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Décorer le silence | ft. Marillion

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Décorer le silence

An 299, lune 12, semaine 2



Marillion & Vaelle Velaryon

Vaelle leva les yeux vers le ciel ocre. Le soleil embrasait de ses derniers rayons la voute qui, bientôt, rabattrait timidement ses couvertures d’encre sur ses joues, dissimulant ainsi ses traits au monde. Les dernières tiédeurs de l’automne caressaient le visage de la jeune femme et les corps dansant de ses invités. Elle avait consacré tant d’heures et d’efforts à préparer cette dernière soirée avant l’hiver que seul un temps inclément aurait pu la gâcher. Elle sourit et ses yeux pétillèrent d’autant plus lorsqu’elle observa les hôtes qui tournoyaient au rythme des musiques légères, leurs silhouettes dessinant d’immenses ombres sur les terrasses à étages de Marée-Haute. L’alégresse régnait sur les esplanades pavées. Les plus mélancoliques s’étaient accoudés aux rambardes de marbre surplombant la mer orange qui scintillait comme une immense flaque de joyaux.

La cinquantaine d’invités exultait. Tous avaient conscience que dans le courant des prochaines lunes, on se calfeutrerait dans les châteaux et on passerait ses journées emmitouflés dans des pelures à maudire la neige et l’humidité. Il s’agissait du dernier banquet avant le gel. La plupart des hôtes étaient des notables de Lamarck : des bourgeois, des commerçants, des marchands… mais quelques nobles de la presqu’île de Claquepince s’étaient joints à la fête. Vaemond n’avait pas répondu aux messages que sa sœur lui avait envoyés pour le convier.

Soudain, en dépit du brouhaha qui l’entourait, la Velaryon se sentit seule. Son frère ne désirait plus la voir, son mari était parti une fois encore à bord de son bateau et, cette fois, Aurane et Monterys étaient avec lui. Elle pinça légèrement les lèvres. Ce sentiment couvait depuis quelques semaines, mais les préparatifs du banquet l’avaient tellement obnubilée qu’elle était restée sourde et aveugle à son cœur. Désormais qu’elle se trouvait devant le fait accompli, elle se sentait désespérément vide. Ce n’était pas la première fois qu’elle se sentait lâcher prise de la sorte. Non… en vérité, c’était un trou béant au fond d’elle, constant et inexplicable. Alors, elle le bouchait avec l’attention qu’on lui portait, avec sa recherche d’un idéal, avec la quête éperdue de la perfection…

Les invités étaient gâtés. Sur les immenses tables dispersées sur les terrasses, on pouvait trouver de tous les mets possibles et imaginables. Le poisson était cependant omniprésent. La pièce centrale, la plus impressionnante était un immense espadon bleu pêché par un homme de Port-d’Epice. Celui-ci, très fier, se trouvait d’ailleurs à côté de sa prise et se plaisait à raconter ses exploits à quiconque osait s’approcher d’un peu trop près pour admirer la bête.

« Félicitations ! » entendit-elle dans son dos. « Vous vous êtes encore surpassée, lady Velaryon ! »

Un bourgeois promenant son énorme bedaine avec fierté arriva à sa hauteur. Elle le salua pour la troisième fois ce soir-là.

« Qui serions-nous pour nous refuser nuit pareille ? Des sauvages, je vous le dis ! Et nous devions tirer notre révérence comme il se devait à cet automne si charmant. »

L’autre acquiesça avec un hoquet et lui proposa son bras.

« M’accompagnerez-vous ? Ce serait outrage que de ne pas profiter de vos efforts ! Marillion va commencer à jouer. »

A la mention du nom du ménestrel, l’intérêt de la jeune femme s’éveilla. Bien sûr qu’elle se devait d’assister à son spectacle ! Après tout, comme cette soirée, il s’agissait là de son ultime représentation à Marée-Haute. Il repartait pour Port-Réal dans quelques jours et Vaelle avait lutté contre les larmes lors de cette annonce. Le musicien était d’une compagnie excellente et savait égayer les invités comme personne. L’inviter à Lamarck fut une des meilleures décisions qu’elle ait prises.

Elle glissa son bras dans celui potelé du bourgeois qui hoqueta à nouveau. Elle appréciait Shent. C’était un habitué des soirées à Marée-Haute. Jovial et bon vivant, il ne dissimulait ses penchants grivois à personne. Néanmoins, elle aimait moins ses grosses paluches moites qui se permettaient d’effleurer les siennes et encore moins les marques de gras qu’il laissait sur le satin bleu ciel de sa robe. Elle se tut cependant et continua d’afficher un sourire léger tandis qu’ils se dirigeaient vers le petit théâtre qui avait été monté là. De grands flambeaux illuminaient l’endroit de vacillements merveilleux.

Déjà, Marillion avait pris place, juché sur un tabouret haut et habillé de vives couleurs. Dans l’obscurité tremblante du crépuscule, il ressemblait à une lanterne dont la lumière attirait tous les insectes. Devant lui, en contrebas, des troupes d’invités s’agglutinaient en pépiant. L’impatience était palpable.
On s’écarta au passage de lady Velaryon à qui une place sur le devant avait été réservée. Shent profita du privilège et offrit sa grosse mine réjouit à l’assemblée.
Bientôt, les notes enchanteresses du joueur de luth firent vibrer l’air.



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An 299, lune 12, semaine 2



Marillion & Vaelle Velaryon



La fin de l’an 299 marqua aussi la fin de l’automne qui avait vu Marillion acquérir la reconnaissance des nobles gens de Port-Réal. Les bourgeois et les nantis l’invitaient à animer leurs réceptions et leurs soupers, auxquels il recevait éloges et grasses rémunérations. Cette réputation naissante l’avait amené à être sollicité par des familles de plus en plus prestigieuses. Dès lors, il avait reçu plusieurs offres alléchantes, mais la plus intéressante avait été celle de lady Vaelle Velaryon, une jeune dame de quelques années son aînée qui rassemblait toutes les qualités chères au coeur du musicien : elle était belle, elle était riche, et une vraie amatrice d’art, de surcroît. Elle l’avait ainsi invité à venir jouer dans sa demeure de Marée-Haute, une superbe forteresse de marbre surplombant la mer. Ce lieu idyllique avait tout de suite séduit le chanteur, qui s’était senti gagné par l’inspiration et avait ainsi composé de nouvelles chansons à ajouter à son répertoire. La maîtresse de céans l’avait traité avec tous les égards, l’installant dans une chambre plus qu’agréable dans laquelle il avait déjà reçu deux ou trois servantes aisément séduites par le bellâtre.

Son séjour à Lamarck touchait pourtant à sa fin. En effet, il avait été convenu qu’il se produirait une dernière fois ce soir, pour la grande fête organisée par lady Velaryon et qui célébrait la fin de l’automne. Marillion devait l’admettre, cela le chagrinait un peu. Mais il n’avait plus aucune raison de s’éterniser sur l’île, surtout que le mari et les enfants de la dame reviendraient bientôt, et qu’il n’avait pas franchement envie de devoir servir d’amuseur aux gamins Velaryon. Cette ultime représentation, il l’avait donc minutieusement travaillé. Il voulait éblouir les invités et leur hôte, pour qu’ils puissent ensuite vanter les mérites de ce jeune et talentueux musicien. Il s’était vêtu de couleurs automnales, d’orange et de vermeil qui rappelaient les parures flamboyantes que les arbres commençaient à délaisser. Alors qu'habituellement, il aimait à se fondre dans la foule avant l’heure de son passage, il préféra cette fois-ci rester dans sa chambre, répétant ses textes et lustrant son précieux luth. Quand il aperçut par le carreau que la nuit se mettait à tomber, il quitta son refuge pour se diriger vers la terrasse où se tenait la réception, guidé par les rires et la musique. Quand il y fut parvenu, il fit un signe aux musiciens qui interrompirent tout de suite leur morceau, suscitant l’interrogation des invités qui se dirigèrent instinctivement vers l’estrade où il attendait, perché sur un tabouret. Le chanteur aimait les regards avides que posaient sur lui les hommes et les femmes qui s’agglutinaient devant la scène. Dans l’obscurité naissante, il n’apercevait pas lady Vaelle, cette beauté saisissante qui effaçait toutes les autres. Enfin, elle parut, accompagnée de ce balourd de Shent. C’était un bon client, pour sûr : ivre, il lui avait donné trois dragons d’or l’avant-veille, pour le féliciter de sa performance. Marillion avait joué une chanson paillarde à sa demande, et tout le monde s’était esclaffé de bon coeur, le rire du gros bourgeois surpassant celui des autres. Il aimait faire la fête, et était plutôt généreux quand il avait bu un ou deux verres de trop, mais il manquait de finesse, un défaut préjudiciable à tous ceux qui désirent s’élever socialement.

