no one ever told me that grief felt so like fear | Talia
Lord Ronchonchon
no one ever told me that grief felt so like fear
302, lune 13, semaine 3 | ft @Talia Rougefort
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Jasper s’avançait vers ses appartements, le visage fermé, les traits tirés par une nuit pas vraiment reposante, à dormir contre un mur suite au corbeau d’Edric. Il venait d’annoncer à Jeyne qu’elle était veuve et à son neveu que son grand père ne rentrerait pas du Nord. Sa gorge était serrée, l’émotion contenu à travers un regard reflétant sa peine. Ses yeux restaient néanmoins sec, il avait pleuré dans l’intimité de ce bureau qui avait appartenu à son père. Il avait laissé sa douleur s’exprimer comme rarement il laissait ses émotions s’exprimer. Avec violence et déraison. Mais aujourd’hui, il était le seigneur de Rougefort, il revêtait ce titre. Trop à ses yeux mais il ne fuyait pas son devoir. Il assumait la charge à laquelle son père l’avait préparé toute sa vie. Il avait été l’héritier des Rougefort, il avait reçu tous les enseignements nécessaires et il prenait la relève en étant prêt. Certes, rien ne serait plus comme avant. Il n’était pas Horton, il n’avait pas ce gout prononcer pour les festivités, il n’était pas aussi jovial et sociable que son paternel. Mais tous devrait faire avec...une fois la période de deuil terminé.
Droit comme un i, il croisa de nombreux serviteurs qui le saluait respectueusement, ignorant encore que leur seigneur ne reviendrait pas. Jasper ne leur répondait pas, son esprit était ailleurs, son regard dans le vide, laissant ses jambes le guider, connaissant par cœur les couloirs de sa demeure pour rejoindre ses appartements qu’il partageait depuis dix ans avec son épouse. C’était à elle qu’il devait annoncer la terrible nouvelle...Et c’était peut-être celle qui le terrifiait le plus. Il n’avait jamais été doué pour parler aux femmes et son épouse faisait malheureusement partie du lot. Pourtant, il cherchait toujours à bien faire, à ne pas la blesser...mais c’était parfois une mission délicate car incapable de trouver les bons moments, le bon ton pour lui parler. Et ce matin-là, il se demandait comment il pourrait annoncer cela en douceur à son épouse qui attendait leur premier enfant pour les semaines à venir ? Il ne voyait pas et cela le terrifiait. Cette peur se mêlait à la douleur de la perte et il savait que ce ne serait pas une chose aisée...
Il arriva devant la porte de ses appartements. Il baissa la tête et inspira profondément un instant avant de pousser la porte et de pénétrer dans la pièce. Il la referma derrière lui et ses yeux cherchèrent la née Vanbois. « Talia ? » appela-t-il afin de savoir où elle se trouvait pour la rejoindre. Il espérait également que son apparence ne lui fasse pas peur. N’ayant pas dormi à ses côtés, il n’était pas rafraichi, ni dans des vêtements propres. Ses cheveux bouclés étaient en pagaille et sa barbe hirsute. Sans parler du reste de son visage. En entendant la voix de son épouse dans leur chambre à coucher, l’homme la rejoignit. Il posa ses yeux sur elle. Elle était magnifique malgré sa grossesse. Son ventre rond était plein de promesse qui ne pouvait que ravir le couple. Et peu importe l’expression qui pouvait naître sur le visage de la blonde, Jasper la trouvait tout simplement belle. Et il devait lui annoncer la mort d’Horton...cela lui brisait le cœur d’avance de voir ses traits se déformaient sous la peine, de voir peut-être les larmes s’échappaient de ses yeux bleus...Mais il le fallait...Elle devait savoir comme le reste de la famille...
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À peine reposée de sa nuit, la future maman s’était attardée un peu plus longtemps dans le lit ce matin, renvoyant sa servante. Aussi, elle avait bien remarqué que Jasper n’était pas rentré de la nuit, ce qui l’inquiétait, et elle espérait encore le voir retrouver son chemin jusqu’à leur couche. Alors que le chant des oiseaux se multipliaient au dehors, elle s’était finalement redressé, lentement et avec beaucoup de difficultés, appelant sa servante personnelle pour l’aider et ne pas retomber aussitôt. Lorra l’avait également habillée, assez simplement. Par chance elle ne portait plus de corsets depuis plusieurs lunes, mais plus aucune de ses robes ne lui allait. Jeyne l’avait aidé à ajuster deux de ses anciennes robes de grossesse. Talia s’était finalement installée devant sa coiffeuse pour prendre soin de sa belle chevelure blonde comme les blés, tandis que Lorra devait lui rapporter de quoi se sustenter, non sans d’abord passer par la roukerie pour voir si des nouvelles lui étaient parvenues de sa mère ou de ses soeurs.
