qu’elles se perdent de vue, la jeune femme aux cheveux d’argent glissa sa main dans la bourse qui se trouvait à sa ceinture. Le petit sac n’était pas fort plein. Au vu de l’influence qu’il y avait là, et des risques de se voir dérober son pécule, Aemma n’emportait que le strict nécessaire avec elle.


« Je vous remercie. glissa Aemma au marchand, déposant quelques piécettes dans sa main tendue. Vous m’en direz des nouvelles, ma chère Shedda ! J’ai découvert cette merveille lors de mon séjour à Lamarck. Ma cousine est une fervente partisane de nourriture fine. Ces gâteaux s’en rapprochent fortement, bien que leur prix soit beaucoup plus abordable. »


Aemma avait jeté son dévolu sur des oublies. Ces petites galettes, cuites entre deux fers, étaient décorés tantôt de dragons, tantôt d’oiseaux ou de plantes. Elles dégageaient un doux parfum de miel, la Massey préférant cette recette à celle contenant quelques vinasses. Afin de ne pas porter l’entièreté de la galette à ses lèvres, la jeune femme se contenta d’en casser un bout plus petit, qu’elle porta élégamment ensuite à sa bouche. L’éducation que lui avait donné sa cousine avait été difficile à assimiler dans un premier temps. Aujourd’hui, plus personne ne pouvait douter de la qualité de son sang, toute modeste soit la noblesse dont la Massey était issue.


… Ce qui ne l’empêcha pas de manquer de s’étouffer avec sa bouchée lorsque Shedda fit mention d’Hereward. Tâchant de garder contenance, Aemma parvint à avaler le traître morceau de galette qui s’était logé dans sa gorge. Le sourire qu’elle affichait était plus embarrassé qu’elle ne l’aurait souhaité. Fort heureusement, Shedda n’était pas personne à se moquer d’un tel trouble. Peut-être la taquinerait-elle à ce sujet, certainement même.


« C’est cela, oui, vos yeux ne vous ont pas trompée. Ser Hereward est un ami de longue date. Lorsque nous nous sommes rencontrés, nous étions à peine sortis de l’enfance. Nous en avons gardé une tendresse mutuelle. Aemma se reprit presque immédiatement. Son père escompte lui offrir un beau mariage à une noble Bieffoise prochainement, il me semble. Aussi, c’est naturellement que j’ai accepté de lui offrir mes couleurs. Personne ne pouvait en prendre ombrage. »


Tout comme personne ne pouvait se targuer d’avoir ses faveurs obligatoirement. Son père avait passé l’âge des joutes tandis que ses frères préféraient la mêlée ou s’abstenir de participer aux lices. Hereward avait été sa seule chance d’être défendue et la Massey l’avait saisie. Ni Hereward ni elle n’étaient engagés. Les gens jaseraient un peu et finiraient par oublier. Puis, un jour prochain, elle apprendrait que Ser Jon avait trouvé une épouse pour son fils et tout cela ferait partie du passé. Ils en garderaient tous deux un bon souvenir. A quoi bon éprouver des regrets pour une situation qu’elle ne pouvait changer et qu’elle ne voulait pas changer ?


« Je vous assure que s’il était prévu que je convole en justes noces avec un Bieffois, vous auriez été parmi les premières informées, ma tendre amie. ajouta Aemma, sur un ton plus léger. Il nous faudra trouver un autre stratagème pour nous revoir, je le crains ! »

En présence de Shedda, Aemma oubliait le brouhaha alentours et tout ce qui avait pu avait lui faire serrer les dents. Hereward avait pensé lui faire plaisir, en lui proposant de porter ses couleurs. Il connaissait sa position familiale. Il aurait fallu un étrange concours de circonstances pour qu’une autre personne se retrouve à faire ce geste pour elle. Elle n’avait pas à avoir honte. Un chevalier du Bief, quoiqu’un peu inexpérimenté, lui avait fait un présent qu’elle garderait en mémoire. Qu’importe les sifflements des autres, au fond. Cela resterait sa petite victoire, quand bien même le Graceford n’avait pas dépassé le premier tour. Elle était fière qu’il ait osé se présenter à un tel tournoi et ne manquerait pas de lui dire lorsqu’elle aurait l’occasion de le revoir.


