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Au crépuscule d'une vie (ft. Margaery Targaryen)
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LAMARCK | AN 304, LUNE 01, SEMAINE 4
La houle frappait contre les rochers en bas de Marée Haute, on entendait que le fracas de la mer et le sifflement du vent qui s'engouffrait dans chacune des interstices de la vieille bâtisse. Le vent s’était levé depuis quelques jours, comme pour dire adieu à une fille adoptive. L’ambiance au château était lugubre, sombre, moi je ne pouvais pas dire que je me sentais à l’aise dans cette atmosphère complexe. D’un côté il y avait les préparations à la guerre et d’un autre il y avait un deuil. Je me sentais comme toujours loin du brouhaha de ma famille qui était comme à son habitude déconnectée de la réalité extérieure. Si je comprenais évidemment la tristesse, bien qu’elle fût pour certains plus une couverture sociale qu’un poids sur leurs cœurs, je comprenais aussi le sentiment d’excitation en dehors des murs de Marée Haute, toute l’île se préparait à la guerre, la flotte terrible des Velaryon risquait d’être mise à contribution d’un moment à l’autre. Je n’étais pas à l’aise dans ce recueillement pieux, je n’étais jamais à l’aise lors des cérémonies, cette impression d’être de trop, cet état qui est le mien, celui de bâtard, me reléguais après tous les grands seigneurs. Ainsi pour rendre hommage à une femme que je voyais presque tout les jours, que je croisais, régulièrement sur Lamarck, don la voix était encore inscrite en ma mémoire, je devais passer après quelques seigneurs locaux qui ne l’avait qu’appercu une fois ou deux. Mes efforts, mes efforts seuls m’avaient accordé le statut de chevalier, je pouvais ainsi passer avant la pléthore de petits chevaliers miteux et semi-fieffés qui s’entassent partout comme des piques-assiettes.
Dehors j’étais un seigneur des mers, nouvellement commandant bientôt capitaine d’un navire qui finissait d’être construit, dehors, par delà ses enceintes grisés par la suie et le faste j’étais le chevalier-bâtard, sorte de Lord des flots, je commandais, je dirigeais et je conseillais. Ici, entre ses murs, dans le froid des obsèques j’étais toujours cet invité indésirable. Non pas que ma famille me rejetait, depuis le temps j’étais ancré ici comme un phare sur un îlot mais je savais que je n’étais pas totalement de ce monde, je savais que quelque chose manquait à mon nom et donc à mon être. Je ne pouvais pas révéler totalement ma nature aux yeux de ce monde, je n’étais pas épanoui parmi ses étrangers, non pas comme une punition qu’on m’affligeait où comme un sort que je devais subir mais bien parce qu’en plus de mon statut j’appliquais avec une strict obédience ma propre ségrégation. C’est une position confortable que l’inconfort, celle du filou des mers qui rôde entre les murs et ne devient grand que lorsqu’il pose ses pieds loin des siens. Mon royaume c’était là où il n’y avait pas un autre velaryon pour me détrôner.
Le soleil avait commencé son exil vers des terres inconnues, le crépuscule, le meilleur moment en mer, là où l’amateur fuis, là où le pécheur se ronge les os de peur et là où seul ceux de la race des marins continuent de régner sous le coupe lunatique des éléments. Je me trimballais dans les couloirs de Marée Haute, profitant de la fin des obsèques pour me réapproprier un peu le lieu, j’avançais à reculons inspectant chaque mur, chaque fresques, chaque meuble, je laissais faire le va et vient des domestiques avec un sourire gêné. Les gens repartent chez eux et cette impression d’être un étrangé ici s'atténuait. J’étais d’humeur vagabonde ce soir, je me sentais de faire les cents pas dans une marche nocturne sans but si ce n’est celui de se perdre avec moi-même, loin des hommes, loin de Raellis qui saurait d’instinct et d'habitude que cette nuit était comme beaucoup d’autres pour moi, réservée à mes pensées.
Des fenêtres sur lesquelles s'abattait un vent plus violent à chaque centimètre que la lumière du soleil perdait sur la nuit je pouvais voir, illuminé d’un rouge-orangé magnifique les silhouettes des navires en construction. La flotte Velaryon était gigantesque, elle allait devenir titanesque sur ordre de Sa Majesté. Sur ce paysage extraordinaire je ne pouvais retenir un sourire d’émerveillement, j’allais participer à cette incroyable aventure qu’était la guerre. Qu’il vienne ce Viserys ! Qu’il me donne enfin une de raison de vivre. J’étais extrait de mes pensées par un bruit de pas décidé, trop décidé, trop fier pour être ceux de domestiques. Je me retournais, honteux d’être surpris dans mes réflexions et de m’être comportée comme si chez moi était chez moi aux yeux d’un autre. Mais ce n’était pas un autre, c’était la Princesse Magaery Tagaryen, plus qu’un autre, elle était de ceux qui sont au-dessus des autres. De l’effet de surprise, je reprenais des couleurs et un air assuré pour commettre une révérence, la tête vers le sol, je clamais vigoureusement.
“Votre Altesse Royale ! Bonsoir, je ne vous avais pas vu arriver.”
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La disparition d'Elinor avait secoué la jeune femme plus qu'elle ne voulait le montrer. Quelques jours auparavant, sa cousine s'impatientait de donner naissance à un enfant qui lui faisait garder le lit depuis des lunes et à présent, elle s'apprêtait à reposer, avec cette petite fille, dans un sommeil éternel. Margaery avait pleuré Elinor, le premier soir. Puis elle avait recomposé le visage de la princesse, celui de l'impassibilité et avait approuvé, ou non, les propositions concernant ses funérailles. Elle était constamment assisté de Lady Hersy ou de Lady Sarwyck laissant la jeune Aubrey consoler une Alla dont les larmes ne parvenaient à s'arrêter. Pleurer ne ramènerait pas Elinor, pleurer ne rendrait pas sa disparition plus juste ou moins amère. Ecrire à ses cousins pour leur annoncer la perte de leur fille était bien plus douloureux que de se contenir devant l'entièreté de la famille Velaryon : ils lui avaient confié Elinor, son avenir et son bonheur, et maintenant, la jeune fille s'apprêtait à rejoindre le lieu de son dernier repos. Quelle douleur pouvait être plus grande que la culpabilité que la née Tyrell ressentait à cet instant ? De plus, Alla avait toujours été plus proche de la défunte qu'elle même : le flot ininterrompu de ses larmes trouvaient écho dans les souvenirs qu'elles avaient partagé depuis leur plus tendre enfance mais que Margaery n'avait connut. Les funérailles furent à la hauteur des préparatifs qui les avaient précédés et Margaery en avait amplement remercier la dame des lieux, appréciant la prévenance dont elle faisait preuve pour cette jeune fille qui n'avait vécu que quelques lunes sous son toit. Perdre une demoiselle si jeune était un drame, mais cela leur rappelait également les dangers qu'encouraient les femmes lorsque venait l'heure de la délivrance : Elinor n'était pas la première et ne serait pas la dernière à rejoindre l'Etranger dans la douloureuse épreuve de l'accouchement.