Cela ne faisait que quelques minutes qu’elle avait commencé à passer sa brosse dans ses longueurs, lorsque la voix de son époux se fit enfin entendre. “Je suis là.” lui indiqua-t-elle de sa douce voix, pour l’inviter à s’avancer un peu plus. Elle lui offrit un doux sourire dans le reflet du miroir. Mais lorsqu’enfin elle put l’y voir, elle sut tout de suite que quelque chose n’allait pas. Il avait les cheveux en bataille, l’air abattu, les joues mangées par une barbe naissante. La Rougefort laissa tomber sa chevelure en cascade, déposa sa brosse, puis se tourna vers lui aussi vite que son ventre encombrant le lui permettait. “Vous, vous n’êtes pas venu vous coucher de la nuit… Où avez-vous dormi ?” Elle sentit les battements de son coeur s’accélérer, le sang lui monter au visage, tandis que son estomac se trouvait étonnamment lourd, alors qu’il était encore vide. “Jasper, que se passe-t-il ?” Ses sourcils un peu plus sombre que sa belle chevelure s’était froncés, alors qu’elle tentait de se relever de son petit fauteuil pour avancer vers lui. Mais elle se rendit rapidement compte que sans assistance, l’opération était tout simplement impossible. Elle tandis alors une main vers lui, paume ouverte, l’invitant à se rapprocher d’elle. Son autre main vint instinctivement se poser sur son énorme ventre, caressant de manière protectrice l’enfant qui grandissait en son sein. Elle si souriante habituellement n’avait plus aucune envie de sourire.
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Il aurait pu s’y attendre qu’elle lui demande où il avait passé la nuit. Il l’avait lâchement abandonné, préférant se noyer dans son chagrin seul, dans le silence de la nuit, contre le froid des pierres. Elle aurait pu partager son fardeau, sa peine avec lui, mais il s’était gardé ce moment de souffrance à lui tout seul, dans la solitude la plus profonde, repoussant même les mots réconfortant du mestre. Il s’était allé, laissant sa colère gronder. Il lui avait épargné cette vue déplorable. Il lui avait épargnée la peur de le voir perdre pied et avoir un excès de colère. Il avait préféré souffrir seul plutôt que de la faire souffrir. Pourtant, il allait devoir lui dire. Et Jasper ne saurait dire si le fait de prononcer ces mots douloureux le faisait plus souffrir que de savoir Talia en proie au chagrin ? Probablement un peu des deux. « Dans le bureau de… » Sa voix avait été faible et s’était brisé au moment de dire le nom de son père. Désormais c’était son bureau. Mais il ne pouvait le lui dire comme cela. Talia était intelligente et aurait vite comprit, trop vite comprit probablement. Mais elle posa la question qu’il redoutait. Jasper déglutit mais réagit rapidement, en silence quand elle tenta de se lever en vain pour le rejoindre. En quelques enjambées le nouveau seigneur des lieux la rejoignit, glissant sa main dans la sienne et posant celle libre sur l’épaule de la jolie blonde, afin qu’elle reste assise. Il baissa la tête légèrement. Ses yeux bruns vinrent se poser sur le ventre qu’elle tenait de façon protectrice. Jamais son père ne pourrait voir son ou sa petit/petite fils/fille.
Le silence régna un instant, Jasper cherchant son courage. « Mon père ne reviendra pas… » Ses mots étaient à peine plus audible qu’un murmure, sa gorge était serrée mais ses yeux restaient secs. Il avait déjà pleuré, il s’était déjà laissé au chagrin de la nouvelle. Il devait juste se montrer présent pour elle. Il savait le lien fort qui unissait son épouse à son père. Elle en souffrirait, il en était persuadé. Et il était de son devoir de la soutenir dans le deuil, aussi douloureux qu’il soit pour lui-même. Talia était presque à terme et il refusait que la nouvelle puisse leur faire perdre leur enfant s’il la négligeait en ce moment difficile.
