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Absolution | ft Wayra&Wasen

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Absolution


| Wyl | An 302 |




Se mouvant dans les entrailles de la jument, la vie se tordait dans un sursaut désespéré. Par à-coups presque imperceptibles, le ventre lisse se bombait, vibrait. A chaque fois plus faiblement. Dessinant les reliefs de la bête superbe, l’ombre des arbres paraissaient la caresser. Les branchages bas, aux bras chargés de feuilles en forme d’amandes, frémissaient sous une brise soutenue venue de la mer, dans un bruissement métallique qui était assourdissant. Seul le large tronc noueux d’un olivier centenaire avait empêché l’animal de dégringoler davantage. A cent pas en contrebas du sentier, dans une pente si raide qu’il était presque impossible de s’y tenir debout, l’arbre avait stoppé net sa chute. Si le corps reposait sur les épaisses racines comme si la jument s’y était allongée de son chef, la tête, elle, pendait lourdement dans le vide. Le long du chanfrein nacré s’étirait un épais filet de sang qui s’écoulait lentement, car pour étouffer l’agonie de l’animal, on avait eu la bêtise de lui trancher la gorge. Assis de côté, son genou posé contre la pente de terre poussiéreuse, le roi infâme guettait la mort du poulain avec la gravité d’un dévot. Doublant sa main posée sur le flanc gonflé, ses yeux immobiles fixaient le cadavre de la jument. Le vent variable faisait claquer autour de sa silhouette maigre les habits amples et rustiques qui l’habillaient. Il paraissait seul au monde, entouré du mystère qui gardait les autres à distance, et que les allées et venues d’un homme qui se tenait sur le sentier plus haut ne perturberaient pas. Comme le monotone manège d’un chien attendant son maître, sa tête surgissait régulièrement de par-dessus la courbe lointaine du chemin, attendant vainement de croiser un regard qui ne se souciait guère de son impatience, car il était trop prudent pour oser le sommer en l’appelant. D’un geste plein de respect, le vieux dornien passa une dernière fois sa main sur le ventre de l’animal, puis sur le poitrail, et enfin le long de sa jambe, jusqu’au sabot noir. Avec le temps que lui demandait désormais son âge, l’homme se releva pourtant avec la grâce d’un félin, et il regagna le sentier lentement, mais avec le même pas sûr qu’un fauve.

“Lord Warden.” Le soldat-brigand, qui faisait partie de la milice connue sous le nom des Anjomans dans ces montagnes hostiles, désignait au Wyl quelque chose dont ce dernier ne se souciait pas encore. Et plutôt que de prêter attention à cela, il interpella un autre homme vêtu de noir sur tout autre chose. “C’est fait?” S’écartant d’un pas, l’anjoman laissa libre la vision que cherchait son maître. En contre-bas, dans un pan dépourvu de la moindre végétation, se distinguait la forme sombre d’un homme. Les bras écartés, son dos ainsi que tout son corps étaient collés à la pente, cherchant avidement un point d’ancrage dans la terre rouge et friable. Ses suppliques remontaient, portées par l’air marin. “Aidez-moi…à l’aide je vous en supplie!” Il parlait à peine, et pour cause: les boyaux qui luisaient à travers son bas-ventre tranché le poussaient à ne pas s’égosiller. La tête couverte de poussière ocre du voleur se releva pour parvenir à poser son regard sur celui à qui il avait voulu voler. “Pardonnez-moi.” Il articula ces mots en les prononçant à peine, pourtant il fut parfaitement compris, malgré la distance qui le séparait du chemin et des anjomans. Le garçon manquait de chance, car en dépit de son larcin, il avait éveillé chez le Roi Sauvage une très certaine admiration. Mais il avait choisit de voler la meilleure jument, celle dont le ventre abritait une monture que le roi s’était réservée. Et ce n’était pas l’irrespect de son geste, mais bien la perte qu’il avait causé, qui lui valait une punition si terrible. “Lord Warden, ils sont en chemin.” Désintêressé d’un spectacle dont ils avaient l’habitude, les hommes de Warden Wyl avaient leur attention portée sur les silhouettes encore floues de cavaliers pénétrant dans des gorges à moins d’une lieue de là où ils se trouvaient. Traçant un chemin plus clair dans la poussière, un couteau glissa le long de la pente, et par un tour que seule l’ironie de la fatalité pourrait expliquer, il s’arrêta à une longueur de bras de la tête du voleur adolescent. Sans hésiter, le garçon étira son bras du plus loin qu’il lui était possible de faire, pour se saisir de la chance qu’on lui donnait de s’offrir une mort plus rapide, et cela força davantage le respect de son bourreau. Mais la noblesse n’avait jamais eu sa place dans ces montagne, de même que les héros, et à peine les doigts fins de l’enfant avaient-ils éffleuré la lame que son corps l’entrainait dans une chute à l’issue fatale. La main ouverte vers le bas, à la manière d’une mystérieuse idole offrant son pardon, le dornien ne trembla pas au son macabre du corps rencontrant les rochers.