Quand tout le monde fut installé et que le silence se fit, il entama son premier morceau. Les notes se voulaient mélancoliques, et sa voix suave s’élevait en une douce mélopée. Ainsi fanent les  fleurs racontait par une habile métaphore la fin d’un amour, comparant l’hiver à la douleur de la perte. Son dernier couplet se fit plus joyeux, annonçant le retour du printemps, de l’éclosion des bourgeons d’une nouvelle passion et les délicieuses senteurs des magnolias. Il enchaîna ainsi avec une seconde chanson, sobrement intitulée Les Soirées de Lamarck, dans laquelle il rendait hommage à son hôte et aux invités les plus marquants qu’il avait pu côtoyer. Accompagné par les musiciens présents, Marillion chantait d’un air badin, interpellant les intéressés, qui souriaient fièrement à l’assemblée hilare. Il les taquinait gentiment, saluant la patience de la femme d’untel, remarquant le rapprochement romantique de deux autres. Quand ce fut au tour de lady Vaelle, il mima une révérence exagérée, la remerciant en ces mots :

A notre chère hôte, dont la beauté n’a d’égale que la bourse ! Eh oui, je suis un homme riche, les amis !

Prononçant ces mots, il sortit de ses poches deux poignés de confettis jaunes, taillés grossièrement en forme de pièces. Il s’agissait en réalité de simples bouts de tissus, de feuilles et d’écorces grossièrement peintes, mais cela fit grand effet dans l’audience qui rit aux éclats. Lui-même affichait un large sourire, heureux que sa prestation ait fait son petit effet. Les musiciens enchaînèrent, jouant un air joyeux qui invitait le public à danser. Marillion en profita pour quitter la scène, assailli par des invités qui le complimentaient de toute part. Grisé par la liesse populaire, il déclina néanmoins les discussions amorcées par ceux qui l’entouraient :

Il me faut un verre, d’abord ! Je reviens à vous dans un instant.

Se dégageant de l’attroupement, il se dirigea vers un des buffets où un serviteur venait de remplir des coupes de vin de La Treille. Il en saisit une et en avala une longue gorgée. Cela donnait soif, de chanter ainsi ! Faisant volte-face, le chanteur scruta les attroupements qui se formaient çà et là. Il aperçut alors lady Vaelle, toujours en compagnie de ce nigaud de Shent. Il fallait qu’il vienne à sa rescousse, sans quoi la dame risquait de se le coltiner toute la soirée. Il se dirigea d’un pas décidé vers eux, faisant irruption dans leur conversation.

Eh bien, ma dame, qu’avez-vous pensé de cette dernière performance ?



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An 299, lune 12, semaine 2



Marillion & Vaelle Velaryon

Les doigts légers, délicats, de Marillion effleurèrent les cordes de son luth. Les premières notes résonnèrent dans le crépuscule teinté de noir. Les voix enjouées se turent. Les murmures badins moururent sur les lèvres entrouvertes. L’assemblée entière retint sous souffle. Tous les yeux étaient rivés sur le petit tabouret, incapables de détourner le regard de la silhouette svelte et colorée, hypnotisés par la complainte nostalgique qui n’osait encore se parer de mots. Dans le théâtre, il n’y avait plus que les flammes qui osaient encore vaciller, insensibles à la douce mélancolie qui s’élevait de l’instrument du musicien. Les sons étaient lents, langoureux, et s’éternisaient dans l’espace comme des soupirs amoureux. Les invités étaient suspendus aux lippes de chanteur. Il y avait comme une attente, celle de l’entendre murmurer les premières paroles. L’air sentait les embruns et le lilas fané.
Enfin, le timbre enchanteur du ménestrel vint se joindre à la mélopée. Le cœur de Vaelle se sera en entendant les premières phrases. La main droite posée sur sa poitrine frémissante, elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Inconsciemment, sans même le vouloir, les mots de Marillion firent écho en elle et cela plus que de raison. « De mes songes, tu t’enfuis à l’aube, m’abandonnant dans le froid derrière toi. » N’était-ce pas ce contre quoi elle luttait désespérément ? Un hiver terrible, mais qui semblait inéluctable ? Et elle avait beau se débattre, la neige l’enfouissait toujours un peu plus, jusqu’au jour où elle ne pourrait plus respirer. Où elle demeurerait seule. Et où il partirait sans jamais se retourner. Une grosse larme menaça de caresser sa joue. La jeune femme se dépêcha de détourner prestement le regard sur le côté pour éponger rapidement le sentiment qui menaçait de se dévoiler au grand jour. Tout autour d’elle, nombreuses étaient les femmes qui avaient le visage enfoui dans l’épaule de leur compagnon. La valyrienne regarda Shent, les sourcils froissés de peine. Se berçait-elle encore d’illusions ? Elle était déjà seule. Et il était déjà parti.
Le dernier couplet, plus léger, laissa les invités respirer à nouveau. Les spectateurs jusqu’à là murés dans un silence contemplatif s’animèrent à nouveau. Alors, pour le bien de tous, l’hôte se débarrassa bien vite des émotions qui lui nouaient l’estomac. Personne ne voulait la voir morose et atterrée. N’était-elle pas trop dramatique, après tout ?

La dernières chansons, joyeuse et entraînante raviva définitivement la bonne humeur de Lamarck. Tous se prirent au jeu, tapèrent des pieds et des mains tandis que certains osaient quelques pas de danse rythmés. Les notes se précipitaient dans les cordes, comme pour tenter de perdre la voix de Marillion dans leur cadence endiablée, sans toutefois y parvenir. Nobles et bourgeois se bousculaient lorsque leur nom était appelé, tout rosissant de fierté, ravis d’être ainsi cité dans une chanson. Les autres s’écriaient en riant, dans l’attente d’avoir la chance de figurer, eux aussi, dans la mélodie. Il y eut un « oh » de surprise lorsque des pièces jaillirent des mains du jeune homme. Les plus chanceux réussirent à en attraper au vol. Décidemment, il faisait tout pour que sa dernière soirée à Marée-Haute reste dans les mémoires !

Toute tristesse envolée, Vaelle, pimpante, applaudit une dernière fois le ménestrel alors qu’il la remerciait. Enfin, c’était plutôt à elle de lui être redevable de son temps passé ici ! Marillion révérença une dernière fois et entreprit de descendre de scène. Malheureusement, les invités ne comptaient pas le laisser s’en sortir à si bon compte.

« Souhaitez-vous danser, lady Ve-… oh, mais vous avez pleuré ! » s’exclama Shent, abasourdi.

La jeune femme ne put que lui sourire en haussant les épaules.

« Que voulez-vous, Shent… Je suis une femme qui s’émeut aisément. Je pensais que cela ne se verrait pas tant ! »

« Vos yeux sont brillants… Allons, allons, ne restons pas là. Mangeons quelque chose ! »

Rien d’étonnant. Le bourgeois passait la plupart de son temps au buffet, à sélectionner avec précaution les mets qu’il dégustait par la suite avec délectation. Il papillonnait ensuite d’une conversation à l’autre, promenant ses mains sur les épaules et sur les hanches.

« Je… Très bien, je vous suis. »

Vaelle eut un dernier regard pour Marillion en proie à l’assemblée avant de se laisser entraîner par son compagnon. Elle aurait aimé échanger avec le ménestrel… Elle espérait avoir le temps plus tard.

Arrivée devant l’imposant buffet, le duo se fit alpaguer par le pêcheur d’espadon.

« Ah, vous admirez mon poisson ! » se pavana-t-il. « Je l’ai pêché ce matin même… Quatre mètres de long, une des plus grosses prises de ma vie ! »

L’épouse de Monford échangea un regard complice avec Shent. Celui-ci prit la parole :

« Nous savons ! Vous nous avez déjà rempli les oreilles six fois avec vos histoires ! »

Par chance, ce fut Mariliion, comme tombé du ciel, qui vint s’imposer dans la conversation. Le pêcheur, maussade, battit en retraite en maugréant que le chanteur ne cessait de lui voler la vedette.