Elle s'était retirée assez tôt, s'excusant bien qu'elle n'en ait besoin en ces circonstances, pour rejoindre ses appartements accompagnées de ses dames. Tandis que, peu à peu, ces dernières rejoignaient l'intimité et le confort de leurs chambres afin de se changer, Margaery demeura avec Alla, évoquant des souvenirs de leurs jeunesses à Hautjardin, regardant de temps à autre la boucle brune attachée à un ruban rose que Margaery avait pudiquement déposé au milieu de ses perles. Une mèches de cheveux d'Elinor qu'elle ferait envoyé à Lady Lia et son époux. En prenant le nom de Velaryon, leur fille reposait désormais parmi les membres de la maison de Lamarck et la route étant trop dangereuse, ils n'avaient pu faire le déplacement pour le funeste évènement. Margaery avait fait offrir une messe à Hautjardin en l'honneur d'Elinor, exigé qu'un cierge soit veillé pour la sauvegarde de son âme et elle enverrait cette mèche pour que la famille puisse faire reposer un peu d'elle au milieu de ses ancêtres. Le soleil déclinait lorsqu'Alla finit par rejoindre sa propre chambre, laissant Margaery seule avec ses pensées, chose qui devenait de plus en plus rare avec les années. Otant le voile noir qu'elle portait, la bieffoise se défit de son chignon pour laisser ses cheveux brun cascader sur ses épaules : elle ne ressentait pas plus que cela le besoin de changer de toilette, et n'avait pas la moindre envie de se recueillir d'avantage, ce décès lui amenant un autre en tête dont elle se serait bien passé de ressasser le souvenir. Se sentant soudain étouffé elle quitta la pièce, s'engageant vers l'extérieur et l'air frais dont la promesse lui offrirait peut être un répit d'un autre genre. Elle manqua de sursauter lorsqu'une voix annonça qu'elle n'était plus seule et elle se tourna pour voir l'un des membres de la famille, sans doute le moins officiel de tous, s'avancer vers elle. « Ser Aurane. » le salua-t-elle d'un mouvement de tête. « J'ignorais que d'autre voudrais fuir la pesanteur de la mort. » ajouta-t-elle avec le sourire forcé de la jeune femme prise sur le fait : il n'était pas rare de s'éclipser une fois la cérémonie passée, cependant, elle aurait du se trouver en prière et non loin de toute âme qui vive sur cette ile à espérer penser à autre chose.
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Les cheveux détachés, l’air mal à l’aise, comme si elle aussi était prise sur le fait. La princesse ne semblait pas être au meilleur de sa forme, d’abord je m’étais cru surpris et j’avais rougi de honte un court instant mais j’étais rassuré du salut princier et de l’attitude de la jeune femme. Elle semblait très surprise de me trouver ici, drôle de surprise, je suis pourtant chez moi. Pas tout à fait justement, car tout ce remue ménage pour la veillée funéraire me donnait l’impression d’être un invité. Je portais mon regard sur Margaery, les cheveux au vent, sa touffe brune volait prise par les éléments comme mes cheveux argentés. Moi j’étais habitué au vent, j’avais le sang marin, les bieffois n’ont, je crois pas cette particularité et j’imaginais sont inconfort à soutenir mon regard alors que je faisait dos aux rafales fraîches et au soleil couchant.
Je faisais un pas de côté, je n’avais pas de raison d’être particulièrement déplaisant à l’encontre de cette jeune femme, à vrai dire dans d’autres circonstances j’aurais joui de l’inconfort de cette rencontre et du minuscule avantage que me donnait la brise sur quelqu’un que ma naissance m’a voué à regarder depuis le bas boueux de l’échelle sociale. Mais pas avec une Targaryen, si je pouvais mépriser tout les seigneurs voisins et si je pouvais trouver qu’au fond le Roi ne méritait pas autant mon indulgence à son égard, je ne pouvais m’empêcher d’arrêter de penser avec ma tête lorsqu’un Targaryen posait son regard sur moi. Si elle ne fût qu’une Tyrell j’aurais pris plaisir à briser le respect du recueillement mais face à quelqu’un qui avait accompli ce qu’il m'était interdit, marier le saint des saints, là je ne pouvais que ressentir une forme de respect. Oh, ce respect avait des limites mais jamais en présence royale ou princière je n’avais eu le loisir de les dépasser où de les voir dépasser.
L’instant donnait un aspect pathétique à la jeune femme, très jeune, les gens voyaient plus le titre que la jeunesse et je dois confesser qu’habituellement moi aussi. Je lui donnais entre mille et six mille ans, tant elle maniait le prestige de son titre, elle paraissait intemporelle. Elle était une représentation d’une couronne qui se transmet à travers les âges sans faillir, avec le vent dans ses cheveux, le soleil sur son visage épuisé, sa robe ayant vécue une journée entière, elle reprenait son humanité et je pouvais voir une jeune femme, plus jeune que moi avec un sourire faux qu’elle tentait de m’accorder pour donner le change. Ce deuil lui pesait plus qu’elle ne voulait que l’on imagine. Position compréhensible, la princesse de Peyredragon ne peut pas flancher, elle doit être un mât auquel on s’accroche dans les tempêtes.
Enfin, ses mots, la pesanteur de la mort. Cela suffisait à achever le mât royal une bonne fois pour toutes, il s’éffondrait face à une femme et ses petits yeux bruns que le sel marin rendait humide, face à ses joues rosis par le froid qui avançait sa main glaciale sur Lamarck.
Du soleil il ne restait que quelques bandes rouges, jaunes et orangés sur l’horizon, mélant le ciel et la mer dans une explosion de couleurs vives, je portais mon regard vers ce spectacle sublîme laissant un répit de quelques secondes particulièrement génantes après la remarque funèbre.
“J’apprécie particulièrement la solitude dans ces moments-là, votre Altesse.” J’entendais là toute forme de rassemblement dans lesquels je me sentais étrangé, c'est-à-dire ceux qui n’étaient pas fait à ma propre personne, ceux qui étaient fait pour cadrer l’évolution de la vie. D’un mariage j’aurais eu le même sentiment, d’ailleurs quelques lunes plus tôt au mariage de la défunte, je n’avais rejoint la cohorte dansante des invités joyeux seulement grâce à la présence de la Reine, sans quoi j'eus finis ma soirée dans les mêmes conditions. Non pas que j’éprouvais un désintérêt complet envers l’épouse de mon cousin, je crois que j’aurais traité ainsi chaque membre de ma famille. “Je préfère largement le tableau de l’horizon aux présences lourdes, à tout ce cérémonial qui ne me sied guère.” Je ne pouvais pas lui répondre directement. Je ne pouvais pas lui dire : ‘vous trouvez la mort pesante, votre altesse ? moi aussi, ça me rappelle quand ma mère s'est fait défoncer le crâne à coups de bâton', alors répondre autre chose et par sympathie peut-être lui rendre la confidence de mes sentiments en lui accordant, à mon tour, une ouverture légère sur mes sentiments. Je savais que ce n’était pas volontaire de sa part, de s’avouer ainsi. Alors, je faisais ce qu’un gentilhomme devait faire plutôt que d’engager la conversation directement sur les mots de la princesse, je m’ouvrais un peu, très légèrement afin qu’elle ne puisse ressentir la honte d’un mot plus haut que l’autre. Généralement les gens comme elle ne parlait pas aux bâtards, nous étions des personnages de figuration et j’avais appris à composer dans ce sens. Mais je savais aussi que ce statut me donnait un autre privilège, je n’étais ni un roturier, ni l’un des leurs, alors certaines fois, on se permettait un certain relâchement en ma présence. La pensée de lui présenter mes condoléances m'effleura l’espace d’un instant mais j'abandonnais l’idée, combien de fois avait on dû lui dire les mêmes mots aujourd’hui ? Elle voulait respirer, je lui donnerais de l’air. “Je viens souvent ici et je fais le tour de la petite crique qui se trouve sur la droite.” Je désignais de la main le tracé de mon chemin sur le paysage qui nous faisait face. “Le plus souvent c’est au crépuscule, comme maintenant. Les moments que je partage avec moi-même sont précieux. Mais je fais attention, il faut éviter de se morfondre dans la solitude lorsque… Les choses sont compliquées."
J’offrais ses quelques mots tout en me doutant que je pouvais ni aller loin dans mes réflexions ni partager mes sentiments. Le protocole nous tenait éloignés comme un mur invisible. Je me contentais donc de mes digressions habituelles tout en me gardant de mes sautes d’humeurs. J’allais voir jusqu’où la jeune Targaryen était prête à s’aventurer dans un de ces moments atypiques que la vie avait le plaisir de m’offrir.
