Une nouvelle rencontre ! Non.

Est-ce que j’avais fait des cauchemars ? Aucune idée… Peut-être… Je me glissai hors de mon lit, la chemise d’Edwyn me faisant presque une tunique qui descendait presque à mi-cuisse. Je plongeai les mains dans l’eau fraîche de la vasque pour me nettoyer le visage, je crois que j’avais faim. J’aurais intérêt à prendre quelques vivres après avoir mangé. Est-ce que j’avais promis quelque chose à quelqu’un… Je ne m’en souvenais pas… Au moins quand j’étais seule c’était plus facile. Je finis de faire ma toilette avant de m’habiller soigneusement, serrant mon armure de cuir autour de mon buste après avoir dissimulé mes dagues sur moi. La question… Non, j’arriverais à savoir, je les sentais.

Je bus longuement avant de coiffer ma tignasse pour essayer de me dégager le visage un peu. Bon, ça c’était fait, il fallait que je mange. J’avais des habits propres, je pourrais aller manger, prendre des vivres et ensuite retourner voir Seralyon. C’était un miracle que j’eusse réussir à retourner ici. Sinon je dormais dans la stalle avec Galitaca. Je m’observais un instant dans le miroir avant de prendre un carnet, j’avais écrit des choses hier et je retrouvais une lettre d’Edwyn pliée en quatre. Rien d’intéressant, c’était presque la même journée répétée en boucle, il fallait dire que je mettais un point d’honneur à éviter le plus de gens possible pour éviter d’avoir à parler. Je glissais mon carnet dans mes affaires avec le reste une fois que j’eus indiqué l’heure. Bon, ça c’était bon…

Je sortis de mes appartements aussi discrètement que possible avant de me diriger, à l’aide de mon flair, vers les cuisines. Je mangeais toute seule avant de prendre quoi manger et surtout pas mal d’eau, pour ma journée près de Seralyon. J’essayais de voir dans leur regard si j’avais dit ou fait quelque chose d’étrange… Visiblement non. Ouf. Je sortis de là pour me diriger vers l’écurie… Pas de regard étrange… ou presque, ici. Si… Si, il y avait une dame blonde qui me fixait avec attention alors que je frottais l’encolure de ma jument pour lui dire bonjour. Qui était-ce ? J’avais l’impression de l’avoir déjà vu… Mais pas de la connaître. Je… Elle avait l’air noble. Ce n’était pas mon problème. Je posai mon sac à même le sol avant de prendre mes affaires. Plus je restais ici plus le risque d’une interaction sociale non sollicité augmentait. Je frottais vigoureusement la robe de ma jument pour la lustrer, me crispant quand j’entendis des pas s’approcher de moi. Regarde ta jument et ne fais rien d’autre…

Un aller à Lancehélion, la ville et le palais n’avaient presque plus de secrets pour Valena, habituée dans une routine désormais courante à la capitale dornienne, elle s’y promenait comme si elle était chez elle. Il faut dire que le fief des Martell a toujours de quoi accueillir un nombre importants de nobles, c'était une sortie obligatoire pour Valena, chaque visite était une pause dans la relation compliquée qui la liait à sa mère. Si auparavant les relations s’étaient simplement contentés d’être une obéissance aveugle, aujourd’hui les choses avaient changé, pour le plus grand malheur de la seigneuresse de Spectremont. Mais l’ambiance était compliquée, tendue sur place. C’est comme si sur terre il n’y avait plus que deux Toland et qu’elles ne s’entendaient pas, coincée entre elles, la Dame de Fer avait forgée une fille à son image, il était évident qu’elle ne puisse supporter une copie d’elle-même à ses côtés et qui tentaient régulièrement d’imposer ses opinions.
Pourtant il n’y avait pas de haine. Il avait plus une grande incompréhension qui ne souhaitait pas être résolue. Alors, pour échapper à cette vie lourde et pesante, Valena se rendait à la capitale. Ses visites étaient devenues bien différentes de celles qu’elle avait connues par le passé, il était loin le temps des frivolités, des dépenses faramineuses en toutes sortes d’inepties, dans du luxe surfait. Aujourd’hui Valena se voulait ici comme une extension des intérêts de sa famille, comme une extension de ses propres intérêts et il était évident que ceux-ci ne pouvaient rester confinés à Spectremont.