Ses pensées étaient encore perdues dans la réflexion que lui avait inspiré l’audace du jeune homme quand le son distinct de chevaux approchants se fit entendre. Autour de lui, les coursiers surlesquels ses hommes avaient repris place s’agitaient, lassés de leur immobilité. Le galop qui s’approchait semblable à un coup de tonnerre leur inspiraient le désir de cavaler à leur tour. “Lord Warden, Lady Wayra et Lord Wasen sont là.” Dangereusement proche du bord du sentier, le Wyl leva sa main pour faire comprendre qu’il n’avait ni l’usage ni l’envie d’en entendre davantage de la bouche du brigand, car il avait troublé le chemin de sa pensée. Les vautours étaient nombreux à tournoyer lentement au-dessus d’eux, attendant patiemment de pouvoir goûter aux dépouilles. Le corps du jeune voleur était tordu et sans vie. De son crâne s’était écoulé une large tâche qui avait assombrie la roche, mais qui avait déjà cessé de grandir. “Laissez-nous. Considerez que votre journée est terminée.” Sans se faire prier, les hommes aux accoutrements noirs talonnèrent leurs montures, et disparurent aussi soudainement qu’une bourrasque. Le soleil allait à son zénith, et la chaleur qui écrasait les montagnes aurait vite été insupportable pour n’importe qui d’autre. Il n’y avait pas d’ombre sur ce chemin, sinon celle du seul arbre dont les branches venaient porter un peu de fraicheur au pur-sang rouge qui l’occupait. Il s’était cabré au départ de ses semblables, mais se contentait désormais d’exprimer son impatience en grattant avidement le sol rougeâtre de son sabot. Se retournant enfin, le vieil homme se dirigea tout droit vers l’animal, passa devant les deux cavaliers, et se mit à parler tout bas en ne s’adressant qu’à lui, apaisant sa fougue en carressant l’encolure luisante, tout en tenant dans l’autre main le montant de la bride. Sa voix sonnait comme une prière étrange et sans fin, ses mots étaient prononcés d’une voix si basse qu’ils en étaient incompréhensibles, cependant il avait l’entière attention de l’entier désormais calme. D’un geste rapide et expert, ses mains desserrèrent la sangle, promettant au cheval tout comme à ses deux enfants qu’ils étaient tous là pour un moment. “Porte davantage de bijoux et tu finiras par aveugler définitivement ta monture.” La remarque, cinglante, était soulignée d’un demi-sourire qui n’était jamais annodin sur le visage émacié du Wyl. Il s’était enfin tourné vers ses deux ainés et les jaugeait. Il n’était pas difficile pour lui de lire sur leurs visages et dans le moindre de leurs gestes ce qu’ils pensaient réussir à lui cacher. “Voyez, ce garçon a ôté à nos écuries sa meilleure poulinière.” Tout en enlevant son turban, il désigna d’un geste de la tête le vide qui s’ouvrait derrière eux, comme si le jeune homme en question se tenait debout au bord du chemin. “Il faudra du temps avant que ne naisse de nouveau une jument comme elle. Je vous serez gré de laisser le maître d’écurie user de ces deux-là pour engendrer des poulains dignes d'elle, puisque vos fessiers reposent sur les meilleurs éléments qu’elle nous ait donné.” Tout en ne cessant de parler, son attention se porta à la tête du cheval à la robe claire sur lequel Wasen se tenait. Ses mains parcouraient le chanfrein à la recherche de défauts. Commentant la finesse du profil de l’animal et l’éclat de la robe, il menait en bâteau la curiosité de ses enfants quant à la raison de leur présence ici. “…mais assurément c’est elle qui lui ressemble le plus. Sa noblesse de caractère se lit dans ses yeux.” D’une main il tenait maintenant fermement la bride du cheval de sa fille. Un observateur avisé aurait vu là la parfaite métaphore de l’emprise du Roi Sauvage sur son aînée, et c’était bien là l’image que ce dernier voulait afficher devant elle et devant son fils retors. “Oui. Ce serait du plus bel effet. Quel meilleur présent pour un époux qu’un fils ou une fille de celle-ci.” Un éclat éclaira ses pupilles à la manière du soleil éclairant le plat d’une lame.



