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Décorer le silence | ft. Marillion
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Décorer le silence
An 299, lune 12, semaine 2
Marillion & Vaelle Velaryon
Vaelle leva les yeux vers le ciel ocre. Le soleil embrasait de ses derniers rayons la voute qui, bientôt, rabattrait timidement ses couvertures d’encre sur ses joues, dissimulant ainsi ses traits au monde. Les dernières tiédeurs de l’automne caressaient le visage de la jeune femme et les corps dansant de ses invités. Elle avait consacré tant d’heures et d’efforts à préparer cette dernière soirée avant l’hiver que seul un temps inclément aurait pu la gâcher. Elle sourit et ses yeux pétillèrent d’autant plus lorsqu’elle observa les hôtes qui tournoyaient au rythme des musiques légères, leurs silhouettes dessinant d’immenses ombres sur les terrasses à étages de Marée-Haute. L’alégresse régnait sur les esplanades pavées. Les plus mélancoliques s’étaient accoudés aux rambardes de marbre surplombant la mer orange qui scintillait comme une immense flaque de joyaux.
La cinquantaine d’invités exultait. Tous avaient conscience que dans le courant des prochaines lunes, on se calfeutrerait dans les châteaux et on passerait ses journées emmitouflés dans des pelures à maudire la neige et l’humidité. Il s’agissait du dernier banquet avant le gel. La plupart des hôtes étaient des notables de Lamarck : des bourgeois, des commerçants, des marchands… mais quelques nobles de la presqu’île de Claquepince s’étaient joints à la fête. Vaemond n’avait pas répondu aux messages que sa sœur lui avait envoyés pour le convier.
Soudain, en dépit du brouhaha qui l’entourait, la Velaryon se sentit seule. Son frère ne désirait plus la voir, son mari était parti une fois encore à bord de son bateau et, cette fois, Aurane et Monterys étaient avec lui. Elle pinça légèrement les lèvres. Ce sentiment couvait depuis quelques semaines, mais les préparatifs du banquet l’avaient tellement obnubilée qu’elle était restée sourde et aveugle à son cœur. Désormais qu’elle se trouvait devant le fait accompli, elle se sentait désespérément vide. Ce n’était pas la première fois qu’elle se sentait lâcher prise de la sorte. Non… en vérité, c’était un trou béant au fond d’elle, constant et inexplicable. Alors, elle le bouchait avec l’attention qu’on lui portait, avec sa recherche d’un idéal, avec la quête éperdue de la perfection…
Les invités étaient gâtés. Sur les immenses tables dispersées sur les terrasses, on pouvait trouver de tous les mets possibles et imaginables. Le poisson était cependant omniprésent. La pièce centrale, la plus impressionnante était un immense espadon bleu pêché par un homme de Port-d’Epice. Celui-ci, très fier, se trouvait d’ailleurs à côté de sa prise et se plaisait à raconter ses exploits à quiconque osait s’approcher d’un peu trop près pour admirer la bête.
« Félicitations ! » entendit-elle dans son dos. « Vous vous êtes encore surpassée, lady Velaryon ! »
Un bourgeois promenant son énorme bedaine avec fierté arriva à sa hauteur. Elle le salua pour la troisième fois ce soir-là.
« Qui serions-nous pour nous refuser nuit pareille ? Des sauvages, je vous le dis ! Et nous devions tirer notre révérence comme il se devait à cet automne si charmant. »
L’autre acquiesça avec un hoquet et lui proposa son bras.
« M’accompagnerez-vous ? Ce serait outrage que de ne pas profiter de vos efforts ! Marillion va commencer à jouer. »
A la mention du nom du ménestrel, l’intérêt de la jeune femme s’éveilla. Bien sûr qu’elle se devait d’assister à son spectacle ! Après tout, comme cette soirée, il s’agissait là de son ultime représentation à Marée-Haute. Il repartait pour Port-Réal dans quelques jours et Vaelle avait lutté contre les larmes lors de cette annonce. Le musicien était d’une compagnie excellente et savait égayer les invités comme personne. L’inviter à Lamarck fut une des meilleures décisions qu’elle ait prises.
Elle glissa son bras dans celui potelé du bourgeois qui hoqueta à nouveau. Elle appréciait Shent. C’était un habitué des soirées à Marée-Haute. Jovial et bon vivant, il ne dissimulait ses penchants grivois à personne. Néanmoins, elle aimait moins ses grosses paluches moites qui se permettaient d’effleurer les siennes et encore moins les marques de gras qu’il laissait sur le satin bleu ciel de sa robe. Elle se tut cependant et continua d’afficher un sourire léger tandis qu’ils se dirigeaient vers le petit théâtre qui avait été monté là. De grands flambeaux illuminaient l’endroit de vacillements merveilleux.