Il se sentait faiblir, les larmes menaçant de couler sur ses joues râpeuses. Il lâcha l’épaule de son épouse pour venir enrober celle de son épouse qu’il tenait déjà de l’autre. Il porta doucement à ses lèvres pour y déposer un léger baiser. Il se raccrocha à ce geste pour tenir, ravaler ses larmes. Il devait se tenir prêt à réagir si elle faiblissait à cause de l’émotion. Il ne voulait pas la perdre, il ne voulait pas perdre l’enfant. Pas maintenant, pas alors qu’il venait de perdre son père.
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Du moins il ne rechigna pas à la rejoindre lorsqu’elle lui tendit la main, l’invitant même à rester confortablement assise sur son petit fauteuil. Mais l’air grave de Jasper ne disparut pas à son contact et ses silences se firent plus inquiétant encore pour Talia qui n’y alla pas par quatre chemins et l’interrogea directement sur les raisons de son état. Il sembla un instant à l’épouse Rougefort que le silence qui précéda l’annonce fut si solennel que ses oreilles se mirent légèrement à bourdonner. Puis ce fut le choc. “Pardon ?” souffla-t-elle, interpelée, incertaine des mots que venait de prononcer Jasper. Pourtant elle avait entendu, parfaitement entendu, mais il fallait quelques secondes à son esprit pour intégrer le sens profond d’une telle révélation. Elle sentit son pouls s’accélérer et une vive chaleur la prendre au visage et à la gorge. Ses yeux ne tardèrent pas à s’embuer et son corps se mit à trembler légèrement, annonçant qu’elle ne tarderait pas à pleurer. Toujours incapable de se lever par elle-même, la main de son époux sur son épaule la maintenant en position, elle tira finalement sur les doigts larges qu’elle avait enserré de son autre main, ignorant la corne et les coupures. Son geste était tendre mais ferme. Elle avait besoin qu’il se mette à sa hauteur. Talia voulait le prendre dans ses bras, mais elle avait toujours eu une carrure bien trop faible par rapport à celle de Jasper et l’encombrement de son ventre n’y avait rien arrangé. “Je suis désolée, tellement désolée Jasper.” lui dit-elle d’une voix tremblante après qu’il ait déposé un baiser sur sa main. L’image de l’ancien seigneur lui revint en mémoire, avec ce sourire malicieux et toujours ce mot encourageant pour elle. “Que les Sept veillent sur lui à présent.” souffla-t-elle en baissant le visage alors que les larmes commençaient à couler sur ses joues. Jasper perdait son père, son seigneur. Jeyne était à présent veuve. Rougefort semblerait si vide sans lui. Le Val d’Arryn venait de perdre un grand seigneur. Mais elle ne réalisait pas encore la propre peine qu’elle aurait à porter par la suite pour son ami, bien plus inquiète pour son époux et sa belle-mère. “Et Mychel ?!” demanda-t-elle précipitamment en relevant ses yeux mouillés vers Jasper. Elle n’osait pas le questionner sur les Vanbois et ses autres neveux, d’autant plus que Jasper n’aurait peut-être pas de nouvelles.
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Jasper ne put que baisser la tête, comme un enfant pris en faute. Il savait qu’il aurait pu trouver un peu de réconfort dans son chagrin et sa peine au côté de son épouse. Mais il n’avait pas eu le courage. Peut-être un de ses plus grands signes de faiblesse fasse au deuil. Il n’avait pas su gérer la nouvelle et faire face à ses émotions. S’isoler avait été la seule solution à ses yeux, la plus adéquate afin de ne pas commettre un acte qu’il aurait pu regretter sous le coup du chagrin. Il se souvenait clairement de sa première réaction : la colère. Envoyant valser contre les murs et le sol le contenu du bureau, criant sur le mestre énonçant simplement une triste vérité qu’il ne voulait pas entendre. Il ne s’était pas senti en état de rejoindre Talia au risque de la faire souffrir. Il se refusait à être près d’elle, s’il n’était pas maître de ses actions et de son esprit. Et hier soir, il ne l’avait pas été et avait préféré la solitude et le froid à la compagnie et la chaleur d’un lit. C’était ainsi. Il ne répondit rien à son épouse, pas même un des grognements dont il avait l’habitude quand il n’avait rien à dire en dehors d’acquiescer. Malgré leurs dix années de vie commune, trop souvent Jasper ne savait pas quoi répondre à son épouse. Il était si peu loquace et elle si à l’aise avec les mots. Mais ce matin-là, aucun son ne franchit sa gorge.