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Absolution

Les Montagnes Rouges, an 302, lune 5, semaine 4



Warden & Wasen & Wayra

Dans les coursives circulaires de Wyl, le soleil impitoyable s’engouffrait à travers les rideaux, les colonnes et paraissait même capable de se glisser au travers des murs. Sur les dalles blanchies, l’ombre n’existait que grâce aux lourdes poutres de marbre qui laissait s’alterner un damier semblable à un jeu d’échec où les cases auraient été des lignes. Cette alternance de lumière et d’obscurité faisait cligner des yeux et la chaleur remplissait la cour centrale de silences, brisés uniquement par des soupirs.

Attablée, Wayra observait par les moucharabieh la tranquillité paresseuse du début d’après-midi. Non loin, les fontaines chantaient joyeusement, indifférentes à la fournaise qu’étaient devenues les Montagnes Rouges. Leurs voix semblaient même se moquer des hommes, tapis dans l’ombre, qui suffoquaient en silence. Pourtant, la miséricorde d’une brise chaude venait parfois arracher à l’eau quelques gouttelettes salvatrices qui parvenaient à s’échouer sur la peau hâlée de la brune. Les domestiques avaient placé de grandes cruches d’eau à l’ombre des balcons, espérant profiter de leur fraîcheur éphémère. Quoique les autres westerosis pensaient, les dorniens étaient, eux-aussi, sensibles aux rayons. Ces derniers temps cependant, les après-midis écrasants ne duraient plus que quelques heures. En disparaissant, le crépuscule amenait avec lui son lot de fraîcheur et dès la tombée de la nuit, les marchés s’animaient à nouveau et la vie reprenait son cour. L’hiver était une époque faste pour Dorne qui voyait le désert fleurir et les cultures reprendre. Alors que tout le reste du continent gèlerait, eux, prospéreraient.

La table devant laquelle se tenait la fille du Roi Sauvage en témoignait. On ne comptait plus les ribambelles de fruits, les petits pains aux épices et les différentes variétés d’olives qui s’étalaient. Affamés, Worian et Wynn dévoraient en silence. Une habitude qu’ils avaient en commun. Après un rapide et gargantuesque repas mutique, Wynn redevenait volubile et Worian s’adonnait à une sieste bien méritée. Bien souvent, ils mangeaient tous les trois. Leur mère, malgré ses années passées à Wyl, ne supportait pas la chaleur étouffante qui lui coupait l’appétit. Quant à Wasen, il n’était tout simplement jamais là.