Déjà, Marillion avait pris place, juché sur un tabouret haut et habillé de vives couleurs. Dans l’obscurité tremblante du crépuscule, il ressemblait à une lanterne dont la lumière attirait tous les insectes. Devant lui, en contrebas, des troupes d’invités s’agglutinaient en pépiant. L’impatience était palpable.
On s’écarta au passage de lady Velaryon à qui une place sur le devant avait été réservée. Shent profita du privilège et offrit sa grosse mine réjouit à l’assemblée.
Bientôt, les notes enchanteresses du joueur de luth firent vibrer l’air.
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An 299, lune 12, semaine 2
Marillion & Vaelle Velaryon
La fin de l’an 299 marqua aussi la fin de l’automne qui avait vu Marillion acquérir la reconnaissance des nobles gens de Port-Réal. Les bourgeois et les nantis l’invitaient à animer leurs réceptions et leurs soupers, auxquels il recevait éloges et grasses rémunérations. Cette réputation naissante l’avait amené à être sollicité par des familles de plus en plus prestigieuses. Dès lors, il avait reçu plusieurs offres alléchantes, mais la plus intéressante avait été celle de lady Vaelle Velaryon, une jeune dame de quelques années son aînée qui rassemblait toutes les qualités chères au coeur du musicien : elle était belle, elle était riche, et une vraie amatrice d’art, de surcroît. Elle l’avait ainsi invité à venir jouer dans sa demeure de Marée-Haute, une superbe forteresse de marbre surplombant la mer. Ce lieu idyllique avait tout de suite séduit le chanteur, qui s’était senti gagné par l’inspiration et avait ainsi composé de nouvelles chansons à ajouter à son répertoire. La maîtresse de céans l’avait traité avec tous les égards, l’installant dans une chambre plus qu’agréable dans laquelle il avait déjà reçu deux ou trois servantes aisément séduites par le bellâtre.
Son séjour à Lamarck touchait pourtant à sa fin. En effet, il avait été convenu qu’il se produirait une dernière fois ce soir, pour la grande fête organisée par lady Velaryon et qui célébrait la fin de l’automne. Marillion devait l’admettre, cela le chagrinait un peu. Mais il n’avait plus aucune raison de s’éterniser sur l’île, surtout que le mari et les enfants de la dame reviendraient bientôt, et qu’il n’avait pas franchement envie de devoir servir d’amuseur aux gamins Velaryon. Cette ultime représentation, il l’avait donc minutieusement travaillé. Il voulait éblouir les invités et leur hôte, pour qu’ils puissent ensuite vanter les mérites de ce jeune et talentueux musicien. Il s’était vêtu de couleurs automnales, d’orange et de vermeil qui rappelaient les parures flamboyantes que les arbres commençaient à délaisser. Alors qu'habituellement, il aimait à se fondre dans la foule avant l’heure de son passage, il préféra cette fois-ci rester dans sa chambre, répétant ses textes et lustrant son précieux luth. Quand il aperçut par le carreau que la nuit se mettait à tomber, il quitta son refuge pour se diriger vers la terrasse où se tenait la réception, guidé par les rires et la musique. Quand il y fut parvenu, il fit un signe aux musiciens qui interrompirent tout de suite leur morceau, suscitant l’interrogation des invités qui se dirigèrent instinctivement vers l’estrade où il attendait, perché sur un tabouret. Le chanteur aimait les regards avides que posaient sur lui les hommes et les femmes qui s’agglutinaient devant la scène. Dans l’obscurité naissante, il n’apercevait pas lady Vaelle, cette beauté saisissante qui effaçait toutes les autres. Enfin, elle parut, accompagnée de ce balourd de Shent. C’était un bon client, pour sûr : ivre, il lui avait donné trois dragons d’or l’avant-veille, pour le féliciter de sa performance. Marillion avait joué une chanson paillarde à sa demande, et tout le monde s’était esclaffé de bon coeur, le rire du gros bourgeois surpassant celui des autres. Il aimait faire la fête, et était plutôt généreux quand il avait bu un ou deux verres de trop, mais il manquait de finesse, un défaut préjudiciable à tous ceux qui désirent s’élever socialement.