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S'il y avait une chose que Margaery avait finit par comprendre au fil des ans, c'était qu'aucun deuil ne se ressemblait. Que cela soit à l'échelle d'un pays, d'une région, d'une famille ou même d'une seule personne, chaque disparition apportait son lot de similitude et un nombre effrayant de différence. Elle appréciait la délicatesse dont la maison Velaryon faisait preuve envers cette jeune femme qui avait porté leur nom moins d'une année, la laissant rejoindre leurs ancêtres sous le nom illustre des maîtres de Lamarck. Elle même ignorait ce que sa fin apporterait comme consolation à ses proches : renverrait-on son corps à Hautjardin, pour l'inhumer auprès des siens ou serait-elle brûlée comme la coutume le voulait dans la famille Targaryen. Quel que soit le choix de ceux qui lui survivraient, il ne serait pas sien et il n'était pas de son ressort de juger si elle agissait plus en Tyrell qu'en Targaryen. Mais puisqu'elle survivait à Elinor, elle savait combien cette attention aurait touché la jeune femme qui, derrière ses airs durs et froids, craignait tant de ne pas être acceptée au sein de sa nouvelle famille. Elle ne saurait sans doute jamais si Jacaerys et Elinor avait éprouvé un quelconque attachement, une amitié ou rien qu'une simple complicité, mais son esprit savait qu'elle était partie, entourée des siens, et que dans son dernier sommeil, elle rejoindrait des âmes bien plus mémorables que les leurs. Funèbres pensées pour un jour funèbre.
Son regard se releva vers celui du bâtard de Lamarck : elle avait entendu bien des choses sur Aurane Waters avant même que leurs routes ne se croisent. Les ragots allaient vite et les rumerus se propageaient d'autant plus rapidement dans le cercle des dames. Qui avait sa réputation de séducteur, qui possédait une âme d'artiste, qui ne jurait que par l'épée ou encore qui était aussi froid que la pierre des Sept Statues. Les babillages de femmes étaient méconnus de la plupart des hommes, surtout lorsque cela les concernaient, mais cela donnait une idée général d'un personnage que l'on s'apprêtait à rencontrer ou qui pouvait se retrouver au centre d'une conversation plus officiel. Aurane Waters était de ces hommes dont on chuchotait le nom entre deux gorgées de thé, deux gloussements et quelques tartes aux citrons. Les plus âgées de ces dames ne tarissaient d'éloge sur le minois des plus agréables de ce pauvre enfant qui n'avait que pour défaut d'être né avec le nom de l'infamie et le scandale de l'adultère. On aurait pu s'attendre à ce que les bieffoises ne parlent que des ressortissants des terres vertes mais il aurait été sous estimé le frétillement des dentelles et ignorer la tendance, très forte bien qu'habilement dissimulée, des jeux d'amours et des discussions criminelles. Là où les amours de Loras avaient de quoi choquer, entre les frontières d'un Bief fêtant l'amour et la beauté, il ne s'agissait que de quelques découvertes juvéniles tolérées tant qu'elles demeuraient le plus discrètes possibles. Et là où une dame sans chaperon se voyaient déshonorées d'avoir simplement poser les yeux sur un hommes, certaines bieffoises avaient le loisir d'avoir déjà embrassé quelques hommes dans l'intimité d'un labyrinthe boisés. Le Bief était un lieu de jeu, de taquinerie où l'on prônait l'importance d'avoir goûté avant que la réalité d'une vie terne et triste ne vous rattrape, un printemps où la jeunesse et la beauté étaient rois avant que ne s'abattent sur eux la chaleur d'un été et la tristesse de l'automne d'une vie. Nul doute qu'un être tel que lui aurait plus que prospéré dans le Bief. On lui disait posséder les traits du roi Rhaegar bien avant que le soucis et la folie ne s'abattent sur lui, à cet âge d'or où il était chanté par tous les bardes et dévoré du regard par toutes les dames. Et c'est ce qui faisait de lui, un homme dangereux. Margaery avait apprit à se méfier des êtres dans lesquels elle se reconnaissait un peu trop : un beau minois, un sourire perpétuel étaient trop rarement innocent et elle décelait dans ce regard une flamme semblable à la sienne. Malgré le noir des habits et la solennité des visages, ils étaient des acteurs en perpétuelle représentation. « Je doute que quiconque les apprécies ... » finit-elle par dire après un silence qu'elle avait passé à l'observé, remarquant chaque petit détail que la distance qui les séparait ne l'empêchait pas de remarquer.
Elle se détacha de sa vue pour contempler ce qui se trouvait devant elle. L'étiquette aurait voulu qu'elle se retire : elle était une femme mariée, l'épouse d'un prince, la cible idéale de ragot ces derniers temps. Et lui avait tout d'un homme en la compagnie duquel on ne devait pas se faire surprendre seule, loin des regards. Pourtant, elle ne bougea pas, songeant que sa réputation avait tellement souffert des mensonges les plus sordides qu'être croisées en compagnie de Ser Aurane était le cadet de ses soucis. En outre, l'endroit était bien trop excentré pour que quiconque ait l'idée de s'y rendre sans avoir des arrières pensées ou, comme lui, de bien connaître l'endroit ou, comme elle, de s'y perdre. Mais puisqu'ils étaient déjà là avec ces prétextes, il semblait peu probable qu'une tierce personne ait les mêmes intention. Elle soupira alors, quittant un instant le masque de la dignité qu'elle arborait constamment, ramenant son épaisse chevelure sur l'une des ses épaules, ressentant alors la fraicheur d'un courant d'air sur cette peau désormais libérée des mèches sombres qui la couvrait. « Est-ce des moments auxquels vous êtes coutumiers ? » demanda-t-elle, songeant qu'il y avait, bien évidemment, le père du jeune homme au registre des décès mais ignorant s'il ressenait la même lassitude qu'elle face à la fragilité de l'existence. Elle avait porté tant de gens en terres ces dernières années. Son père, tout d'abord, l'être le plus doux et le plus protecteur au monde, son bouclier indéfectible, l'homme dont elle avait toujours eu le sentiment qu'elle était le centre du monde. Son frère préféré, ensuite, achevant de briser le coeur de la jeune fille qu'elle avait été, teintant les souvenirs de sa jeunesse de rouge sang et du noir du deuil. Deux enfants, des amis, et maintenant Elinor. Elles n'avaient été proches avant son mariage, mais vivre pendant trois années avec elle les avaient considérablement rapprochés. La culpabilité se mêlait à la douleur de la perte et sa mémoire, une fois de plus, s'entachait de la perte d'un être cher. « Elinor n'était pas la première et pourtant, il me semble que l'exercice est toujours plus difficile. » admit la princesse, pour qui la perte de sa cousine et de son enfant réveillait la disparition bien plus récente, qu'elle s'était interdit de pleurer.
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Je portais mon regard sur cette jeune princesse, ses imperfections me sautaient au visage, d’abord son humanité derrière cette carapace du titre, son regard, son âge, si jeune. Elle représentait un mystère à mes yeux, je savais qu’à son age j’aurais été incapable d’assumer les charges qu’elle doit porter, d’ailleurs aujourd’hui encore j’assumais difficilement ma propre existence. Je me demandais comment est-ce qu’un si petit être pouvait porter autant, j’étais assez sceptique pour savoir que l’aspect sacré de notre monarchie reposait en partie sur une croyance autant que sa sur sa force et quand je portais mon regards sur cette jeune femme je devinais qu’en effet, elle avait des faiblesses, qu’elle était humaine, comme moi et que la grandeur de son titre était le fait d’une volonté collective. Je partageais un grand respect pour la famille Targaryen et pour notre système politique, celui-ci n’avait aucun intérêt à être remis en question. Alors, j’avais décidé de jouer le jeu, de faire semblant comme tout le monde que le sacré pouvait résider entre des mains mortelles et qu’une jeune femme d’une vingtaine d’année pouvait être l’une des personnes les plus importantes du monde. Une jeune femme à l’air fébrile, que la mort touchait comme elle touche n’importe qui. J’éprouvais une forme de pitié à son égard, où plutôt de compassion, je comprenais qu’elle se devait de jouer ce rôle de princesse comme moi je jouais de ma vie. En réalité, cette condition me la rendait attachante, comme ce qui avait attrait aux Targaryens j’éprouvais une attraction et un besoin de reconnaissance que je n’éprouvais nulle part ailleurs.