« Tu ne manges pas ? » lui demanda son frère et s’essuyant la bouche d’un revers de main.

Wayra grignotait un matlouh d’un air absent.

« Pas faim. »

« Je prends ta part. »

Il s’en empara d’un geste sec, sous l’oeil envieux de sa jumelle. Il ne faisait aucun doute qu’elle lui aurait volé son trésor avant la fin du repas. Cette dernière interrogea son aînée du regard, mais Wayra lui répondit d’un geste de main que tout allait bien. Elle était de mauvaise humeur sans raison, comme cela lui arrivait parfois. Il n’y avait dans ce cas rien d’autre à faire que d’attendre le matin suivant en espérant que l’aura maussade disparaisse.

Un domestique poussa les voilages de soie qui séparait la pièce décorée de tapis du couloir. Il se présenta à eux bien humblement, conscient que troubler le repas des Wyl était un outrage. L’oeil noir de Wynn le lui rappela une nouvelle fois. Il se garda pourtant de frissonner, conscient que le moindre signe de faiblesse paru devant les vipère signerait son arrêt de mort.

« Lady Wayra, votre père vous demande. »

Elle se redressa avec un râle, ankylosée d’être restée assise trop longtemps. Décidément, son père choisissait toujours les pires moment de la journée pour la rappeler à lui. Qui, en dehors de lui, s’acharnerait dans les montagnes par un après-midi pareil ?

« Où est-il ? »

Il l’attira à sa suite après une dernière révérence vers les jumeaux qui ne le regardait déjà plus. Le déjeuner abandonné entre leurs doigts, ce serait maintenant au plus rapide de faire un véritable festin. Dans le couloir, la brune entendait déjà des protestations s’élever.
La carte étudiée et Abeyan déjà scellée, Wayra n’avait pas fait trois pas en dehors de la forteresse que des sabots retentirent derrière elle. Wasen, éblouissant, scintillait sous le zénith. Sa bouche se tordit en une moue dédaigneuse. Qu’est-ce que leur père leur voulait à tous les deux ? La présence de son cadet devenait derechef suspecte.

« Ah, tu viens aussi, » annonça-t-elle comme si cela n’avait pas été une évidence. « Dans ce cas, allons-y. »

De sentir son frère à ses côtés l’embarrassait. Il était si gauche dans ces montagnes qu’il avait oublié, tellement peu à propos, que de croiser des bergers l’emplissait de honte. Elle aurait préféré qu’il ne soit pas là.

Arrivés dans les alentours du point de rendez-vous indiqué par le domestique, la petite troupe du Roi Sauvage ne fut guère difficile à repérer. Après tout, ils n’avaient aucune raison de se cacher en terrain conquis. Les silhouette noires se dressaient au milieu de la poussière rouge comme des carcasses d’arbres morts. Comme si leur présence les eut fait fuir, ils disparurent en silence, s’accompagnant uniquement du bruissement de leur cape et du souffle d’air tiède soulevé par leur course. Bientôt, les bruits s’estompèrent et il ne resta plus que Warden, Wasen et Wayra.

La Roi Sauvage délaissa le précipice qui avait eut jusque-là toute son attention pour calmer son cheval. Dans un silence presque religieux, la fille aînée observa son père marmonner des paroles inconnus. Un regard discret vers son cadet l’informa que lui aussi ne bougeait pas un muscle.
Enfin, il tourna vers eux son regard sombre et magnétique. Sa remarque la fit expirer un peu plus fort, lasse des manies du fils d’Amareï. Elle devait bien lui reconnaître sa volonté car malgré les critiques et les moqueries, il ne se défaisait pas du moindre collier et les mêmes pierres précieuses se trouvaient, tous les matins, à encombrer ses vêtements.