Quand tout le monde fut installé et que le silence se fit, il entama son premier morceau. Les notes se voulaient mélancoliques, et sa voix suave s’élevait en une douce mélopée. Ainsi fanent les fleurs racontait par une habile métaphore la fin d’un amour, comparant l’hiver à la douleur de la perte. Son dernier couplet se fit plus joyeux, annonçant le retour du printemps, de l’éclosion des bourgeons d’une nouvelle passion et les délicieuses senteurs des magnolias. Il enchaîna ainsi avec une seconde chanson, sobrement intitulée Les Soirées de Lamarck, dans laquelle il rendait hommage à son hôte et aux invités les plus marquants qu’il avait pu côtoyer. Accompagné par les musiciens présents, Marillion chantait d’un air badin, interpellant les intéressés, qui souriaient fièrement à l’assemblée hilare. Il les taquinait gentiment, saluant la patience de la femme d’untel, remarquant le rapprochement romantique de deux autres. Quand ce fut au tour de lady Vaelle, il mima une révérence exagérée, la remerciant en ces mots :
A notre chère hôte, dont la beauté n’a d’égale que la bourse ! Eh oui, je suis un homme riche, les amis !
Prononçant ces mots, il sortit de ses poches deux poignés de confettis jaunes, taillés grossièrement en forme de pièces. Il s’agissait en réalité de simples bouts de tissus, de feuilles et d’écorces grossièrement peintes, mais cela fit grand effet dans l’audience qui rit aux éclats. Lui-même affichait un large sourire, heureux que sa prestation ait fait son petit effet. Les musiciens enchaînèrent, jouant un air joyeux qui invitait le public à danser. Marillion en profita pour quitter la scène, assailli par des invités qui le complimentaient de toute part. Grisé par la liesse populaire, il déclina néanmoins les discussions amorcées par ceux qui l’entouraient :
Il me faut un verre, d’abord ! Je reviens à vous dans un instant.
Se dégageant de l’attroupement, il se dirigea vers un des buffets où un serviteur venait de remplir des coupes de vin de La Treille. Il en saisit une et en avala une longue gorgée. Cela donnait soif, de chanter ainsi ! Faisant volte-face, le chanteur scruta les attroupements qui se formaient çà et là. Il aperçut alors lady Vaelle, toujours en compagnie de ce nigaud de Shent. Il fallait qu’il vienne à sa rescousse, sans quoi la dame risquait de se le coltiner toute la soirée. Il se dirigea d’un pas décidé vers eux, faisant irruption dans leur conversation.
Eh bien, ma dame, qu’avez-vous pensé de cette dernière performance ?
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An 299, lune 12, semaine 2
Marillion & Vaelle Velaryon
Les doigts légers, délicats, de Marillion effleurèrent les cordes de son luth. Les premières notes résonnèrent dans le crépuscule teinté de noir. Les voix enjouées se turent. Les murmures badins moururent sur les lèvres entrouvertes. L’assemblée entière retint sous souffle. Tous les yeux étaient rivés sur le petit tabouret, incapables de détourner le regard de la silhouette svelte et colorée, hypnotisés par la complainte nostalgique qui n’osait encore se parer de mots. Dans le théâtre, il n’y avait plus que les flammes qui osaient encore vaciller, insensibles à la douce mélancolie qui s’élevait de l’instrument du musicien. Les sons étaient lents, langoureux, et s’éternisaient dans l’espace comme des soupirs amoureux. Les invités étaient suspendus aux lippes de chanteur. Il y avait comme une attente, celle de l’entendre murmurer les premières paroles. L’air sentait les embruns et le lilas fané.
Enfin, le timbre enchanteur du ménestrel vint se joindre à la mélopée. Le cœur de Vaelle se sera en entendant les premières phrases. La main droite posée sur sa poitrine frémissante, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Inconsciemment, sans même le vouloir, les mots de Marillion firent écho en elle et cela plus que de raison. « De mes songes, tu t’enfuis à l’aube, m’abandonnant dans le froid derrière toi. » N’était-ce pas ce contre quoi elle luttait désespérément ? Un hiver terrible, mais qui semblait inéluctable ? Et elle avait beau se débattre, la neige l’enfouissait toujours un peu plus, jusqu’au jour où elle ne pourrait plus respirer. Où elle demeurerait seule. Et où il partirait sans jamais se retourner. Une grosse larme menaça de caresser sa joue. La jeune femme se dépêcha de détourner prestement le regard sur le côté pour éponger rapidement le sentiment qui menaçait de se dévoiler au grand jour. Tout autour d’elle, nombreuses étaient les femmes qui avaient le visage enfoui dans l’épaule de leur compagnon. La valyrienne regarda Shent, les sourcils froissés de peine. Se berçait-elle encore d’illusions ? Elle était déjà seule. Et il était déjà parti.