Talia mit quelques secondes à comprendre la nouvelle. La surprise et l’intégration des mots qu’il venait de prononcer mirent quelques instants à faire leur chemin. Jasper lui-même avait mit du temps avant d’accepter l’accablante nouvelle. Il fallait passer le choc de l’annonce et malgré la surprise et l’invitation à répéter, Jasper ne put reprononcer les mots qu’il venait de dire. La douleur était trop vive dans son cœur. Mais il sentit le corps de son épouse trembler légèrement, il savait qu’elle avait intégré l’information et que cette dernière avait fait son chemin jusqu’au cœur de la née Vanbois. Lui, luttait toujours contre ses propres émotions et ses propres larmes. Il ne résista pas quand elle l’attira vers lui afin qu’il soit à sa hauteur. Mais les mots de son épouse lui firent rougir les yeux, ravaler ses larmes qu’il avait promis de ne plus verser devenait plus compliqué. Sa gorge était nouée, ne pouvant provoquer aucun son.
Il vit les joues de Talia se couvrir doucement de larmes face à la nouvelle. Jasper tenta doucement d’en essuyer quelques-unes du revers de sa main. Un petit geste de réconfort, ne sachant pas comment la réconforter. Il se sentait démuni. A la fois en deuil en faisant face à sa propre douleur et voir son épouse dans cet état ne l’aidaient pas. Elle demanda alors des nouvelles de Mychel, lui aussi partit au Nord. Heureusement pour lui, ses deux frères revenaient vivants de ce combat. Les Rougefort aurait bien eu du mal à surmonter plus de perte. « Il a été gravement blessé, il rentrera parmi nous une fois qu’il sera un état de faire le voyage du retour. Et Jon va bien, il est en route pour Haye Pierre puis nous rejoindra. » Sa voix était faible mais donner des nouvelles de ses frères lui permettait de chasser ses émotions trop violentes liées à la disparition de son père. « Eldric sera là d’ici une quinzaine de jours pour nous donner plus de détails. Son message était…court. » Il n’avait pas plus de nouvelle que celle de ses frères et de son père via son oncle qui sur le chemin de retour, donc vivant à son grand soulagement.
Il leva ses yeux noisette vers la jolie blonde. Elle semblait si pâle. Le cœur de Jasper s’emballa quelque peu inquiet de son état. « Vous êtes bien pâle. Vous devriez vous allonger. » Aussi délicatement qu’il le put, Jasper aida son épouse à se remettre sur pieds et l’aida à se rendre jusqu’à leur lit pour qu’elle puisse s’allonger et retrouver quelques couleurs sur ses joues.
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Affaiblie et sonnée, Talia se laissa faire, alors que Jasper l’aida à se relever pour la guider vers leur lit, l’encourageant à se reposer. Ca n’est qu’après plusieurs pas qu’elle sortie de son espèce de transe et reprit pleinement ses esprits. “Je, je ne veux pas m’allonger, je veux vous aider, je veux être avec vous. Comment puis-je vous aider Jasper ?” demanda-t-elle presque implorante. Mais avant même qu’elle ne s’en rende compte, ses jambes se dérobèrent sous son poids et seule la présence de son époux l’empêcha de s’étaler de tout son long sur la pierre. Lorra qui revenait justement avec de quoi grignoter lâcha précipitamment son plateau pour venir aider le nouveau seigneur des lieux à la redresser. Talia de son côté commençait à céder à la panique et à laisser l’émotion la submerger. “Je... je ne parviens plus à respirer…” haleta-t-elle en tirant sur le laçage de sa robe, sentant la chaleur l’envahir plus encore. Elle ne voulait même pas songer à ce qu’il pourrait arriver au bébé. Et pourtant il lui était difficile de ne pas songer au pire dans cet état d’esprit. Les doigts de Lorra se mélèrent aux siens, bien plus assurés et précis que les siens pour desserrer les liens et lui permettre de reprendre une longue bouffée d’air.
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Elle refusa d’aller prendre un peu de repos, elle le suppliait de lui dire comment elle pouvait l’aider. Mais Jasper n’eut guère le temps de lui répondre que les jambes de son épouse abandonnèrent le combat. Il lui évita de s’effondrer à terre et de se blesser. Il réussit à la retenir mais mal équilibrer il put la redresser qu’avec l’aide de la servante de Talia qui arriva à ce moment-là. Elle l’aida à allonger la nouvelle de Dame de Rougefort qui commença à paniquer sous yeux impuissant du chevalier. Il se sentit bien idiot à ne pas pouvoir l’aider alors qu’elle n’arrivait plus à respirer. Lorra avec des gestes experts se mit à délasser le corsage de sa maîtresse pour lui permettre de respirer convenablement. Pourquoi diable devait-elle porter cet objet de torture lui coupant le souffle alors qu’elle portait la vie ? Il ne comprenait pas l’utilité de cet objet qui était d’ailleurs faut peu pratique quand ils avaient la chance de partager un moment d’intimité dont eux seuls étaient les témoins.