Mon regard changeait au fur et à mesure que je la regardais du coin de l'œil, j’évitais son regard lorsqu'elle quittait des yeux le paysage marin qui nous faisait face pour elle aussi, me découvrir d’une certaine façon, du moins c’est ce que j’imaginais. Je savais que ma réputation était catastrophique, sorte de mouton noir de ma famille je m’appliquais à m’enfoncer moi-même dans la fange sans jamais chercher à m’en sortir. J’étais un bâtard aux aventures disparates, avec une vie de crapule derrière lui. Je gardais encore une réputation de forban, entre le dégénéré sexuel et le bandit de Port-Réal. J’imaginais, alors que j’évitais de croiser vraiment son regard, qu’elle devait avoir toute une série de présupposés sur moi, que toutes les sales rumeurs à mon sujet qui étaient pour la majorité d’entre elles véridiques venaient salir son impression de moi. Je me savais sali par ce que j’étais, sorte d’être immonde, j’avais constamment honte de moi. Une honte que je portais comme une récompense et que je travaillais.
Elle repoussait ses cheveux sur l’une de ses épaules, découvrant son cou. Le soleil commençait à faiblir et à l’horizon la boule solaire disparaissait en laissant une fine lueur orangé dans le ciel, tandis que sur l’océan, le bleu sombre de la nuit se reflétait déjà. Mais Lamarck était une île vivante, alors que l’ombre de la nuit semblait vouloir triompher du paysage, toutes les lumières de Marée Haute triomphaient de cette vague obscure. Et comme l’occasion avait amené son lot d’invité, Marée Haute était encore plus éclairée que d’habitude, à chaque fenêtre on devinait des chandeliers et sur les remparts qui faisait face à la mer, on apercevait, au loin, des domestiques allumer une longue séries de torches. Je coupais ce petit jeu d’une réponse que j’avais mis un certain temps à penser, pause involontaire dans notre discussion je n’avais pas cherché à éviter la question. La princesse se laissait aller à une forme de franchise nostalgique que j’allais essayer de partager avec elle, d’abord parce qu’elle était ma princesse et que je n’étais qu’un chevalier lié à ses hôtes et enfin parce que je la voyais comme je pouvais imaginer quelqu’un comme elle à sa place, en prise avec une vie des plus compliquées, plus que la mienne. A ce titre, c’était une forme de respect et d’admiration que je lui vouais, sans que cela ne ressemble à ce que pouvaient ressentir les autres courtisans de Port-Réal ou de Hautjardin. Je me croyais au fond, plus sincère qu’eux et surtout plus conscient des réalités que nous devons porter derrière un masque qu’exige la société. C’était peut-être faux et j’étais sûrement un chevalier banal parmi tant d’autres mais ma foi en cette particularité qu’était ma personne me suivrait toujours dans ce respect de la famille royale.
“Ce sont des moments qui sont devenus une habitude, hélas princesse. Mais cela n’entache pas… la particularité d'un de ses moments. Si l’on devient habitué au cérémonial et aux réactions des autres, la chose en soi reste délicate de la même façon, quel que soit le nombre ou le temps.” J’avais enterré plus de vie que quiconque que je connaissais depuis que j’étais chevalier. D’abord, mon premier meurtre était commis lors de mon enfance, sorte de tuerie innocente, ses conséquences sur ma vie seraient gigantesques. Enfin dans la marine je devais découvrir que la vie humaine n’était pas si importante et qu’elle dépendait du poste que l’on occupait sur un navire et des compétences que l’on pouvait apporter à l’équipage. Ainsi un matelot blessé gravement pouvait être abandonné sur le premier îlot croisé. Enfin, à Port-Réal où j'avais pratiqué le summum de la noirceur de mon être, du moins, c’est comme ça que je le percevais à cet instant, j’avais connu la mort au plus près. D’abord en la donnant à quelques occasions, comme proxénète ou manteau d’or, puis comme proxénète vraiment en la vivant quotidiennement. Lorsque je me débarrassais d’une fille, lorsque je me débarrassais des conséquences naturelles de l’acte répété, lorsque des filles ne devenaient plus que des fantômes, détruites et absentes, je devais, avec l’envie de m’achever moi-même, achever leurs douleurs. Des moments comme ça, j’en avais connus. Et la mort telle que la connaissait la haute noblesse, c’est à dire entouré de proche, au chaud, puis le cérémonial et le respect d’une assemblée, cela m’avait paru à une période comme un luxe indécent mais preuve irréfutable de la supériorité de l’aristocratie. Aujourd’hui, j’avais compris que ces moments qui rythment la vie étaient des moments nécessaires aux vivants. Celui qui m’avait le plus marqué fut l’enterrement de ma mère par mon père, jamais elle n’avait connu autant de luxe et jamais son ancien amant ne l’avait honorée d’une telle reconnaissance. Toute une vie d’attente d’une reconnaissance pour ne la connaître que dans la mort.
Les questions de la princesse auxquelles je cherchais à répondre avec le plus de sincérité dont j’étais capable me provoquaient une vive douleur. Je devais me remémorer tout ce que je refusais de savoir de moi-même et j’avais l’impression de dénuder un miroir d’un grand voile que j’aurais posé afin de plus souffrir de devoir faire face à mon reflet. La vérité était devenue une douleur que je n'accordais presque plus, si ce n’est à de très rares occasions. Aujourd’hui, la possibilité de cette entrevue informelle en était une. Et mon visage se crispait, j’abandonnais mon faux sourire et ma mine solennelle alors que la princesse elle aussi semblait quitter quelques hauteurs un court instant. J’ignorais à quel point je pouvais paraître dur, triste et beaucoup plus âgé lorsque je me laissais aller.
“Il est bon que l'exercice reste difficile, je le crois. Pas pour nous mais pour eux, car, à ceux qui nous sont chers, c’est un dernier hommage. Je pense que vouloir faire disparaître la douleur d’un proche c’est comme essayer de cacher la réalité de cette perte. Cette douleur, elle est notre deuil.” Je concluais d’une voix plus grave même si je gardais quelques retenues face à Margaery, même si j’avais voulu me laisser totalement aller, c’eut été impossible. D’abord parce que je n’avais rien ressenti à la mort de la Tyrell avant que la mélancolie de la Targaryen ne pénètre sournoisement mon esprit mais surtout parce que je ne pouvais pas la considérer comme une proche. Je ne la connaissais à peine. C’est la conclusion que je m’étais faite. En réalité, je me moquais bien de cette mort.
Je me demandais si je devais chercher à quelles occurrences la princesse faisait allusion. J'avoue que je n'étais pas aux faits de la vie des Tyrell.