Le dernier couplet, plus léger, laissa les invités respirer à nouveau. Les spectateurs jusqu’à là murés dans un silence contemplatif s’animèrent à nouveau. Alors, pour le bien de tous, l’hôte se débarrassa bien vite des émotions qui lui nouaient l’estomac. Personne ne voulait la voir morose et atterrée. N’était-elle pas trop dramatique, après tout ?
La dernières chansons, joyeuse et entraînante raviva définitivement la bonne humeur de Lamarck. Tous se prirent au jeu, tapèrent des pieds et des mains tandis que certains osaient quelques pas de danse rythmés. Les notes se précipitaient dans les cordes, comme pour tenter de perdre la voix de Marillion dans leur cadence endiablée, sans toutefois y parvenir. Nobles et bourgeois se bousculaient lorsque leur nom était appelé, tout rosissant de fierté, ravis d’être ainsi cité dans une chanson. Les autres s’écriaient en riant, dans l’attente d’avoir la chance de figurer, eux aussi, dans la mélodie. Il y eut un « oh » de surprise lorsque des pièces jaillirent des mains du jeune homme. Les plus chanceux réussirent à en attraper au vol. Décidemment, il faisait tout pour que sa dernière soirée à Marée-Haute reste dans les mémoires !
Toute tristesse envolée, Vaelle, pimpante, applaudit une dernière fois le ménestrel alors qu’il la remerciait. Enfin, c’était plutôt à elle de lui être redevable de son temps passé ici ! Marillion révérença une dernière fois et entreprit de descendre de scène. Malheureusement, les invités ne comptaient pas le laisser s’en sortir à si bon compte.
« Souhaitez-vous danser, lady Ve-… oh, mais vous avez pleuré ! » s’exclama Shent, abasourdi.
La jeune femme ne put que lui sourire en haussant les épaules.
« Que voulez-vous, Shent… Je suis une femme qui s’émeut aisément. Je pensais que cela ne se verrait pas tant ! »
« Vos yeux sont brillants… Allons, allons, ne restons pas là. Mangeons quelque chose ! »
Rien d’étonnant. Le bourgeois passait la plupart de son temps au buffet, à sélectionner avec précaution les mets qu’il dégustait par la suite avec délectation. Il papillonnait ensuite d’une conversation à l’autre, promenant ses mains sur les épaules et sur les hanches.
« Je… Très bien, je vous suis. »
Vaelle eut un dernier regard pour Marillion en proie à l’assemblée avant de se laisser entraîner par son compagnon. Elle aurait aimé échanger avec le ménestrel… Elle espérait avoir le temps plus tard.
Arrivée devant l’imposant buffet, le duo se fit alpaguer par le pêcheur d’espadon.
« Ah, vous admirez mon poisson ! » se pavana-t-il. « Je l’ai pêché ce matin même… Quatre mètres de long, une des plus grosses prises de ma vie ! »
L’épouse de Monford échangea un regard complice avec Shent. Celui-ci prit la parole :
« Nous savons ! Vous nous avez déjà rempli les oreilles six fois avec vos histoires ! »
Par chance, ce fut Mariliion, comme tombé du ciel, qui vint s’imposer dans la conversation. Le pêcheur, maussade, battit en retraite en maugréant que le chanteur ne cessait de lui voler la vedette.
« Vous nous sauvez ! » souffla Vaelle en posant sa main sur l’avant-bras du rhapsode.
À sa question, une risette apparut sur les traits ronds de la jeune femme.
« Vous avez fait pleurer Lady Velaryon… » lui chuchota faussement Shent, avec un air de conspirateur.
La valyrienne fit mine de donner un coup de coude dans les côtes de son invité avant de le toiser d'un air faussement courroucé.
« N'était-ce pas un secret entre vous et moi ? » fit-elle en fronçant les sourcils. « C’était époustouflant, tout le monde a beaucoup apprécié, » renchérit-elle en reprenant son sérieux. « Shent a raison, j’ai versé quelques larmes… Je voulais vous féliciter plus tôt, mais je craignais trop pour ma vie pour oser mettre un pied dans votre troupe d’admiratrices ! »
Les dames, nobles, bourgeoises, marchandes… toutes étaient sous le charme du jeune homme. La née Celtigar ne comptait plus les femmes éperdument amoureuses qui pouffaient dans les jardins en se racontant les compliments que l’éloquent mélomane leur avait faits.