Voyant que la chaleur lui montait aux joues, Jasper alla prendre un linge et l’humidifia en le plongeant dans une bassine d’eau fraîche non loin. Il alla tapoter maladroitement le front de son épouse pour la rafraichir. La servante réussie à la débarrasser de corsage permettant à sa maîtresse de respirer un peu mieux. Le Rougefort continuait à rafraichir le front de la jolie blonde. « Allez chercher le mestre je vous prie. » demanda l’homme à la servante. Il voulait être sur qu’elle aillait bien, que le bébé allait bien. Il avait besoin d’elle et il voulait la savoir en bonne santé. Il mettait cette faiblesse sous le coup de l’émotion mais Jasper préférait avoir un excès de prudence.
Une fois le couple de nouveau seul, Jasper s’assit face à son épouse sur le lit. Il lui prit délicatement la main. « Si vous voulez m’aider Talia, prenez soin de vous. Garder vos forces pour l’accouchement. Je ne veux pas vous perdre parce que vous désirez m’aider. J’ai besoin de vous savoir en bonne santé, d’avoir l’esprit tranquille à ce sujet. » Quand elle serait remise de tous les évènements alors elle pourrait l’aider, le soutenir et le seconder dans son nouveau rôle. Car le couple se complétait que trop bien. Talia comblait le manque d’aisance de Jasper en société, elle était sa douceur et son sourire. Elle était plus que son épouse et la mère de son futur enfant. S’ils avaient eu du mal à s’apprivoiser et que leur amour n’était pas mièvre comme certains tourtereaux, aujourd’hui, le nouveau seigneur de Rougefort ne pouvait imaginer sa vie sans son épouse. « Pouvez-vous faire cela ? » Il avait besoin de l’entendre pour se sentir un poids en moins. Il n’aurait plus qu’à espérer que le mestre soit rassurant sur l’état de la jeune femme, et Jasper pourrait presque dormir l’esprit tranquille.
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Elle rouvrit finalement les yeux, un peu plus calme, alors que sa voix résonna à nouveau dans la pièce. C’était à Lorra qu’il s’adressait. Cette dernière lui jeta un coup d’oeil. Pas qu’elle ne voulait pas obéir au nouveau maître des lieux, mais elle se montrait très protectrice envers elle et voulait s’assurer qu’il n’y avait rien d’autre. “S’il vous plaît Lorra.” ajouta-t-elle avec un sourire encourageant, cherchant à la rassurer sur son état. Puis dès que la jeune femme eut le dos tourné, sa prise sur le bras de son mari se fit un peu plus forte. Elle souhaitait de tout son coeur que les nouvelles du mestre ne soient pas alarmantes.
Finalement Jasper reposa le linge humide et s’assit à ses côtés, prenant ses mains dans les siennes. Elle l’écouta attentivement alors qu’il lui indiquait comment elle pouvait l’aider, mais rapidement ses yeux se baissèrent, honteuse et dépitée. Elle hocha cependant la tête par la positive et libéra une main délicatement pour la poser sur son ventre rond. “Je mènerai cette grossesse à terme et je vous donnerai un enfant en bonne santé.” dit-elle d’une voix qui se voulait volontaire, néanmoins teintée d’émotions. Peut-être que si elle le répétait suffisamment de fois, elle en serait réellement persuadée et tout se passerait bien. Elle redoublerait de prières pour les Sept pour que cela soit le cas, c’était certain. “Je ne vous donnerai aucune raison de vous en faire pour moi. Vous avez effectivement assez de choses à songer maintenant.” La culpabilité étrangla la fin de sa phrase. Elle ne se sentait pas à la hauteur, mais une chose était certaine, elle se refusait d’être un poids pour Jasper. Cela ne changeait pas qu’elle aurait aimé pouvoir faire plus. Mais il avait raison, cela serait risqué à ce stade de la grossesse que de ne pas s’écouter. Elle prit finalement les mains de Jasper pour les poser sur son ventre, espérant le rassurer sur ce point. Réceptif à cette main parentale, elle sentit l’enfant bouger en elle, pousser sur son ventre de l’intérieur. “Tout va bien.” Elle le répéterait encore et encore. L’arrivée du mestre en compagnie de Lorra lui fit finalement relever la tête et desserrer sa prise sur les mains du Rougefort.