Début d’une journée assez fraîche, Valena avait enfilé une robe un peu épaisse, dans des couleurs bleu ciel qui rendait parfaitement bien avec sa cascade de cheveux blonds. Passage forcé par les écuries, une balade aux Jardins aquatiques était selon Valena elle-même tout à fait au goût du jour. L’époque où elle fuyait la protection maternelle était loin elle aussi, Aloys de Myr, le maître d’arme du domaine qui devait l’accompagner pour ses déplacements l'attendait aux portes de Lancehélion d’ici quelques heures. Valena venait choisir quel cheval pourrait faire l’affaire. Le garçon d’écurie qui devait lui préparer son équipement était visiblement en retard. Mais les écuries n'étaient pas vides, Il y avait du mouvement vers un cheval, Valena approchait dans l’espoir d’un domestique. Il y eut une seconde d’étonnement, Valena connaissait cette femme, il n’y en avait pas cent comme elle, habillée d’une armure légère, sa chevelure rousse qui retombait sur sa peau pâle. Elles s’étaient déjà rencontrées il y a quelques années, Boadicée Sand. La bâtarde de la famille Wells, la dragonnière de Dorne, leur dernière rencontre n’avait pas été des plus plaisantes, les deux femmes s’étaient disputées et Valena devait le reconnaître aujourd’hui, sa jeunesse et sa fougue l’avait poussée à manquer cruellement de tact. Son ambition aussi lui avait fait défaut. Aujourd’hui, les choses avaient tellement changés, que Valena se demandait ce qu’elle pourrait bien dire, après leur dernière dispute. La meilleure idée eut été de ne rien dire, de continuer sa vie, chacune de son côté. Mais ça manquait tristement de courage et de volonté et Valena n’était pas femme à se défiler. Elle se rapprochait lentement de Boadicée qui lui tournait le dos, brossant son cheval d’un geste mécanique.
“Boadicée ?”

Reste concentrée Boadicée… Reste concentrée sur Galitaca qui s’ébroua gentiment sous mes coups de brosse. Je restais muette face au monde extérieur, concentrée sur la robe de ma jument. Même s’il n’y avait en réalité pas grand-chose à brosser. Elle était belle, propre déjà. Juste un peu de poussière de l’endroit sur elle. Elle tourna sa belle tête vers moi pour quelques caresses que je lui offris avec amour alors que les pas s’approchaient de moi. Ne réagis pas Boa… Et merde. J’avais suspendu mon geste presque immédiatement. Qui était-ce ? Je n’osais même pas me retourner pour voir mon interlocutrice. Moi qui avais espéré fuir assez tôt pour éviter une rencontre… J’étais piégée. Est-ce que j’étais censée connaître cette voix ? Galitaca ne m’offrit aucune réponse alors qu’elle me regardait avec intelligence. Ne panique pas Boadicée… La voix ne te dit rien… peut-être que le visage…

Je me retournai pour voir… Une parfaite inconnue. Ce n’était même pas un vague sentiment de « Oh je la connais, je sais que je la connais ». Non, c’était… une inconnue. Qui connaissait visiblement mon prénom. Quoi que c’était pas difficile. Je connaissais presque aucune autre dornienne comme moi. Elle était noble. Et merde… Qu’est-ce que je suis censée faire dans cette situation ? Euh… ne pas paniquer… Ne surtout pas paniquer.

« Oui ? »

Je n’avais pas trouvé mieux que de répondre d’un ton neutre. Si elle me connaissait… je ne pouvais même pas dire « qui me demande ? »… Suspect. Alors je répondais d'un ton neutre. Enfin… que j’espérais neutre. Est-ce que j’étais censée la détester ? L’aimer ? N’en avoir rien à faire ? Je me mordis les joues avant que Galitaca ne vienne me donner un coup de tête, je lui offris une caresse avant de me glisser de l’autre côté de ma jument. C’était un peu comme un bouclier. Je continuais de frotter son flanc pour en ôter les derniers grains de sable. Je finis par poser ma brosse pour vérifier ses sabots, mais rien en dessous. J’avais encore quoi comme excuse pour éviter de parler trop longtemps ? Je ne savais pas. Mais moins de temps je passerais avec la blondinette qui ne me disait absolument rien. Je ne pouvais même pas dire… Merde… Je sentais l’angoisse monter lentement.