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La princesse ignorait si elle trouvait les paroles du bâtard particulièrement juste ou d'un aspect morbide sans fond : elle même n'était pas la définition même de l'optimisme ces derniers temps et il lui était compliqué de savoir qui d'Elinor ou d'elle même elle pleurait le plus. Certes, elle avait aimé sa cousine : Elinor avait été présente dans des moments importants de sa vie, la coiffant à son mariage, lui déposant Aemon dans les bras après sa naissance. Mais elle n'était pas une cousine aussi proche que Daena avait pu l'être et elle n'avait jamais eut, dans son coeur, la moitié de l'importance que Loras avait pu avoir. Pourtant, en mariant Elinor à Jacaerys Velaryon, Margaery s'était projetée : une bieffoise épousant un valyrien, c'était comme revivre son heure de gloire dans les moments les plus sombres de son retour à la Cour. La maison Velaryon n'avait jamais changé d'attitude à son égard : future reine ou non, la famille l'avait traité avec respect sans chercher à s'attirer de faveur ou sans montrer la distance que d'autre courtisans n'avaient pas hésité à marquer avec elle. Plus que cela, Jacaerys Velaryon avait souvent agit comme si la rumeur même n'existait pas, lui offrant un peu de répit lors de son chaperonnage des deux promis. Mais à présent, seule la mort les unissait, lui rappelant les terribles paroles d'Aegon sur sa funeste destinée, évitée de justesse par l'hérétique prêtresse de Lord Baratheon qui venait bousculer sa foi et son univers. A cela s'ajoutait l'enfant. La vie grandissant dans le ventre d'Elinor, perdue avec elle et qui faisait écho à sa propre enfant partie trop tôt. Un deuil que la princesse n'avait fait pour la simple et bonne raison qu'elle avait longuement refusé d'admettre ce qui était arrivé. Aujourd'hui plus que la veille, elle aurait souhaiter qu'Aegon soit présent car c'était maintenant que la réalité la frappait de plein fouet qu'elle désirait sentir sa présence et son réconfort, qu'elle était prête à partager sa peine.
Elle leva les yeux sur le jeune homme. Ce n'était pas Aegon mais ses traits n'étaient pas sans lui rappeler ceux de son époux : peut être expliquant l'étrange aisance qu'elle avait à aborder des sujets aussi dur que privé. Et tout comme Aegon, elle sentait qu'il y avait, chez lui, un bouclier contre les affres de la perte, un recul qu'elle n'avait vu que dans le regard des hommes. « J'imagine que la mort revêt un autre aspect quand on est celui qui l'inflige. » murmurra-t-elle, imaginant sans peine que le concept devait être transformé une fois qu'on se savait responsable - réellement et directement responsable- du décès de quelqu'un. Sans doute prenait-on la disparition de ses proches avec plus de philosophie. Secouant la tête, elle se tourna à nouveau vers lui. « J'ignorai que vous seriez présent dans ce moment de recueillement. Elinor et vous étiez proches ? » demanda-t-elle en reprenant la masque de perfection qu'elle s'imposait depuis l'âge le plus tendre. En dehors des quelques lettres qu'Elinor envoyait, principalement pour se plaindre de son état et des contraintes qu'elle subissait à cause de cela, Margaery ignorait tout de sa vie à Lamarck, de son entente avec sa nouvelle famille. Elle savait que, bien que flattée des attentions de son époux, elle ne lui portait encore guère de grands sentiments, mais c'était du Elinor tout craché de se montrer méfiante dans ses relations. Quand au reste des Velaryon, de leurs proches ou de la maisonnée, la née-Tyrell ne savait rien du tout. Il n'aurait pas été étonnant qu'elle trouve plus simple de parler avec Ser Aurane que d'échanger avec son propre mari : elle avait toujours été plus simple à approcher lorsqu'on avait un caractère fort.
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LAMARCK | AN 304, LUNE 01, SEMAINE 4
Son regard dérivait vers le large. Je mesurais la chance que j’avais en cet instant. Qui l’aurait cru ? Le petit Aurane de Carène qui était maintenant côte à côte avec une Princesse des Sept Couronnes, presque d’égal à égal. Même si je n’avais aucune illusion, c’était l’effet d’un moment, d’un très court instant. Bientôt j’allais redevenir Aurane le bâtard, l’immondice que l’on cache et que l’on ne voit pas. A peine aurait-elle rejoint ses appartement après sa petite discussion que ma personne serait oublié. Je n’était qu’un simple bâtard et je n’allais pas me laisser emporter à croire que pendant quelques instants j’étais autre chose, je n’étais à leurs yeux qu’un insecte que l’on pouvait écraser à volonté. J’avais une vague de jalousie qui m’emportait, qui soulevait mon coeur. Je n’enviais pas son deuil, ça je l’avais connu mainte et mainte fois si bien que la mort me faisait maintenant une toute autre impression, plus celle d’une fatalité que d’un choc. Non, j’enviais tout ce qu’elle était à ce moment précis, ce regard fin posé sur le vide, ce petit corps frêle qui portait à lui tout seul une symbolique gigantesque. Qu’y avait-il d’encore humain chez les gens comme elle ? J’aurais voulu lui arracher ce qu’elle était, j’aurais voulu être elle. Il me suffisait de mes mains pour attraper sa couronne de félicité, son aura, son nom, son histoire, j’aurais bien tout échangé comme un voleur. Ainsi aurait-elle vu la pourriture de mon âme, la dégueulasserie qui sommeillait en moi. J’aurais été libre, fin, léger, un repos tellement grand qu’il me coûterait ma vie.
Tandis que je vomissais ma personne intérieurement et que la jalousie s’emparait une fois de plus de mon âme, elle relevait ses yeux vers moi. J’avais l’impression d’être pris sur le fait. Je lui rendait un sourire compatissant, un sourire bienveillant, comme celui d’un aîné pour une soeur, comme celui qu’elle semblait chercher à cet instant. Que voyait-elle en moi ? Moi je lisais son deuil, il transpirait de chaque port de sa peau, elle suintait le désespoir. Elle voulait que, comme elle je ressente tant de choses pour la mort ? J’en étais incapable, je pouvais à peine jouer la tristesse, non, sa cousine, ne me manquerait pas, personne ne me manquait, pas même pas propre mère… Alors qu’était-je supposé ressentir ? J’avais l’exemple de ce qu’elle voulait, je devais être un miroir de ses propres émotions. Mais comment copier quelque chose devenu si lointain ? Qu’avait Elinor de plus que les pauvres filles que j’avais égorgé entre quelques ruelles de Culpucier ? Rien ? N’étaient-elles pas, elles aussi, d’une même chaire ? N’avaient elles pas aussi des pommettes roses, une enfance, des yeux blancs ? Oui, elles aussi avaient cela. C’est pour ça que je savais que je n’était pas grand chose pour Margaery Targaryen, car pour toutes ses grandes familles, il y a d’un côté ceux qui comptent et ceux qui ne comptent pas.
Mais que j’aimais cela. J’aimais sa présence, j’aimais cet instant. J’aimais ce sentiment incroyable de grandeur, de magnificence. Elle était si parfaite, au fond, tellement grande, dans des cimes tellement hautes que je ne pourrais peut-être jamais atteindre. Peut-être. Elle rayonnait et à travers elle sa couronne rayonnait sur moi. Peut-être. C’était si rare, moi, elle, non pas Margaery mais Son Altesse Royale. Peut-être bien qu’un jour… Elle esssayait de se mettre à mon niveau ? “J'imagine que la mort revêt un autre aspect quand on est celui qui l'inflige.” Peut-être bien qu’un jour moi aussi, moi aussi je serais en haut.
Je la regardais avec curiosité. Que savait-elle de ma vie ? Savait-elle que j’avais déjà tué ? Savait-elle à quel point j’avais tué ? Voyait-elle mes mains ruisseler du sang écarlate de mes victimes ? Voyait-elle les fantômes des innocents qui m’entouraient ? J’étais pris d’un frisson. Non. Aucun risque, il n’y avait pas d’innocents.