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Talia le rassura. Lui assurant qu’elle mènerait sa grossesse à bien et qu’ils pourraient tenir leur enfant entre leur bras. Il ne désirait que cela désormais. Voir le visage de son fils ou de sa fille. Partager ce moment de bonheur avec elle. Il en avait besoin après la terrible nouvelle qui venait d’arriver. Toute la famille en avait besoin. « Je vous en remercie » dit-il en embrassant les mains de son épouse avec toute la tendresse dont il était capable. Ce qui n’était pas toujours évident pour lui. Trop bourru, parfois indélicat. Mais dans ce deuil qui était le leur, ils étaient tous affectés. Talia était sensible, bien plus que lui. Et désormais il n’y avait plus Horton pour la rassurer. Il n’y avait plus que lui. Alors il devait faire des efforts et se montrer plus délicat avec elle.
Son épouse guida ses mains cornées par les années de chevalerie sur son ventre rond. Comme pour témoigner de sa bonne santé, l’enfant bougea sous la paume de sa main. La sensation était étrange mais merveilleuse. La voix douce de Talia lui parvint. Oui tout allait bien. Son cœur pouvait se desserrer dans sa poitrine. Un sourire s’installa sur son visage fatigué. Un sourire franc et spontanée. Jasper était ému de sentir de façon si concrète son enfant. « Je... » il n’avait décidément pas les mots pour dire ce que son cœur ressentait au moment présent.
Lorra et le mestre vinrent interrompre ce moment entre mari et femme. Jasper se leva mais resta prêt de son épouse. L’homme de la Citadelle les salua. Il marqua une hésitation à appeler le maître des lieux par « mon seigneur » se souvenant de la colère qui avait été la sienne la veille. Il s’y osa. Mais nulle colère aujourd’hui, juste un regard bougon encore peu habitué à être considéré comme le nouveau Lord Rougefort. Il le laissa ausculter Talia, attendant son verdict. L’enfant semblait aller bien mais quand était-il de son épouse ? Au bout de plusieurs minutes, le diagnostique tomba. « Pour le moment tout le monde va bien » commença-t-il d’un ton qui se voulait rassurant. « Mais ce genre de faiblesse quelques semaines avant le terme n’est guère rassurant, il serait plus prudent que vous restiez alité jusqu’à la fin de votre grossesse ma Dame. » Jasper se retint un grognement de mécontentement. Décidément, en moins de vingt-quatre heures, il avait le chic pour annoncer les mauvaises nouvelles.
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Talia accepta le verdict du mestre, indiquant que sa servante resterait à ses côtés. Le regard de Jasper se posa sur la jeune fille qui s’occupait de son épouse. Dans les yeux noisettes du nouveau seigneur Rougefort, le message était claire : elle devait être irréprochable, s’occuper de sa maîtresse à la perfection. Il ne supporterait pas de voir Talia encore plus mal en point avec le risque de perdre leur enfant. La question de son épouse lui fit détourner les yeux. Il les posa sur le mestre, et cette fois ci le regard fut plus noir que jamais à l’encontre de l’homme porteur de nouvelles noires. Il n’avait pas intérêt à refuser cela à la née Vanbois. Être alitée devait être suffisamment pénible pour priver la jeune femme de la distraction d’une correspondance. Le mestre accepta la requête de la Rougefort avant de s’écarter en compagnie de Lorra qui allait recevoir les instructions pour s’occuper de sa maîtresse.
Quand Talia lui tira doucement la main pour attirer son attention, Jasper s’assit au bord du lit pour lui faire face. Elle le supplia de revenir toutes les nuits à ses côtés, de ne plus passer la nuit dans l’ancien bureau d’Horton. Il ignorait s’il pouvait tenir une telle promesse, mais il pouvait essayer, si cela la rassurait et lui permettait d’être tranquille jusqu’à l’accouchement. « Je ferais mon possible. » lui assura-t-il. Le nouveau seigneur se privait bien souvent de la chaleur de la couche conjugale pour x ou y raison. Parfois, jugeant avoir trop bu il refusait d’approcher dame son épouse de peur de lui faire du mal dans ses mots ou dans ses gestes, parfois car il était contrarié à cause de diverses situations et il ne voulait pas laisser la colère lui faire commettre des choses qu’il pourrait regretter par la suite. Il se savait maladroit, prompt à la contrariété. Et il refusait de laisser ses émotions lui faire perdre le contrôle de ses faits et gestes. Alors il ne pouvait qu’essayer de rejoindre son épouse chaque soir. Le lui promettre était impossible malheureusement.