D’ailleurs, la plupart rôdait encore autour d’eux. Le bas de leur visage était dissimulé par de larges éventuelles aux couleurs pastels, bordés de dentelles.
« J’ai encore du mal à croire que vous nous quittiez demain… »
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An 299, lune 12, semaine 2
Marillion & Vaelle Velaryon
Cette soirée était la dernière à laquelle Marillion assisterait à Lamarck. L’hiver n’était plus une menace lointaine mais une réalité presque palpable, et le temps était venu pour le chanteur de regagner la capitale. Cette perspective l’attristait quelque peu : lady Vaelle était de très bonne compagnie, et ce séjour loin de l’agitation de Port-Réal l’avait inspiré plus qu’il ne l’aurait imaginé. Son hôte semblait partager ce sentiment puisque le musicien devinait quelques signes de chagrin sur l’harmonieux visage de la dame de Lamarck. Le gros Shent, toujours aussi indélicat, le lui confirma ainsi :
Vous avez fait pleurer Lady Velaryon…
Cette dernière fustigea d’un regard amusé le bourgeois maladroit avant de se justifier :
C’était époustouflant, tout le monde a beaucoup apprécié. Shent a raison, j’ai versé quelques larmes… Je voulais vous féliciter plus tôt, mais je craignais trop pour ma vie pour oser mettre un pied dans votre troupe d’admiratrices !
Marillion éclata d’un rire franc à cette dernière observation. Il ne pouvait nier l’évidence : son succès auprès des invités étaient incontestable, plus particulièrement quand il s’agissait de la gente féminine. Pouvait-on les blâmer de se pâmer devant le talent d’un aussi beau jeune homme ? L’admiration de ces donzelles était une sensation grisante, qui lui manquerait certainement autant que l’atmosphère chargée d’embruns de la citadelle des Velaryon.
Je ne joue que pour vous, ma dame, la flatta-t-il avec douceur.
Lorsqu’il se retrouvait en compagnie de femmes, qu’il s’agisse de pucelles, de femmes mariées et fidèles ou de jeunes veuves, le rhapsode ne pouvait s’empêcher d’entrer dans un jeu de séduction auquel il excellait. Il lui semblait si facile de manipuler ces jolis minois, un sourire suffisant à troubler ces nobles dames. Les gueuses étaient certainement les plus facile à trousser, mais cela manquait de complexité. Les aristocrates étaient plus ardues, n’offrant souvent que des regards langoureux, au mieux quelques baisers volés à l’abri des regards. S’il savait que lady Vaelle éprouvait une certaine affection pour lui, jamais la moindre lubricité n’avait émané de leurs échanges. C’était une dame de culture, amoureuse de la musique et des arts, et le bon goût dont elle faisait preuve la rendait sympathique aux yeux du jeune chanteur.
J’ai encore du mal à croire que vous nous quittiez demain… déclara-t-elle, une once de déception se devinant dans sa voix.
Cette idée m’est douloureuse, répondit-il du tac au tac, son sourire se faisant plus triste. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, sans quoi elles deviendraient mauvaises.
Des gloussements accueillirent son trait d’esprit, et le jeune homme lança un coup d’oeil en direction des jeunes femmes qui rôdaient encore non loin de leur petit groupe. Décidément, elle était sous le charme du bellâtre, bien décidé à l’assaillir une fois qu’il aurait quitté lady Vaelle et de Shent. Plus tard dans la soirée, il se retournerait vers elles en quête d’un peu d’indécence, mais pour lors il voulait profiter de l’agréable conversation de son hôte. Il fallait d’abord qu’il parvienne à se débarrasser de Shent, et l’excuse était toute trouvée :
Ces dames ne sont pas là que pour votre serviteur, dit-il à ses interlocuteurs avec un sourire malicieux. Voyez-vous la jolie brune en robe bleue ? Elle m’a beaucoup parlé de vous, mon cher ami.
Il fit un geste de la tête en direction de l’intéressée et adressa un clin d’oeil lourd de sens à Shent qui sembla s’enorgueillir de la proposition.
Eh bien, je devrais me présenter en personne ! jubila l’obèse, qui s’excusa auprès de son hôte avec un baise-main humide.
Ils l’observèrent se diriger vers la jeune femme qui écarquilla les yeux, visiblement déçue de voir le bourgeois arriver en lieu et place du musicien. Shent ne sembla cependant pas remarquer son embarras et, estimant qu’il serait occupé pour un bon moment, Marillion offrit son bras à lady Vaelle.
Voulez-vous vous dégourdir quelque peu, ma dame ? C’est une soirée idéale pour profiter de vos jardins.
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