“Mh, oui.” Discret, je ne voulais pas répondre à cela. Elle n’avait pas à savoir ce genre de choses et je ne voulais pas lui donner un mensonge si gros qu’il fût trop facile pour elle de le déceler. Elle l’avait dit dans un souffle. Si elle n’était pas debout j’aurais cru entendre la voix d’une femme prostré, à genoux, en boule et au sol. Sa dernière remarque finissait de me piquer. Tandis qu’elle relevait la tête, plus fière, plus digne dans un jeu qui ne trompait personne, qu’espérait-elle ? A qui voulait elle faire croire qu’elle n’était pas remuée, chagrinée ? A moi ? Non, à elle ? Non plus. Alors c’était une question d’étiquette, la Princesse ne pouvait pas se laisser aller longtemps. Elle était du sang des braves, ceux qui se relève. “J'ignorai que vous seriez présent dans ce moment de recueillement. Elinor et vous étiez proches ?” Bien, moi aussi, j’ignorais tout de ma présence ici, j’ignorais encore pourquoi mon frère m’avait rappelé il y a quelques lunes ici, pourquoi ne m’avait-il pas laissé dans un exil ? Je pensais qu’il craignait que je salisse sa réputation de par mon existence, de par ma matière, de par mon être, que mon souffle, mon coeur battant était une insulte suffisante à sa personne et qu’il ne fallait pas répandre partout une telle faute. Ce genre d’inconvéniant, d’avoir un frère bâtard, devait, j’imagine, resté une affaire discrète. “Je ne pourrais pas dire que ayont été proche. Je la croisais, tous les jours. J’habite ici, elle aussi habitait ici. Je ne pourrais pas vous apprendre grand chose sur son court séjour parmis nous. Mais je sais que sa présence était un honneur pour ma famille, qu’elle a été acceuilli avec beaucoup de respect. Les Velaryon sont souvent très fermé…” Je marquais une pose dans un soupir légèrement douloureux. Oui, ils sont totalement fermés. “Mais quand ils s’ouvrent, ils acceptent la personne entièrement, sans un seul pas en arrière. Elinor…” Enfin son prénom était prononcé. “... était une membre à part entière de cette famille. Donc à ce titre je la croisais, tous les jours où presque. Je lui souriais, elle me souriait. Mais je ne suis pas…” Je portais à nouveau mon regard sur le visage de la Princesse. “Je ne suis que Ser Aurane Waters, votre Altesse. Alors, voyez-vous, je ne suis pas au centre des relations de ma famille, je ne puis que témoignez de loin.” Un peu de sincérité ? Oui, surement, mais je ne l’avouerais jamais. Non, je vous répondrais si l’on me demandais des comptes sur cette discussion que j’avais menti du début jusqu’à la fin, d’un bout à l’autre et que jamais l’ombre de la vérité n’avait effleuré mes lèvres.
Mais c’est surtout à moi-même que je mentais.
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Il était étrange de parler d'Elinor avec quelqu'un qui l'avait connu durant cette courte période qu'elle avait passé à Lamarck : Margaery connaissait de sa cousine l'enfant vive, l'adolescente autoritaire et parfois une facette plus apeuré de la jeune femme. Mais il n'en demeurait pas moi qu'Elinor était un membre de sa famille, une membre de la cour perpétuellement dans son ombre. Elle ne l'avait jamais vu briller, ce qui n'avait rien d'étonnant quand on considérait l'importance qu'Hautjardin avait à mettre en avant les enfants de la lignée principale. Elinor n'était pas moins capable que sa cousine, elle avait juste eut le malchance de naître fille de Theodore et non fille de Mace. Peut être était-ce aussi ce qui avait poussé la princesse à lui vouloir un époux tel que Jacaerys Velaryon : l'homme n'était pas désagréable à regarder, semblait vouloir prendre soin d'elle et s'était bati peu à peu une place à la Cour tout en demeurant fermement attaché à l'ile qui l'avait vu naitre. Ce mariage offrait la possibilité à Elinor de briller sur son propre royaume sans être perpétuellement éclipsée par une autre Tyrell. Avoir une vision diffférente de quelqu'un l'ayant connu sans comparaison avec d'autre membre de la maison à la Rose, et surtout qui ne la noyait pas de compliment vide de sens était ce que recherchais la jeune femme à cet instant. « Ma grand-mère aime à dire que les moeurs du Bief sont plus ouvertes et les esprits moins obtus. Elinor n'était pas la plus agréable de mes cousines, je vous assure. Si elle ne vous a pas fait l'effet d'une rencontre avec un dragon, c'est qu'elle devait, d'une manière ou une autre, vous apprécier. » Un sourire triste se dessina sur le visage de la jeune femme : certain se serait sans doute offusquer de pointer du doigt le caractère difficile de la défunte mais le politiquement correct l'épuisait. Mettre des rondeurs sur tout ne la ferait pas revenir et il n'y avait rien de plus hypocrite que de nier les défauts qu'une personne avait pu avoir durant son existence après son trépas. « Sa branche n'est pas la plus proche du siège seigneurial et mon frère Loras lui rappelait volontiers qu'elle avait plus pris du tempérament des Serry que de la grâce des Tyrell ... Ce qu'il aimait l'embêter à ce sujet. » Margaery ignorait si c'était réellement ce qui avait permis à Elinor de considérer Ser Aurane autrement qu'en sa qualité de bâtard mais peut être avait-elle perçu chez lui quelque chose qui lui rappelait sa propre condition, une Tyrell qui n'en était totalement une comme s'il existait une sous-famille qui partageait le nom des nobles suzerains du Bief.
Elle percevait toutefois, une certaine distance dans les mots de Ser Aurane, une retenue qu'il justifiait lui même par le fait de n'être que Ser Aurane, dépourvus du patronyme des seigneurs de Lamarck. Une blessure qu'elle ne pouvait comprendre. « Vous savez, Ser Aurane ... Les jardins du Bief sont parsemés de petites fleurs, si nous nous arrêtions à ce genre de qualificatif, la vie serait bien plus terne et nous nous ennuyons tous déjà mortellement. Malgré son caractère difficile, Elinor et moi partagions la même certitude que tout un chacun à un talent dans l'existence et qu'il faut laisser la possibilité à ce talent d'éclore et de croître. C'est un enseignement que la Reine des Epines nous a inculqué à tous. » Margaery avait le sentiment que la bâtardise était mieux accepté dans le Bief, sans doute parce que les seigneurs et dames s'y adonnaient à plus de jeu de séduction qu'ailleurs sur le continent ? La naissance d'un enfant illégitime n'était pas chose courante, mais elle avait l'impression qu'ils étaient moins cachés sous le tapis que ne pouvait l'être les bâtards de familles couronniennes, constant rappel de la faute d'un des parents. Paradoxal, songea la princesse tandis que le siège de la Foi avait été durant des siècles à Villevieille. Mais comme partout, il y avait des familles exceptions où ce genre d'évènements n'étaient que honte et déshonneur. Elle se demanda quelle serait sa réaction si Aegon lui annonçait avoir conçu un enfant avec une autre femme. Que cela soit avant leur mariage ou dès à présent, il y avait fort à parier qu'elle se montre moins ouverte sur la chose. « Ceci dit, ma grand-mère dit aussi que notre devise familiale est la plus idiote de toutes les devines suzeraines alors je ne suis pas sure que d'user des métaphores florales lui rendent justice. » dit-elle avec humour, désireuse de s'arracher à l'ignoble pensée de son bienaimée dans les bras d'une autre. S'éclaircissant la gorge, elle reprit. « Vous ne portez peut être pas le nom de Velaryon mais cela n'enlève rien à vos capacités et à la force qui vous habite. Plus qu'un honneur, voyez ces noms comme un poids sur nos épaules : un bateau trop chargé finit immanquablement par couler tout comme les boutres qui arborent des couleurs trop alléchantes finissent par attirer la convoitise des pirates. » Si elle ignorait ce que pouvait ressentir les enfants naturels au sein d'une famille, elle connaissait le poids que ces dernières pouvaient mettre sur leurs descendants afin qu'ils soient à la hauteur du nom et de la réputation qui les précédait. Margaery savait combien il avait été douloureux pour Willos de savoir qu'il ne pourrait jamais suivre la voie de la chevalerie et qu'il serait, à jamais, associé à l'infirmité que la lance du Prince Oberyn lui avait causé. Elle connaissait la peine que Garlan avait ressenti, enfant, de ne satisfaire les exigences de leur grand-mère, lui le petit garçon rondouillet et fondamentalement gentil dans une famille où une rose sans épines se faisait piétiner sans ménagement. Quand à Loras ... Elle savait que se prêter au jeu des alliances et des mariages était loin d'avoir fait son bonheur et n'empêcha en rien son trépas précoce. Elle aurait pu parler d'elle même, de l'injonction à la perfection qu'elle vivait depuis qu'elle était en âge de comprendre ce qu'on lui disait, de l'intrusion perpétuel des Tyrell dans son existence, de la manière dont on avait nier ses désirs pour la monnayer de droite et de gauche avant qu'enfin ambition, devoir et passion ne la récompense de ses efforts. Des blessures différentes, pour sur, et qui n'effaçait en rien le dédain que certains avant en prononçant les patronymes des bâtards, simplement une triste réalité : qu'importe le statut, qu'importe le nom, il y avait toujours une part de l'existence qui finissait par vous faire du mal. Un nouveau sourire espiègle brisa alors le silence. « Suis-je meilleure avec les métaphores navales ? Quoi qu'il en soit, soyez certain que quelqu'un saura, un jour, apprécier vos talents à votre juste valeur, si Lord Velaryon se refuse à le faire. » assura Margaery. Tout comme elle avait su trouver en Lady Cole une dame de grande qualité alors que tous gardait en mémoire le nom tabou sous lequel elle était née, la rose était persuadée qu'un seigneur finirait par s'attirer les grâces du Waters et lui offrant une place que Lamarck ne semblait pas vouloir lui donner.