« Je n’ai peut-être pas de trésors à offrir mais les Dieux, dans leur infinie grandeur et leur bonté tout aussi grande, ont décidé que j’aurais de l’argent sur la tête. Aemma badinait, à la fois fière et amère à la fois. Il n’empêche, votre compliment me va droit au cœur. »


L’aigreur s’était envolée de sa seconde phrase en un claquement de doigts. La Massey savait Shedda sincère. C’était ce qui l’avait attirée, lors de leur première rencontre. La jeune femme pouvait compter ses réels amis sur les doigts de deux mains, et encore. La constante dans ces amitiés ? La franchise, additionnée à tout un tas de petites choses qui faisaient que le lien persistait dans le temps et malgré la distance. Falyse, Marla, Shedda, Aenor… Toutes ces personnes remplissaient ces critères. Ils pouvaient se quitter plusieurs lunes et se retrouver par la suite comme si rien n’avait changé. Ils étaient des constantes rassurantes dans son existence et Aemma les chérissait pour cela. Elle les acceptait tels qu’ils étaient et ils faisaient de même en retour.


« Et ils ont bien de la chance de vous avoir comme fille. Ne laissez personne vous dire le contraire. » commenta la Massey, avec fermeté.


Aemma avala à nouveau de travers, la faute à un petit rire qui l’avait prise. La réaction de Shedda lui rappelait la sienne, lorsqu’elle avait découvert ces petites merveilles ! Prise d’une toux, la gourmandise est décidément un bien vilain défaut, la Massey retrouva finalement son souffle au prix de quelques efforts. Cela ne sembla pas lui servir de leçon, car, quelques instants plus tard, la jeune femme mordait à nouveau dans la petite galette, correctement cette fois !


« Lady Vaelle a le goût des bonnes choses, dans tous les sens du terme. C’est un plaisir de partager son savoir avec autrui ! Aemma se tapota les lèvres pour en ôter les miettes à l’aide de son mouchoir. Si vous avez l’occasion, je vous conseille aussi de goûter au massepain. Les marchands venus pour le tournoi en font de l’excellent ! Mes nièces en raffolent et j’avoue ne pas être la dernière pour y croquer lorsqu’elles n’en veulent plus. »


Alysanne et Cassella était des amours. Aemma tâchait de passer autant de temps que possible avec elles. Elles grandissaient à vue d’œil, c’en était effarant ! Il en allait de même pour ses neveux. Plus le temps passait et plus ils devenaient de jeunes hommes. Bientôt, ce serait eux qui la prendraient de haut et plus le contraire. Cela l’attristait grandement, à dire vrai. Que cela soit Albin, Alfyn, Alysanne, Cassella ou Roban, elle les avait vu naître et grandir. Si Alinor avait été comme une seconde mère pour elle, Aemma avait tenu ce rôle, en partie, pour ses neveux et nièces. Elle aurait aimé avoir des enfants, peut-être. Cette idée lui effleurait parfois l’esprit. Elle avait adoré s’occuper d’eux, tout comme elle ne manquait pas de dorloter Daenaera  et Baela, les filles d’Aurane et Serra. Les enfants de Falyse, qu’elle avait immédiatement considéré comme ses neveux et nièces, avaient droit au même traitement.


Mais d’enfants, elle n’aurait pas.


C’était de là que venait l’ombre sur son visage, peut-être. La bienveillance et la douceur de Shedda allégeait cependant cette peine. Elle ne savait pas, la Massey ne lui parlait jamais de cela dans ses lettres. Il y avait toujours mieux à écrire et le sujet ne venait jamais naturellement. Qui plus est, ces missives étaient un petit moment de douceur qu’Aemma n’avait jamais voulu obscurcir par de pareilles annonces. Car, au fond, toutes deux avaient un destin semblable. Les noces, qu’importe leur nature, n’étaient pas imaginables pour des raisons bien différentes.