Elle avait à peine réagi à l’arrivée de Valena. Elle devait encore être fâchée pour la dernière, pourtant cela faisait tellement longtemps. Valena restait au seuil du box, à quelques mètres du cheval. Elle n’aimait pas qu’on ne lui réponde pas où qu’on lui réponde vaguement, elle détestait le mépris quand elle n’en était pas l’instigatrice. Elle se sentait insultée, un simple “oui” pour lui répondre. ne pouvait-elle pas lui dire “Bonjour” au moins ? Ne pouvait-elle pas elle aussi jouer au jeu que tout le monde jouait ici ? Ne pouvait-elle pas mimer quelques politesses forcées comme toute la noblesse dornienne ? Mais fallait-il pour autant se laisser aller à lui répondre pareillement ? Après tout Boadicée était plus une sorte de femme libre des contraintes du monde qu’autre chose. Une sorte d’aventurière indomptable. Que faisait-elle de sa vie ? Valena ne s’en souvenait pas le moins du monde. Elle imaginait qu’elle devait avoir assez à faire avec un dragon. C’était une tâche qui devait déjà parfaitement lui suffire.

“Oui, bonjour.”
Mais fallait-il donc lui répondre avec cette même froideur ? Valena ne savait pas tellement quoi penser.
“Je sais que notre dernière entrevue ne s’était pas extrêmement bien passée… Mais c’était il y a plusieurs années. J’imagine que beaucoup de choses se sont passées depuis. Peut-être me feriez-vous la grâce de ne pas prendre en compte notre précédente rencontre. Les choses étaient alors différentes, je crois que nous pourrions mettre cela sur le dos de notre jeunesse d’alors.”

Valena regardait Boadicée, elle attendait comme une approbation. Cette femme n’était pas qu’une batarde, elle était un personnage parfaitement douée d’une volonté de fer, d’une force de caractère, quelque chose qu’elle ramennait du Nord en elle.

“Enfin, je surestime certainement notre dispute. Nous n’étions pas ennemies pour autant… Mais comprenez bien que pour ma part il n’est d’aucun ressentiment.”

En portant son regard sur le cheval, Valena remarquait à quel point il était impeccable. Pourtant Boadicée voulait continuer à récurer chaque parcelle de la bête.

“Vous le préparez assidûment. Vous avez prévu de quitter notre capitale ?”

Il est vrai que le comportement de la fille Wells était étonnant pour ne pas dire suspect. Elle s'affairait à nettoyer un cheval en silence et ne voulait vraisemblablement pas partager une grande discussion. Par les sept enfers, où pouvait-elle bien aller, à préparer son cheval comme cela.

"Moi-même, figurez vous, j'attend un garçon d'écurie qui devrait arriver d'une minute à l'autre..."

J’observai la blonde un peu… d’accord très mal à l’aise. J’ignorai parfaitement qui elle était, ce qu’elle voulait et même si je la connaissais réellement… Elle connaissait mon nom, mais ce n’était pas une preuve réelle… Pour ce que j’en savais… Je l’observai un peu avec attention sans savoir quelle attitude adopter face à elle. Noble ? Riche ? Sans doute au vu de son physique ! Je continuai de frotter Galitaca avec application alors que ça ne servait pas à grand-chose parce qu’elle était parfaitement propre. Je me mordis les joues en frottant l’encolure de ma jument derrière laquelle j’observais la jeune femme blonde. Notre… dernière entrevue… Euh… À quel point ? Quand ? Je fronçais les sourcils. Quelques années… Pourquoi pas. Bon, j’avais de la marge, ce n’était pas quelqu’un de proche. Notre jeunesse… Je frottais à nouveau l’encolure de ma jument en formant ma réponse dans mon esprit…

« Et bien… nous pourrions nous présenter à nouveau pour… repartir sur de bonnes bases. Qu’en pensez-vous ? EN se présentant mutuellement… »

Accepte… Accepte… Accepte par pitié ! Que tu me donnes un prénom et que je puisse mener une conversation… Enfin tenter d’en mener une ! Ce n’était pas facile pour moi là ! Je frottais l’encolure de ma jument avec plus d’amour.

« Oui, pas pour très longtemps. Mais… je profite aussi pour passer un moment avec Galitaca, elle aime bien. »

Elle vient jouer avec mes doigts et je la laissai faire. Je haussais les sourcils à sa remarque.