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Je regardais avec étonnement la Princesse me faire des confidences, avouer des choses sur sa cousine, dont elle semblait proche. J’avais déjà rencontré des seigneurs où des dames qui m’avaient confié des pensées, des idées. Le statut que j’avais, celui d’être à cheval entre la noblesse et la roture me donnait cette particularité que les nobles m'accordaient une certaine confiance, je faisais un peu partie de leur monde, tout en sachant que je n’était pas vraiment l’un des leurs. Ils s'adonnent alors parfois à quelques confidences pour certains, comme l’on parle à un septon de ses problèmes sans craintes des conséquences, j’étais pour quelques-uns une oreille attentive. Un rôle que j’avais appris à connaître, Vaelle elle-même me faisait une confiance absolue, l’aurait-elle fait si j’avais été Aurane Velaryon ? Je ne saurais y répondre aujourd’hui. Néanmoins, Margaery Targaryen n’était pas n’importe quelle petite dame du Détroit. Elle était princesse des Sept Couronnes, et chaque mot qu’elle me donnait, je pouvais avouer que je le buvais comme un bon vin. Elle était complètement différente des gens avec lesquels j’avais pu jouer ce rôle. Depuis le début de notre discussion je m’étais appliqué à voir la jeune femme, plus jeune que moi, son humanité, son souffle, sa poitrine se gonflant sous la tristesse, ses cheveux démêlés au vent, son petit visage avec ce petit nez en trompette. Je n’avais décidé de voir que son humanité, peut-être pour me rassurer. “Non Aurane, tu n'es pas avec une déesse, c’est Margaery Tyrell.”
Mais il était clair que j’avais tort. Les Targaryens et ce qu’ils approchent ou touchent prennent toujours une forme plus gracieuse, plus élevée, plus divine. Cette jeune femme, n’était vraisemblablement pas qu’une jeune femme. J’en avais connu des jeunes femmes, des paquets, des Margaery Targaryen je n’en avais jamais rencontré. Sa franchise, son caractère directe, ses réfléxions, je reconnaissais en elle une femme intelligente. “Je devais donc être parmis les personnes que votre cousine appréciait, je n’ai jamais eu à me plaindre d’elle. Elinor était discrète. Je ne sais si elle a eu vraiment le temps de devenir proche de son époux. J’imagine néanmoins que Jacaerys était flatté, en quelque sorte… Mais Elinor… Discrète, patiente. Vous savez les Velaryon sont des des valyriens, alors ils ont eux aussi le sang chaud, pourtant je ne crois jamais avoir entendu de cris entre elle et son époux. Ce que je dois vous avouer, est déjà un exploit que moi-même je n’ai jamais réussi à achever. Rester ici quelques mois sans se fâcher avec personne, je dois vous le dire Elinor était une femme brillante car je ne connais personne qui n’ai jamais réussi à faire une chose pareille.” J’avais peut-être tort de lui faire confiance à Margaery, de tout lui déballer si facilement mais son jeu était tellement bon, je voulais croire qu’elle aussi comme la Reine avec cette magie en elle. J’avais envie de croire qu’il existait sur terre au moins trois ou quatre personnes honnêtes et franches. Je voulais absolument croire que les mots de la Princesse étaient sincères, francs et l’expression profonde et véritable de son deuil. Par réciprocité, par un semblant de confiance que je lui accordais comme un animal apeuré face à un homme lui tendant sa main pour qu’il la renifle, je libérais ma parole. Je crois qu’au fond c’est ce qu’elle voulait. Et à Lamarck les désirs de la princesse de Peyredragon sont des ordres.
Elle me parlait des Serry. Où était et qui était les Serry ? J’avais appris la liste des maisons des Sept Couronnes, sur le tard, sous la direction de Ser Bennard Brune mais le chevalier avait insisté sur les familles des terres de la Couronne, du Conflans, du Val d’Arryn, de l’Orage et des terres de l’Ouest. Je devais confesser des lacunes en matière de Bief, de Nord et de Dorne. J’imaginais les bieffois comme des gens frivoles alors j’ignorais tout à fait quelle pouvait être la différence de comportement entre un Tyrell et un Serry. Je préférais garder le silence sur mon manque de culture.
“Vous êtes bien charitable Princesse, je ne suis pas sans savoir que vos voisins dorniens ont eux aussi une opinion plus légère en la matière. Je dois avouer que la visite de terres plus au sud de notre Royaume semble être une lacune qu’il faudra que je répare un jour. Mais… Je ne regrette pas d’être un bâtard.” J’avais dit le mot. “Le bâtard de Lamarck. Je reste au fond, un peu un Velaryon moi aussi, même si je suis un peu comme Elinor, un étranger dans une demeure qui n’est pas celle dans laquelle il a grandi. C’est peut-être pour ça… Qu’elle était bienveillante. Mais je note votre générosité, le mérite est une drôle de notion.”
La Reine des Epines, quel titre ! Les Tyrell semblaient tout aussi égocentriques que les Velaryon finalement. Mais j’imagine que les Tyrell se sentent un peu rois en leurs terres comme Monford aime à se sentir Roi de Lamarck, bien qu’ici l’ombre de Peyrdragon est un rappel constant qu’il n’y a qu’un seul Roi et qu’il siège sur le trône de fer.
“Plus haut, plus fort. Vous même êtes de l’avis de votre grand-mère ? Je trouve cette devise pleine d’espoir.” Pleine d’ambition, une volonté inébranlable de grandir, de grossir, d’une petite famille d’intendant devenir Lord suzerain. L’histoire des Tyrell se reflétait sur ma propre personne, eux-mêmes n’étaient pas grand chose avant que le Conquérant les place là où ils étaient. Ils étaient, comme les Baratheon où les Lannister, le rappel que l’on peut venir de plus bas pour arriver plus haut. Cette devise, j’aurais pu la faire mienne, comme une promesse à moi-même : “Aurane, devant moi, je me promet solennellement de grandir, plus haut, plus fort et que comme un arbre ma croissance ne cesse jamais, que comme un rosier je puisse remplir l’espace vide tout autour de moi, me répandre et grossir et que les fruits de ma descendance puissent mûrir et être eux aussi plus grand, plus riche, plus puissants, plus forts.” Quelle douce chanson aux oreilles de ceux qui veulent tant. “Je trouve qu’il y a des devises bien plus… vides de sens.” L’Ancien, le Véridique, le Brave, voilà une chanson que se répète les miens depuis si longtemps et pourtant qui ne signifie pas grand chose, si ce n’est une ôde à eux-même, devant un miroir à regarder leurs propres reflets et dans le fond voir derrière, un passé qui n’est plus.