« Si je devais me marier, je serais heureuse de le faire avec un ami, il est vrai. avoua Aemma, rendue songeuse. Mais comme vous le dites si bien, le Bief est peut-être trop délicat pour moi. J’aurais vite fait d’y mettre un désordre quelque peu inconvenant. La jeune femme se laissa aller à un rire, qui cessa bien vite, alors que Shedda reprenait la parole. Mais, voyez-vous, les choses ne sont pas si simples. »


L’oublie avait disparu sans qu’Aemma ne s’en rende compte. Elle en avait avalé la dernière bouchée entre deux paroles, semblait-il. Ses mains étaient libres et l’une d’elle revint se poser sur celle de Shedda, qui tenait toujours son bras. Sa réaction vis-à-vis du mariage changeait selon les jours. Il y avait des moments où cela ne l’atteignait pas, où elle en riait même. Puis, il y avait des moments, où quand le soleil se levait, son cœur se serrait. Aujourd’hui était un jour plus nuageux que les autres.


« Vous savez, nous sommes plus proches que vous ne le pensez, pour ce qui est du mariage. avoua la Massey, alors qu’une petite boule se formait dans sa gorge, appréhension qu’elle ravala bien vite. Mon père ne peut pas me marier. Je suis sa septième enfant, vous comprenez, il a déjà payé la dot pour deux de mes sœurs aînées. Nous vivons confortablement, cela me convient. »


Oui, cela lui convenait. Au moins, elle avait évité le Septuaire. Elle était libre et cette liberté avait un prix.


« Mais ne vous en faites pas, je n’aurais pas manqué de vous inviter si quelqu’un avait l’idée de me passer la bague au doigt ! reprit la jeune femme, d’un ton plus badin. Vous n’auriez pas été la dernière au courant, vous avez ma parole. Et si cela devait vous arriver, le destin est parfois bien surprenant, j’ose espérer que vous penserez à votre vieille amie ici présente. Aemma secoua la tête, faisant voleter quelques mèches d’argent. Mais assez parlé de choses tristes et déprimantes ! Il est hors de question que vous me quittiez avec de mauvais souvenirs ! Des saltimbanques organisent des spectacles durant tout le tournoi. Nous pouvons aussi aller nous installer quelque part et converser un peu ou aller écouter quelques musiciens. Fabriquons-nous des souvenirs que nous pourrons nous raconter lorsque nous serons vieilles et toujours libres d’esprit, à défaut de pouvoir nous déplacer. »

« Tu penses que nous sommes de vulgaires conteuses de fables qui ne sont là que pour te divertir et endormir tes enfants ! »


Plusieurs voix avaient fusé, porteuses d’une certaine véhémence. L’espace d’un instant, Aemma détourna son regard de Shedda, cherchant la source de cette injonction. Sous une petite tente toute proche, une petite trompe s’égayait, traitant de quelques récits mythiques. Deux femmes, enlaidies par les masques qu’elles portaient, pointaient du doigt un homme, qui devait être un prince, au vu de la couronne qu’il portait. Une pièce de théâtre, voilà qui éclairait fort bien son propos ! A n’en pas douter, Daella aurait pu lui citer le nom de l’histoire qui se jouait non loin. Il n’en restait pas moins que la représentation lui semblait excentrée, par rapport aux autres artistes qu’elle avait eu l’occasion d’écouter en compagnie de sa cousine. C’était ces derniers que la Massey avait évoqué et qu’elle souhaitait retrouver pour son amie. Ici, elles n’avaient guère le choix. Si elles avançaient encore un peu, Aemma ne doutait pas qu’elles pourraient voguer de musiciens aux dompteurs d’animaux en passant par quelques zélés comédiens et autres marionnettistes.