« Vous nous sauvez ! » souffla Vaelle en posant sa main sur l’avant-bras du rhapsode.

À sa question, une risette apparut sur les traits ronds de la jeune femme.

« Vous avez fait pleurer Lady Velaryon… »
lui chuchota faussement Shent, avec un air de conspirateur.

La valyrienne fit mine de donner un coup de coude dans les côtes de son invité avant de le toiser d'un air faussement courroucé.

« N'était-ce pas un secret entre vous et moi ? » fit-elle en fronçant les sourcils. « C’était époustouflant, tout le monde a beaucoup apprécié, » renchérit-elle en reprenant son sérieux. « Shent a raison, j’ai versé quelques larmes… Je voulais vous féliciter plus tôt, mais je craignais trop pour ma vie pour oser mettre un pied dans votre troupe d’admiratrices ! »

Les dames, nobles, bourgeoises, marchandes… toutes étaient sous le charme du jeune homme. La née Celtigar ne comptait plus les femmes éperdument amoureuses qui pouffaient dans les jardins en se racontant les compliments que l’éloquent mélomane leur avait faits.
D’ailleurs, la plupart rôdait encore autour d’eux. Le bas de leur visage était dissimulé par de larges éventuelles aux couleurs pastels, bordés de dentelles.

« J’ai encore du mal à croire que vous nous quittiez demain… »



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An 299, lune 12, semaine 2



Marillion & Vaelle Velaryon



Cette soirée était la dernière à laquelle Marillion assisterait à Lamarck. L’hiver n’était plus une menace lointaine mais une réalité presque palpable, et le temps était venu pour le chanteur de regagner la capitale. Cette perspective l’attristait quelque peu : lady Vaelle était de très bonne compagnie, et ce séjour loin de l’agitation de Port-Réal l’avait inspiré plus qu’il ne l’aurait imaginé. Son hôte semblait partager ce sentiment puisque le musicien devinait quelques signes de chagrin sur l’harmonieux visage de la dame de Lamarck. Le gros Shent, toujours aussi indélicat, le lui confirma ainsi :

Vous avez fait pleurer Lady Velaryon…

Cette dernière fustigea d’un regard amusé le bourgeois maladroit avant de se justifier :

C’était époustouflant, tout le monde a beaucoup apprécié. Shent a raison, j’ai versé quelques larmes… Je voulais vous féliciter plus tôt, mais je craignais trop pour ma vie pour oser mettre un pied dans votre troupe d’admiratrices !

Marillion éclata d’un rire franc à cette dernière observation. Il ne pouvait nier l’évidence : son succès auprès des invités étaient incontestable, plus particulièrement quand il s’agissait de la gente féminine. Pouvait-on les blâmer de se pâmer devant le talent d’un aussi beau jeune homme ? L’admiration de ces donzelles était une sensation grisante, qui lui manquerait certainement autant que l’atmosphère chargée d’embruns de la citadelle des Velaryon.

Je ne joue que pour vous, ma dame, la flatta-t-il avec douceur.

Lorsqu’il se retrouvait en compagnie de femmes, qu’il s’agisse de pucelles, de femmes mariées et fidèles ou de jeunes veuves, le rhapsode ne pouvait s’empêcher d’entrer dans un jeu de séduction auquel il excellait. Il lui semblait si facile de manipuler ces jolis minois, un sourire suffisant à troubler ces nobles dames. Les gueuses étaient certainement les plus facile à trousser, mais cela manquait de complexité. Les aristocrates étaient plus ardues, n’offrant souvent que des regards langoureux, au mieux quelques baisers volés à l’abri des regards. S’il savait que lady Vaelle éprouvait une certaine affection pour lui, jamais la moindre lubricité n’avait émané de leurs échanges. C’était une dame de culture, amoureuse de la musique et des arts, et le bon goût dont elle faisait preuve la rendait sympathique aux yeux du jeune chanteur.

J’ai encore du mal à croire que vous nous quittiez demain… déclara-t-elle, une once de déception se devinant dans sa voix.

Cette idée m’est douloureuse, répondit-il du tac au tac, son sourire se faisant plus triste. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, sans quoi elles deviendraient mauvaises.

Des gloussements accueillirent son trait d’esprit, et le jeune homme lança un coup d’oeil en direction des jeunes femmes qui rôdaient encore non loin de leur petit groupe. Décidément, elle était sous le charme du bellâtre, bien décidé à l’assaillir une fois qu’il aurait quitté lady Vaelle et de Shent. Plus tard dans la soirée, il se retournerait vers elles en quête d’un peu d’indécence, mais pour lors il voulait profiter de l’agréable conversation de son hôte. Il fallait d’abord qu’il parvienne à se débarrasser de Shent, et l’excuse était toute trouvée :

Ces dames ne sont pas là que pour votre serviteur, dit-il à ses interlocuteurs avec un sourire malicieux. Voyez-vous la jolie brune en robe bleue ? Elle m’a beaucoup parlé de vous, mon cher ami.

Il fit un geste de la tête en direction de l’intéressée et adressa un clin d’oeil lourd de sens à Shent qui sembla s’enorgueillir de la proposition.

Eh bien, je devrais me présenter en personne !
jubila l’obèse, qui s’excusa auprès de son hôte avec un baise-main humide.

Ils l’observèrent se diriger vers la jeune femme qui écarquilla les yeux, visiblement déçue de voir le bourgeois arriver en lieu et place du musicien. Shent ne sembla cependant pas remarquer son embarras et, estimant qu’il serait occupé pour un bon moment, Marillion offrit son bras à lady Vaelle.

Voulez-vous vous dégourdir quelque peu, ma dame ? C’est une soirée idéale pour profiter de vos jardins.





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An 299, lune 12, semaine 2



Marillion & Vaelle Velaryon

Le petit trio peine formé attirait déjà quelques regards indiscrets. Quelques dames se retournaient discrètement avant de chuchoter quelques messes basses dans les oreilles de leurs voisines, faisant cliqueter tiares et colliers. Des hommes les observaient en buvant leur vin, leurs yeux à la lisière de la coupe. Sur leurs visages ainsi éclairés, l’ombre de l’alcool se reflétait dans leurs prunelles sombres. Vaelle ne s’en formalisa aucunement. Au contraire, elle en était même plutôt ravie. Après tout, c’était elle l’hôte de ce dernier banquet automnal ! Et pouvait-elle espérer meilleure compagnie que celle de Marillion ? Il ne faisait aucun doute que c’était auprès de lui que les regards féminins se languissaient et que des soupirs énamourés étaient poussés, à la discrétion des éventails. Elle faisait bien des envieuses d’accaparer ainsi son attention. Son amie Denyse lui avait même raconté que des mauvaises langues persiflaient dans son dos en se demandant pourquoi la valyrienne tenait tant à la présence du barde à ses côtés. Aucun doute que l’on tentait – en vain – de lui inventer quelques adultères. L’éloignement constant de son mari n’aidait pas… Mais enfin, si la née Celtigar était toujours flattée de la présence du chanteur à ses côtés, jamais elle n’avait envisagé leur relation autre que centrée autour des arts. Le jeune homme était doué d’une rare sensibilité et d’une capacité à animer les foules tout à fait stupéfiante. Mais plus encore, il avait su égayer son quotidien par leurs discussions… et boucher un peu ce vide que Vaelle ressentait constamment au creux d’elle.

« Ne le dites pas trop fort ! » fit-elle pour répondre à sa flatterie en jetant des coups d’œil autour d’elle. « Elles pourraient m’en vouloir… Et puis… »

Elle se pencha en avant pour lui murmurer, assez fort pour que Shent l’entende :

« Je le sais bien. Après tout, c’est moi qui vous paie ! » gloussa-t-elle, une main devant sa bouche.

L’hôte acquiesça sans un mot. Vraiment ? Se pouvait-il que tout ceci se gâte ? Se pouvait-il qu’elle se lasse des fêtes et de Marillion ? Elle ne pouvait y croire. Depuis son arrivée, elle était si occupée qu’elle n’avait plus le temps de penser. Les soirées étaient rythmées par d’interminables banquets et les journées bercées par les heures passées dans les magnifiques jardins de Marée-Haute, à converser sur divers savants sujets, à échanger, à se divertir… Tout allait-il réellement prendre fin ? Se trouverait-elle à nouveau seule ?  Apparemment. Mais elle n’osait pas encore se faire à l’évidence.