« Oh… vous allez en promenade ? »

Qu’est-ce qu’il avait bien pu se passer pour qu’on se dispute ainsi ? Avait-elle mal parlé d’Edwyn ? De Seralya ? De Seralyon ? Je ne savais pas trop, mais puisque notre dernière rencontre datait un peu… Je pourrais sans doute paraître moins étrange qu’avec d’autres me côtoyant tous les jours. Je laissai Galitaca venir chercher quelques caresses avant d’attraper un morceau de tissu pour lustrer soigneusement sa robe. Même si cela ne servait profondément à rien puisque, soyons sérieux quelques instants, à peine sortie dans le désert, qu’elle serait à nouveau couverte de sable. Je la repoussai gentiment vers son seau d’eau qu’elle profite. Quoi qu’avec le temps j’allasse finir par lui prendre un seau pour la faire boire là-bas. J’avais déjà largement assez de gourde pour une journée… Mais il fallait faire attention avec le soleil et c’était bien pour ça que je restais surtout à l’ombre à écrire à Edwyn ou dans mes carnets.

“Voilà une idée… rafraîchissante !”

Complètement saugrenue, Valena aurait accepté il y a trois ans, sans broncher, de se prêter à ce genre de petit jeu. Mais aujourd’hui Valena n’était pas la même femme, elle était devenue une femme, forte, sérieuse, plus froide. Le timbre de sa voix n’était pas sûr. Elle n’était pas sûre de vouloir s’adonner à un petit jeu de présentation avec quelqu’un qui avait une drôle d’idée de la politesse. Cela faisait si longtemps qu’elles n’avaient discuté et pourtant Boadicée paraissait avoir un souci avec elle, elle évitait son regard, elle continuait de frotter son cheval inutilement, elle ne se mettait pas face à Valena. Elle fuyait cette conversation.

“Valena de la maison Toland, héritière de Spectremont. Enchantée.”

Que voulait-elle de plus ? Valena n’aimait plus les jeux. Elle n’était plus si frivole depuis leur dernière rencontre. C’est à la fois comme si rien n’avait évolué et comme si le monde entier n’était plus le même. Dorne était toujours sur le pied de guerre, il y avait toujours cette tension dans l’air, pourtant c’est comme si tout avait changé. Comme si ce n’était plus les deux même femmes qui se regardaient.

“Faut-il qu’on se présente plus que cela ? J’ai vingt-six ans, la sûreté de Dorne est l’une des choses qui me tient le plus à coeur, je suis célibataire…”

Valena regardait Boadicée, elle avait l’air d’une guerrière, avec son visage ferme, sa cascade de cheveux rouges et son teint si pâle. Il y avait en cette femme une sorte de beauté brute, quelque chose que Valena n’avait pas, une force physique et mentale, une volonté de combattante qui transparaissait en elle.

“Oui, je pensais sortir un peu, une simple balade à cheval. Mais peut-être pourriez-vous vous joindre à moi Boadicée ? Une simple petite promenade ne vous en faîtes pas.”

Elles n’allaient pas rester indéfiniment dans ses écuries. Valena souhaitait percer un peu la carapace de cette femme, d’abord repartir sur une relation moins orageuse puis après, peut-être s’en faire une alliée ? La nordienne était quelqu’un de spécial, une personnalité assez atypique. Bâtarde, mi-nordienne, mi-dornienne, dragonnière, de quoi éveiller l'intérêt de n’importe qui. Mais elle ne referait pas les mêmes erreurs, elle ne se jetterait pas sur Boadicée où son dragon d’un coup avec envie.

Pourquoi son « Rafraîchissante » sonnait comme un « Je déteste cette idée, mais je vous le dis de manière détournée. ». Bon sang ! Je ne pouvais crier sur les toits que je n’avais plus aucune mémoire. Que j’hésitais sur absolument tout et n’importe quoi ! Non, je ne pouvais rien dire de ce problème et tout cela. Je pus enfin la regarder un peu dans les yeux lorsqu’elle donna, enfin !, son nom. Valena. Je me le répétais en boucle pour ne pas l’oublier. De la maison Toland. Mais le plus important c’était son prénom. Je devais m’accrocher à ce prénom et ne pas l’oublier au moins le temps de la conversation. Célibataire… D’accord… J’inclinai la tête.

« Je suis Boadicée Sand. Dragonnière de Seralyon.»