« Veuillez m’excuser, mon esprit a été attiré par ces curieux personnages. avoua la jeune femme, penaude. Je ne partage pas mes secrets sans condition, cependant. Une petite étincelle malicieuse brillait dans ses prunelles. Ce que je vous apprends sur les Terres de la Couronne, je veux le recevoir du Bief. Je ne doute pas que vous avez aussi quelques délices à me rapporter de la région qui vous a accueillie. »


Avec tous ces fruits, ce miel et ces céréales, les Bieffois ne devaient pas être les derniers en matière culinaire ! Son dernier voyage en ces vertes terres commençait à dater et, à la réflexion, la jeune femme n’en gardait plus qu’une poignée de souvenirs. La douleur de perdre son jumeau avait occulté en partie les doux moments qu’elle avait vécu durant ce périple. Toujours est-il que, si Aemma ne se risquait que rarement dans les cuisines de Lamarck, elle était certaine que sa chère cousine serait ravie d’avoir d’autres idées de douceurs à déguster. Cette conversation plus légère eut le don de lui faire totalement oublier la boule qui gonflait dans sa gorge, de même que l’étau qui s’était glissé petit à petit autour de ses côtes. Shedda n’avait aucune mauvaise intention. C’était même tout le contraire. Son amie n’était portée que par des sentiments sincères à son égard, ainsi que par une curiosité des plus compréhensibles au vu de son passé. Elle apprenait, voilà tout. Aemma serait bien la dernière à la blâmer pour cela.


« Oh, Shedda, je vous sens troublée et cela me chagrine grandement. Aemma s’efforça de faire bonne figure malgré tout. N’ayez crainte, mon avenir n’est guère auprès des Sept. Ce fut le cas lorsque j’étais plus jeune, il est vrai. Mes parents ont abandonné l’idée il y a quelques années et mon avenir n’appartient plus qu’à moi. Je crains que vous n’ayez encore à me supporter, le Septuaire ne vous sauvera pas de moi. »


Un sourire faussement carnassier étira ses lèvres. Oui, elle voulait avoir la possibilité de vieillir après une vie de libertés, autant que sa grand-mère Vysela si le hasard le lui permettait. Sa vie serait différente de la sienne, bien sûr. Mais son aïeule avait su l’inspirer et l’inspirait toujours. Peut-être passerait-elle une partie de son existence sur les flots, en compagnie de Justin. Ou alors auprès d’Arthur, car elle aurait toujours sa place à Danse-des-Pierres, il le lui avait promis et son aîné ne revenait pas sur de telles promesses. Qu’importe les détours qu’elle ferait, elle trouverait toujours une place auprès des Massey. Il était bon d’avoir un foyer, après avoir imaginé tant d’aventures.

« Ma cousine Daella est très friande de ces spectacles, elle aussi. Je sais où dénicher les meilleurs, faites-moi confiance ! Aemma avait reprit sa marche, d’un bon pas. Et si aucun de ces artistes ne trouve grâce à vos yeux, peut-être pourrais-je aller quérir mon luth, pour me faire pardonner ? »


Ce n’était pas une offre que la jeune femme faisait à la légère. Consciente du don qu’elle nourrissait pour la musique, la Massey ne l’offrait qu’à des personnes soigneusement choisies. C’était sa manière à elle de faire persister la magie qui naissait entre ses doigts lorsqu’ils couraient sur les cordes de son instrument. Elle ne voulait la partager qu’avec ses proches. C’est avec cette idée à l’esprit qu’Aemma guida sa camarade entre les tentes et les étals. De manière fortuite, des petites places s’étaient formées entre les attroupements de toiles, ce qui permettait à quelques personnes se produire ici et là, pour le plus grand plaisir de tous et toutes ! Pour pleinement en profiter, certaines troupes avaient déposé des bancs, ici et là. C’est sur l’un d’eux qu’Aemma jeta sont dévolu et s’installa.