L’annonce de la mort de la mère d’Abeyan fit fermer les yeux à la vipère qui se massa le front. Ce qui c’était passé lui importait peu. Seul le résultat comptait. Elle ne se préoccupait nullement de la cause d’un tel carnage, l’air calme de chef des Anjoman lui informa que la dette avait été payée.
Attentif, il admirait les deux destriers de ses enfants tandis que l’impatience de Wayra grandissait. Celle-ci fut cependant adoucit par le compliment adressé à sa jument qu’elle prit comme s’il lui était destiné. L’animal était un des rares êtres pour lesquels elle exprimait ouvertement sa tendresse et elle la félicita d’un flottement d’encolure.

« Vous avez sûrement raison… » commença Wayra en mettant pied à terre.

De laisser Abeyan se faire engrosser ne lui plaisait guère. Pleine, elle ne pourrait plus la monter et elle devrait se trouver un autre compagnon de route.

« Mais de quoi parlez-vous ? » reprit-elle. « Vraiment, cette famille aime ménager son effet. »

Une lubie que l’on retrouvait presque chez tous les membres et dont la fille aînée du Roi Sauvage se trouvait mystérieusement épargnée. Ce déficit la plongeait souvent dans l’égarement puisqu’elle ne comprenait que tardivement les allusions et les phrases qui n’étaient pas directes.  
 

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| Wyl | An 302 |





La forteresse de Wyl. Maison, tenta-t-il de songer. Sans y parvenir. Blotti dans le beau désordre de ses pensées, son esprit était encore englué de rêves sordides. La pipe était désormais presque éteinte: sa fumée, maigre et chancelante, avait la torsion de la fin. Ses fruits étranges avaient poussé dans ses poumons et dans ses veines le seul remède à sa lassitude, et le jeune homme ne souciait guère de savoir que c'était un poison. Sous ses doigts, la pression du sol frais lui laissa une désagréable sensation de nausée au creux du ventre qu'il tenta d'essuyer en passant d'un geste mou et oublié sa main sur l'interminable patte raide d'un des chiens de son père allongés à ses côtés, sur les dalles. Sa prise sur la réalité, Wasen la devait à ses yeux seuls, et la réalité n'était que les bribes d'un salon isolé qu'il se souvenait avoir un jour appelé "sa chambre". En effet il y avait bien un lit qui lui était destiné dans cette longue pièce bizarre. Puisqu'il exigeait qu'on en maintint constament clos les lourds vantaux, les ans et le sel avaient abîmés ces derniers jusqu'à créer des soeurs aux persiennes effilées; On aurait dit des encoches arrachées par une volée de flèches précises et bourdonnantes dans le bois noir, et qui apposaient sur l'obscurité liquide de sa prunelle des points de jour épars et songeurs. Des générations qui l'avaient précédé, la chambrée avait-elle connu un occupant aussi dépité qu'il l'était? Le dornien avait parfois rêvé à ces hommes dont on ne savait presque rien, mais dont il était sorti, et dont la race s'était, pour un temps, arrêté à lui.

S'il ne se tourna pas immédiatement, le trouble qui arqua soudain le panache de fumée agonisant l'avertit de la venue d'un serviteur. Il l'entendit à peine s'adresser à lui, et formuler quelque requête qu'on lui avait demandé de lui soumettre. Mais devant l'indolence dédaigneuse et frivole du corps mince allongé à même le sol sur un enchevêtrement de coussins brodés aux pampilles machées par les grands lévriers endormis, le jeune domestique se permit de répéter, d'une voix plus forte, avant d'ajouter:" Votre cheval est prêt, Lord Wasen. Je...Je pensais que vous m'aviez entendu tout à l'heure. Ils vous attendent." Précisa-t-il en devinant l'expression vaguement intriguée du jeune maître face à l'urgence soudaine dont on l'accablait tandis qu'il observait ce dernier se relever péniblement du sommeil des sens.