La remarque du musicien attira son regard vers l’intéressée. Il ne faisait aucun doute que la jolie jeune femme n’avait d’yeux que pour le rhapsode. Mais les mots de blonds suffirent à convaincre Shent qui bomba le torse. Vaelle décida d’entrer dans son jeu.

« Sara ? » demanda-t-elle. « Pauvre d’elle, si jeune et déjà veuve… Sept lunes déjà que feu son époux à confondu cèpes et amanites… »

Il n’en fallut pas plus au bourgeois pour s’éloigner d’eux après avoir copieusement embrassé la main de l’épouse de Monford. Tel un gros paon blanc sous la lune, il fit la roue devant la veuve, sous le regard médusé de cette dernière. La valyrienne étouffa un rire avant de dissimuler une grimace devant sa main mouillée. Elle se dépêcha bien vite de l’essuyer discrètement dans son mouchoir.

« Excellent, excellent, » complimenta-t-elle Marillion avec un rire. « Pauvre d’elle, » répéta-t-elle après un dernier regard vers Sara. « Elle se vengera, soyez-en sûr. »

Il semblait que les phrases courroucées de Sara résonnaient déjà dans l’air festif de Lamarck. Mais cela était un problème réservé à plus tard.

Elle accepta la proposition du blond et attrapa son bras.
Ils déambulèrent quelques minutes entre les tables en direction des jardins et la mère de Monterys saluait d’un signe de tête ou d’un murmure les invités qui inclinait la tête devant elle.
Arrivés devant les desserts, les yeux verts de la née Celtigar brillèrent de gourmandise. D’un regard, elle interpela le valet qui se dépêcha de lui présenter quelques mignardises.

« Mon appétit pour les bonnes choses, » fit-elle comme pour s’excuser. « Allons, servez-vous, » invita-t-elle le ménestrel.

Elle, en tout cas, ne se fit pas prier. Il y avait toujours cette pointe de culpabilité qui l’assaillait lorsqu’elle mordait dans une tarte au citron ou dégustait de la crème chantilly. Elle pouvait presque sentir les yeux de son grand-père dans son dos et entendre les vilains mots qui sortaient de sa bouche. Mais enfin, Ardrian n’était pas là et elle était chez elle. Elle était adulte. Elle faisait ce qui lui plaisait.

Mordillant dans son cake aux myrtilles, ils atteignirent l’orée des jardins où les musiciens s’étaient dispersés. Certains dansaient, d’autres buvaient en jouant aux cartes. « Il me faudra faire une partie après… » pensa-t-elle.

« Vous savez, » commença-t-elle. « Votre présence m’a été d’un grand réconfort. Vous nous avez beaucoup apportés… A Marée-Haute et à moi. Vous me manquerez beaucoup, mon ami. »

Une nouvelle bouchée de cake.

« Oh, je sais ! Cela ressemble fort à mes discours de fin de soirée lorsque l’alcool m’est montée à la tête… Vous savez comme je peux être sentimentale une fois saoule… Mais je tenais à vous le dire maintenant que j’ai toute ma tête. »




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Marillion & Vaelle Velaryon



La manigance mise en place par Marillion dans le but de se débarrasser de Shent sembla amuser leur hôte, lady Vaelle, qui entra dans son jeu, encourageant le gros bourgeois à se jeter à l’eau. C’était l’une des choses qui lui avait plu dans son séjour à Lamarck : la dame Velaryon ne manquait pas d’humour, et ne s’offusquait jamais des petites incartades qu’il se permettait parfois. Il y avait chez elle quelque chose de léger, d’aérien, que l’on percevait dans ses traits d’esprit et ses sourires mutins. C’était le genre de femme qui lui plaisait, pour sûr, mais jamais le chanteur n’aurait tenté quoi que ce soit. Même avec son mari absent, il craignait bien trop que la moindre avance change le caractère aimable de la dame en un déferlement de violence, telle la tempête qui recouvre en quelques instants un ciel auparavant sans nuage. Il se contentait donc d’être tout à fait poli et respectueux, et jusque là, ses services avaient été chaleureusement salués et récompensés.

Marillion offrit son bras à lady Vaelle mais ce fut elle qui le guida, flânant entre les petits groupes d’invités qui s’étaient formés sur les terrasses. Un valet portant un plateau chargés de petits gâteaux se présenta devant eux à la demande de sa maîtresse qui invita le chanteur à se servir. Il n’avait pas vraiment faim et n’entretenait aucun péché mignon vis-à-vis de la nourriture, mais croqua tout de même dans une gaufrette au miel afin de faire bonne figure devant la dame qui dévorait déjà sa troisième sucrerie. La gourmandise dont elle faisait preuve était assez distrayante tant elle ressemblait à une enfant commettant une bêtise quand elle croquait dans tel ou tel entremet. Autour d’eux, l’effervescence de la soirée était toujours palpable : on dansait, on buvait, on riait, on jouait aux cartes ou aux dés… Les soirées des puissants n’étaient pas tant dissemblables à celles du bas peuple, hormis que tout, de la musique aux mets, était meilleur. Le jeune homme dévisageais les convives, jaugeant son pouvoir de séduction sur les femmes, et l’admiration teintée de jalousie dans les yeux de leurs partenaires masculins. Il tourna la tête pour admirer la beauté de dame Vaelle dont les boucles d’or frémissaient dans le souffle de la brise marine. Celle-ci prit alors la parole :

Vous savez, votre présence m’a été d’un grand réconfort. Vous nous avez beaucoup apportés… A Marée-Haute et à moi. Vous me manquerez beaucoup, mon ami.

La jeune femme semblait véritablement émue et camoufla le trémolo de sa voix en mordant à pleines dents dans le cake qu’elle avait encore entre les mains. Il leva un sourcil attentif, et, avalant sa bouchée, elle continua :

Oh, je sais ! Cela ressemble fort à mes discours de fin de soirée lorsque l’alcool m’est montée à la tête… Vous savez comme je peux être sentimentale une fois saoule… Mais je tenais à vous le dire maintenant que j’ai toute ma tête.

Un rire franc lui échappa à cet dernière remarque et il plongea ses yeux rieurs dans ceux de sa compagne :

Ma dame ! Je ne doute pas de votre bonne foi ; je sais reconnaître quand vous êtes pompette, car vos joues en rosissent joliment.

Il lui adressa un clin d’oeil complice et continua :

Ce ne sont pas des adieux. Quand le printemps reviendra, je pourrais à nouveau venir me produire ici, si vous le désirez, bien sûr. Ainsi, je ferai la connaissance de votre époux et de vos enfants.

Il conclut cette dernière sentence avec un sourire mielleux. A vrai dire, le chanteur craignait que la famille de lady Velaryon ne lui soit moins agréable que la dame seule. C’était certainement cette solitude qui l’avait amenée à l’engager, ainsi qu’une multitude d’autres musiciens et amuseurs en tout genre, et à organiser ces somptueuses réceptions. Marillion ne s’en plaindrait certainement pas : il avait été très bien reçu ici, et ses performances devant tous ces invités lui assurait une publicité pour plusieurs lunes. Mais au-delà de toutes ces considérations, il appréciait la compagnie de dame Vaelle et l’ambiance générale qui régnait à Marée Haute, et espérait pouvoir un jour y revenir.


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An 299, lune 12, semaine 2



Marillion & Vaelle Velaryon

L’orée baignait dans un lourd parfum de fleurs fanées et d’embruns. Les jardins étaient humides et frais, que le songe errant marquait de son doux pas invisible. Dans les bassins encore glougloutant, avant que l’hiver ne les gèlent, l’automne gisait en feuilles disjointes.
Derrière eux, les terrasses à étages disparaissaient dans le brouhaha des conversations et le ressac des vagues sombres. Marillion et Vaelle auraient pu se sentir isolés, laissant derrière eux le banquet, la fête et les invités… si ce n’était pour les paires d’yeux qu’ils attiraient partout où ils se rendaient. L’attention était toujours flatteuse et la valyrienne la recherchait sans cesse. Que cela soit pour ses qualités d’hôtes, ses toilettes, ses coiffures, sa répartie, son habilité à s’adapter à n’importe quelle situation sociale… et sa compagnie.

