Je suis ser Glendon de Houëtt et voici mes compagnons Emmett, dit Emmett-en-fer des patrouilleurs et mestre Harmune.
Jacaerys salua avec chaleur le chevalier tout vêtu de noir et serra la main du patrouilleur. Surpris par la poigne de l’homme, il ne put s’empêcher de faire jouer ses doigts pour faire passer leur engourdissement. Après un rapide signe de tête au mestre et un sourire tout aussi vite échangé, le chevalier nota son nez rougi et les traits typiques d’un homme porté sur la bouteille. Mais alors qu’il frissonnait sous ses épaisses fourrures, l’Amiral ne pouvait que comprendre de trouver réconfort et chaleur dans la bouteille. Il se tourna plutôt vers le Bieffois.
Vous êtes de la maison Houëtt des îles Bouclier ?
Oui-da ser Jacaerys. Il est rare de voir un homme de la Couronne connaître les maisons des îles.
En ma qualité d’Amiral des Marées j’aime m’intéresser à de tels détails. Cotter Pyke est toujours le commandant de Fort-Levant il me semble ?J’ai besoin de m’entretenir avec lui.
La lettre que le roi avait montrée à Jacaerys, et l’avait fait frissonner au cœur de la nuit hivernale de Port-Réal, faisait mention du mestre et de son souhait de dissection qui avait amené au désastre et à la mort de certains. Il se tourna aussi sec vers Harmune et lui enjoignit de rester à ses côtés lors de son entretien avec l’officier de la Garde de Nuit. Il demanda également à Emmett d’attendre l’arrivée de William et de l’aider. Alors seulement l’amiral emboîta le pas à Ser Glendon.
L’homme était plus silencieux qu’à son tour et maussade par-dessus le marché. Cependant, il était plus policé que la majeure partie des hommes dont l’origine criminelle se lisait parfois sur leurs visages vérolés, leurs oreilles manquantes et autres blessures. Mais Jacaerys ne pouvait que se satisfaire de voir ces mêmes criminels au travail. Malgré la punition de finir sa vie si au Nord, les prisonniers que le roi avait sortis de ses geôles avaient avait vaillamment rendu grâce à l’Amiral en apprenant le métier de marin. Certains en sortaient plus solides ou plus doués de leurs mains et avaient goûté à un certain repos. Du moins l’espérait-il. Pour le reste de cette lie, le chevalier ne pouvait qu’espérer que la discipline de fer de la Garde ferait son œuvre.
Jacaerys fut introduit au commandant de Fort-Levant, un odieux personnage répondant au nom de Cotter Pyke. L’homme était laid comme un pou, avec des épais sourcils, des cheveux gras et un semblant de barbe destiné à cacher son visage grêlé par la vérole. Cependant, pour l’avoir déjà rencontré, l’Amiral le savait bon marin, bon commandant et, malgré son caractère emporté, un solide combattant. Seules ses manières, et sa haine générale de la noblesse l’empêchaient seulement d’apprécier le bâtard des îles de Fer. Ça et son ascendance sept fois maudites par les dieux. Force de constater que le sceau de la lettre portée par l’Amiral était bien vrai, le commandant se plia en quatre – se montrant moins revêche qu’à son habitude. Après avoir convié Jacaerys à s’asseoir et lui avoir servi un verre d’hydromel bien chaud, il narra du mieux qu’il put l’histoire que l’homme était venu raconter.
Cinq hommes, j’avais envoyé cinq foutus gars dans la forêt hantée. Ils devaient simplement s’enfoncer jusqu’au cap. Pas aller plus loin puis revenir fissa. Comme nous avions pas eu de nouvelles, je les ai déclarés morts après avoir envoyé deux patrouilles à leur cul. Pouah, malédiction que voilà.
Jacaerys hocha la tête et demanda à l’homme de continuer son histoire du regard. Pyke s’exécuta.
C’est une autre patrouille qui nous a trouvé ces trois damnés. A pas deux lieues d’ici ! Comme si qu’ils essayaient de rentrer au bercail. Mais gelés qu’ils étaient, difficile de faire un pas de plus. M’enfin, mes gars et moi on les a ramenés à la maison. Histoire de dire les bonnes phrases et pis eh ! Fallait bien les enterrer. On ne laisse pas pourrir nos hommes au fin fond des bois ! C’est alors que le mestre a voulu les observer.
Oui tout à fait, répondit le mestre en sursautant tout occupé qu’il était à siroter bruyamment son gobelet. Il me fallait comprendre la raison de leur mort. Je les ai bien observés, dénudés. Wyllas et Gordon Stone portaient tout deux des traces d’épées au travers leurs corps, oui-da. Merle-Bout-d’os avait la tête à moitié arrachée. Mais rien ne semblait expliquer ce qu’ils faisaient ici. Une attaque si proche du Mur… Et impossible que nos frères envoyés à leur recherche ne leur soient pas tombé dessus…
Je comprends tout à fait mestre, le reprit sèchement Jacaerys, impatient de connaître la suite. Mais qu’en est-il de cette fameuse attaque ?
M’y voilà, m’y voilà. J’étais parti me reposer et également écrire des notes à l’intention de mestre Aemon, à Châteaunoir, pour qu’il puisse en faire part à notre Lord Commandant. Soudainement m’est parvenu un cri…