« Nous voilà arrivées ! Ici, nous pourrons écouter aussi bien de la musique que profiter de quelques vers déclamés. Et si cela ne nous convient pas, nous pourrons toujours aller un peu plus loin ! La jeune femme prit le soin de lisser sa robe. Et vous, mon amie, à quoi pouvez-vous bien aspirer ? Avez-vous un Florian dans votre Bief lointain ? Ou rêvez-vous de rejoindre l’une de ces troupes de comédiens ? »

Aemma médita quelques instants sur cette idée. S’en retourner dans le Bief ne serait pas une chose désagréable. D’un autre côté, son cœur se serrait à cette idée. Être si proche et si éloignée d’Armond à la fois… Il lui semblait qu’elle ne s’y ferait jamais. Un jour, il disparaîtrait peut-être pour de bon et elle ne pourrait pas le retenir. Pour autant, elle ne pouvait pas refuser à Shedda la possibilité de lui rendre visite. Un jour, une opportunité se présenterait et elle ne manquerait pas de la saisir, bien sûr. Après tout, n’y avait-il rien de mieux que de partager quelques mets en compagnie d’une âme amicale ?


« Oh, le hasard ait pitié de moi si je me retrouve dans une situation aussi épineuse ! Aemma feignit de défaillir, reprenant son éventail et l’agitant devant son visage, masquant le sourire mutin qui était né sur ses lèvres. Vous avez ma bénédiction pour me tirer de ce mauvais pas, s’il devait advenir ! Tentez au moins de m’en dissuader ! »


Il faudrait que le monde s’effondre pour qu’elle songe à s’enfermer de la sorte. La Massey aimait trop sentir le vent sur sa peau ou l’air marin pour imaginer s’enfermer dans un Septuaire, fusse-t-il le plus grand de tous. Tout un univers de possibles s’était ouvert à elle une fois cette crainte écartée. Elle était une Massey et peut-être le resterait-elle toute sa vie mais elle pourrait explorer des voies que peu de femmes auraient pu frôler du bout des doigts. Tel était l’avantage de se trouver dans l’ombre de l’Histoire. D’être de ces petites mains qui pouvaient beaucoup tout en étant très peu aux yeux de ceux qui compulsaient les mémoires de leur monde. Peut-être qu’un jour, une lointaine nièce porterait à son tour le prénom d’Aemma et pourrait s’enorgueillir car la tradition familiale ne l’aurait pas oubliée, en comparaison des grands livres. C’était cela qu’elle souhaitait aussi à Shedda. Qu’on se souvienne d’elle aussi. Qu’on puisse éprouver de la fierté, une forme d’honneur, à l’idée de l’avoir côtoyée.


« N’écoutez pas ces gens qui pensent qu’il faut être né avec un instrument entre les mains pour savoir en user. Vous avez toute la vie devant vous, si vous souhaitez apprendre à jouer ou à chanter, rien n’est perdu, au contraire ! Il faut bien trouver de quoi s’occuper en période de paix, bien que je sais que vous faites des merveilles avec une lame. »


Jonquil Sombre n’avait qu’à bien se tenir, l’héritage qu’elle avait laissé derrière elle pourrait bien être reprit et enrichit ! Peut-être que Shedda aurait l’occasion de rejoindre l’entourage d’une noble Lady en son nom propre à l’avenir ? Une personne qui pourrait se satisfaire des deux faces qu’elle présentait, tantôt gardienne, tantôt dame au fait des usages de la cour. Aemma aurait aimé pouvoir lui offrir une telle place, si le besoin s’en faisait ressentir. Fort heureusement, tout se passait pour le mieux jusqu’à maintenant. Ne restait plus qu’à espérer que ce Bief guindé accepterait de toujours conserver une petite place pour sa camarade. Sa candeur restait apaisante et la Massey se garderait bien d’en user contre elle. Shedda avait encore tant à découvrir et elle souhaitait qu’elle conserve ce regard sur Westeros aussi longtemps que possible.