Ouais… c’était pas mal ça ! Je lui offris un sourire avant de finir de m’occuper de Galitaca qui continuait de chercher des câlins et de jouer avec mes doigts. Je la laissais faire gentiment avant de ranger mes affaires de pansages à leur place. Je devais absolument garder des habitudes et ne pas hésiter sur certaines choses. Je pris donc de quoi sceller ma jument qui s’ébroua un peu avant de chasser les mouches avec sa queue. Je tournais la tête à nouveau vers la dame, Valena, elle s’appelait Valena, sa proposition. Je posais le tapis sur le dos de ma jument.

« Me joindre à vous ? »

Cela cassait complètement mes routines et habitudes… Je doutais que cela soit positif…

« Je dois aller voir Seralyon. Mais j’imagine que je peux vous accompagner sur quelques distances Dame Valena. »

Valena. Valena. Son nom est Valena.

« Seralyon n’aime pas trop… que je sois en retard. »

Et accompagnée… Le retard en retour elle s’en fichait, c’était que je sois ou non accompagné. Je finis par poser la scelle sur le dos de ma jument pour la sangler soigneusement. Elle ne semblait pas broncher après tout, elle avait l’habitude. Je lui frottais le chanfrein en essayant de continuer la conversation tranquillement, mais j’avais aussi besoin de mes yeux pour faire ce que je devais faire. J’aurais besoin de mes mains pour faire ce que je devais faire.

“Oui, venez, je vous rassure ce ne sera pas long !”

Le garçon d’écurie venait d’arriver et Valena lui faisait un geste de la main. Se dirigeant vers un grand cheval noir, le domestique préparait consciencieusement le chevale pour Valena, tandis qu’elle reportait son attention sur Boadicée.

“Je ne suis pas une aventurière, moi, ce sera juste histoire de se promener quelques minutes. Rien de bien méchant.” Valena laissait apparaître un petit sourire assez éclatant, comme en avait l’habitude.

“Ne vous en faites pas je ne vous mettrai pas en retard pour Selaryon ! Je vous le promet. Bon, dites qu’êtes vous devenu depuis tout ce temps ? Vous n’êtes pas resté qu’à Lancehélion ça j’en suis sûre sinon nous nous serions recroiser ! Vous êtes allés chez les Wells peut-être ?”

Le domestique venait chercher Valena, le cheval était scellé. Aloys de Myr était revenu dans les écuries et dans son silence habituel il aidait Valena à monter sur son cheval. Il suivrait comme toujours de loin. Assise sur son cheval, un regard pétillant, Valena adressait un regard amusé à Boadicée. Elle ne savait pas trop où cette fille du Nord voulait aller tant physiquement que dans cette étrange discussion mais au moins les choses semblaient aller bien mieux que la dernière fois, ça semblait suffire à Valena pour le moment. Valena faisait avancer son cheval, ils sortirent ensemble, en dehors de Lancehélion, c’était le soleil, Roi du désert et du lieu qui frappait sur les plantes grasses, les quelques oliviers et les roches grisâtres. Le vent marin apaisait la violence de la chaleur, comme à Spectremont.

“Alors, vous êtes toujours au service des Martell ? Vous aussi ! On commence déjà avec un point commun.” Valena laissait s’échapper un rire cristallin, faisant d’une mouvement de tête retomber ses cheveux blonds en cascade dans son dos. Un petit chemin sinueux s'élevait et semblait longer la côte, Valena l'empreintait en tête.

Derrière, à quelques centaines de mètres, Aloys de Myr, gardien imperturbable de la fille de sa maîtresse avançait sur un cheval brun, il fixait les alentours comme un rapace. Près à fondre sur n’importe quelle proie qui oserait s’approcher de la Toland.

“Moi je dois vous avouez qu’il n’est pas arriver des milliers de choses… Depuis notre dernière rencontre. Je ne suis toujours pas mariée. Hélas. Enfin, j’espère que les choses changeront bientôt sur ce sujet, j’ai des idées en tête. En dehors de ça Spectremont n’a pas changé, êtes vous déjà allé à Spectremont ? Je ne crois pas non… Enfin vous devriez ! C’est splendide. Et puis l’air marin, ça change tout, ici aussi vous me direz on sent la mer, mais chez moi c’est la mer de Dorne, avec l’Orage de l’autre côté, c’est différent voyez-vous.”

Pas long… Soit… Je glissai un regard à Galitaca qui s’ébroua un peu l’air de dire que je n’avais pas réellement le choix. Je lui offris un sourire en glissant ma main sous ses nasaux en douceur.