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L'annihilation blanche le poursuivit jusque sur les routes chaotiques. Les vues s'étalaient sous son regard, immuables, et sotes, comme tout ce qui refuse de changer. L'Hiver n'était, ici, rien de plus qu'un courant d'air. Cela suffisait cependant à le faire frissonner parfois. Seul un autochtone pouvait palper l'insipide saison: cette haleine froide qui stagnait dans l'air encore chaud de la gorge dornienne. Mais ce furent les soubressauts répétés de sa monture qu'il manquait de guider à travers les rochers, et non la bise, qui soutirèrent les dernières traces d'émanations exotiques à ses poumons encombrés. Enfin, c'était sa conscience, encore chancelante mais malgré tout présente, qu'il avait recouvrée lorsque la frise noire des hommes du Roi Sauvage apparut devant eux. On eut dit une frange de cyprès. Et parmi eux, une silhouette plus haute que les autres se distinguait. Fauve et sombre. Au bord d'un précipice.

Wasen était circonspect. Il ne parvenait plus depuis longtemps à lire dans les atmosphères chargées des sinistres qu'épuisaient les brigands dans ces falaises spectaculaires. Inadapté, depuis son âme coquette jusqu'à la langue de son père. Porte davantage de bijoux et tu finiras par aveugler définitivement ta monture. Le fils résiliant fixait son regard vers le sol avec l'attitude soumise de ceux qui ne s'autorisent jamais à intervenir. Les sautoirs de grenats entrelacés sur sa poitrine et tombant jusque sur ses cuisses faisaient scintiller ses yeux noirs, frais et acides.

Son maigre instinct de frère porta son attention sur Wayra. La satisfaction de cette dernière aux éloges équestres de leur père, il la ressentait sans avoir besoin d'appuyer sur elle son regard. Sa docilité lui laissait un poids certain sur le coeur. Et pourtant, sa mince épaule s'agitait convulsivement sous les plis de la tunique; il sentait dans sa gorge le rire délicieux qu'il étouffait.

"C'est qu'il faut t'expliquer lentement pour que cela ne soit pas en vain." s'entendit-il soupirer face à l'impatience de la brune. Debout entre les deux moreaux, drapé de sa tunique crème cousue de fleurs de bougainvilliers, et couronné des cheveux hérités de sa mère, il se sentait presque content, à sa place d'éternel étranger.
Son étalon remuait entre ses jambes, fiévreux, lorsqu'il se laissa glisser du dos de l'animal jusqu'à poser la pointe fine de sa botte dans la poussière. Le nez du cheval s'appuyait sur le sol de rocailles. Par une série d'à coups inquiets, le duvet de sa lèvre supérieur frémit tandis qu'il soufflait et éructait doucement à l'odeur du sang gatant le désert. Le sable courait contre la pierre, éparpillé par ses soupirs.

Les intentions de son père étaient encore dissimulées pour moitié dans le sarcophage des pensées de ce dernier. Un schéma distinct se dessinait pourtant. L'avenir proche scellerait dans la vie de son ainée une soumission quasi totale aux calculs paternels.
"Quand?" siffla Wasen à l'adresse du patriarche. Il s'affalait alors contre l'arbre solitaire près duquel il avait guidé son étalon. Pour parer la fraicheur que l'immobilité accentuait, le dornien avait entouré ses épaules d'une peau de léopard qui, jusqu'alors, trônait en guise de tapis de selle, comme pour parachever l'extravagant spectacle, et carressait la croupe de l'étalon de ses pattes mortes.
Ce serait donc bientôt jour de mariage dans le clan à la vipère d'ébène. Car ses réticences seules n'avaient aucun pouvoir. Et car rien dans le corps puissant de sa soeur ne ployait jamais assez bas aux yeux de Warden. Ces yeux que la lumière oblique flatte de reflets de plomb fondu.




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