Depuis son arrivée à Marée-Haute, le chanteur avait convaincu la Presqu’Île de Claquepince des qualités de sa voix et de son talent de musicien. Cela était indéniable. Au-delà de cela, au de-là de ce que tout le monde savait déjà, il avait également convaincu Vaelle de ses qualités humaines. Son humour, ses discussions, sa culture avaient fait qu’il était devenu plus qu’un artiste de passage. Il était devenu son ami. Un ami qui allait la quitter, lui aussi.

Bien sûr, les musiciens étaient nomades. L’âme éprise de liberté et de nouveaux horizons du rhapsode n’échappait pas à la règle. Il avait été convenu tacitement qu’il ne résiderait à Lamarck que pour un temps avant de s’envoler à nouveau… La femme de Monford le savait et pourtant, quelques semaines après son installation, elle s’était prise à espérer que le blond resterait ici. Que cette vie de fêtes et de réceptions ne cesserait jamais. Qu’il ne l’abandonnerait pas. Mais visiblement, il semblait que son destin la forçait à se lier à des aventuriers. Monford et ses voyages. Marillion et ses envies d’ailleurs… Il ne faisait aucun doute que Monterys prenait également ce chemin. Cela la terrifiait. Était-ce elle ? Était-ce de sa faute ? Pourtant, ne faisait-elle pas de son mieux ? N’était-elle pas toujours agréable ? Toujours aimable ? Ne divertissait-elle pas assez ? Que fallait-il donc qu’elle fasse pour qu’on l’aime enfin ? Qu’on l’aime assez pour rester à ses côtés ? « D’abord père et mère, » songea-t-elle. « Ensuite Vaemond… Monford… Maintenant toi, Marillion, mon ami… Tous, vous m’avez tous porté de l’intérêt avant de vous désintéresser… Qu’ai-je fait de mal ? » Il n’y avait bien que son grand-père qui ne l’avait jamais laissée espérer.

La remarque du chanteur la fit doucement glousser. Elle était malheureuse comme les pierres. Mais elle était incapable de lui témoigner la profondeur de sa tristesse. Il était hors de question que la soirée soit gâchée par ses états d’âme.

« Ne vous inquiétez pas, »
rit-elle. « Si vous restez avec moi, vous aurez tôt fait de les voir, mes joues rouges ! »

Et dans sa phrase, sourd était celui qui n’entendrait pas son appel. « Restez avec moi. »

Face à ses mélancolies soudaines, l’alcool s’était révélé être un remède puissant. Les années d’expérience avaient développé son fin palais qui s’extasiait toujours de goûter un nouveau vin. D’y penser réveilla en elle le besoin soudain d’avoir une coupe à la main. Ainsi, elle serait sûrement plus gaie. Le barde, lui, était d’humeur frivole.

« Vraiment ? » lui demanda-t-elle, extasiée. « Je vous attendrai, bien sûr ! Et croyez moi, je ne serai pas la seule ! Alors, ne faites pas languir ces dames trop longtemps… Je prierai les Sept pour que l’hiver ne s’éternise pas. »

La mention de son mari figea un peu son sourire.

« Mon époux ? Je crains qu’il ne partage guère notre goût des arts… »

Monford n’assistait pas aux banquets de Lamarck. Monford n’était tout simplement jamais à Lamarck. Vaelle ne pouvait cependant s’abaisser à lui en faire le reproche. Elle l’aimait trop. Elle l’aimait comme il était. L’emprisonner ici… C’était le perdre. Pourtant, elle mourrait d’envie de le garder près d’elle, de le supplier à chaque fois qu’il partait… N’était-ce pas la même chose pour Marillion ? Se ternirait-il si elle lui coupait les ailes ?

Sa bouche se pinça et elle termina son cake pour empêcher ses lèvres de trembler. Ses enfants… Elle n’avait que Monterys. Son fils adoré, son fils chéri. Elle aurait tant aimé en donner d’autres à Monford. Mais lord Velaryon la délaissait depuis des années déjà. Un vide glacial s’était substitué à sa présence chaude et rassurante. Tant dans son lit que dans son coeur. Elle se sentait si seule.

« Monterys vous aimera beaucoup en revanche, »
lui confia-t-elle. « C’est un enfant très éveillé et curieux. Vos voyages le passionneront, assurément ! J’espère lui donner un frère ou une soeur, un jour… »

Des notes joyeuses résonnèrent non loin. Elle ne voulait pas rester sur le sujet.

« Mais dites moi, je n’arrive pas à croire que nous n’en ayons pas conversé avant… ! Où allez-vous donc voyager ? Les routes ne sont-elles pas dangereuses en hiver ? Racontez moi alors que nous nous mettons en quête de boissons… »

Elle réengagea sa lente démarche en direction des musiciens et des rires des visiteurs, enfoncés un peu plus loin des les jardins, à l’ombre des cyprès rougis par l’automne.  



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An 299, lune 12, semaine 2



Marillion & Vaelle Velaryon



L’atmosphère chargée d’embruns et le ton mélancolique de dame Vaelle plongeaient Marillion dans une agréable torpeur, un état de semi-éveil propice au bourgeonnement des idées créatrices. Marée Haute avait été un véritable havre de paix pour le musicien. Mais la sédentarité, il l’avait connu au cours des vingt premières années de son existence, et il rêvait désormais à d’autres paysages ; celui de Lamarck l’avait enchanté, mais il craignait de s’en lasser s’il y demeurait plus que de raison. Lady Vaelle désirait manifestement qu’il prolonge son séjour, mais il ne pouvait lui céder : c’est aussi les choses les plus rares et les plus fugaces que l’on apprécie le plus, et il préférait qu’elle garde un bon souvenir du musicien, peut-être même quelque peu idéalisé. Il s’était évertué à se comporter de façon irréprochable devant la dame, et savait que son retour à Port-Réal serait synonyme d’une débauche de vin, de jeu et de femmes, comme pour rattraper ses sages soirées sur la presqu’île. Non pas qu’il ne s’y soit pas amusé, loin de là : mais les occupations des nantis sont souvent moins scandaleuses que celles du bas peuple, et les rires des joueurs de cartes comme les cuisses des ribaudes lui manquaient terriblement.

Il ne pouvait cependant partir tel un voleur, alors que la maîtresse des lieux l’avait si chaleureusement accueilli. Il devait s’assurer de lui plaire jusqu’à son départ, car la façon dont elle parlerait de lui à ses amis qui ne le connaissaient point serait déterminante dans la publicité que cela pourrait lui faire. Il lui promit donc, usant de son ton mielleux qui rencontrait un franc succès chez les femmes comme chez les hommes, de revenir au printemps prochain. C’était là une vague promesse, car on ignorait combien de temps l’hiver durerait : mais ce genre d’engagement sembla ravir sa compagne. L’évocation de son époux, cependant, sembla la troubler, car d’une voix plus lointaine, elle déclara :

Mon époux ? Je crains qu’il ne partage guère notre goût des arts…

Son regard se fit amer et Marillion préféra simplement hocher la tête ; il pressentait que dame Vaelle n’avait pas forcément envie d’aborder cette question qui semblait lui déplaire. Elle se ragaillardit en finissant le petit gâteau qu’elle tenait entre ses doigts délicats et reprit :

Monterys vous aimera beaucoup en revanche. C’est un enfant très éveillé et curieux. Vos voyages le passionneront, assurément ! J’espère lui donner un frère ou une soeur, un jour…

Avec un sourire compatissant, il répondit :

Dans ce cas, je l’espère pour vous aussi, ma dame.

Il avait pressenti le léger malaise de la noble blonde lorsqu’il avait évoqué sa famille, et préférait donc ne pas s’appesantir dessus. Ce devait être également le cas de lady Velaryon qui changea prestement de sujet, adoptant un ton plus léger :

Mais dites moi, je n’arrive pas à croire que nous n’en ayons pas conversé avant… ! Où allez-vous donc voyager ? Les routes ne sont-elles pas dangereuses en hiver ? Racontez moi alors que nous nous mettons en quête de boissons…

Ces questions lui firent pincer les lèvres : en effet, les routes pouvaient être dangereuses, en particulier pour un voyageur seul et sans arme. Il s’était procuré un petit poignard qui le rassurait quelque peu, mais qui ne faisait pas le poids face à une lame digne de ce nom. Marillion ne voulait cependant point dévoiler sa nature couarde à son hôtesse, et lui adressa un sourire rassurant tandis qu’il lui emboitait le pas en direction des buffets disséminés dans les jardins.