Elle aborda le sujet du corps de son père. Sa gorge se noua de nouveau, mais il contrôla sa tristesse et sa douleur. « Je ne sais pas. Le mot d’Eldric était très court, très sommaire. Nous devons attendre qu’il revienne pour en savoir plus. » Il espérait que Jon, Mychel et Eldric avaient pu dire au revoir dignement à Horton. Qu’il avait pu avoir des funérailles correctes à défaut d’en avoir à la hauteur de ce qu’il fut de son vivant. Probablement qu’il organiserait une veillé funéraire en l’honneur de son père une fois que tout le monde serait de retour à la maison. Il devait écrire à Creighton et Ysilla, toujours dans le Bief, pour leur apprendre la terrible nouvelle. « Vous devriez écrire à votre mère, pour avoir des nouvelles dès votres qui sont partis se battre là-bas. Un corbeau sera plus rapide que mon oncle qui pourrait mettre une bonne semaine à nous revenir. »
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Comme le mestre et Lorra s’étaient écartés du lit, Talia en profita pour faire promettre une chose à son époux. Sa réponse ne vint pas aisément, néanmoins il lui promit d’essayer. Elle baissa la tête, attristée, mais elle comprenait qu’il allait avoir beaucoup à faire, des choses qui n’auraient probablement rien de gaies et que dans ces cas-là, ça n’était pas sa compagnie qu’il recherchait. En dix années de mariage, Talia avait pris l’habitude de se réveiller occasionnellement dans un lit qui n’avait pas été défait du côté de son époux. Mais jusque-là, elle avait pu partir à sa recherche ensuite, ce qui n’allait plus être le cas dès à présent et pour une durée tout à fait approximative. “Cela me rassurera. Et peut-être aurais-je la possibilité de vous remonter le moral après les dures journées qui s’annoncent.” Elle avait relevé ses beaux yeux bleus sur lui, posant une main délicatement sur sa joue rendue rugueuse par la naissance d’une nouvelle barbe. “Merci.” ajouta-t-elle doucement, sachant combien il n’était pas naturel pour son époux de penser à toutes ces petites choses.
Puis la jolie née-Vanbois n’avait pu s’empêcher d’en revenir au sujet douloureux, bien trop inquiète pour l’âme de son défunt beau-père. Son sourire était devenu triste et elle hochait doucement le visage en écoutant les réponses de Jasper. “Quoi qu’il en soit, je pense que cela serait une bonne idée d’organiser quelque chose ici aussi, que nous puissions tous lui dire au revoir.” Elle s'interrompit un instant. “Mais il est encore trop tôt pour en parler. Attendons le retour de Mychel et oncle Eldric.” Elle caressa affectueusement les mains du nouveau seigneur de Rougefort, cherchant à le réconforter. “Oui, je lui écrirais dans l’après-midi, lorsque je serais moins émotive.” lui répondit-elle lorsqu’il évoqua une lettre pour sa mère à Chênes-en-Fer. Elle ne voulait pas que sa main tremble ou que des larmes ne viennent tacher le papier, elle était persuadée que sa mère attendait plus de courage et de dignité de sa part. Sans compter qu’imaginer la réponse de sa mère et les tristes nouvelles qui pourraient s’y trouver l’inquiétait déjà. “Je sais que ma demande est peu ordinaire, mais comme je ne dois plus quitter ce lit… Serait-il possible de demander à Lady Jeyne de venir me voir, si elle le veut bien ? Je ne voudrais pas qu’elle reste seule maintenant…” Elle offrit un nouveau triste sourire à Jasper, serrant encore un peu plus ses doigts entre les siens.