« Florian le Fol et Jonquil la Belle forment le couple central de plusieurs pièces de théâtre et de marionnettes. expliqua simplement Aemma, attendrie. Je suis heureuse d’apprendre que vous avez tous trois un toit solide au-dessus de vos têtes. Pour ce qui est des Bieffois, ne vous formalisez pas trop des regards qu’ils vous lancent. Je suis certaine que Lady Delena est une excellente mentor en la matière, c’est elle que vous devez convaincre. La jeune femme se tut un instant. Ainsi que vous-même. Nous sommes toujours les pires juges concernant nos actes ou notre personne. »


Aemma chassa bien vite ce constat de ses pensées. Gareth ? Voilà un fait qui ne lui était pas connu ! Les lèvres pincées, la jeune femme garda le silence. Il n’était pas question d’une quelconque déception à l’égard de Shedda, non. Au contraire, la Massey était flattée d’avoir reçu pareille confidence. Non, c’était le fait de savoir que ces sentiments n’étaient peut-être pas partagés qui la minait. Peut-être y avait-il un espoir malgré tout ? Ce que les hommes pouvaient être fiers… Ils pouvaient aimer une personne des années durant sans pour autant se déclarer, pour ce qu’elle en savait. Ils savaient manier l’épée pour beaucoup mais lorsqu’il était question de leurs émotions ou de leur belle, plus rien ne tenait vraiment debout !


« Oh, ma pauvre Shedda. Aemma replia son éventail, le posant sur ses genoux pour prendre l’une de mains de son amie avec sollicitude. Voulez-vous m’en dire davantage ? Je ne suis pas plus avancée que vous à ce propos mais à nous-deux, peut-être que la situation vous semblera plus claire ? »


Il y avait de ces choses que les jeunes femmes n’abordaient que peu avec les personnes de leur entourage. Aemma elle-même ne confiait les élans de son cœur qu’à ses amies, ne sachant que trop bien ce qui pourrait se produire si elle énonçait trop souvent le nom de telle ou telle personne. Le pauvre Hereward en avait fait les frais malgré sa prudence. Quelle idée avait-elle eu en lui confiance ses couleurs de la sorte ? La situation était actée, elle ne pouvait plus rien y changer. La situation de Shedda était bien différente. Elle avait l’opportunité de trouver une personne qui lui seyait. Gareth avait-il juste un nom ? Si tel n’était pas le cas, les choses seraient bien plus simples. Son amie ne méritait pas d’avoir le cœur brisé par l’un de ces nobles qui ne pouvaient fuir leur condition. Ou alors, il lui fallait un preux chevalier qui ne verrait pas ce qu’elle était d’un mauvais œil. Au fond, devoir se complaire dans un rôle qui n’était pas le sien était au moins aussi douloureux qu’une grande peine d’amour.

Lady Delena et son propre père ne manqueraient pas d’être en accords sur ce point. Une femme avec une épée, cela pouvait causer beaucoup de désordre. En bien ? En mal ? En bien pour Shedda, sans doute. En mal pour elle, Aemma gardant inscrit dans sa chair son premier et dernier échec en la matière. Le danger ne l’avait encore jamais suffisamment guettée pour que la Massey se sente obligée de quémander une arme. Son père n’y aurait de toute manière point consentit, lui qui lui avait déjà accordé bien assez de libertés pour une créature de son sexe. Ses frères étaient là pour assurer sa protection, de même que les Velaryon. C’était bien suffisant. Son éventail faisait le reste, chassant à merveille la lourdeur du climat comme celle de certains admirateurs.


« J’ai entendu dire que certains guerriers d’outremer dansent avec leurs lames. Ils se font appeler Danseurs de l’eau et leurs services sont forts recherchés. L’Art se cache dans des endroits inattendus. Soyez-vous aussi de cette nature, changeante comme le vent et vive comme l’eau. Les Bieffois trouveront toujours une cible à leur venin, autant vous montrer épatante dans la limite de l’acceptable. Transgresser les règles ne se fait qu’avec grâce et élégance. »


Sans en être totalement certaine, il fallait avouer que cette affaire remontait à des années et que les rumeurs se mêlaient à la vérité, il semblait à la Massey qu’une Torth était entrée au service de quelques familles nobles. Brienne, ou un nom approchant. Une femme qui laissait à l’amende bien des hommes lorsqu’il était question de porter une armure. Si Aemma ne discernait pas un tel avenir pour son amie, l’exception était là. Une exception qui pourrait très bien en inspirer d’autres. C’était là le propre des exceptions, après tout. Et si elle pouvait faire quoique ce soit pour aider cette camarade venue de si loin, elle n’hésiterait pas un instant.