« Soit, je vous suis. »

Je scellais et bridais Galitaca vivement en observant la blonde. Galitaca s’ébroua un peu alors que je serrais les sangles des sacs derrière la scelle. Pas une aventurière, elle… Valaena. Non ? Si ? Non. Valena ? Valena Trolland ? On allait garder que le « Dame Valena » hein… C’était pas mal. Je hochais juste la tête avec un simple sourire.

« Galitaca n’est jamais contre pour une balade supplémentaire. Et si cela vous fait plaisir alors je ne peux dire que oui. »

Du moment qu’après je pouvais me réfugier chez Seralyon et y passer ma journée pour être à l’abri des regards… C’était pas plus mal après tout. Elle souriait beaucoup. Comment faisait-elle pour ne pas avoir mal aux joues ? Je ne savais pas. J’eus un sourire de remerciement avant de regarder la jeune femme. Je passais une main dans quelques mèches rousses sauvages.

« Et bien… ma vie est assez calme, je m’entraîne au quotidien. Lancehelion est grand et c’est l’une de mes capacités. Je sais me rendre invisible. Je ne vais pas chez les Wells. Je ne m’entends ps très bien avec ce côté-là de ma famille. »

Je frottais l’encolure de ma jument avant de la sortir de l’écurie pour me hisser sur son dos. Je jetais un œil au ciel avant de nouer un foulard habillement autour de ma tête. Autant me protéger soigneusement du soleil, avec ma peau… J’observais la jeune blonde avant de la suivre… Au moins je ne me perdrais pas en ville… Je la suivais silencieusement en frottant légèrement l’encolure de ma jument qui avait étendu son encolure tranquillement. Valena… Valena. Je me répétais en boucle son prénom en fixant son dos, le paysage m’indifférant complètement. J’essayais de tenir la conversation alors qu’un filet de sueur coulait dans mon dos. J’espérais que c’était à cause de la chaleur… Servir les Martell ?

« Je sers toujours les Martell oui. Dans mon cas, cela serait absolument… étrange que je ne les serve pas. Mais je crois que nous servons tous les Martell en tant que citoyens de Dorne. »

Et qu’est-ce qu’elle parlait vite… Heureusement pas trop fort. Valena. Valena. Valena. Je serrais plus fort les rênes dans mes mains un instant pour essayer de tenir le rythme. Pas mariée. Idée. D’accord. Spectremont. Est-ce que j’étais déjà allée à Spectremont ? Aucune idée. Visiblement… Ou alors… Non ? Je ne crois pas… Pourquoi elle me mentirait ? Pas la peine. Splendide…

« Non, je ne crois pas. Mais dans vos mots dame Valena, on sent l’amour pour votre fief. Et quelles sont ces idées ? Quelle est la différence entre l’air marin d’ici et chez vous ? »

Est-ce que je réussissais à bien faire la conversation ?

Les deux femmes avançaient calmement, leurs chevaux étant au pas, toujours sous l'œil protecteur d’Aloys de Myr. Valena remontait un long pli de sa robe sur sa tête, formant une sorte de voile contre le soleil. Le temps passait lentement et le soleil commençait à peine à frapper les terres arides autour de Lancehélion, une fine brise marine venait balayer le sol poussiéreux de sable. Valena souriait toujours, assez sûre d’elle elle regardait l’horizon tout en continuant de parler à Boadicée.

“Oh il faudrait que vous veniez à Spectremont à l’occasion. La mer dornienne est très différente du Détroit, peut-être plus chaude, le climat change un peu, on peut faire pousser plus de choses par chez nous, vous devez connaître notre vin ? Il a une bonne réputation, c’est la fierté de ma mère.”

Leur petit cheminement continuait, elles avançaient en même temps que le soleil se levait. Les promenades matinales étaient l’une des passions de Valena qui pouvait alors se tenir éloignée des intrigues de la grande noblesse dornienne quelques instants. Bien que celles-ci ne l'effrayait pas, Valena était néanmoins comme sa mère avant elle, une femme qui avait besoin d’espace pour elle. Elle portait un instant son regard sur Boadicée, sa pâleur, son rapport à “l’autre côté” de sa famille lui rappelait qu’elle était aussi originaire du Nord.