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La promesse à faire à Talia était une chose que Jasper ne pouvait faire, il pouvait essayer mais ses démons, ses craintes prenaient souvent le dessus, le faisant s’isoler afin qu’elle ne souffre pas de son humeur morose ou colérique. Il la savait empathique, et il ne voulait pas lui laisser entre voir ce genre de chose. Il avait bien trop peur de perdre le contrôle, de la blesser dans une parole trop dure. Car il savait pertinemment qu’il n’était parfois pas un tendre. Trop bourru, trop franc et ses yeux pouvaient refléter une colère dangereuse qu’il ne voulait pas imposer à sa famille. Et en ces temps troublé, à son épouse qui attendait leur premier enfant. Les intentions de la née-Vanbois étaient douces et pouvait faire fondre bien des cœurs. Mais celui de Jasper pourrait ne pas se laisser attendrir, résistant à des mots doux qui pourraient sortir de la bouche de la jolie blonde. Il pourrait écouter mais il ne serait parler en dehors que par des grognements révélateurs de son humeur du moment. Il essaierait de revenir chaque soir, pour apaiser ses craintes à elle. Mais le lui promettre était bel et bien impossible. Refusant de lui faire vivre des émotions trop fortes par sa faute.
N’ayant que peu d’information sur les détails de la mort de son père, Jasper dut avouer devoir attendre le retour d’Eldric pour connaître les évènements de la bataille qui avait eu lieu à Winterfell. Il acquieça à la proposition de son épouse, d’organiser un petit quelque chose afin de faire des adieux convenables à un grand seigneur qui avait une place particulière dans leur cœur. « Oui et nous attendrons que vous puissiez vous déplacer de nouveau. Ainsi que le retour de Creighton et Ysilla de Villevieille. » Si une veillée funéraire devait être organiser à Rougefort, il voulait que toute la famille soit présente. Ses quatre frères et leur épouse.
Talia écrirait au Vanbois dans l’après midi et ainsi avoir des nouvelles de sa famille maternelle qui avait fourni de nombreux hommes dans cette bataille. Jasper acquiesça, comprenant que trop bien le désir de laisser passer les émotions avant de faire quoique ce soit. Il avait eu cette réaction la vieille en apprenant la nouvelle.
Elle lui fit une requête, désirant avoir la compagnie de Jeyne, veuve d’Horton. Jasper acquiesça à la demande. « Bien évidemment. Désirez vous qu’elle vienne à Zachery ? » Le petit garçon semblait avoir comprit qu’il ne révérait plus son grand père, et ses yeux brillants d’émotion avait serré le cœur de son oncle. Jeyne avait pris sur elle et sur sa pine pour s’occuper du petit garçon pendant que Jasper allait voir son épouse. L’homme vint déposer un léger baiser sur le front de son épouse. « Je vais vous laisser vous reposer, si vous avez besoin de quoique ce soit n’hésitez pas. » dit-il. Il avait à faire, des lettres sombres à écrire, notamment à Creighton. La journée s’annonçait encore bien longue.
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Invité
Après l’autorisation du mestre pour continuer ses diverses correspondances, Talia demanda une dernière chose à son époux : elle voulait voir Jeyne. Si elle n’avait pas été enceinte, elle se serait précipitée à ses côtés dès sa discussion avec Jasper terminée, mais ça n’était plus une option pour elle à présent. Son époux s’y plia de bon grès, proposant même que Zachery l’accompagne. Dans l’intimité de leurs appartements, malgré la présence lointaine du mestre et de Lorra, Talia ne put retenir une légère crispation de la bouche. À présent qu’elle devait rester alitée de la sorte, elle ne pourrait plus être d’aucune aide pour son neveu. Et elle ne savait pas si Jeyne avait l’énergie nécessaire pour s’occuper de lui tandis qu’elles converseraient… Mais l’air était triste et lourd dans les murs de Rougefort et elle ne pouvait se résoudre à laisser le petit Zachery tout seul dans un tel contexte. “Oui, c’est une bonne idée.” commença-t-elle doucement. “Lorra, pourra jouer avec lui ici, pour soulager Jeyne.” continua-t-elle en parlant un peu plus fort, afin que ladite Lorra entende justement ce qui était attendu d’elle. Puis sentant son époux prêt à se dérober, elle le retint une dernière fois, attrapant ses mains dans les siennes. “Mes pensées seront avec vous aujourd’hui. Et vous pourrez vous reposer sur moi ce soir.” promit-elle doucement, avec un sourire encourageant. Ses doigts desserrèrent leur emprise et elle laissa Jasper quitter leurs appartements, le mestre sur ses talons, tandis que Lorra revenait à ses côtés pour s’assurer qu’elle était confortablement installée et savoir de quoi elle aurait besoin dans les prochains instants.
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