« … Si un jour votre présence devient trop dérangeante dans le Bief, sachez que vous aurez toujours une place à mes côtés. Du pouce, Aemma caressa le dos de la main de son amie. Je ne laisserais personne vous jeter sur les routes s’il venait à arriver un quelconque malheur à Ser Galladon ou son épouse. »


Aemma ne faisait guère de promesses à la légère. Les Oldflowers avaient occupé une grande place dans la vie, et l’âme, de son frère aîné. La jeune femme aux cheveux d’argent voulait croire qu’elle pourrait convaincre son aîné si la situation le nécessitait. Ou même un autre protecteur, si elle venait à changer de nom. Idée hautement improbable que celle-ci, certes. Qu’importe, qu’importe. Shedda trouverait toujours sa porte ouverte, au même titre que Falyse ou Marla. Homme ou femme, tout le monde méritait d’avoir un port chaleureux dans lequel jeter l’ancre sans crainte.


Un sourire compatissant naquit sur ses lèvres, alors que Shedda lui confiait les maux de son cœur. La promesse précédente, bien que toujours vivante, était bousculée par celle de ne rien dire de ces sentiments naissants. Son amie ne voulait pas perdre ce Gareth, qui ne se rendait peut-être même pas compte que la jeune femme nourrissait d’autres idées à son égard. Tout était si compliqué. C’était cela, avoir le choix de son avenir, de la personne qui partagerait sa vie jusqu’à ce que la Mort vienne frapper à leur porte. De la pointe de son pouce livre, Aemma frôla sa lèvre inférieure. De l’Amour, elle ne connaissait que la partie courtoise, bien que ne doutant que peu de ce qui pouvait bien se passer derrière les portes closes. Après tout, il fallait bien qu’elle veille sur sa propre Vertu et pour cela, elle avait été informée en conséquences. Quel éclairage pouvait-elle apporter à Shedda ?


« Je vois, je vois… Je ne connais pas votre Gareth, bien que je l’imagine doté de grandes qualités sans quoi il n’aurait pas attiré votre attention. Je vous déconseille une discussion frontale, cependant. Aemma se tut un instant, cherchant à mettre des mots sur ce sentiment qu’elle-même n’avait que peu connu. L’Amour est le plus souvent tout en sous-entendus, son langage est discret et souvent imperceptible. Observez-le, passez du temps ensemble en toute décence et montrez-vous patiente, mon amie. Je ne sais si votre Florian a des sentiments à votre endroit mais je sais qu’il serait très chanceux de vous avoir si tel était le cas. »


Les hommes arguaient souvent que les femmes étaient des créatures faibles, promptes à s’emporter ou à subir leurs passions. Et pourtant, ils étaient généralement les premiers à fuir lorsqu’une personne de leur sexe se montrait plus entreprenante. Aemma ne savait pas de quel bois Gareth était fait, bien qu’il semblait confus dans l’image qu’il donnait de lui à son amie. Dans tous les cas, mieux valait lui laisser du temps et en offrir à Shedda également.  Ses sentiments semblaient tout nouveaux et restait à voir s’ils étaient partis pour s’installer ou pour s’étioler.


« Les hommes sont fiers et souvent aveugles. Et dire qu’ils nous considèrent comme des créatures dures à comprendre, rendez-vous compte ! Ils ne sont pourtant pas mieux que nous ! s’exclama Aemma, dans une tentative de détendre l’atmosphère. Votre cœur pourrait en ressortir meurtri, c’est là le lot de toutes les âmes amoureuses. Je ne souhaite que votre bonheur et, hélas, le malheur y ressemble souvent beaucoup. »


Aemma n’éprouvait que de bons sentiments pour Shedda. Elle ne voulait pas la savoir dupée par ce Gareth. C’était pour cela qu’elle la prévenait, plus comme une sœur le ferait que comme une mère. S’il y avait bien des décisions qui revêtaient une grande importance, c’était bien celles de concernant l’Amour. On s’y aveuglait si facilement qu’il pouvait finir par obscurcir bien des jugements et trop de femmes en avaient déjà fait les frais.