Je vous avoue n’y avoir réfléchi que vaguement, souffla-t-il. Je songeais aux Terres de l’Ouest… Il se pencha pour attraper deux coupes de vin de La Treille et en tendit une à lady Vaelle. Il parait qu’on y paye bien. Il avala une gorgée de vin. Cela peut vous sembler bien trivial, mais ce genre de considération est très importante pour un musicien itinérant. Sans le sous, je ne peux nourrir le cheval sur lequel je voyage, ou payer l’auberge dans laquelle je loge sur la route.

Il songea à la fortune légendaire des Lannister et ses yeux brillèrent d’avidité. Il ne le cachait pas, il aimait l’argent : mais il avait tendance à le dépenser beaucoup trop rapidement, ou à le perdre au jeu. Il lui fallait donc un réapprovisionnement conséquent afin de pouvoir maintenir son train de vie.


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An 299, lune 12, semaine 2



Marillion & Vaelle Velaryon

Le bras droit glissé dans le creux du coude du musicien, Vaelle cheminait d’un pas tranquille, presque nonchalant, à travers les allées mornes des jardins. L’hôte et l’invité s’avançaient d’un même mouvement, en synchronie parfaite, comme deux vieux amis calquant naturellement leur allure l’une sur l’autre. Contre ses mains blanches et nues, elle pouvait sentir la douceur de la soie et du satin de la chemise colorée de Marillion – était-ce l’une de celles qu’elle lui avait offertes ? – ainsi que la vague forme de ses muscles complètement détendus. A chaque fois qu’elle osait effleurer Monford, il le sentait se hérisser et l’entièreté de son corps se crispait, comme si la peau de sa femme eut été faite de flammes. Il était agréable, cette fois, de ne pas provoquer une telle réaction.

Avec toujours la même intelligence, le barde contourna le sujet qui déplaisait à son interlocutrice. Avec un sourire et une phrase pleine de bienveillance, il laissa derrière eux les contrariétés. En cette dernière et belle soirée d’automne, le Velaryon n’avait pas envie de ressasser les troubles qui ponctuaient son mariage depuis des années maintenant… elle préférait se voiler la face et se convaincre que ce n’était qu’une passade. Que son cœur n’était pas véritablement brisé. Que son mari retrouverait le chemin jusqu’à elle… « Oui, j’ai définitivement besoin de vin, » pensa-t-elle alors que ses yeux furetaient déjà entre les invités, en quête d’un domestique posté là.

Leur petite escapade solitaire prit vite fin alors qu’ils gagnaient le cœur des jardins, là où les nobles et les bourgeois les plus extravagants se trouvaient. Car, on ne pouvait décidemment pas s’oublier au cœur de palais de Marée-Haute ! C’était à l’ombre des fouilles roussies, à la faveur de la nuit et sous le regard d’une lune voilée que l’on pouvait pleinement laisser derrière soi titres, statuts et bienséances. La soirée ne faisait que commencer, mais déjà les femmes riaient à gorges déployées tandis que les hommes, le regard luisant, s’étaient dangereusement rapprochés des dames. L’ambiance était bien différente du buffet où, dans leur dos, les conversations étaient encore guindées et la musique élégante. Ici, entre les arbres morts et le vin, les notes lentes des instruments résonnaient de notes lascives, oscillant entre sensibilité sensuelles et senteurs suaves. Les sourires en coin fleurissaient sur les visages masqués d’ombres, doucement éclairés par les flambeaux aux flammèches capricieuses. Fut-un temps où l’affable et timide Vaelle Celtigar aurait fui pareil décor, peu à son aise parmi tous ces corps. Mais l’adolescente renfermée et solitaire avait laissé sa place à une dame digne de ce nom qui, au contraire, recherchait la culture et les excès.

Le rhapsode lui répondit avec toujours la même assurance tranquille. Elle trinqua avec lui – toujours les yeux dans les yeux – et prit une longue gorgée.

« A la vôtre, dans ce cas ! Et à votre périple à travers les Terres de l’Ouest ! » s’égaya-t-elle.

Bientôt, les convives alentours levèrent également leur verre, à la santé du musicien qui avait durant de si longues semaines égayé leurs soirées et leur quotidien. A la mention de son voyage, certaines dames firent grise mine et tournèrent un regard contrarié vers leur compagnon ou, à défaut, leur verre de vin. Certaines s’essayèrent même à s’approcher subrepticement, désireuse de passer la dernière soirée de ménestrel en son illustre compagnie. Mais Vaelle n’était pas n’importe quelle dame.

« Allons ! » s’exclama-t-elle dans un rire. « Avez-vous déjà dépensé tout votre pécule amassé à Marée-Haute ? Ai-je été pingre ? »

La valyrienne ne pouvait pas penser une seule seconde qu’elle eut été avare. S’il y avait bien une chose qu’elle détestait, c’était bien cela. Ce trait de caractère malheureux lui rappelait trop son grand-père, si proche de son or qu’elle était persuadée que lorsqu’il allait à la selle, c’était bien des pièces qui en sortaient ! Cette seule pensée le fit glousser dans son verre de vin.

« Je détesterais avoir donné cette impression, » continua-t-elle. « Je vous propose quelque chose alors, mon ami. Je vous donnerai bien encore quelques sous pour vos services… mais j’ai grande envie de m’amuser ce soir. Me défieriez-vous à une partie de cartes ? Si vous gagnez, je vous payerai de quoi voyager pendant une lune ! Et si je l’emporte et bien… il me faut y réfléchir… »

Le cœur à nouveau léger, elle finit son verre, un sourire mutin sur son rond minois. Autour d’eux, les curieux s’étaient animés à l’idée des paris. Un trio avançait déjà une table vers Marillion et Vaelle et leur proposait leur jeu. La jeune femme héla un domestique qui s’empressa de la fournir à nouveau en vin.

« Que devrais-je demander à notre bon ami Marillion ? » demanda-t-elle à la petite foule.

« Qu’il reste plus longtemps ! » s’égosilla une femme. « Qu’il reste ! »

« Un baiser ! » ricana un homme rougeaud.

« Une chanson qui vanterait vos mérites ! »

Les idées fusaient de toute part.

« Que consentiriez-vous à m’offrir, Marillion ? » lui demanda-t-elle. « Il faut me surprendre. »
 



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An 299, lune 12, semaine 2



Marillion & Vaelle Velaryon



Lady Vaelle était de loin le meilleur employeur que Marillion ait connu jusqu’ici. Il était grassement payé, logé dans une chambre très coquette et la compagnie des invités lui était fort agréable, bien que celle de son hôtesse fut bien sa préférée. Lorsqu’ils étaient tous les deux, tous les regards se posaient sur ce couple étonnant et parfois jalousé. Les hommes voulaient tous danser au bras de la maîtresse des lieux, et les femmes se pâmaient pour un sourire ou un compliment de la part du chanteur. Leur déambulation dans les jardins les avaient conduits à un nouveau rassemblement, plus intimiste celui-ci, où l’alcool et la musique avaient eu raison des mentalités les plus guindées.

A l’arrivée des deux jeunes gens, l’attention se focalisa immédiatement sur eux, ce qui n’était pas pour déplaire au musicien. Il avait même tendance à élever la voix quand il se trouvait en public, comme s’il assumait que sa conversation intéressait la totalité des personnes autour de lui. Ainsi, quand il confia à la dame qui l’accompagnait qu’il comptait partir pour les Terres de l’Ouest, quelques exclamations de surprise et des soupirs de déception accueillirent cette annonce. Ces réactions spontanées furent cependant éclipsées par le toast que porta lady Vaelle à son attention :

A la vôtre, dans ce cas ! Et à votre périple à travers les Terres de l’Ouest !

Ils trinquèrent, accompagnés par le reste des convives, et Marillion finit le contenu de sa coupe en une longue gorgée. Un serviteur qui passait par là lui resservit un verre de vin corsé tandis que son hôtesse riait à l’évocation de son amour pour les bourses bien pleines :

Allons ! Avez-vous déjà dépensé tout votre pécule amassé à Marée-Haute ? Ai-je été pingre ?

Que nenni, ma dame ! répondit-il, badin. Mais votre mari trouverait certainement bien suspect qu’un simple ménestrel vous ait fait vider les caisses de Lamarck.