“Dites moi, vous ne ne m’avez jamais confié d’où vous veniez au Nord ? Ma connaissance est assez limité sur le sujet je dois l’avouer, je n’y ait jamais été. Mais enfin qui sait, la guerre avec Port-Réal aura un jour une solution et je serais, je l’espère, encore de ce monde pour la voir. Peut-être pourrais-je un jour visiter cette région si lointaine ? Vous avez beaucoup de souvenirs de là bas ? Ce doit être si différent.”

Valena observait bien Boadicée, c’était une femme forte, avec sa longue chevelure rousse, elle avait une peau si pâle qu’on aurait pu croire que le soleil la brûlerait au moindre touché pourtant elle s’était bien faites à Dorne. Elle avait aussi une force et une énergie qui resplendissait, quelque chose d’aventurier qui plaisait à Valena, au fond quelque chose que Valena n’était pas et qu’elle ne serait jamais. Une forme d’attirance pour une vie si éloignée de tout ce à quoi elle pouvait prétendre.

“Pour mes idées… J’en ai beaucoup Boadicée, beaucoup. De belles idées pour l’avenir, pour notre principauté et j’espère les voir aboutir. Des projets qui je pense peuvent nous être d’une certaine nécessité. Vous savez Dorne est bien seule depuis notre rupture avec les Targaryens, il nous faut trouver de nouvelles alliances, de nouveaux peuples avec lesquels il va falloir apprendre à travailler, Dorne ne peut pas rester seul longtemps. C’est ça mes idées. Maintenant mon travail c’est d’en faire un jour une quelconque réalité.”

Je portais toujours une tenue particulière pour me protéger du soleil, je couvrais mon crâne d’un foulard épais et j’avançai en suivant machinalement Vaena. Vayaïna ? Valena ? Je n’étais absolument pas sûre de moi à cet instant et je devrais absolument ruser pour ne rien laisser paraître. J’improviserais… depuis quelque temps c’était après tout ma spécialité… Je caressais avec tendresse l’encolure de Galitaca. Dans tous les cas, j’avais une heure pour me rendre à la tanière de ma dragonne. Ensuite… Je verrais. Aller à Spectremont… Sans doute. Le vin… Je haussais un peu les épaules.

« Je ne bois pas beaucoup d’alcool. »

Voir plus du tout depuis que j’avais mes problèmes de mémoire. Hors de question d’aider ma mémoire à devenir fuyante en m’enivrant plus que de raison ! Par tous les dieux non…

« Quant à venir… Peut-être viendrais-je à dos de Seralyon un jour. Elle aime voler après tout, je suis sûre qu’elle aimerait aller aussi loin. »

Même si elle était petite pour un dragon. La faute de l’avoir caché trop longtemps… Mais avec des Dorniens… que faire ? Elle allait grandir à nouveau, je le savais, j’avais foi en elle, tout se passerait bien maintenant. Du moment qu’on ne tentait pas de trop s’approcher d’elle sans être sa dragonnière. Et je ne comptais pas amener la blondinette la voir. À part si elle suivait absolument partout. Je ne lui avais jamais parlé du Nord ? Je n’en parlais plus beaucoup à dire vrai. Est-ce que je m’en souvenais ? Je me mordis les joues quelques instants avant de répondre lentement.

« Oh… j’ai sans doute oublié de vous en parler. Mais je ne le cache pas. Vous seriez frigorifiée. Je l’ai quitté j’avais six ou sept ans. Je me souviens du froid, des paysages de Fort Terreur un petit peu. Ce n’était pas un endroit accueillant. Mais surtout de l’odeur de pain chaud de ma mère. Elle travaillait dans les cuisines. Et je crois qu’elle chantait bien. »

Mais en dehors de tout cela… je me refusai de décrire les paysages. Ils étaient… trop flou pour que cela soit crédible après tout. J’avais un début de migraine violente pointant derrière mon crâne, je rajustai mon foulard autour de ma tête lui laissant le temps de parler. Des belles idées ? Par tous les dieux, c’était quoi ma question déjà ? J’avais envie d’abandonner et de ne plus faire d’effort. Des projets. Ah. Très bien. Oui… solitude… Nouvelles alliances…

« Hé bien j’espère que vos idées pour nouer des liens autres qu’avec les Targaryens réussiront. Pour la puissance de Dorne et notre paix également. »

Moi j’allais surtout servir de… comment dire… Garde-fou ? Ils bougeaient trop je brûlais tout. Quand on connaissait la taille de ma Seralyon c’était un peu stupide. Je ne ferais peur à personne.