« Une épée et une belle âme. Croyez-moi, c’est déjà beaucoup plus que ce que possèdent bien des gens. »

Sans quoi, Aemma ne lui aurait jamais offert son amitié. La Massey avait appris à lire en autrui avec plus ou moins de facilité. Shedda lui avait mis du baume au cœur dès leur première rencontre. Son statut de roturière, d’étrangère même, ne lui avait jamais posé grand problème. Après tout, on était toujours l’étranger de quelqu’un d’autre. L’imaginer, à la suite d’un coup du sort, venir vivre à ses côtés ne lui posait aucun problème, bien au contraire. Arthur saurait reconnaître en elle la digne héritière de Galladon, son ancien mentor. Et pour une Oldflowers, fusse-t-elle seulement par l’esprit, il y aurait toujours un couvert et du linge propre à Danse-des-Pierres.

« A la vérité, je ne vous le souhaite pas, je suis une plaie à surveiller. ironisa Aemma. Mais si un tel sort devait être le vôtre, n’oubliez pas que vous avez des amis dans les Terres de la Couronne. Et ils ont la mémoire longue, que cela soit de Winterfell ou de plus doux moments passés en votre compagnie. La jeune femmes se tut. Nous sommes au temps de tous les possibles, pourtant ! Si des dragons ont pu renaître, une femme portant une épée ne devrait plus être une chose si surprenante. »

Le temps filait, Aemma s’en rendait bien compte. Aussi se pressait-elle un peu de rappeler ce fait. Westeros était un monde dangereux pour une femme seule. Lorsqu’on naissait avec autre chose qu’un bout de chair entre les jambes, il fallait toujours avoir un coup d’avance voire deux. La guerre semblait se faire oublier pour le moment mais que se passerait-il si Ser Galladon croisait un destin funeste lors d’une bataille future ? La jeune femme aux cheveux d’argent avait suivi de loin le devenir du Bieffois et de sa famille, tenue au courant par son frère aîné notamment. Ses prétentions semblaient complexes à défendre, pour des raisons qu’Aemma comprenait et qu’elle répugnait à la fois. Leur droit était en grande partie basé sur des traditions et la quête d’indices n’avait jamais été leur fort. Ce cas semblait insoluble, à son grand désarroi.

« Vous avez plus de ressources que vous ne l’imaginez, ma douce amie. Faites-vous confiance, c’est là le premier pas et cela vous servira en toutes circonstances. Au mieux, vous trouverez l’amour, le vrai, le plus profond. Au pire, cela vous permettra de faire fuir les prétendants les plus insistants, ce qui n’est pas plus mal. »

C’était surtout là qu’Aemma avait acquis de l’expérience. Elle ne doutait pas que son amie attirerait aussi des sollicitations malvenues. Les hommes restaient des hommes, qu’importe qu’ils possèdent un château, une auberge ou simplement leur épée. A croire qu’il n’existait aucun endroit où elles pouvaient être en paix, à moins de le construire elles-mêmes. Et de le défendre chèrement ensuite. La Massey fut tirée de ses pensées lorsque son amie lui attrapa les mains. L’heure des adieux, des au revoir plutôt, avait sonné semblait-il. Force était de constater que la jeune femme ne voulait pas mettre fin ainsi à leurs retrouvailles. Aussi, bien qu’elle aurait aisément retrouvé le chemin menant jusqu’aux siens ou jusqu’à la délégation Velaryon, elle hocha doucement la tête.

« Je vous remercie et j’accepte bien volontiers votre offre. Avec vous à mes côtés, je sais que je ne risquerais jamais rien. »