Il eut un clin d’oeil appuyé et ressentit l’émoi chez les dames qui papillonaient autour de lui, jalouses de l’attention qu’il accordait à la belle blonde. Autour d’eux, les autres paraissaient être de simples spectateurs de leurs échanges, réagissant aux moindres de leurs faits et gestes. Ce public improvisé semblait autant plaire à sa compagne qu’à lui-même car, galvanisée par les bavards et les curieux, elle continua :

Je détesterais avoir donné cette impression. Je vous propose quelque chose alors, mon ami. Je vous donnerai bien encore quelques sous pour vos services… mais j’ai grande envie de m’amuser ce soir. Me défieriez-vous à une partie de cartes ? Si vous gagnez, je vous payerai de quoi voyager pendant une lune ! Et si je l’emporte et bien… il me faut y réfléchir…

La lady avait visé juste, et cela sans doute à dessein. Marillion était un joueur pathologique, bien qu’il le niait avec véhémence : il ne voyait pas où était le problème dans l’amour du jeu et de l’argent, et se retrouvait souvent sans le sou, croyant pouvoir toucher le gros lot alors qu’il perdait régulièrement la plupart de ses possessions aux cartes ou aux dés. Il lui arrivait parfois de récolter un bon pactole, mais la chance tournait toujours, et il ne parvenait pas à s’arrêter alors qu’il se faisait dépouiller de son butin. La simple évocation du défi fit battre son coeur plus vite et ses yeux brillièrent d’une cupidité qu’il parvenait mal à dissimuler. Il accepta en bredouillant, comme un alcoolique auquel on proposerait un plein tonneau d’hydromel, ses mains tremblantes d’un désir qui n’avait rien de charnel. Peu importe le prix à payer : ce qu’il aimait par dessus tout, c’était le frisson du jeu.

La voix de lady Vaelle le rappela à la réalité :

Que devrais-je demander à notre bon ami Marillion ?

Autour d’eux, une petite foule se formait, criant diverses récompenses, remplissant les coupes des deux futurs joueurs, prenant les paris, se frottant les mains à l’idée du spectacle qui s’annonçait. L’agitation qui régnait en son fort intérieur semblait gagner les convives qui se prenaient au jeu. Tandis qu’ils prenaient place à la table déplacée pour l’occasion, la dame l’interrogeait à son tour :

Que consentiriez-vous à m’offrir, Marillion ? Il faut me surprendre.

Je pourrais vous offrir tout cela et bien plus encore, répondit-il, sa voix se faisant séductrice tandis qu’il contrôlait tant bien que mal l’excitation qui le gagnait. Si vous gagnez, ma dame, je vous offrirais ce que j’ai de plus cher au monde.

Il prit une longue inspiration, et les invités retinrent leur souffle, suspendus à ses lèvres.

Mon luth, ma plus précieuse possession, quoique cela ne vaille pas son pesant d’or. Je l’ai hérité de mon père, riche marchand de Pentos, et c’est avec cet instrument que j’ai appris les arts de la musique et du chant.

C’était un pur mensonge, mais cela, personne ne pouvait le savoir. En réalité, Marillion avait dérobé ce luth à un marchand en vadrouille qui lui avait demandé une passe et qu’il avait égorgé après coup. Histoire peu glorieuse qu’il préférait remanier à sa sauce, comme tant de pans de sa misérable vie embellis grâce à ses talents de conteur et de poète. La seule vérité là-dedans était qu’il tenait à l’instrument comme à la prunelle de ses yeux, car il avait vécu avec lui plus qu’avec n’importe quelle conquête ou compagnon de beuverie.

Cela vous conviendrait-il ? ajouta-t-il d’une voix douce aux accents provocateurs tandis qu’un des convives improvisé croupier distribuait les cartes et que les autres bavardaient à qui mieux mieux, prédisant la victoire de l’un ou l’autre des joueurs.


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An 299, lune 12, semaine 2



Marillion & Vaelle Velaryon

La nouvelle mention de son époux figea un instant son expression guillerette sur son visage. Elle s’immobilisa subrepticement, le verre à quelques centimètres de sa bouche. Le sourire aux yeux et les larmes aux lèvres, elle sentit son coeur se serrer. Autour d’elle, attirés par la présence du ménestrel et la sienne, les invités se tassaient en une petite assemblée compacte qui ne cessait de ricaner et de pépier comme de jeunes oiseaux. La boisson avait rendu la voix des femmes trop aiguë et celle des hommes trop graves. Vaelle pouvait sentir leur souffle sur sa nuque, la tiédeur de leur corps dans son dos, leur mot sans sens dans les oreilles… comme si elle s’obstinait à refuser de faire face à une terrible créature. Où était donc passée l’atmosphère frivole et légère d’il y avait quelques instants ? Les mots du ménestrel l’avaient-ils touchée à ce point ? Elle savait que certains, mais plus encore que certaines, lui prêtaient de terribles histoires avec le jeune artiste. Si elle était toujours sensible à l’avis de ses pairs, l’art, en revanche, ne connaissait pas de limite. Et avec le rhapsode, il n’avait jamais été que de musique… Mais qu’en dirait son époux ? Il ne lui avait jamais fait la moindre remarque, mais elle n’avait jamais été si proche d’aucun artiste…
Au fond d’elle, elle se surprit à espérer une réaction. « N’importe quoi, » pensa-t-elle. « N’importe quoi qui me prouve qu’il ressente encore quelque chose… N’importe quoi. » S’il était jaloux, cela signifiait qu’il l’aimait, n’est-ce pas ? Et s’il l’ignorait… Elle n’osait y penser.

Pour dénouer sa gorge, elle prit une gorgée de vin, en espérant chasser une fois encore ses humeurs maussades. Cela lui redonna du courage et elle ne fit que rire en haussant les épaules à la remarque de Marillion. Elle appuya sa singerie en levant les mains, faisant mine d’avoir été percée à jour. Lady Velaryon était une actrice. Lady Velaryon était une hypocrite. Et jamais elle ne laisserait son public déçu.

Ils s’installèrent à la table abandonnée par les joueurs, dont la pièce qui se déroulait là devenait bien plus intéressante que leur partie de cartes. Ils étaient si proches de la fontaine que l’eau se décomposait en une légère bruine sous le doux vent automnal. Ce contact frais fit du bien à Vaelle dont les joues s’étaient mises à rougir furieusement à mesure qu’elle sirotait son vin.

« Ernst ! » entendit-elle s’écrier, entre le rire et la fausse indignation. « Tu vas être trempé ! »

Un remous dans le bassin lui fit légèrement tourner la tête. Un jeune homme, passablement éméché, venait de se jeter dans la fontaine et avançait à grandes enjambées jusqu’au duo. Il tituba et manqua de s’écrouler, s’il ne s’était pas retenu aux rebords de la table. Vaelle eut un mouvement de recul, accompagné d’un « oh ! » de surprise.

« Vous voilà bien cavalier, jeune homme ! »
plaisanta-t-elle en se recoiffant.

Tous les invités hurlèrent de rire.

« Je n’y voyais rien ! » protesta-t-il en levant les bras au ciel.

Enhardis par les gloussements amusés de la maîtresse de maison, d’autres se joignirent à lui et bientôt, cinq ou six personnes barbotaient entre les jets d’eau, les yeux rivés sur les cartes.

La réponse enhardie de Marillion fit rougir certaines dames et si Vaelle n’était pas déjà écarlate, peut-être aurait-on pu apercevoir ses joues rosir. Pourquoi sa voix tremblait-elle autant ?

Le silence soudain, gonflé de l’attente ménagée du ménestrel, finit par éclater lorsqu’il révélait l’objet qu’il souhaitait mettre en gage. Des femmes soufflèrent des « aaaah », charmées par l’histoire de l’artiste.

« Quelle ignoble femme serais-je de vous priver de votre gagne pain… » s’ébahit-elle, une main sur le coeur. « Mais enfin, si vous insistez, je serai ce monstre… Car je vais gagner ! »

Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle ferait d’un luth - elle n’était pas capable d’en jouer - mais elle cessa de chercher un sens aux choses. L’important était qu’elle s’amuse. Et cela l’amusait beaucoup.
Le croupier improvisé distribua les cartes dans la bonne humeur générale. Une fois les deux tas égaux, Vaelle risqua un oeil sur son jeu et laissa un sourire confiant fleurir sur ses lèvres.

« J’espère que mes chers invités parieront sur leur hôte… Je prendrai très mal de découvrir que l’inverse s’est produit ! » rigola-t-elle en abattant sa première carte.