Enfin, la confidence de la Princesse sur le poids des noms. Elle me donnait raison, je la regardais quand elle me disait ça et je voyais effectivement, le poids de son nom, de son titre, du nom de son époux. Je fixais un moment cette jeune femme, on aurait dit que comme une simple brindille le vent aurait pu la balayer. Elle était une petite chose qui se devait de briller tellement fort que moi aussi, si près j’étais aveuglé et baigné de cette lumière. La convoitise des pirates… Oui n’étais-je pas moi-même un de ces pirates voulant au péril de sa vie s’acharner à attraper quelques-unes des richesses à bord d’un boutre rempli de merveilles ? Je n’en doutais pas une seule seconde, j’étais à cet instant le pire des pirates, à côté de ma cible mais je ne voulais pas la couler, je voulais qu’elle reste à flot je voudrait me plonger dans son ombre, devenir ce boutre, le prendre d’assaut calmement et clamer haut et fort que j’étais capitaine et que j’allais amener les richesses à bon port. Je ne voulais pas voler ou couler le riche navire, je voulais devenir capitaine de ce navire. Mais le destin m'avait placé dans le rang des pirates et des contrebandiers. Quelle cruelle merde ce destin.
Je détournais mon regard hâtivement lorsqu’un sourire venait rompre le silence et le calme plat. “Je vous remercie, Princesse.” Moi aussi je regardais le ciel, la ligne de l’horizon qui se brouillait. “Son Altesse Royale est meilleure avec les fleurs qu’avec la mer, je crois.” Je répondais sur le même ton, un petit sourire en coin que je jouais. Je n’avais pourtant pas envie de sourire. J’aurais voulu poser mon regard curieux sur Margaery, pouvoir de mes yeux transpercer ses prunelles et lire complètement ses pensées, comprendre chaque chose en elle. Elle me complimentais. Une chose impensable pour moi jusqu’ici. Qu’étais-je censé répondre ? Qu'étais-je censé lui dire ? Je sentais mes mains tressaillir. Je me reposais contre la rambarde en pierre qui nous faisait face. Les deux mains posées à plat contre la roche. La Princesse Margaery Targaryen me souhaitait que l’on apprécie un jour mes talents. Jamais de toute mon existence je n’avais ressenti pareille chose. J’étais pourtant un immonde tas de fumier dégoutant, j’étais une petite chose monstrueuse, une âme pourrie et recroquevillée, en lambeaux avec un cœur en décomposition.
Comment pouvait-elle se faire ça elle-même ? Penser que j’étais capable ? Elle ? Je déglutissais bruyamment, tentant de cacher du mieux que je le pouvais la tempête qu’elle faisait naître en moi. “Merci… votre Altesse.” Je me répétais bêtement. Les bons sentiments m'effleuraient comme une lame contre mon corps nu.
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Margaery & @"Aurane Waters"
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The passing seasons are but ripples ever repeated in the long long stream. Yet beneath the Sun all things must wear to an end at last.
Tandis que le blond lui contait quelques éléments de ce qui avait été la vie d'Elinor avant son trépas, Margaery laissa un sourire triste se dessiner sur son visage. Elle imaginait sans mal sa cousine dans ce décor marin et bien qu'elle ne lui eut jamais donné d'information sur son mariage, Margaery avait le sentiment que ce dernier n'avait pas été malheureux. Bien sur, elle ne pouvait parler d'amour mais puisqu'elle ne s'était plainte ni du lieu, ni de l'époux, la princesse considérait que la née Tyrell avait sans doute trouvé un certain équilibre ici. « Si ses dernières lunes ont été paisibles, alors voilà un poids en moins sur mes épaules. » avoua-t-elle. Bien qu'elle n'en dise rien, elle ne pouvait nier la part de responsabilité qu'elle avait dans son décès. Certes, ce n'était pas elle qui avait prit la vie d'Elinor, mais elle avait proposé son nom lorsqu'Aegon lui avait confié le désir de Jacaerys de prendre une épouse, elle avait été son chaperon lors de leurs rencontres à la Capitale. Quelques part, c'était un peu sa faute. Au delà d'Elinor, Margaery ressentait une profonde tristesse à l'égard du jeune veuf qui perdait à la fois son épouse mais aussi son enfant. Une petite fille, lui avait-on dit, réveillant sans le savoir l'écho de la perte que la princesse avait connu quelques temps auparavant. La perte d'un enfant était un drame dont on ne se remettait jamais réellement, mais dans le malheur qui l'avait déjà, par deux fois, touché, elle remerciait les Sept de lui avoir rendu Aegon. Sans lui, elle ignorait si elle aurait pu supporter le poids du deuil et de tout le reste.
Un hochement de tête accompagna la remarque suivante. Après avoir été rassurée sur le bonheur, certes relatif, de sa cousine à Lamarck, elle n'était pas mécontente de voir qu'Elinor avait, jusqu'au dernier jour, maintenu l'image de la maison Tyrell. Ils n'étaient pas dornien et les enfants naturels n'étaient aussi bien assumée que dans le royaume du désert, mais il y avait bien assez de Flowers à Hautjardin pour que Margaery, et la génération entière de Tyrell qui avait grandit avec elle, comprenne que le mérite ne dépendait ni du sang, ni du nom. « Nous voguons en de bien dangereuses eaux. Beaucoup oublient que nous avons la chance de connaitre une existence épargnée de bien des souffrances : ni faim, ni maladie comme ce que le petit peuple peut rencontrer dans son quotidien difficile. Et pourtant, il y aura toujours des jaloux, des corrompus, des injustes ... » C'était ce que sa grand-mère lui avait dit lorsqu'elle l'avait initié aux oeuvres de charité. La redistribution d'une part de la richesse de Hautjardin était un devoir sacré et la participation des dames -et dans une certaine mesure des hommes, de la maison Tyrell aux bonnes oeuvres était une obligation qui allait dans le sens de leur réputation de piété et de proximité. En arrivant à Port-Réal, Margaery n'avait pas eu le sentiment que cette part de son éducation était si commune que cela. Finançant des orphelinats et n'hésitant pas à se rendre rue de la soie, en journée bien sur, pour apporter une aumône secourable, elle s'était surprise à découvrir un Culpucier oublié voir évité par les membres d'une noblesse qui préférait fermer les yeux. Cela avait été la force du couple qu'elle formait avec Aegon : un duo apprécié de la noblesse composé d'un parfait prince héritier et d'une dame issue d'une riche et noble famille, l'un excellant dans la politique de Cour et l'autre s'attirant naturellement la sympathie du peuple. Ils auraient formé un couple royal prodigieux, songea-t-elle avec une pointe d'amertume. « Il est important de féliciter la droiture et le courage lorsqu'on le peut. » finit-elle par ajouter, un peu refroidie par ses propres pensées, songeant qu'il était plus facile d'asséner des critiques acerbes que de récompenser les actes de loyauté quotidienne.
Etouffant un gloussement, la jeune femme prit un faux air de fierté bafouée. « L'expérience, peut être ... J'aurai peut être été meilleure si j'étais née Redwyne. »
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┗ THE PRINCESS ROSE ┛
We've been living on a fault line and for a while, you were all mine. I've spent a lifetime giving you my heart I swear that I'll be yours forever : 'til forever falls apart
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