Jeu en trois manches:



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Valar Morghulis
Valar Dohaeris

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Marillion & Vaelle Velaryon



La dernière des fameuses soirées de Lamarck prenait décidément une tournure de farce comique. Ivres de musique et de vin, les convives se laissaient aller à une débauche toute relative : certaines mains devenaient quelque peu baladeuses, quand d’autre renversaient le contenu de leurs coupes ou s’effondraient même dans les bassins du jardin. Les exclamations de joie et les quolibets fusaient de toute part, et la nouvelle de l’affrontement aux cartes de dame Velaryon et de son musicien n’avait qu’amplifié la cacophonie générale. Cette agitation n’empêcherait pas Marillion de gagner : c’était un habitué des tavernes et des bordels, où le petit peuple s’adonnait à des pratiques qui feraient rougir les invités de dame Vaelle plus qu’ils ne l’étaient déjà.

La partie de cartes commença donc dans une ambiance électrique tandis que les curieux pariaient déjà sur le potentiel gagnant. Dame Vaelle eut un sourire satisfait en découvrant son jeu tandis que Marillion grimaça de dépit. Le croupier avait-il triché en donnant une meilleure main à la maîtresse des lieux ? Non, tu te fais des idées. Il avait tendance à être mauvais joueur, se cherchant des excuses, même improbables, en cas de défaite. Il ne pouvait pourtant s’abandonner à cette aspect de sa personnalité en compagnie de son employeuse. Ce n’est qu’un jeu, se répétait-il mentalement.

Son hôte abattit sa première carte, et Marillion renchérit à la suite. Chaque nouvelle pose s’accompagnait d’exclamations du public, des “ah !” ou des “oohhh…” évocateurs, des rires ou des onomatopés de surprise. Un serveur s’employait tant bien que mal à remplir les coupes de tout le monde, en priorité celles de lady Velaryon et de Marillion, qui pourtant, sérieux comme jamais, n’y touchait plus. Il ne voulait pas perdre. Il ne pouvait pas perdre.

Ce fut néanmoins ce qui arriva. A l’issue de la première manche, le croupier, passablement éméché, s’exclama :

Et la première victoire est pour… hips ! ...Lady Velaryon !

Autour d’eux, le brouhaha reprit de l’ampleur, on réclamait les gains de son pari, on engageait de nouvelles sommes sur la deuxième manche, on criait qu’on voulait plus de vins et de pâtisserie. Leur hôtesse semblait radieuse tandis que le musicien se renfrognait, croisant les bras sur sa poitrine en un geste d’enfant boudeur qui le faisait paraître encore plus jeune qu’il ne l’était déjà.

Z’avez eu de la chance, grommela-t-il, déconfit.

Voyons, vous pouvez encore vous refaire ! rit une femme à côté de lui, et il reconnut la pauvre veuve qu’il avait désigné à Shent afin de se débarrasser de lui. Une autre, plus aventureuse, vint lui murmurer à l’oreille qu’elle lui offrirait un baiser s’il remportait la prochaine manche. Il n’avait que faire de ces donzelles papillonnant autour de la table de jeu et les chassa d’un geste de la main. Il se redressa dans sa chaise, retroussa ses manches comme s’il s’apprêtait à une quelconque besogne, et soutint le regard de la belle noble en face de lui :

Bien joué, ma dame. Son ton était plus amer qu’il ne l’aurait voulu et il se força à sourire, adoucissant ses traits comme sa voix. Mais ce n’est point fini ! Croupier, distribuez à nouveau, ordonna-t-il avec empressement.


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Jeu en trois manches:
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Décorer le silence | ft. Marillion B63eb8eca1085a3141b2b03afd072171
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Décorer le silence

An 299, lune 12, semaine 2



Marillion & Vaelle Velaryon

La lueur vacillante des flambeaux dévoila progressivement les cartes des deux joueurs à mesure qu’ils les retournaient. Autour d’eux, point de tension et de silence anxieux. Partout, on riait à gorge déployée, on bavardait joyeusement avec ses voisins, on murmurait à voix basse, commentant la technique des adversaires. Toute l’attention était cependant concentrée sur la table. Les yeux posés sur elle, sur son dos, sur sa nuque, faisaient grandir Vaelle. Volubile, elle souriait elle aussi, encouragée par les invités qui fourmillaient d’énergie. Tout en plaisantant à droite à gauche, elle abattait son jeu. Elle jetait des coups d’oeil amusé à Marillion qui, lui, avait une mine blanche. Malgré son verre de vin rempli plus que de raison, il s’obstinait à ne pas boire. La née Celtigar quant à elle y trempait les lèvres sans même y penser.

Les yeux verts de la jeune femme s’illuminèrent lorsqu’elle constatait l’évidence, traduite par des mots par le croupier. Elle avait gagné la première manche ! Les curieux qui pataugeaient dans la fontaine s’écrièrent, envoyant de grandes gerbes d’eaux tout autour d’eux.
Coupe ancrée dans la main gauche, elle mima des rapides révérences à l’assemblée, tête baissée, main gauche sur le coeur.

« Bravo ma lady ! » s’exclama une dame entre deux âges non loin d’elle. L’homme à ses côtés - qui était beaucoup trop jeune pour être son époux - avait un bras serré autour de sa taille. « Gagnez-nous ce luth ! »

Le barde affichait une moue amère. Ses yeux fiévreux observaient toujours les cartes étalées, comme s’il voulait s’assurer qu’il avait bel et bien perdu.
Vaelle interpella un domestique, les bras chargés des pâtisseries. Elle en choisit une qu’elle enfourna sans plus de cérémonie et une seconde qu’elle mis de côté. « Je la mangerais si je gagne, » se dit-elle, toute contente.

Son adversaire marmonna tout bas, le visage sombre. La valyrienne mit une main pudique devant sa bouche pleine de brioche tandis qu’elle s’esclaffait en tentant de ne pas ouvrir les lèvres.

« Ce n’est pas de la chance ! » protesta-t-elle après avoir déglutit. « Je suis simplement une excellente joueuse ! Ou alors est-ce le vin qui me guide ? »

Elle termina son verre sous les applaudissements du public improvisé. Certaines femmes, parmi les plus ivres, s’aventurèrent près de Marillion, lui murmurant des mystères, mais il les rabroua d’un vague mouvement du bras. Par chance, l’alcool leur était trop monté à la tête pour en prendre ombrage. Elles se contentèrent de glousser l’une contre l’autre, manquant de trébucher dans la fontaine en tournant les talons.
L’épouse de Monford lança une oeillade surprise au chanteur. « Allons, notre gentil ménestrel qui refuse des avances ? Du jamais vu ! » songea-t-elle. Elle savait le jeune homme volage. Après tout, ce n’était un secret pour personne à Lamarck. Un seul de ses regard suffisait à enflammer toutes les dames dans son sillage. Et combien de fois avait-elle surpris une amante s’enfuir pieds nuits dans les couloirs de Marée-Haute, le teint rose et l’oeil luisant ? « Il est très sérieux. Il ne veut vraiment pas perdre son luth. »
Durant un instant, elle se sentit mal. Et si elle gagnait ? Que faire alors ? Lui retirer son gagne-pain ? Un cadeau de son père ?
Une lampée de vin suffit à éloigner les pensées. Après tout, c’était ce qu’il avait parié !

Mais peut-être n’était-elle pas prête de gagner. Oh, elle avait un bon jeu. Mais déjà, les chiffres dansaient devant ses yeux voilés. Elle dut cligner plusieurs fois des paupières pour que les cartes s’arrêtent de vouloir jaillir de ses mains. La jeune femme gloussait en posant ses cartes, persuadée qu’elle allait remporter la deuxième manche.

« Et cette fois, notre dame s’incline face à Marillion ! » chantonna le croupier en ramassant les cartes.

Vaelle éclata de rire puis singea un coup qu’on lui aurait donné au coeur.

« C’est bien le vin qui me fait faire n’importe quoi ! Marillion, êtes-vous de mèche avec mes domestiques ? Ils se montrent bien assidus dans cette sainte mission qu’est de tenir mon verre plein… »

Accusation sans fondement, pour le seul et unique plaisir de faire rire l’assemblée. Un homme se mit même à asticoter le serviteur. Stoïque, ce dernier ne répondit rien aux taquineries du bourgeois, toisant les nobles ridicules qui se donnaient en spectacle.

« Vous êtes sans pitié ! » plaisanta Vaelle en découvrant son jeu.

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